Alors que je lui montrai une photo de la tresse que je voulais essayer, il eut une exclamation. Je l'écoutai, tout sourire, puis il la compara à la coiffure de Raiponce. Mes mains claquèrent l'une contre l'autre et mes yeux s'agrandirent, pleins d'étoiles.

« Oui, tu as raison, la coiffure que les enfants lui font quand elle va au village est semblable !! »

On parlait de cheveux et d'un film de Disney là, et les deux faisaient partie de mes sujets préférés, donc forcément j'étais agitée. Depuis toute petite, j'admirais les princesses plus particulièrement et j'adorais porter des robes riches en volume, ce qui m'avait d'ailleurs valu le surnom de mon père « petite princesse », ainsi que le bijou frontal qu'il lui avait offert, semblable à une couronne.

Lorsque je lui parlai de mes parents, il me demanda si ce n'était pas trop ennuyant de vivre sans frère et soeur. Apparemment, lui en avait quatre, donc je comprenais qu'il se pose la question ! Vu son air, il devait beaucoup aimer sa famille, alors que d'autres personnes en parlaient plus comme étant une nuisance.

Le reste de ses paroles confirmèrent ma pensée. Selon lui, sans sa famille, il ne serait pas le même individu aujourd'hui. C'était probablement le cas de tout le monde.

« Tu as raison. Mais non, je ne m'ennuyais pas ! Car si dans la maison on était que trois, j'ai toujours été très proche du reste de ma famille aussi. On se rassemblait souvent pour célébrer avec mes cousines, mes tantes, mes oncles, etc. Même pour la  partie de la famille qui habite au Nigéria, même si je ne suis allée les voir que quelques fois, on garde contact. »

Je pris une pause et réfléchit un peu.

« Et puis de toute façon, il fallait déjà que je me batte avec ma mère à la maison pour avoir accès à l'ordinateur ou aux consoles. T'imagines si, en plus, j'avais eu des frères et soeurs ?! Ouais parce que ma mère est aussi une grande gameuse, d'où mon prénom. »

Vu son rire, j’imaginais qu’il comprenait tout à fait ce que je voulais dire en matière de partage d’ordinateur et de consoles. Ça avait dû être encore plus compliqué pour lui qui avait des frères et sœurs. J’espérais bien qu’ils avaient des jeux multijoueurs, sinon qu’est-ce que les autres étaient supposés faire ? Aller jouer dehors ? Pfff ! Bon, j’exagère. Même moi, petite, je jouais dehors parfois. Puis c’était devenu de plus en plus rare.

L’origine de mon prénom eut l’air d’intéresser Adonis. Il s’exclama ensuite que dans son cas, c’était son père qui avait choisi son prénom, parce qu’il aimait la mythologie. Le nom d’une divinité..? Wait a sec… Il précisa ensuite qu’il s’agissait du nom de l’amant d’Aphrodite.

« Oh !! C’est pour ça que ça me rappelait quelque chose ! »

La mythologie faisait aussi partie des sujets qui m’intéressaient, surtout grecque. Je haussai un sourcil, un sourire moqueur aux lèvres, à son commentaire.

« J’crois que ton père s’est trompé, il aurait dû t’appeler Narcisse. »

Beauté envoûtante, c’était exagéré, mais il était mignon. Cependant, ça, on va le garder pour soi. Son ego semblait déjà bien assez grand !

« D’ailleurs, tu fais quoi ? J’veux dire, t’es étudiant ou tu travailles ? Perso, je travaillais pour un journal avant de venir à Terrae, mais c’était tellement ennuyant… là, j’ai réussi à me dégoter un boulot à l’arcade, et j’essaie de trouver ce que je veux faire de ma vie. »

Je n’en avais encore toujours pas la moindre idée. L’arcade c’était pas trop mal, mais ce n’était pas comme si je passais ma journée à des jeux vidéo, non, je regardais des gens jouer à des jeux vidéo, en fait.

