Nathanaël avait passé sa journée sur un petit nuage. Tout allait bien, vraiment très bien et rien ne pourrait lui faire perdre sa bonne humeur ce jour-là. De toute manière, il n'y avait pas eu un seul incident de la journée... sauf peut-être le regard entendu et le sourire en coin d'Erik à déjeuner quand il était rentré encore un peu éméché. L'Anglais n'avait pas posé de questions, même s'il se demanda s'il savait et surtout comment il aurait pu le savoir, mais, à la place, il avait tant bien que mal chassé la gêne ressentie. Après ce léger malaise, rien n'avait entaché cette magnifique journée !

Le soleil s'était couché depuis presque deux heures quand le Terre prit la décision de se rendre en salle d'astronomie. Cela faisait très longtemps qu'il n'y était pas retourné et un élan inconnu l'y poussa. Il se demanda s'il allait se retrouver devant une porte fermée, n'ayant pas anticipé et ne possédant donc pas la clef. Une fois arrivé, le Titan constata avec contentement que la sécurité n'était plus aussi poussée que la dernière fois qu'il s'y était rendu, puisqu'il put accéder à l'observatoire sans encombre. Il s'installa dans un canapé qui avait été ajouté entre-temps et contempla à l’œil nu la voûte céleste. C'était magnifique, comme à chaque fois. Nathanaël savait qu'il avait de la chance, puisqu'il y avait eu des orages pendant la journée et qu'il y en aurait probablement de nouveau pendant la nuit, mais en cet instant, il put observer les constellations familières sans gêne. Il repéra rapidement Jupiter, facilement reconnaissable, et une autre planète, probablement Saturne, mais il lui faudrait vérifier. Après une inspection plus minutieuse, il décela Mars vers le Sud-Est.

Ce fut à ce moment-là que l'Anglais entendit la porte de l'observatoire s'ouvrir. Il se redressa pour prendre une position plus décente et adaptée à de la compagnie, à savoir ne plus être affalé sur le divan, comportement plutôt rare chez lui de toute manière. La lumière de la salle de cours ne l'aida pas à reconnaître la personne en contre-jour.

Bonsoir ?

Le Terre attendit que la personne se présente ou au moins dise quelque chose. S'il la connaissait, il la reconnaîtrait probablement à la voix, mais sa silhouette lui était déjà familière.

La journée est passée calmement, comme toutes ces derniers temps. Depuis l’Etoilisation d’Alice, j’ai l’impression que tout est plus apaisé, moins compliqué. Un train de vie serein s’est enfin installé, permettant de vivre une vie assez tranquille, pour une fois. Des études, un petit boulot, des amis… Quelque chose de normal, en somme ? Oh, il y a toujours des problèmes, évidemment. Il y a Asbjorn et ses sourires qui filent. Il y a Ariana, et sa bonne humeur qui nous échappe, que nous voyons moins souvent. Mais Nicolas va bien, Jérémy tente de grandir, Elwynn se stabilise et Alice est plus apaisée que jamais. Alors j’essaie de rester forte pour Ariana et Asbjorn, même si ce dernier m’insupporte, ce n’est pas une raison pour l’abandonner. Après tout, il est aussi un membre de notre groupe.

Mais j’ai compris qu’il ne fallait pas que je me démonte parce que mes amis allaient mal. J’ai saisi que ce n’était pas en m’oubliant, en étant abattue, que j’allais pouvoir leur tendre la main. Alors je prends un peu de temps pour moi, un peu de temps pour me sentir bien, afin de ne revenir au combat que plus forte, plus patiente, prête à encaisser tout ce qu’ils ont sur le cœur. C’est pour cela que ce soir, voyant le ciel dégagé, l’air enfin plus frais du dehors, j’ai attrapé mes cours d’astronomie de l’année passée et me suis décidée à monter à l’observatoire afin de tester un peu ma mémoire.

Quelle n’est pas ma surprise en poussant la porte d’une nouvelle fois tomber sur quelqu’un. Cela devient une véritable manie. Un bonsoir file des lèvres de l’inconnu et me fait froncer les sourcils, peut-être pas si inconnu que cela, l’inconnu. Je fais quelques pas de plus, et découvre finalement un visage qui, s’il n’est pas familier, n’est pas non plus tout à fait nouveau.

- Bonsoir.

Je marque une pause, mes livres serrés contre ma poitrine. Le garçon en face de moi est un ami très proche d’Alice, je le sais, pourtant, nous ne nous sommes jamais réellement parlés, si ce n’est rapidement la dernière fois que nous nous sommes croisés ici même. Alors, sans toutefois sourire, je tente d’avoir une expression assez avenante lorsque je reprends la parole :

- Nathanaël, n’est-ce pas ? Nous nous sommes déjà vus ici, il y a un moment de cela. Je ne sais pas si tu t’en souviens. Je suis Hamilton… Adélaïde Hamilton.

Je lâche d’une main mes livres, l’autre se resserrant un peu plus afin qu’ils ne tombent pas, pour tendre celle-ci vers le jeune homme. Il était peut-être temps que nous ayons de réelles présentations.