Si, tout de suite, là, maintenant, alors qu'il court vers la maison du Master, tranquillement, comme si tout allait bien, on pouvait résumer ses pensées à un mot, ce serait : AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! ...Oui, oui c'est un mot. Pour lui, maintenant, c'en est un. Et plus il y réfléchissait, plus il se rendait compte que ça n'avait pas de sens, plus il hurlait fort… dans sa tête. Résumons ; il avait perdu un pari contre Asbjorn, il lui a donné le gage qui était d'aller dans une soirée genre bal dansant, il y a été, y a retrouvé Elwynn toute- toute- TOUTE VOILA, avec une robe, des tresses, des sourires itout lààà…. Mnnrfpt. Il est resté en se disant qu'il pourrait éventuellement engueuler Asbjorn, mais à la place il a dansé avec Elwynn. What ? Et puis ils ont bu et ri ensemble. What ?! Et puis ils ont couché ensemble… OUATE ?!! Non mais si, c'est simple quand on y pense. Jérémy secoue la tête repense aux derniers mots qu'elle a prononcé, alors qu'il bloquait dans le couloir des Eaux, incapable de partir mais aussi de se tourner vers elle : elle a dit qu'il était mignon… QUAND IL SOURIAIT… bon elle a aussi dit qu'il était un sale blond mais c'est Elwynn quoi………. PUTAIN MAIS COMMENT ON PEUT PENSER QU'IL EST MIGNON QUAND IL SOURIT ! :

-Erm. J'peux t'aider ?

Jérémy pivote tout entier. C'était qui ? Qui l'avait vu ? Est-ce qu'il doit le buter pour préserver le secr- ah non c'est que Nico… dans l'entrée… avec une tasse de café… Jérémy passe de la position d'attaque à la défensive en moins de temps qu'il en faut pour l'écrire et Nicolas réagit en soulevant un sourcil à la vue de son "frère", bras légèrement écartés, bouche ouverte mais muette, comme s'il lui suppliait des explications sans pouvoir lui expliquer clairement ce qu'il se passait… Position qui d'ailleurs, résumait parfaitement le tumulte de ses émotions contradictoires. :

-Prends ton temps je t'écoute.

-……..agneh.

Jérémy se donne une claque. Hm. Oui. Alors. Oula. Nicolas ferme les yeux. Inspire très lentement. :

-Des mots mec. Tu peux faire des phrases courtes, je t'en voudrais pas.

Jérémy prit son courage à deux mains. C'était Nicolas, il allait pas se foutre de sa gueule quand même, il connaissait son passif et tout… Bon. Les poings fermés, Jérémy prit une longue inspiration, gonflant son torse comme un gosse et puis relâcha tout d'un coup. :

-Les filles jouissent ?!

Silence. Nicolas éclata de rire. Ah l'bâtard.

Nicolas s'était levé un peu plus tard que d'habitude, parce qu'il avait attendu Jérémy assez longtemps quand même... Non il ne s'inquiétait pas pour lui !... Bon. Si. Un peu. Faut dire qu'il s'était fait beau itout, chose rare. Bon il s'applique c'est vrai, mais de là à mettre un costard, y'avait anguille sous cachalot faut l'admettre. Alors quand il a entendu le bruit de la porte d'entrée, quand il a aperçu le Chasseur aussi effarouché qu'un animal cerné, il l'avoue, il était vraiment inquiet. Mais il reste calme, il sait s'adapter,... et il a son café. Il attend patiemment qu'il retrouve ses moyens pour enfin lui expliquer ce qu'il se passe, avant de se faire des films -ce serait dommage de paniquer pour rien, oui, on est d'accord. Et puis une seule phrase. Une seule question, en fait.

Jérémy a découvert que les femmes aussi pouvaient jouir. Ce qui veut donc dire qu'hier soir, pendant que Nico veillait comme un con, il se faisait une bonne vieille partie de jambes en l'air. C'est ça qui le fait éclater de rire en fait. Il s'arrête brutalement, touillant son café bouillant du bout de la cuiller, en faisant des huit dans le liquide. Il le met à bout de nerfs sérieux... et c'est pas une blague sur son côté Tonnerre. Vraiment. Il retient une remarque acide qui lui brûle les lèvres... et pousse un soupir. :

-Je suppose que c'est le grand jour alors... Ils grandissent si vite.

