Je ferme mon manteau et enroule mon écharpe autour de mon cou, adresse un dernier signe de main à mon collègue Allen puis quitte la boutique, enfonçant mes mains dans mes poches. Il fait froid, d'ailleurs ils annoncent de la neige un peu plus tard dans la soirée il me semble... J'enfuis un peu plus la tête dans mon écharpe et presse le pas, j'ai hâte d'être dans mon lit avec un pyjama bien chaud et un thé !

Comme à mon habitude, je fais un petit détour par la librairie, espérant voir un beau brun ténébreux ranger des livres dans les rayons... Même si je sais qu'il n'est pas là, je ne peux m'en empêcher. Il y a une semaine déjà qu'il est parti en mission, et je n'ai eu aucune nouvelle de lui... Et je suis morte d'inquiétude, on peut le dire ! Il avait acheté un nouveau téléphone juste avant la mission justement pour pouvoir me contacter, donc s'il ne l'a pas fait, c'est qu'il y a eu un problème, non ? Je suis même allée frapper à sa porte il y a deux jours et vérifié rapidement à l'hôpital, mais rien... Je suis tellement inquiète et obsédée par ce silence que j'en ai presque oublié ce qui s'est passé entre nous. Presque... Comment oublier ses lèvres si douces et son parfum ennivrant ?

Un sourire se dessine sur mes lèvres à cette pensée, qui s'élargit lorsque je vois le Japonais ranger soigneusement ses livres au travers de la fenêtre... Wait, WTF ?! Mais qu'est ce qu'il fait là ? Ma mâchoire se décroche presque sous le coup de la surprise, et mon cerveau balance entre soulagement et colère. Bien sûr, je suis soulagée de le voir entier et apparemment intact, mais d'un autre côté........ Pourquoi il ne m'a rien dit ?! Sans réfléchir, je pousse la porte de la librairie, qui fait résonner la petite clochette annonçant un nouveau client.

"Désolé, la librairie est fermée."

J'entends une voix plus que familière à l'arrière du magasin, vers laquelle je me dirige sans hésitation. Je me plante juste derrière lui, et lui réponds d'une voix franche et un peu cassante, trahissant mon irritation.

"Je sais bien que c'est fermé."

Renji se retourne en entendant le son de ma voix et me regarde en silence d'un air surpris pendant quelques instants. Mes yeux plongés dans les siens, je sens ma colère s'évanouir à la vitesse grand V et laisser place uniquement à une vague de soulagement intense. Après plusieurs secondes de silence immobile, je lui saute littéralement dessus, enroulant mes bras autour de lui, la tête enfouie dans son cou.

"Pourquoi tu ne m'as donné aucune nouvelle ?! J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose... J'ai eu... Tellement peur..."

Ma voix se brise et je sens mes yeux se remplir de larmes... En fait, j'étais encore bien plus inquiète que ce que je pensais... Damned, qu'est ce que c'est que ce bouillon de sentiments confus qui m'assaillent en ce moment ?

Je sens Renji se tendre légèrement lorsque je me jette à son cou. Je m'attendais à ce qu'il me rende mon étreinte mais non, il reste immobile... Et après quelques secondes, il pose même ses mains sur mes bras pour m'éloigner de lui. Bon... Il me lâche et termine de se reculer complètement, me laissant suffisamment de liberté de mouvement pour sécher les larmes qui commençaient à s'accumuler au coin de mes yeux. Au moins, sa réaction coupe court tout élan d'émotion !

Il s'excuse ensuite de son silence prolongé et je hoche légèrement la tête, encore un peu sonnée par sa froideur envers moi. Un flash me revient de ces baisers échangés avant son départ, je peux encore presque sentir ses mains sur mes hanches, le goût de ses lèvres. Alors pourquoi ? Son rejet me blesse profondément... Mais je dois l'accepter. Nous avons chacun eu le temps de réfléchir à ce rapprochement entre nous, et si j'ai espéré que notre relation prenne un nouveau tournant... Il faut croire que le brun préfère continuer comme si rien ne s'était passé. Il y parvient d'ailleurs sans aucun problème apparemment, et se remet au travail en triant ses livres. Je ne suis pas sûre d'y arriver si facilement... Comment oublier ses mains, ses lèvres, ses regards ? Ces sentiments confus qui ont commencé à se développer en moi ? Je soupire légèrement, je n'ai pas vraiment le choix si je veux conserver notre amitié, il va falloir que je prenne sur moi...

"Est-ce que tu as besoin d'aide ? J'ai terminé mon travail à la boutique pour aujourd'hui, je peux rester un peu avec toi si tu en as envie."

