J'aurais pas du parler des papillons. Non vraiment, mauvaise idée. Maintenant elle va absolument vouloir en faire et c'est ma signature à moi quoi. J'partage pas zut. Enfin bon, on y va, on y va. Pas la peine de sauter sur place. Je hausse juste une épaule quand quand elle me sort qu'elle va pas me forcer si j'aime pas les câlins. Ouais bah j'fais pas trop le contact affectif avec des connaissances hein. Désolé.

Je rigole doucement quand elle me sort qu'elle est Feu et pas Tonnerre. Bah les étincelles ça peut être du feu aussi non ? Ou alors on dit plus flammèche ? J'vais pas l'appeller Miss Braise, c'est trop flatteur pour un surnom. Moi j'trouve que ça lui va bien.

— Content de voir que ça te plait. C'est juste une salle d'entrainement, hein.

C'est clair qu'il y a personne vu que c'est l'heure du repas. Les gens viennent plus en début ou en fin de journée en général. Et puis son regard trop plein d'espoir là… Bon ok. Je soupire doucement.

— Ok, ok. J'te montre deux ou trois trucs s'tu veux.

Je me mets face à elle et commence par produire une petite bille de feu au creux de ma main.

— Ca c'est la base, la boule. C'est déjà pas mal si tu arrives à faire une sphère de feu dans ta main sans te bruler.

Je commence à modifier la forme lentement, lui faisant prendre tour à tour une allure de papillon, d'étoile à six pointes, de bonhomme rudimentaire puis d'un petit dragon.

— Ca dépend de ton imagination et de ta concentration après. Mais vu que t'es pas initiée depuis longtemps, tu devrais t'en tenir à des formes simples.

Je souris en coin. Quitte à faire une démonstration, j'peux bien frimer un peu. Mon petit dragon devient un peu plus gros. Un dragon chinois d'environ un mètre de long qui se met à sinuer autour de nous dans la salle avant de se disperser dans une nuée de petites étincelles qui disparaissent.

— Ca c'est pas encore trop de ton niveau. Quand tu seras Etoile, surement.

Sibylle est impatiente de voir Huo a l’œuvre, parce que c’est clair qu’il va lui montrer des trucs, non ? Il ne va quand même pas refuser ? Pas après lui avoir demandé avec autant de sérieux et rappelé qu’elle se souvenait qu’il ne voulait pas être son prof. Il ne craint rien, non ? Il accepte… IL ACCEPTE ! La rouquine se retient d’exploser de joie, parce que l’homme s’est mis face à elle et lui montre déjà une petite bille de feu qu’il a créé dans sa main. « Wouuuuuuuuaaaaaaaaaaa ! », dit-elle, manifestement admirative. C’est qu’il tient super longtemps ! Elle, à chaque fois qu’elle a essayé, c’était une toute petite flammèche qui a disparu aussi vite qu’elle est arrivée. « Pa’c’qu’on peut s’brûler avec nos pouvoirs ? C’est trop nul alors ! », s’exclame-t-elle quand elle réalise ce que Huo lui a dit, mais l’Allemande se tait, parce que la forme du feu change. Elle regarde émerveillée le papillon, puis l’étoile, le bonhomme et enfin, le dragon. « Wouuuuuuaaaaaaaaa ! », se contente-t-elle de sortir dans un souffle, avant de hocher la tête, attentive aux paroles de l’homme.

L’ex-danseuse ne perçoit pas son sourire, tant elle est attirée par les flammes, comme les insectes nocturnes vers la lumière. Le dragon prend de l’ampleur et se déplacer dans l’air autour d’eux. C’est si beau ! Sibylle suit machinalement de la main, dans un léger mouvement délicat et gracieux, la danse de la créature chinoise. Ça l’inspire. Dans sa tête, elle imagine des pas, des gestes, un ensemble. Elle a même une musique qui lui trotte dans la tête, un rythme. En d’autres circonstances, la rouquine se serait dépêchée de mettre à exécution ce qu’il y avait dans sa tête, mais là, tout est différent. Sa main retombe juste après que le dragon se soit dispersé en plein d’étincelles.