Ni l’un ni l’autre ? Eh bah, c’était plutôt rare, ça. Il me confia ce qu’il faisait avant d’arriver à Terrae, c’est-à-dire serveur et barman. Un boulot de jour et un de nuit, ça avait dû être épuisant ! Il m’exclama qu’en plus d’avoir dû abandonné la fac, il avait aussi dû laisser tomber un concours car sa mère avait des difficultés.

Sa dernière phrase me frappa.

Travailler, dormir, manger. Ça ressemblait également à ma situation avant qu’un Master ne débarque dans ma chambre pour me proposer de venir ici. Mon travail ne me plaisait pas, j’étais fatiguée à cause de celui-ci, et je ne voyais presque plus mes amis qui étaient occupés. Je me réfugiais alors dans les jeux vidéo, mais même ça, c’était devenu un automatisme. Je m’étais réfugiée dans la facilité et je me sentais vide. Cloîtrée chez moi, je ne savais vraiment pas quoi faire d’autre.

Bon, ce n’était pas le moment de me ressasser tout ça. Je l’écoutai continuer en me disant que ça ne semblait pas jojo. En fait, s’il était atterri à Terrae, c’était qu’il avait aussi ressenti le Vide. J’avais tendance à oublier ce détail chez les gens qui m’entouraient dans cette ville.

« Tout lâcher, des fois… c’est pour le mieux. »

J’espérais vraiment finir par trouver un sens, ici. J’étais plus heureuse, sans aucun doute, mais parfois je m’arrêtais et je regardais le sol, immobile… et je ressentais de nouveau le Vide. Parfois même en pleine conversation. Je me posais alors des questions bêtes, comme si les amis que je m’étais fait à Terrae jouaient la comédie et ne m’appréciaient pas, en fait. C’était idiot, je le savais. Pourquoi traîneraient-ils avec moi si je les agaçais ? Mais c’était plus fort que moi. J’avais juste peur que ma vie ici ne soit qu’un mensonge.

Adonis reprit parole et déclara qu’une vie basée uniquement sur le travail, ce n’était pas une vie. Je hochai la tête avec un petit sourire. Son affirmation d’ensuite me laissa momentanément bouche bée. J’étais toujours un peu gênée de recevoir des compliments en face à face mais c’était surtout le sujet de l’amour qui me fit buguer. Je ris nerveusement avant de lui répondre.

« Ah non, je suis une quiche en amour… je n’ai jamais de relation. Pas in real life, en tout cas. J’ai jamais réussi à dire à un crush qu’elle… ou il me plaisait. Et le peu de déclarations que j’ai reçu bah… j’étais pas intéressée. »

C’était toujours embarrassant à avouer. À 22 ans, la plupart des gens avaient déjà eu des relations, ne serait-ce que… sexuelles. Alors que moi, NADA. Une amie m’avait proposé de l’embrasser une fois pour essayer et je n’étais jamais allée plus loin que ça. Tu parles d’une loser...

Ne pas m’inquiéter ? NE PAS M’INQUIÉTER ? Eh bah c’était trop tard pour ça, je m’inquiétais depuis mes 16 ans. Je voyais des gens du même âge se mettre en couple autour de moi alors que j’avais l’impression que pour moi, ça n’arriverait pas. Il déclara qu’il ne fallait pas se blâmer quand on ne faisait pas comme les autres, qu’on devait avancer à son rythme.

« Ouais bah, mon rythme il est tellement lent que je m’énerve moi-même. »

J’en étais à un tel point que je ne savais plus si ce qui m’exaspérait le plus c’était les autres ou moi. Il murmura ensuite quelque chose, sûrement pour lui-même, que je n’entendis pratiquement pas. Il continua en s’exclamant qu’on ne devait pas attendre que l’amour nous tombe dans les bras et que, comme une recette, il fallait préparer un mélange et… en fait, je ne comprenais pas trop sa métaphore. Je devais avoir un air confus au visage…

La suite me laissa bouche bée. Mon coach de drague ! Il semblait sérieux en plus ! Son enthousiasme m’atteignit et je souris à pleines dents.

