Alors comme ça c'est ta première ? Eh bah. Bienvenu au club, pour commencer. Et jsuis ravi de voir que toi aussi t'as commencé en "hard". Bon courage hein. Enfin ça je le dis pas. Non.

"Je vois."

Ensuite, il dénombre quelques qualités chez la Master, et je souris. Il a pas tord.

"Je vois."

Oui. Je me répète. Alors j'enchaîne avant qu'il me fasse la remarque.

"T'en oublie certaines jsuis sûr, mais t'as raison, ça lui ressemble. Et elle a plus tendance à rouler sur ceux des gens qu'à se laisser marcher sur les pieds, je confirme.

Et pourquoi je te pose la question ? On va dire que c'était un test. Un peu nul, mais que t'as passé avec brio. Pendant les quelques secondes où tu réfléchissais, ton air sérieux a disparu et tu souriais. C'est mignon, et rassurant. C'est de très très bonnes raisons."

Je souris, en hochant la tête pour appuyer mes propos.

"Et ne t'inquiètes pas, je te laisse le soin de répéter ça à Ipiu toi même. Comme le reste de notre discussion, de toute façon. Et puis ça lui fera sûrement plus plaisir de ta bouche que de la mienne."

Me voici rassuré sur les motivations et les raisons de la présence de Nathanaël dans la vie d'Ipiu. C'est bizarre. Enfin je veux dire, il l'a connait depuis plus longtemps que moi. Ç-


"Enfin, quand je parlais de test tout à l'heure, c'était un peu maladroit comme expression. Et c'était un peu stupide de ma part. Je veux dire, si y'en a un de nous deux qui est censé tester l'autre c'est toi. Du coup je t'écoute. Je répondrais en toute honnêteté. Sur n'importe quel sujet. Des détails sur comment j'ai rencontré Oneechan, sur mon rôle exact en temps que colocataire, sur ma vie. Tout ce que tu veux.""

J'attends tes questions. Je me demande si Ipiu t'as dit comment on s'est rencontré... Un demi sourire s'affiche sur mon visage quand j'y repense.

Erik se contenta de répondre un simple « Je vois » aux propos de Nathanaël et ce pour la deuxième fois. Était-il sérieux ? Vraiment ? N'avait-il pas mieux à dire ? L'Anglais se pencha en arrière, appuyant son dos contre le dossier de la chaise et croisant ses bras sur son torse. Il n'avait pas oublié. Il avait fait le choix de ne pas tout dire. Qu'est-ce que le Morphe n'avait pas compris dans la phrase « Je ne vais pas te faire une liste exhaustive. » ? Le Terre était mi-agacé, mi-blasé et la suite lui plut d'autant moins. Alors comme cela, il s'agissait d'un test... un test... Et en plus, le Morphe se permettait de se moquer de lui à présent ? Mignon... autant cela ne le dérangeait pas quand Ipiu ou Alice le disait, autant entendre ce mot dans la bouche de cet homme augmenta d'un cran son niveau d'agacement. Et rassurant ? Erik prenait son rôle de "frère" manifestement très au sérieux... alors qu'il ne connaissait la Master que depuis quelques mois. Le Titan arrêta de fixa son interlocuteur pour se concentrer sur l'extérieur, même s'il regardait sans voir. Effectivement, il avait bel et bien l'impression de passer un test, mais un test pour quoi ? Pour savoir s'il était assez bien pour la Sensitive ? Il se crispa, n'appréciant pas du tout la situation et les libertés que prenait son interlocuteur vis-à-vis de lui. Il hésita même à se lever et partir sans rien dire, mais le Morphe reprit la parole. Il l'écouta sans le regarder. Quelle délicatesse de sa part de lui laisser le soin de tout expliquer lui-même à Ipiu. Qu'attendait-il ? Qu'il le remercie peut-être ? C’était si ridicule… si…