Ce n’est pas encore à sa portée… non, c’est vrai, rien ne l’est, rien. Il y a un temps mort, un temps vide, avant que l’Allemande ne se reprenne. « Merci d’m’avoir montré tout ça ! C’était super bien et super joli en plus ! T’es vraiment super fort. Y z’auront d’la chance les gens, s'tu prends des élèves un jour. », lui dit-elle en souriant. « Ça fait combien d’temps qu’t’es là toi, d’jà ? », demande l’ex-danseuse, curieuse. Elle aimerait savoir un peu près le temps qu’il lui faudra pour arriver à ce niveau. Elle sait que tout le monde est différent et elle ne veut pas vraiment se comparer à l’homme, mais ça donne une idée. « Pis c’est trop cool! Mai’nant chais par quoi commencer ! », reprend-elle d’un ton déterminer. « S’tu veux pas rester, j’te r’tiens pas ! T’as vu, j’avais promis ! », continue-t-elle encore, avec un immense sourire cette fois. Son petit coup de mou de tout à l’heure semble complètement dissipé. Elle a peu à peu retrouvé son énergie et sa bonne humeur. « Pis promis, j’viendrai pas t’embêter trop souvent ! », termine-t-elle en lui faisant un clin d’œil malicieux.

Elle me fait rire, à regarder ce que je fais en s'exclamant comme ça. On dirait une gamine qui découvre le cirque ou l’existence de la glace. Je note sa remarque avant de poursuivre ma petite démonstration. Je souris doucement en la voyant suivre les mouvements du dragon avec sa main. Elle a une façon de bouger très gracieuse. Elle a pas dit qu'elle dansait ? Je sais plus. Si c'est le cas, elle va bien s'amuser Le feu est pas quelque chose de très utile à part dans sa dimension esthétique ou juste destructrice

— Oui, tu peux te bruler avec ton propre feu. Si t'es pas concentrée sur ce que tu fais ou que tu en as peur ça arrive.

Elle aura pas ce problème, je pense. Vu comment elle regardait ce que j'ai fait, elle va même progresser vite. Enfin, si elle prend la peine de s'entrainer.

— Je suis là depuis plusieurs années, c'est normal que je maitrise mes pouvoirs. C'est pas être fort, c'est de l'entrainement.

J'suis un peu un acharné aussi. La pratique, l'entrainement, c'est mon truc. Ça m'aide à me sentir bien alors je vois pas pourquoi je m'en priverais. Je devrais songer à m'entrainer plus sur mon marionnettisme d'ailleurs mais pour ça me faut des cobayes d'entrainement et… Boarf, j'sais pas je trouve ça un peu déloyal comme pouvoir quand même.

— Y a pas de mal, Miss Étincelle. Mais vas y tranquille. C'est normal de commencer petit. Les dragons de feu ça viendra plus tard.

Je rigole doucement. Elle est pas méchante cette fille. Juste très énergique. Je l'aime bien, elle est rigolote. Peut-être qu'on pourra se recroiser ici de temps en temps. Même si j'ai pas d'élève, ça fait pas de mal de suivre un peu les progrès des autres. Avec des gens comme Isis ou Nico ça peut me donner des combats sympas. Même si elle a pas l'air du genre à se battre, on sait jamais.

— Je te laisse profiter de la salle alors. Amuse toi bien.

Je lui souris, fais un signe de main. C'est marrant, au début elle me fatiguait mais finalement son énergie est communicative. Je me sens moins flop qu'avant le repas. Ça m'a dynamisé. Chouette fille.