Nicolas boit une gorgée, bruyamment. Jérémy baissa les bras pour unique réaction à cette déclaration... Le Tonerre fit un mouvement de la tête, choppa un de ses bras et l'emmena jusqu'au canapé où il l'installa. Il partit dans la cuisine pour lui préparer une tasse de café. :

-Oui. Les filles jouissent Jérémy. Elles peuvent avoir plusieurs orgasmes lors d'un rapport aussi, et ils durent plus longtemps.

-Je- Je sais ça !

-Tu me poses une question je te réponds.

Il lui tend la tasse... Nicolas pourrait être plus gentil, c'est vrai. Mais il a le souvenir de Cynthia avec du sang entre les jambes, au milieu de la piscine désaffectée, en train de pleurer toutes les larmes de son corps. Il serre les dents, déglutit, plonge ses yeux dans le regard d'or face à lui. Jérémy est perdu, il a l'air d'un gosse. Putain. C'est insupportable. :

-Elle... me l'a expliqué... hier...

-Ah. Donc tu discutes avec tes conquêtes maintenant. Cool.

Froid.

Chaud.

Jérémy a extrêmement chaud quand il sent le regard de Nicolas sur lui... Quelque part, en voyant sa réaction, en entendant son rire poussif, il se doutait qu'il était pas content. Il se doutait que Nicolas, qui avait toujours été Nicolas, le Loup Noir, celui qui s'inquiétait des autres plus que de lui-même, se souvenait en détail de toutes les filles que Jérémy a pu toucher dans sa vie. Le Feu eut un frisson malgré le fait qu'il se sentait bouillir en voyant le visage heureux d'Elwynn se superposer aux pleurs de Cynthia... Tête baissée, il tient sa tasse de café, avec un nuage de lait comme il les aime, très fort entre ses mains. Il se mord la lèvre. Il ne sait plus quoi dire devant le regard accusateur du Loup. Le silence s'éternise...

...un silence durant lequel il analyse chaque expérience sexuelle qu'il a pu avoir, disséquant les souvenirs de son passé avec une précision détâchée de toute émotion, scientifique. Il savait très bien ce qui allait arriver s'il ne faisait pas les choses de cette manière ; comme le Vide avait enflé dans son corps au point de le faire pleurer devant Nicolas. Là, il avait mis le doigt sur quelque chose de trop important pour s'effondrer. Il avait découvert quelque chose qu'était plus important que son égo. :

-J'ai... J'ai pas de bonnes expériences. Et j'ai encore du mal à comprendre... ce qu'il s'est passé hier soir.

Il entend un souffle long. Mais le Loup ne dit rien... Le Chasseur déglutit. Il avait peur soudain... Parce qu'il savait que ce qu'il avait fait avant était pas bien, mais face à lui, face à ce qui s'était passé hier soir, il sut à quel point il était en tort... Malgré toutes ses souffrances, malgré le fait qu'il croyait dur comme fer qu'il avait raison. Pourtant au lieu de se morfondre, Jérémy restait Jérémy. Il prit une inspiration, se focalisa sur ce qui lui manquait comme informations pour pouvoir avancer... pour pouvoir apprendre. :

-Tu veux bien... m'aider ?... Je sais que t'es gay et tout mais... t'as l'air... de savoir des trucs.

...plus que moi. lui resta en travers de la gorge. Mais il ne lâcha rien d'autre.

Nicolas se tient debout face à Jérémy, bras croisé, tenant d'une main sa tasse par l'anse. Il se concentra tout autant sur les mots que sur les émotions que son meilleur ennemi dégageait. Du doute, de la peur,... de la honte. Une grande première. Nicolas ferme les yeux, souffle doucement devant le choix malheureux des mots qu'il utilise... Bon il peut pas avoir bon partout. Mais c'était une chose de voir le Grand Chasseur se remettre en question. Il fallait au moins lui reconnaître ça... et Nicolas savait que ce n'était pas une bonne idée de rester trop longtemps sur le passé. Lui aussi avait été con, il s'en remettait. Cynthia était devenue une belle femme forte qui se battait aujourd'hui pour avoir le métier qu'elle souhaite, au grand désarroi de son père. La cicatrice est là, mais elle n'est plus aussi purulente. ...Et Jérémy avait enfin conscience de son existence.

Il s'assoie à son tour, à côté de Jérémy, et boit une gorgée de son café. Il laisse traîner le silence comme s'il en profitait avant de finalement s'élancer. :

-D'abord je ne suis pas gay. Je suis pansexuel.