« Vraiment ?!! Olala, je m’attendais pas à ça », dis-je avant d’éclater de rire. « J’imagine que si quelqu’un me guide… ça pourrait être plus facile… »

En fait, il y avait une petite voix qui me disait de refuser. Ou plutôt qui me CRIAIT de refuser. Même avec l’aide de quelqu’un, je pensais être un cas désespéré… mais je devais essayer ! J’en avais assez de la Elfie qui fuyait tout !

Je souris quand Adonis me félicita. Je sortais ÉNORMÉMENT de ma zone de confort depuis que j’étais arrivée à Terrae et que quelqu’un le reconnaisse c’était… agréable. J’avais toujours été trop coincée et je me doutais que cela devait avoir mené, en quelque sorte, au Vide. Je ne vivais pas assez.

Il continua en s’exclamant que je venais d’accepter un contrat qui ne prendrait fin que lorsque j’aurais trouvé la bonne personne. J’écarquillai les yeux, m’apprêtant à répliquer parce que hé ho ! Je n’avais pas accepté ça moi, mais juste qu’il soit mon coach de drague ! Cependant, il continua et, détestant moi-même me faire interrompre, j’attendis qu’il ait terminé. Ok son discours était intense mais… ça me touchait. Genre plus que je ne l’avouerai jamais. Je suis trop émotive, putain.

« Tu sais, trouver LA bonne personne pourrait être long… t’es sûr que tu veux traîner avec moi jusqu’à mes 70 ans ?! » demandai-je en riant.

Il déclara ensuite qu’il connaissait déjà un peu mes goûts. J’avais que c’était assez facile s’il avait navigué sur ma page tumblr… Puis, il voulut me tester avec un petit exercice. AH, QUEL GENRE D’EXERCICE ? Il me posa une question simple. M’enfin, je mis quand même une vingtaine de secondes à réfléchir, parce que j’hésitais et aussi parce qu’il me foutait la pression avec son regard sérieux.

« Eh bien, je m’approche et je lui dis… Salut ? Chaque conversation commence par un salut, non ? » m’exclamai-je avec un sourire niais.

C’était la bonne réponse ou pas ?! J’en savais fichtrement rien !

Sa réponse me fit rire de nouveau. Il disait ça avec tellement d'assurance, comme si s'il était réellement possible que je puisse vivre jusqu'à 170 ans, il appréciarait toujours ma compagnie. Or, j'étais plutôt convaincue qu'il exagérait. On venait de se rencontrer, après tout. Et si je me révélais être une enfoirée ? Bon, malgré tout, ça me toucha de nouveau. Ralala, il fallait que je me calme, si ça se trouvait notre amitié tomberait peut-être à l'eau... Ça ne serait pas la première fois que ça m'arriverait.

« Ouf, si ça me prend autant de temps, autant devenir une folle aux chats ! »

Puis, il me proposa un exercice. Hahah je sentais que j'allais le décevoir. Je répondis, pas très confiante. Il tapota ma tête comme pour me féliciter et me demanda ce que je ferais ensuite. Ça serait effectivement mon genre d'attendre que le reste vienne de l'autre. Il se mit à énumérer des détails qui étaient importants. L'assurance, lol. Le seul truc pour lequel j'en avais, c'était jouer aux jeux vidéo.

Il continua en s'exclamant que la première impression était souvent marquante et que mon physique avait une grosse influence sur celle-ci. Je comprenais ce qu'il voulait dire : parfois, on était d'abord attiré vers les gens à cause de leur apparence, comme pour Helm par exemple. S'il n'avait pas été aussi particulier, je ne l'aurais pas approché. Il me dit ensuite de ne pas m'inquiéter parce que j'étais magnifique et que la personne verrait peu à peu ma belle personnalité.

