La Feu lui déclare qu'elle est là. Et que c'est déjà beaucoup. Alice est consciente qu'il y a quelques semaines, Adélaïde n'aurait pas tenu le même discours. Pas comme ça. Pas pour cela. Ca réchauffe un peu le petit corps de la Terre. Elle fera des efforts pour être présente. Pour être Alice. Peut être que lorsqu'elle y arrivera, elle lui en parlera.

Elle se lève et vient avec Alice, regarde ses dessins. Elle sourit. Alice n'écoute plus ce qu'elle pense, mais elle peut voir l'émotion qui transparait sur son visage. Elle a l'air touchée par ses dessins. Elle complimente son seul réussi. Elle se met à sourire. Parce qu'elle la croit sur parole, pour cela.

« Merci. Je suis contente qu'il te plaise. Je pense que c'est le seul que je garderai dans mes présentables. »

Alice trie ses dessins. Ceux qu'elle ne veut plus. Et ceux qu'elle apprécie. Celui-ci, elle l'apprécie. Au moins un peu avant. Et maintenant bien plus. Parce qu'elle était heureuse d'avoir réalisé quelque chose qui plaise à Hamilton. En fait cela lui faisait du bien de l'entendre dire cela.

La Terre se tourne vers elle lorsqu'elle l'appelle par son prénom. Leurs yeux se rencontrent. Le temps s'arrête doucement, les bruits du dehors s'éteignent. Alice se laisse happer par les disques verts de la Feu, elle se laisse porter par ses propres émotions. Elle ferme les yeux le temps qu'elle se penche et embrasse doucement son visage.

Elle sourit de nouveau. Allez Alice. Abandonne un peu ta tristesse, laisse-toi porter par cette Hamilton renaissante, et pourtant si fidèle à elle-même. Elle croise ses doigts dans les siens. Penche doucement la tête sur le côté, et répond, tout bas.

« Toi aussi. Beaucoup. »

Elle vient attrape son autre main, avec sa douceur si habituelle. Lentement, prenant le temps de s'approcher, ne pas la brusquer, elle vient poser sa tête contre son épaule. Le silence règne sur les deux jeunes femmes. Un long moment, au milieu des feuilles de papier. Et puis Alice demande, tout bas.

« J'ai envie qu'on soit... Ensemble. Aujourd'hui. J'ai envie... »

Petit silence. Respiration. C'était un peu plus compliqué de parler, aujourd'hui.

« J'ai envie qu'on soit heureuse ensemble, aujourd'hui. S'il te plaît. »

Son visage caché, Alice se permet de relâcher ses traits. Lasse, un peu apeurée. Un peu triste. Elle a peur de la réponse. Elle a peur de se mettre à pleurer si Adélaïde n'en a pas envie. Mais elle en a envie, trop pour ne pas le demander. Alice serait déjà heureuse, si Hamilton lui répondait qu'elle était d'accord. Juste une journée. Une journée pour aller mieux.

Nous n’avions pas été aussi proche depuis longtemps. Je ne sais même plus depuis quand. Nos doigts croisés. Nos souffles qui s’entremêlent. Ses yeux, si près des miens que je pourrais m’y noyer. Tout bas, elle me dit que je lui ai aussi manqué. Son autre main rejoint la mienne et sa tête mon épaule. Ses gestes sont lents, me laissent le temps de les anticiper, de les accepter. Elle fait si attention à moi.

Le silence s’installe dans notre bulle. Ma tempe glisse contre le sommet de son crâne. Mes paupières s’abaissent et, pour une fois, je laisse la chaleur humaine envahir mon corps et la protection du cocon rassurant qu’est la Terre m’enrober tout entière. Nous restons un long moment ainsi, comme si nous allions pouvoir rattraper le temps perdu, comme si d’un câlin éternel, nous pouvions tout réparer. Est-ce au moins réparable ?

Mais il faut bien que la vie reprenne son cours et c’est la Terre qui sonne le gong. Allez. On se relance. On reprend. Comme si de rien n’é-

Non. Ce n’est pas pareil. Mes sourcils se redressent imperceptiblement sous la surprise. Je n’ose bouger, Alice parait disparaitre contre moi et je ne veux la déloger. A mon tour d’être cocon. Elle veut que nous soyons ensemble. Heureuses ensemble. Aujourd’hui.

Je déglutis. Cela fait mal. C’est si douloureux.

- Bien sûr que nous le pouvons.

Evidemment, Alice.

- Alice… J’ai envie que nous soyons heureuses. Ensemble. Aussi longtemps que possible.

Je voudrais me réveiller chaque jour aux côtés de ton sourire. Je voudrais que tes yeux ne perdent jamais leur éclat. Je voudrais pouvoir me leurrer, me mentir à moi-même et être persuadée que tu n’iras jamais mal. Je voudrais que tu sois incassable pour ne jamais craindre de te voir briser, de te briser. Alice, j’aimerais être ta force, celle qui permettrait à ton rire de chaque jour résonner. J’aimerais ne jamais te faillir, ne jamais plus te laisser. Alice, je ferai tout. Tout pour que jamais une larme n’échappe à tes océans. Les vagues ne sont splendides qu’en Ecosse, sur ton visage, je ne veux voir que mer d’huile.