C'est plutôt moi qui en ai envie, mais bon. Je me place à côté de lui et attrape un livre que je range aux côtés des autres sur l'étagère. Je me tiens à une distance respectable pour ne pas le frôler... Ce ne serait pas une bonne idée. Le silence entre nous est un peu étrange, et pour être honnête je ne suis pas très à l'aise. Comment fait-on pour retrouver une relation amicale normale après avoir partagé un moment aussi passionné ? Le Japonnais finit par briser le silence et me demander comment s'est passé ma mission. Je me racle la gorge avant de lui répondre.

"Mmh, ça s'est plutôt bien passé... Et la tienne ? De quoi s'agissait-il au final ?"

Il n'avait pas pu me donner de détails avant son départ... Je tourne les yeux vers lui, les mains toujours occupées dans les livres.

"Au fait, de quels autres soucis parlais-tu ? Est-ce que tout va bien ?"

Renji m'annonce platement que sa mission était une "simple" prise d'otage. J'ai un hoquet de surprise et manque de faire tomber le livre que je tiens dans mes mains. Je tourne mes yeux arrondis vers lui et l'observe avec une attention accrue. Quelques égratignures, mais c'est tout... Quand je pense à ce qui aurait pu lui arriver !!

"Une simple prise d'otage ?! Tu es sérieux ? Vous avez réussi à sortir tout le monde sain et sauf ? Est-ce que tu te rends seulement compte à quel point ce genre de situation peut déraper complètement ?"

Le brun en parle comme si ce n'était qu'une formalité alors qu'il aurait pu y laisser sa peau... D'un côté, je suis contente de ne pas avoir su de quoi il s'agissait avant son départ, ou j'aurais été encore plus inquiète ! Je prends une grande inspiration afin de calmer les tremblements que je sens dans mes doigts. C'est bon, quelle qu'ait été la mission, il est de retour sain et sauf maintenant... Et de toute façon, je suppose qu'avec ses fréquentations d'avant Terrae, il a vécu des situations similaires voire même pires que celle-là...

En parlant de sa vie avant l'institut, voilà justement qu'il me parle des affaires qui l'ont retenu ailleurs comme des "broutilles familiales". Il soutient mon regard d'une manière assez distante et je finis par hausser légèrement les épaules. S'il n'a pas envie de m'en parler plus que ça, je ne vais pas le forcer non plus...

"Oh, d'accord. J'espère que ça ne t'a pas causé trop de souci en tout cas..."

Je lui adresse un léger sourire, malgré cette distance que je sens entre nous. Le silence s'installe ensuite alors que nous rangeons petit à petit les étagères. Comment est-ce possible d'être aussi proche de quelqu'un tout en se sentant aussi loin ? Une vague d'émotions diverse me balaye de la tête aux pieds, je ne sais même plus quoi penser et me concentre donc sur le classement des livres, pour essayer de me changer les idées.

Renji finit par briser ce silence empli de malaise, et s'excuse pour son attitude. Je comprends directement de quoi il parle, car ce jour-là déjà, il s'était excusé. De m'avoir embrassée. Je pose le livre que je tiens dans mes mains sur l'étagère, avant de me tourner vers lui pour lui faire face. Je reste silencieuse, et après un moment d'hésitation, le brun continue son explication. Je le laisse terminer, sentant mon coeur se serrer dans ma poitrine. Les yeux toujours plongé dans les siens, je lui pose la question qui me brûle les lèvres depuis un moment déjà.

"Est-ce que tu regrettes ?"

Parce que moi, non. Parce que d'ailleurs, si ça ne tenait qu'à moi, ses lèvres seraient déjà contre les miennes et ses mains sur mes hanches. Je n'arrive plus à penser clairement, il faut que je me calme. Je me raccroche à ses mots pour rattraper le fil de la réalité. Je cligne des yeux pour effacer les images qui commencent à se former dans ma tête, et hoche la tête avec un sourire légèrement triste.

"Excuse-moi, ça n'a pas d'importance. Tu as raison, ce qui importe, c'est notre amitié... J'y tiens aussi, bien trop pour tout gâcher."

Je me tais quelques instants, me mords la lèvre en m'assénant une gifle mentale. Cette phrase est plus douloureuse et difficile à prononcer que je ne l'aurais imaginé, mais...

"On oublie ?"

Après un moment de silence, Renji finit par croiser mon regard et me répondre que oui, si c'est ce que je souhaite, nous pouvons oublier cet "incident". Je n'ai même pas le temps d'ouvrir la bouche pour continuer la conversation, qu'il enchaîne en soulignant que cela allait malgré tout être très compliqué pour lui. Cet aveu me fait monter le rose aux joues, s'il savait à quel point ce baiser est impossible à effacer de ma mémoire... Je baisse les yeux sur mes mains quelques instants, et lorsque mon regard remonte vers le brun, je remarque qu'il me fixe plus intensément.