-Pan ?

-Je suis attiré, émotionnellement ou sexuellement, par n'importe quel genre ou sexe.

-...C'est pas la même chose ?

-Non.

Nicolas voit dans le regard de Jérémy qu'il va, déjà, un peu trop vite pour lui. Saigneurs, ça va être une très longue matinée. Il consentait à lui répondre mais... son visage était fermé. :

-Qu'est-ce que tu veux savoir ?

Jérémy observa longuement Nicolas alors qu'il lui apprenait ce qu'était un "pansexuel". Et mais PAN LOL. Ok non c'était pas le moment de rire. Le "non" avait été dit avec un semblant de calme... Comment savait-il que ce n'était qu'un semblant ? Parce que la voix de Nicolas descendait de plus en plus dans les graves et son visage, sur lequel il avait pris l'habitude de voir des expressions franches, s'était soudain comme éteint. Comme autrefois. Comme au village. Le visage de Nicolas était devenu celui d'un mannequin inanimé, un masque sans vie, sans doute pour cacher ce qu'il y avait derrière... Mais quoi derrière ?... Jérémy prit une inspiration quand il lui demanda ce qu'il voulait savoir.

Il voulait savoir ce qu'il cachait derrière son masque. :

-Eh bien. Tu vois... Déjà on a pas fait ça de façon... conventionnelle, tu vois ? Elle était. Au-dessus ?...... J'étais à la place. De la femme quoi.

Jérémy n'essayait pas de tourner autour du pot parce qu'il était gêné... il le faisait, prenant souvent des pauses, pour observer si le moindre mot pouvait faire réagir Nicolas. :

-Et puis c'est elle. Qui m'a embrassé. En premier.

Petit silence. :

-J'ai utilisé sa douche. Aussi. Et elle m'a rien demandé. En échange.

Toujours rien sur le visage, sinon une ombre dans le regard... Le Loup.

Il prenait un temps fou pour expliquer ce qui le travaillait ; d'habitude, Jérémy n'a aucune gêne pour parler de cul, encore moins quand ça le concernait. Était-ce par gêne ou parce que son regard doré cherchait le sien ? Nicolas n'en avait aucune fichtre idée mais il avait pas l'intention de lui donner quoi que ce soit d'autre que des mots, des conseils... en évitant d'hurler à chaque fois que son ignorance le faisait plonger dans un sexisme aussi sombre que moyenâgeux. :

-Il n'y a pas de façon "conventionnelle" de faire l'amour. Il n'y a pas de "place de la femme". On prend les positions qui nous plaisent, et qui nous mettent à l'aise. Ce n'est ni un concours de gymnastique, ni un combat. C'est un partage, et il n'y a pas de position de force dans un partage.

Nicolas but une gorgée de café pour passer le goût plus amer de la haine. Il reprend. :

-Elle t'embrasse en premier et donc ? Je vois pas le problème. Tu penses que c'est au mec de le faire ? Genre, loi de la virilité ?... T'es pas trop con pour comprendre qu'avec ce que je viens de te dire plus tôt ça n'a pas de sens.

...et prends un forceps pour ouvrir ton esprit au passage, merci. Je déglutis. :

-Et putain qu'évidemment qu'elle ne t'a rien demandé en échange. Je réprime un tremblement aussi fugace que violent. On n'est plus au village Jérémy. On te demandera pas de te prostituer pour de l'argent ou des avantages. Tu es tombé sur une fille qui aime faire l'amour, qui est libre de ses choix et son corps, alors tu devrais en profiter pour apprendre des choses de cette... relation.

Restons calme.

Il l'écoute attentivement. Ce qu'il disait faisait sens avec ce qu'il avait vécu la veille... Avant ça, il n'aurait sans doute pas cru Nicolas... et avant d'avoir connu Terrae, il se serait mépris sur les intentions d'Elwynn. Ou... de n'importe quelle fille... qui aurait eu envie de le faire en vérité. Tout doucement, dans son cerveau ordonné et droit, des cases se déforment, d'autres disparaissent complètement. Il n'est pas en train de changer. Il s'en rend compte, il saisit toute la subtilité du genre humain. Sur le grillage rouillé de son éducation poussent des fleurs d'humanité. Mais...