Nathanaël ne saurait pas si c'était une conséquence de son attitude fermée ou si son interlocuteur s'en était rendu compte tout seul, mais ce dernier se reprit. Il lui concéda que le terme "test" était maladroit et que tout ceci était un peu stupide de sa part. Bien, c'était un bon début. L'Anglais retint un soupir. Lui poser des questions ? Oui, au départ, c'était ce qu'il souhaitait faire, en connaître un peu plus sur le colocataire de la femme qu'il aimait, mais à présent... à présent il n'en était plus si certain. Après tout, il en avait déjà vu beaucoup... entendu beaucoup. Que voudrait-il savoir de plus ? Il était vrai qu'il n'avait pas demandé à sa bien-aimée comment elle avait rencontré Erik. Elle lui avait dit qu'il était sympa et drôle et qu'ils s'étaient tout de suite bien entendu. Quant à son rôle exact en tant que colocataire, le Terre en savait déjà bien assez et s'imaginait suffisamment en quoi consistait son travail.

Fixant toujours un point au dehors, son regard changea cependant. Quelle était cette sensation étrange qu'il ressentait ? Pourquoi les échanges avec le Morphe étaient-ils si tendus ? Le Titan n'était-il pas plus susceptible que d'habitude ? Était-il... ? Non, non, impossible, c’était tout bonnement impossible. Il faisait confiance à la Tonnerre, entièrement, il ne pouvait pas... il ne pouvait pas. Nathanaël tourna enfin la tête pour poser ses yeux sur Erik. Il devait faire un effort, pour Ipiu., essayer de bien s'entendre avec lui, apprendre à le connaître sans s'arrêter à une première impression plutôt catastrophique, il fallait bien l'avouer. Elle et son colocataire allaient passer beaucoup de temps ensemble... beaucoup de temps ensemble. L'Anglais n'en revenait pas... il était bel et bien jaloux. Ses joues rosirent légèrement sous le coup de la surprise, puis de honte. Était-il vraiment ce genre d'homme ?

Il détendit les muscles de ses bras, changeant de position pour venir saisir son verre et boire une gorgée d'eau. Tout ceci ne lui plaisait pas, pas du tout. Il avait dit à sa bien-aimée qu'il était d'accord avec elle quand elle lui avait dit vouloir prendre un colocataire, qu'il était trop tôt pour le couple pour se mettre en ménage, vivre ensemble, qu’ils devaient prendre leur temps. Il avait accepté. Il avait rapidement pris le temps de poser le pour et le contre, de réfléchir et il avait donné une réponse tout à fait raisonnée et raisonnable. Alors pourquoi se sentait-il aussi mal ce jour-là ? Pourquoi se sentait-il si frustré et... triste ? Si jaloux... jaloux. Le Terre lâcha le verre avant de faire une bêtise. Il s'était déjà suffisamment blessé en cassant des verres pour toute une vie.

Nathanaël lâcha un soupir. Le problème, ce n'était pas Erik, c'était lui, alors il devait faire un effort, se raisonner, encore, comme il savait normalement si bien le faire et mettre de côté tous ses sentiments négatifs, faire abstraction pour elle, parce qu'elle méritait mieux que cela.

Très bien... parle-moi un peu de toi. Exprime ce que tu souhaites et tais ce que tu préfères garder secret.

L'Anglais n'avait pas envie de mettre mal à l'aise le Morphe, pas après cette révélation et son comportement déplorable, alors il le laissait choisir et rien que dans sa manière de se présenter, dans les informations qu'il déciderait de lui communiquer, le Titan en apprendrait un peu plus sur son interlocuteur.

Un ange passe. Le Titan ne m'a pas posé de question, mais laissé le choix sur ce que je veux raconter ou pas. Je le sens crispé. Je vais devoir choisir mes mots avec soin, si je ne veux pas l'exaspérer ou l'énerver quand je parlerais de ma rencontre avec Ipiu. Mmmh.