Il reprend alors en m'expliquant que je l'ai aidé à changer sa vision des relations humaines. Ce qui me fait sourire, je n'ai fait que lui ouvrir les yeux, il a décidé de changer et faire des efforts de lui-même ! La suite de son discours en revanche fait disparaître mon sourire à mesure que mes joues rougissent. Renji parle si peu de ses sentiments que je n'avais jamais réalisé à quel point il tient à moi. Probablement autant que je tiens à lui, à vrai dire. Cet aveu me laisse sans voix pendant un moment plutôt long. Suffisamment en tout cas pour que le Japonais baisse les yeux et retourne à sa liste de livres.

Je m'approche finalement de lui et prends sa main dans la mienne, entrelaçant nos doigts. Je plonge mon regard dans l'azur de ses yeux, dont je ne me lasserai probablement jamais. Je meurs d'envie de l'embrasser, mais... Non. Notre relation vaut mieux que ça, elle vaut la peine de résister à la tentation. Le brun a été honnête avec moi, c'est maintenant à mon tour de l'être. De lui dire ce que j'ai sur le coeur au lieu d'essayer de le masquer.

"Je n'ai pas envie d'oublier... Disons plutôt de mettre de côté pour le moment ? Renji, je... J'ai beaucoup de sentiments pour toi. Des sentiments confus, que je ne comprends pas toujours et que j'ai du mal à démêler... Mais ce que je sais, c'est que quand je suis près de toi, je me sens bien. Et je n'ai pas envie de perdre ça, je n'ai pas envie de tout gâcher pour une... Sorte d'attirance entre nous. Alors oui, pour le moment je préfère ne pas y penser, et juste continuer à passer du temps ensemble, comme avant..."

Et on verra bien après. Faire l'autruche, parfois ça a du bon... Je n'ai pas envie de précipiter les choses sans même savoir ce que je ressens exactement. C'est le meilleur plan pour foncer droit dans un mur !

Je lui souris avec douceur tout en lâchant sa main, reculant de quelques pas pour lui laisser reprendre son espace vital. J'espère n'avoir pas été trop honnête, pour le coup... Mais il semblerait qu'il n'ait pas l'intention de fuir cette fois, puisqu'il me propose même de dîner tous les deux ! Je détourne les yeux alors qu'il se passe la main dans les cheveux - oui, vous m'excuserez mais ma volonté a ses limites et il est tellement sexy quand il fait ça...

"Avec plaisir, oui ! Pour être honnête je meurs de faim, j'ai passé toute la journée à la boutique..."

Et j'avais prévu de me prendre à manger sur le chemin du retour, mais une certaine silhouette brune derrière sa vitrine a contre-carré mes plans ahah...

[HRP : désolée pour le retard, le boulot a été prenant ces dernières semaines ! Je souffle enfin un peu :D]


Renji reste muet face à ma déclaration, mais je remarque bien qu'il a l'air de réfléchir et encaisser ce que je viens de lui dire. Je préfère ne rien ajouter moi non plus, et nous quittons donc la boutique pour nous rendre au restaurant. Je resserre mon écharpe autour de mon cou, avant de sourire au brun tout en hochant la tête.

"Oui c'est vrai, ça fait un moment qu'on n'a pas pu discuter mine de rien ! Tu pourras me parler plus amplement de ta mission... Enfin, si ce n'est pas confidentiel bien entendu !"

Je n'avais pas reçu de consigne de silence particulière concernant la mienne, mais on ne sait jamais. Il avait l'air d'être passé par des événements un peu plus intenses !

Le Japonais revient ensuite soudainement sur notre précédente conversation, et l'évocation de notre baiser me fait rougir une fois de plus. Baissant mes yeux sur mes chaussures, je hoche lentement la tête, sans rien dire. Un léger silence s'installe, que Renji brise une fois de plus en m'expliquant le fond de sa pensée. Je lève les yeux vers lui avec un demi-sourire.

"Il y en a eu quelques uns, oui... Mais pas tellement non plus. Je suis peut-être plus douée que toi avec mes relations humaines, mais on ne peut pas dire que je sois experte non plus ! Et je ne savais pas... Que tu avais embrassé une autre fille, je veux dire. Je suis désolée que ça se soit passé ainsi, ce n'est jamais agréable de se sentir forcé."

Je ne peux empêcher une légère pointe de jalousie tout en me demandant qui est cette autre fille. Mais je préfère garder ma question pour moi, la réponse risque de ne pas me plaire, surtout si je la connais !

Le brun s'arrête soudain au milieu de la rue, et prend délicatement mes doigts entre les siens, tout en me demandant si cela aussi, c'est un signe d'attirance. Je reste muette de surprise quelques instants, les joues roses, avant de finalement hocher la tête tout en resserrant ma main autour de la sienne.

"Eh bien... Je pense que oui. C'est difficile à expliquer... Je le ressens comme un besoin d'être proche de toi, tout simplement. Autant mentalement que physiquement..."