Mais en parallèle, Jérémy examine le langage corporel de Nicolas. Sa mâchoire se contracte par intermittence, de manière régulière, mais sa main gauche caresse le dessus de son menton tandis que la droite tient nonchalamment, sans pression, sa tasse par l'anse. Il a sa cheville posée sur son genou gauche, décontracté, et son pied à terre tapote le sol assez rapidement, tendu. En bref, tout ce que racontait son corps se contradisait.

Qu'est-ce qui le travaillait ? En vérité... Qu'est-ce qui les travaillait ? Jérémy avait déjà remarqué ces débats intérieurs. Depuis plusieurs années déjà, il pouvait faire la différence entre le Loup Noir et Nicolas. Mais là, c'était flagrant. Quelque chose avait surpassé cette maîtrise parfaite qu'il avait de lui-même. Une émotion bien plus forte. Juste parce qu'il parlait de sexe ? Nico n'est pas gêné pourtant, parce que rien ne l'indique, et parce qu'il se montre ouvert. Parce qu'il songe au passé ?... Ahah, non. Ils se ressemblent à ce niveau. Nicolas a fait abstraction du passé de manière assez impressionnante en n'ayant aucune objection à ce qu'il vive avec eux, en l'aidant à ouvrir les yeux sur Terrae,... en s'endormant dans ses bras.

Oh. Ooooh il n'est pas content parce qu'il a veillé ? Jérémy observe ses cernes. Il a du tenir une bonne partie de la nuit avec du café... Il le sent à plein nez, et il le voit. Ça se trouve, Jérémy était déjà dans les bras de Morphée quand Nicolas avait envoyé son sms... Et à bien y penser, même si Nicolas disparaissait certaines nuits, il revenait tard. Donc il découchait jamais. Il plisse ses paupières, baisse la tête... La relève avec un rire bref. :

-Quoi ? T'es jaloux ?

Le regard du Chasseur sur lui l'étonne... et l'agace. L'agace surtout. Je me dis que c'est parce qu'il doit chercher le mensonge en moi. Chercher l'erreur dans la réflexion qui fait que les femmes aussi peuvent chercher le plaisir sans rien attendre en retour que du respect que l'on doit à chacun. Mais...

Quelques mots.

Je pose mes yeux sur lui. J'ai. Envie. De le tuer. Ma main se serre subitement sur ma tasse, tout mon corps s'immobilise, se contracte, je suis prêt à lui sauter au visage, à lui arracher les yeux, à lui faire ravaler cette langue immonde. :

-Moi. Jaloux.

J'inspire lentement. J'ai l'impression que chaque mouvement de mon corps et un encouragement pour me jeter à la gorge de la personne que je hais le plus au monde. :

-Oui. Jaloux. Jaloux de toi peut-être ? Jaloux d'un violeur, meurtrier, qui a eu une nuit pour se rendre compte de sa stupidité, de celle de son père qui est actuellement de battre ma mère... Oh... pardon... TA mère. Jaloux d'une personne qui a l'ouverture d'esprit d'une petite cuiller... et encore, c'est insultant pour les petites cuillers... oui bien sûr. Crois donc ça.

Je ne souris pas, je ne bouge pas. Nicolas non plus. On est dans un accord parfait... Je suis en train de me rendre compte que c'est la deuxième fois qu'on est entier ; la première fois c'était par un pur amour, la deuxième, maintenant, sous le coup d'une haine toute aussi pure. :

-Voyooons, jalouuux... Jaloux d'elle peut-être ? Jaloux qu'elle ait pu passer une nuit avec un violeur et être bien. Jaloux d'une chose qui a du lui paraître banale et normale alors que t'avais aucune idée de ce que tu faisais... Une femme, sans doute merveilleuse, qui a eu la gentillesse de voir à travers tes défauts pour se dire qu'elle allait passer une bonne soirée. Quelqu'un que tu ne mérites pas donc... oui bien sûr. Crois donc ça.

Haine. :

-Sinon il y a aussi Cynthia ? Est-ce que je serais jaloux de Cynthia ? Voyons. Une adolescente qui se fait violer par un mec juste parce que ce mec voulait en écraser un autre. Que ce mec a cru l'espace d'un instant qu'il sortait avec elle parce qu'il était une évidence pour cet abruti congénital que l'amitié homme-femme était toute aussi improbable qu'une rose qui pousse en plein désert... oui bien sûr. Crois donc ça.