"Alors. Je vais commencer par le commencement. Je suis né ici, à Tokyo. Et comme mon faciès et mes cheveux peuvent le laisser deviner, je n'ai qu'un seul parent japonais. Mon père. Ma mère, elle a grandit au Japon, mais est d'origine Scandinave. D'où mon prénom, qui a en plus l'avantage de se prononcer facilement pour les nippons. Puis mon père est décédé, et c'est ma mère qui m'a élevé. Je n'ai été que dans des écoles pour garçons toute ma scolarité, jusqu'à la fac d'anglais. Que j'ai dû quitter en fin de seconde année quand ma mère est morte. Avec la mère de Tifa. Alors pour payer les factures et subvenir à nos besoin, j'ai été obligé de chercher un travail, et j'ai fini serveur dans une boîte gay, pendant deux ans. Puis un Master est venu me chercher, et c'est là que ma vie reprend du sens. Que je me remotive à faire du sport, à nager. Que je parle avec des filles pour la première fois. Que je retrouve du taf, en bar cette fois. Que j'obtiens des pouvoirs pour l'instant un peu nuls."

Maintenant, c'est le moment où je dois prendre des pincettes. Une mise en garde et on y va.

"Je préfère te prévenir, c'est seulement la seconde fois que je raconte cette histoire. Et la première fois il y a eu des conséquences. Plutôt bonnes pour moi. Enfin bref. C'était un soir de semaine, j'étais en train de nettoyer pour fermer le bar, quand un jolie jeune femme entre precipitement. Elle me dit qu'elle surveille le copain d'une amie à elle qu'elle a croisé par hasard avec une autre fille. Alors j'ai fermé le bar et j'ai suivit la blonde, emporté par ma curiosité et l'envie de rendre service. Je t'épargne les détails, mais nous les suivons jusqu'au love hotel, allant même jusqu'à commander la chambre voisine. Puis quelques blagues, dont une malheureuse plus tard, nous sommes dans cette immense chambre avec cet immense lit."

Je prends un minuscule instant pour ménager le suspense. C'est risqué, mais tellement plus savoureux.

"On attend un peu, et on a la confirmation que les voisins sont bel et bien en train de coucher ensemble. Ce qui était fort prévisible vu l'endroit. Sauf qu'on avait payé, alors autant profiter du confort du matelas. Je dois avouer qu'on a bien rigolé à faire les cons et à sauter sur le lit. Puis des sombres pensées m'ont traversé. J'ai pleuré. Et elle m'a prise dans ses bras, comme une grande sœur ou une mère l'aurait fait, utilisant ses pouvoirs pour me calmer. M'appaiser. Tellement fort qu'elle s'est endormie presque aussitôt, exténuée. Alors je l'ai bordé et j'ai continué à monter la garde pour avoir une confirmation visuelle de l'adultère. Et une fois fait, je suis allé acheter de quoi manger un petit déjeuner, avant de m'endormir à mon tour, avec une magnifique photo de blobfish en fond d'écran à mon réveil.

...

Oh, et j'oubliais presque le moment où Ipiu m'apprend qu'elle ne connaissait pas l'homme et que c'était pour un article sur différentes façons d'entraîner des gens dans des histoires. Et j'ai pas marché, j'ai couru. Littéralement... C'est comme ça que j'ai rencontré Oneechan. Et au cas où j'ai pas été assez clair, il ne s'est rien passé dans cette chambre, hein. Enfin si, j'ai sauté sur le lit pour faire trempoline parce que c'était vraiment fun, mais surtout, le plus important c'est tout le temps et l'énergie qu'elle a utilisé pour aider un inconnu. Alors quand j'ai vu l'annonce, j'ai hésité, pour la collocation. Puis j'ai vu qui postait l'annonce et le doute s'est envolé. Parce qu'elle est drôle et bienveillante, et que je sais que si je suis là pour elle quand son handicap le nécessite, elle sera aussi là pour moi quand mon vide sera trop présent. Comme la grande sœur que j'aurais aimé avoir. Tu as beaucoup de chance, Nath-kun. Et elle a beaucoup de chance de t'avoir toi quand c'est elle qui va mal."