Huo revient sur la réflexion de Sibylle, à propos du danger, du fait de se brûler. Elle est étonnée quand même. Alors oui, bien sûr que le feu ça peut être dangereux. On peut créer des incendies et se faire mal, comme quand on mange et que c’est trop chaud. Elle déteste d’ailleurs cette sensation sur la langue et fait toujours très attention de bien souffler avant de manger… mais ce n’est pas le sujet ! Ce que l’Allemande trouve bizarre, c’est qu’elle était partie du principe que comme c’était un feu qu’elle avait créé, ça ne pourrait pas lui faire de mal. Et puis, il s’agit de son pouvoir, son élément. Non, elle ne conçoit pas que ça puisse la faire souffrir… alors en avoir peur ? Il n’y a pas trop de risques, du coup… la concentration par contre, elle devra faire attention.

L’homme lui dit qu’il est là depuis plusieurs années, mais insiste bien sur le fait qu’il s’est entraîné. Ce n’est pas là naturellement. Il n’est pas spécialement fort. C’est du travail et ça, la rouquine le comprend très bien. Elle hoche la tête avec détermination. Elle s’est donnée à fond pour la danse et ne compte pas les heures passées à répéter les mouvements, les gestes, alors elle mettra aussi de l’énergie pour apprendre à utiliser ses pouvoirs et elle réussira ! Ça sera peut-être lent, sûrement, vu son niveau de capacités en général, mais ce n’est pas grave. Elle n’abandonnera pas ! Et puis, Sibylle en est encore au tout début, alors elle fera preuve de patience et tout se passera bien. Peut-être que… que si elle ne peut pas redanser… peut-être que ses pouvoirs seront un moyen d’aller de l’avant ? Non, ne pas penser à ça. Elle fera tout pour remarcher et après danser à nouveau. L’Allemande serre brièvement ses mains sur les accoudoirs de son fauteuil. Ça va aller. Tout va bien se passer.

Huo rigole après l’avoir encore appelée Miss Étincelle. La rouquine trouve ça drôle. Elle aime bien ce surnom. Elle le trouve joli, mais si elle ne comprend pas pourquoi il l’appelle comme ça. Elle veut croire que c’est gentil, alors elle rit aussi. « Promis ! J’f’rai attention à pas tout brûler ! J’vais d’jà essayer d’faire des billes. C’est bien pour commencer, non ? », demande-t-elle finalement, pensant à voix haute plus qu’autre chose. « Pis merci encore ! T’es trop chouette d’m’avoir montré des trucs ! À bientôt !  », lui lance-t-elle quand l’homme s’en va.

Sibylle se retrouve seule dans la salle d’entraînement. Elle ne se demande pas si d’autres personnes vont bientôt arriver. Pour une fois, la solitude ne la pèse pas. C’est comme quand elle s’entraîne à danser. Être seule n’est pas un problème, au contraire. Dans ses moments-là, elle se concentre à fond et n’a de toute manière pas de temps pour faire attention aux autres... sauf quand c'est une danse en groupe, évidemment. Elle lève sa main devant elle et essaie de faire une flammèche, mais rien ne se passe. Elle se concentre pourtant et elle veut vraiment réussir, mais ça ne fonctionne pas. L’Allemande soupire. Cette fois, elle n’est même pas devenue un peu invisible. Peut-être qu’elle est fatiguée ou peut-être qu’elle s’y prend mal. Elle revoit le dragon d’Huo et ferme les yeux. Un jour, elle y arrivera. Un jour, elle fera même mieux que ça. À défaut de danser elle-même, peut-être, elle créera de petits spectacles avec son feu, des ballets miniatures. Ça serait une maigre consolation.

La rouquine réouvre les yeux et lève sa main devant elle encore une fois. Elle bouge ses doigts pour s'amuser, un peu pensive aussi( oui, ça lui arrive), observant les articulations, les muscles et soudain, une flammèche apparaît. Elle sursaute en même temps qu’elle disparaît et pousse un petit cri de joie et d’excitation. Elle va y arrive.

Sibylle n’a qu’à persévérer et ça, ça la connaît bien.