« Nan mais j'vais finir par prendre la grosse tête si tu continues comme ça, tu sais ?! J'vais me mettre à dire, je changeai ma voix pour la rendre plus suave,   « J'devais être destinée à être une charmeuse à la beauté envoûtante » », déclarai-je pour faire référence à ses paroles de tout à l'heure.

Je revins alors sur ce qu'il avait mentionné avant.

« Niveau physique je crois que je peux pas faire grand-chose de plus ! Mon style ne peut peut-être pas plaire à tout le monde, mais si quelqu'un ne l'aime pas alors je ne veux rien avoir à faire avec lui. Pour ce qui est de la posture et tout le tralala... Devant un miroir c'est facile, mais en vrai c'est... très embarrassant ! »

Si je me faisais rejeter c'était la honte ou si, au contraire, la personne était intéressée... dans un cas comme dans l'autre, je serais sûrement gênée et j'aurais envie de m'enfuir en courant !

Il sonnait tellement comme un vrai professeur que ça en était pertubant. Je l'écoutai avec un sourire en coin alors que je pensais à cela. J'étais totalement d'accord avec lui : on n'avait pas à se changer pour quelqu'un d'autre, il fallait rester fidèle à soi-même. Alors évidemment, même si j'aimerais pouvoir m'entendre avec tout le monde, ce n'était pas possible...

Il revint ensuite sur le sujet de la posture. Il s'exclama que je n'avais pas à avoir celle d'un mannequin mais que je devrais au moins me tenir droite et la tête haute, surtout que j'étais plutôt grande. Ah bah... honnêtement ça dépendait de mon humeur. Cependant, il me semblait bien que la plupart du temps je me tenais assez droite. Car si j'entretenais mon apparence et que j'avais le dos courbé, ça serait peu harmonieux.

« Je me tiens droite, je pense. La tête haute, je sais pas trop. »

Parce qu'en vrai, je n'avais pas très confiance en moi et quand je paraissais assurée, c'était souvent un simple masque. Adonis déclara alors que même si j'étais embarrassée, je devais le cacher puisque certains pourraient m'embêter à cause de ça. J'écarquillai les yeux très grand et serrai les dents.

« Euuuh, le truc c'est que je suis... expressive ? J'étais dans une troupe de théâtre au lycée mais si je ne suis pas sur une scène, c'est compliqué de ne pas laisser transparaître... moi » dis-je en me désignant de la tête aux pieds.

Je réfléchis quelques secondes avant de reprendre.

« Et si je dois cacher qui je suis, comme on vient d'en parler, est-ce que ça vaut vraiment la peine ? »

Montrer ce que je voulais laisser voir. Hum. C’était tout de même logique. Je pouvais cacher mon malaise tout en montrant des aspects de ma personnalité plus appétissants. Quoi que certaines personnes aimaient les gens timides… Ça dépendant vraiment de qui se tenait en face de toi… Raaah ! Les relations étaient un véritable casse-tête !

Adonis tenta d’éclaircir ce point en disant que c’était comme raconter une histoire, mais en omettant des détails. Seulement, ça n’avait pas à être une mauvaise chose. Il me demanda si je comprenais.

« Plus ou moins » m’exclamai-je avec un petit sourire embêté.

Peut-être pourrais-je laisser tomber ma vie amoureuse. Peut-être même laisser tomber les contacts humains tout court. C’était trop compliqué !! Je pourrais devenir une recluse. Passer mes journées à jouer des jeux vidéos avec mes cinq chats. Hahahah. Bon, non. Clairement, je ne pourrais jamais être heureuse de la sorte.

Adonis continua ses explications et nous discutâmes encore un moment. Je me doutais bien que je n’allais pas devenir une experte en drague du jour au lendemain mais… au moins il y avait maintenant un peu de lumière au bout du tunnel. Et pour quelqu’un comme moi qui adorait l’amour et la romance, c’était déjà bien.