Je sors mon paquet de cigarettes de ma poche et attrape un briquet qui traînait sur le plan de travail, puis ouvre la porte pour sortir sur la terrasse, invitant Nathanaël à me suivre.

"Je ne fume pas à l'intérieur, pour des raisons de santé et de respect envers les autres êtres qui habitent ici, j'espère que ça ne te dérange pas."

Après un silence, Erik prit la parole. Nathanaël avait gardé sa position en retrait, avec son dos appuyé contre le dossier de la chaise, mais il avait pris soin de ne pas reprendre une attitude fermée. Ses mains étaient à présent simplement posées sur ses cuisses, cachées aux yeux du Morphe. Ce dernier présenta ses origines, son histoire, ses déboires, probablement son Vide également, mais de manière implicite et superficiel, puis ses débuts à Terrae, sa nouvelle vie. L'Anglais ne s'était pas attendu à ce qu'il entre tant dans les détails. Il ne semblait pas enclin à garder pour lui son passé, comme un secret qu'on ne pouvait divulguer, comme un trésor qu'on ne voulait partager, contrairement à beaucoup de monde à l'institut, le Titan inclus. Ce dernier ne dit rien, car son interlocuteur n'avait manifestement pas terminé de parler.

L'avertissement émit inquiéta particulièrement le jardinier. Qu'allait donc lui raconter Erik qui nécessite de prendre tant de précautions ? Et qu'entendait-il par « des conséquences, plutôt bonne pour lui » ? Nathanaël tâcha de se détendre, puisqu'il n'y avait aucune raison logique de s'inquiéter avant même de connaître cette histoire qu'on allait lui conter. Si au départ l'Anglais ne fit pas le lien entre « la jolie jeune femme » du récit de son interlocuteur et Ipiu, ce fut à l'expression « la blonde » qu'il comprit. Le Terre pâlit malgré lui à l'évocation du terme « Love Hotel », mais ne dit rien et ce fut la seule manifestation extérieure de son malaise. Il écouta patiemment, ne souhaitant pas formuler de conclusions hâtives, malgré l'avertissement du Morphe. De toute manière, quoi qu'il se fut passé dans cette chambre, il n'aurait rien le droit de dire, puisque la Master et lui n'était pas encore en couple à ce moment-là. Il fit donc taire comme il le pouvait ce sentiment de jalousie qu'il venait à peine de déceler et qui semblait enfler progressivement. Erik avait d'ailleurs envie de jouer avec ses nerfs, manifestement, puisqu'il prit soin de marquer une courte pause dans son récit.

Nathanaël écouta les explications du colocataire de sa bien-aimée. Il savait que cette dernière avait des idées parfois un peu extravagantes et originales, bien qu'il en soit prémuni, sans qu'il ne sache vraiment comment et pourquoi, et cette histoire de filature, bien qu'incongrue, partait d'une bonne intention. L'Anglais eut un peu de mal à suivre le fil du discours d'Erik. La suite des événements lui parut un peu absurde, passant du « confort du matelas » à de la rigolade, puis à des pleures, avant de terminer sur... une photo de blobfish ? Tout ceci était un peu... compliqué.

L'homme s'arrêta à nouveau un bref instant, avant de reprendre, ne laissant pas le temps au Titan de sortir de sa confusion. L'histoire prit un tournant encore plus abracadabrant. Ipiu ne connaissait pas ces gens et souhaitaient simplement écrire un article ? En d'autres circonstances, le jardinier aurait probablement ri devant la saugrenuité de ce récit, mais en cet instant, il était simplement perplexe, inquiet malgré lui, probablement. Erik confirma alors qu'il ne s'était rien passé entre lui et la Tonnerre, si ce n'était une belle preuve de bienveillance de la part de la jeune femme. Nathanaël, qui n'avait pas remarqué que ses poings s'étaient serrés à cause du stress, se détendit discrètement. Les derniers mots prononcés par son interlocuteur le surprirent. Il savait qu'il avait beaucoup de chance d'avoir la Sensitive comme amie, comme compagne, mais il se demandait comment le Morphe pouvait affirmer qu'elle avait de la chance de l'avoir lui. Il ne le connaissait pas et ne fondait donc son jugement sur rien de tangible... mais l'intention était cordiale et plaisante, alors il accepta.