Tuer. :

-Jaloux d'Oldie. Brave Oldie. Mort pour rien dans mes bras juste parce que t'avais envie de détruire ma seule source de revenue. Jaloux d'un mec en train de pourrir au fond des bois comme un anonyme dans une fosse commune... oui bien sûr. Crois donc ça.

Chaque phrase aurait du avoir une intonation, mais j'ai tout sorti d'un coup, avec la froideur d'un meurtrier en série. La monotonie qu'apporte la colère à chaque mot, sans crier, sans pousser...

...et je souris. D'un seul coup, je sens mon visage se détendre. Je lâche un sourire attendri, les yeux rivés sur le Chasseur sans le voir. ...Comme lui ne me voit pas. D'un geste vif pourtant, je tends mon bras, attrape la chemise qu'il porte et le rapproche à quelques centimètres de mon visage. Il est penché, dessous moi, mais ce n'est pas ça qui fait que je le domine. C'est mon venin. :

-Tout comme la fois où j'ai dit que pour "retrouver" ta place de dominant, faudrait encore qu'un jour, je t'ai considéré meilleur que moi... Retiens bien ce que je vais te dire...

D'accord. Je vais être franc. Très. Franc.

J'ai peur. Je suis terrifié pas parce que je vois le Loup. Pas parce que je vois Nicolas. Parce que je vois les deux. Et les deux, je n'ai aucune idée de leur limite. Ils ont changé chacun à leur manière et je ne les ai jamais vu agir dans un chœur si parfait. Je déglutis, l'animal en moi a peur d'être dévoré d'un regard. Mais je n'ose pas trembler, je n'ose pas faire un geste. Il n'y a que mes yeux qui s'agrandissent au fur et à mesure qu'il me parle.

Et ces mots. Ces mots douloureux, bien plus perçant qu'une balle. J'ai l'impression de sentir mon cœur saigner. J'ai la sensation des larmes aux yeux qui s'accumulent, mais rien ne tombe. Tout ce qu'il dit est si vrai que je ne trouve rien à dire. Enfin... même si j'étais capable de bouger je ne trouverait rien à dire.

J'ai mal. Il me fait souffrir avec des mots là où je lui avais déjà planté mon couteau. Dans le cœur. Et je me demande, au lieu de trouver des réponses à ses questions rhétoriques ; est-ce que c'est de ma faute ? est-ce que c'est moi qui l'ait rendu comme ça ? pourquoi je lui ai fait subir tout ça ? pourquoi je nous ai fait subir tout ça ? Il n'y avait pas de solution et j'étais envahi par trop de doutes et de douleurs pour les chercher.

Surtout lorsqu'il s'est mis à sourire. J'ai tremblé. De tout mon corps. Ce sourire... Il voulait me tuer. Si je n'étais pas dans cette maison, à Terrae. Si on avait été au village. Je serais mort, là. Pour un mot stupide qui m'a échappé.

Il a attrapé ma chemise et a tiré. Il avait retrouvé toute sa force et sa colère la décuplait. Il s'est penché à mon oreille et a commencé à susurrer, me rappelant qu'il ne m'a jamais considéré au-dessus de lui, avant d'ajouter. :

-Retiens bien ce que je vais te dire... Pour être jaloux de toi, il aurait fallu que je te considère comme un être humain.

Il me maintient à demi-allongé sur le canapé mais je peux voir ses yeux en relevant la tête. Des yeux d'argent polaire. Il me lâche, se lève et part... me laissant seul avec ce qu'il venait d'avouer.

Avouer ? Est-ce qu'il le pensait vraiment ou c'était sa colère qui parlait ?... Il se souvient jusque là des conseils qu'il lui donnait, de loin, le laissant découvrir par lui-même toutes les erreurs qu'il commettaient, qu'il avait commis. Et il s'était endormi dans ses bras, avec Charlotte sur eux... C'est ça... ...Nicolas n'avait pas oublié le passé. Il l'occultait. Il occultait pour faire de lui quelqu'un de meilleur... pour Charlotte. Le reste lui passait au-dessus. Parce qu'il avait confiance en la Cool Patrol qui savait se défendre, il avait confiance en Aaron pour lui donner ce qu'il ne pouvait lui donner, il avait confiance en sa maison, sa famille... Terrae.

Mais il ne faisait pas confiance en Jérémy. Il n'oubliait pas le passé. Il le haïssait toujours autant.

C'était... leur base...

...Alors... pourquoi c'était aussi douloureux ?