Même s'il ne l'admettrait pas, l'Anglais était soulagé. Déjà que l'histoire du placard avec Aaron l'avait bouleversé... depuis, il avait progressivement accepté l'idée, puisque c'était le plus raisonnable à faire, qu'Ipiu puisse avoir d'autres hommes dans sa vie, puisse s'épanouir auprès de quelqu'un d'autres, mais depuis qu'ils étaient en couple, cette idée s'était évidemment dissipée. Et s'il commençait à être jaloux du passé de sa bien-aimée, il ne s'en sortirait pas. Déjà que l'idée même d'être jaloux le révoltait et le consternait à la fois... Mais dans ces circonstances, si quelque chose était arrivée, cela aurait tout de même été différent. Après tout, la Sensitive vivait à présent sous le même toit qu'Erik. Il y aurait donc eu un léger malaise.

L'homme se leva et invita le Terre à le suivre. Ce dernier salua le comportement de son interlocuteur vis-à-vis d'Ipiu et des animaux habitant la maison, même s'il n'approuvait pas le fait de fumer. Il ne dirait cependant rien. Il ne s'agissait pas de sa vie et ne souhaitait pas perdre son temps à lui expliquer tous les méfaits de ce vice. Il se leva donc et le suivit à l'extérieur. Nathanaël n'avait toujours pas dit un seul mot. Il observa encore un moment le jardin en silence, avant d'enfin faire entendre le son de sa voix, douce et calme.

Je suis content que tu te plaises à Terrae, que tu aies retrouvé un sens à ta vie, pour reprendre tes mots. Peu importe les épreuves que nous avons eues à surmonter avant, chacun à droit ici à un nouveau départ et je suis convaincu que chacun y a sa place, pour peu qu'il ait envie de lui donner une chance.

L'Anglais n'avait pas tourné la tête vers Erik. Il laissait son regard errer dans le vague, son esprit à mi-chemin entre le présent et le passé. Il n'était pas revenu sur le récit de la rencontre entre le Morphe et la Sensitive. Il ne voyait pas ce qu'il pourrait y ajouter ou comment il devrait y réagir. Il avait donc décidé de se focaliser sur autre chose.

Je te souhaite de t'y sentir autant à ta place que moi.

Le Titan avait retenu que son interlocuteur était lui aussi orphelin de père et de mère. Il ne savait pas s'il avait encore de la famille à Tokyo, ailleurs au Japon ou en Scandinavie, mais il était à présent à Terrae. Alors, il lui souhaitait de trouver des amis et une nouvelle famille dans laquelle s'épanouir, si ce n'était pas déjà fait.

Observer les réaction de Nathanaël au fur et à mesure que je racontais avait été drôle. Maintenant, on est dehors, pendant que je fume, et il n'a toujours pas dit un mot. Je cherche son regard un instant, mais ses yeux naviguent sur le jardin, pensif. Et il ouvre enfin la bouche pour me servir un discours sur Terrae, me félicitant d'avoir trouvé un endroit à moi, me souhaitant du bonheur, ce genre de chose qu'il n'est pas le premier à me dire. Je ne peux cependant pas m'empêcher de sourire, avant de répondre, le regard dans le vague.

"Merci beaucoup, Nath. Je pense qu'on partage le même avis sur cet endroit formidable qu'est Terrae."

Je suis presque un peu déçu qu'il ne relève rien de mon monologue précédent, mais je n'en montre rien, préférant passer à autre chose pour ne pas le mettre mal à l'aise. J'ai de plus en plus l'impression de cerner le personnage. Et ça me tire un autre sourire.

"Ça fait combien de temps que tu es à Terrae, toi? J'ai crû comprendre que tu allais à l'université, tu étudies où exactement? Puis, tu penses quoi de Tokyo? J'ai jamais eu d'avis autre que celui de tokyoïtes, alors je suis curieux. J'ai pas vraiment eu la chance de voyager, mais j'espère bien pouvoir changer ça. C'est un peu pour ça que j'ai commencé mes études d'anglais, en fait. Voir le monde. Rencontrer des gens d'autres horizons. Alors même si pour la seconde partie, mon vœu a été exaucé quand le Master m'a invité à le suivre, j'adorerais pouvoir un jour quitter l'archipel. Prendre l'avion. Voir tous ces monuments que je ne connais qu'à travers les séries et les films de mes propres yeux. Paris. London. Roma. Barcelona. Chicago. N.Y. City. 서울. Je vais pas faire la liste entière ça serait trop long."

J'éclate de rire en prononçant les derniers mots, parce que je pense effectivement qu'on en aurait eu pour la soirée.

Après lui avoir fait part de ses vœux, Erik le remercia. Il acquiesça ensuite aux propos de Nathanaël concernant Terrae. Il s'agissait là d'un sujet qui ne créait manifestement pas de tension entre eux et cela était plaisant. Un silence s'installa brièvement, avant que le Morphe ne reprenne la parole pour poser des questions à l'Anglais. Après la troisième interrogation de son interlocuteur, le Titan craignit de se faire ensevelir sous un flot de questions. Heureusement, Erik s'arrêta là et continua, en lieu et place, à parler de lui et de ses envies de voyages. Ce genre de rêve ne faisait que peu écho en Nathanaël. Ce dernier n'avait en effet pas de telles envies. Découvrir le monde ne l'avait jamais attiré et les rares voyages qu'il avait faits avaient soit été catastrophique, avec ses parents, ou plaisant, à présent qu'il y repensait, avec Ipiu. Avant de venir au Japon, il n'avait jamais pris l'avion et n'avait volé depuis que pour partir à Singapour avec la femme qu'il aimait. Il ne dénigrait cependant pas les rêves de son interlocuteur, au contraire.

Je dois avouer que voyager ne m'a jamais spécialement attiré... et je pense qu'aujourd'hui encore moins qu'avant. Partir, découvrir le monde signifierait m'éloigner des gens que j'aime... à moins évidemment que ces personnes viennent avec moi.

L'Anglais s'arrêta un instant, songeur, avant de reprendre.

Mais pardonne-moi. Tu m'as posé des questions et je n'ai pas daigné y répondre. Je suis ici depuis presque quatre ans. J'étudie en effet à l'université de Tokyo. Je fais un Master en Neurosciences.

Le Titan fit une nouvelle pause pour réfléchir, mais il préféra être honnête.

Je ne peux malheureusement répondre à ta dernière question, puisque j'estime ne rien connaître de Tokyo. Je fais les trajets de Terrae à l'université sans dévier de ma route et ne connaît donc rien de la ville. Peut-être devrais-je demander à Ipiu de m'y accompagner une fois, mais pour le moment, je préfère m'éloigner le moins possible. Il me semble que les Masters ont un suivi plutôt strict des étudiants pour éviter les problèmes et je ne souhaiterais aucunement en créer par inadvertance.

Nathanaël se tut à nouveau, réfléchissant.

Si j'ai bien compris ce que tu viens de me dire, tu ne comptes pas rester à Terrae à terme ? Je peux te parler de Londres, si tu le souhaites. Pour le reste, malheureusement, j'en sais probablement moins que toi.

L'Anglais lui sourit. Il ne pouvait comprendre cette soif de découvertes touristiques, lui qui préférait les choses simples, comme passer ses congés proches de chez lui, découvrir des endroits locaux insoupçonnés, plutôt que de changer de pays et d'aller chercher ailleurs des sensations qu'on pouvait peut-être trouver tout près de chez soi... mais il restait tout de même curieux.

Qu'est-ce qui t'attire dans tous ces pays et toutes ces villes que tu m'as cités. Qu'espères-tu y trouver ? Que cherches-tu ?