Je souris légèrement, faisant complètement abstraction des gens autour de nous qui commencent à nous regarder bizarrement. Bon, je sais que j'ai dit vouloir attendre de mettre de l'ordre dans mes sentiments avant toute chose, mais quand il fait ce genre de geste, et surtout en me regardant aussi intensément, c'est compliqué de rester concentrée !

Renji m'écoute attentivement avant d'acquiescer en mettant un mot sur ce qui se passe entre nous. De l'attraction, c'est bien ça... Mais y a-t-il de vrais sentiments derrière ou non ? C'est la question à laquelle je me trouve bien incapable de répondre pour le moment.

Nos mains restent liées pendant quelques instants, avant que Renji ne se détache tout en reprenant la parole. Il m'explique la raison de son absence prolongée, et je hoche lentement la tête en restant silencieuse. Je comprends, sa situation n'est pas simple et il me l'a déjà confié auparavant. Je sens qu'il a encore des choses à dire, aussi je le laisse continuer sur sa lancée sans l'interrompre.

Sa dernière phrase me fait l'effet d'un coup de poing à l'estomac. J'en ai le souffle coupé, et me retrouve incapable de lui répondre ou même de bouger, me contentant de le regarder avec des yeux ébahis. Le brun a beau être juste en face de moi, je le sens à des milliers de kilomètres ailleurs. J'ai envie de lui dire qu'il se trompe, que sa place est ici à Terrae, ici avec moi... Mais je le connais suffisamment pour savoir que sa décision est déjà prise. S'il hésitait encore, il ne m'en aurait pas parlé, tout simplement.

"Renji, je..."

Ma voix reste bloquée au fond de ma gorge. Je ne sais pas quoi lui dire. Et en vérité, là tout de suite, je n'ai vraiment aucune envie de parler. Il va partir. Je ne sais pas exactement quand, mais sans doute très bientôt. Cette information tourne en boucle dans ma tête. Renji, parti, sans doute pour toujours. Garder contact à distance n'est jamais facile, et puis ce n'est pas mon genre, ni le sien. Alors autant ne pas se leurrer, ce que nous partageons va s'envoler en même temps que lui. Tout un pan de ma vie est en train de s'effondrer comme un chateau de cartes sans que je ne puisse rien y faire.

Je me tourne pour lui faire face. Des larmes roulent le long de mes joues, sans que je puisse les arrêter. Je ne veux pas tenter de le retenir, ça ne servirait à rien d'autre que de le faire se sentir coupable. Et il n'a pas à se sentir coupable, je sais qu'il a essayé de s'intégrer, je sais qu'il a vraiment essayé... Je ne peux pas lui en vouloir d'avoir échoué. Mais il y a une chose que je veux faire avant qu'il ne sorte de ma vie. Une chose dont j'ai envie depuis longtemps. Je l'attrape par le col et plaque mes lèvres contre les siennes dans un baiser passionné. Il paraît que la meilleure façon de résister à la tentation, c'est d'y céder... Et je n'ai plus rien à perdre maintenant.

Renji répond à mon baiser et m'attire à lui. Je passe mes bras autour de sa nuque pour l'attirer plus près encore. C'est si doux, mais en même temps si douloureux. Ce baiser représente tout ce que nous aurions pu être, mais que nous ne serons jamais. Ou peut-être juste pour cette nuit. Le brun met fin à notre échange et se recule quelque peu, plantant son regard dans le mien avec une certaine hésitation.

Je passe mes mains sur mes joues pour essuyer les larmes, avant de secouer la tête en réponse à sa question. Non, ce n'est pas un caprice. Ou peut-être que si, mais c'est autant un caprice de sa part que de la mienne, alors ça va. Un sourire se dessine sur mes lèvres lorsqu'il m'avoue en avoir envie. Il n'est pas le seul... Et même si cette nuit doit me briser le coeur, je préfère avoir des remords que des regrets d'avoir dit non.

"J'en ai envie aussi..."

Je lui réponds alors que ses mains longent mes avant-bras. Je continue le mouvement jusque'à ce que nos mains s'entrelacent. Je m'approche de lui à nouveau, nos lèvres sont si proches qu'elles s'effleurent. Je plante mes yeux dans les siens avec sérieux.

"Il n'y a rien à pardonner Renji. Bien sûr, tu vas me manquer, et j'aurais préféré ne jamais te voir partir... Mais je sais que tu as essayé. C'est douloureux, mais je comprends et j'accepte que ta vie n'est pas ici..."

Ma voix tremble mais j'arrive à retenir les larmes. J'aurai bien le temps de pleurer lorsqu'il sera parti. Je ne veux pas de tristesse ce soir, seulement de la passion. Je resserre l'étreinte de nos mains et parcourt l'espace qui sépare nos lèvres dans nouveau baiser.

"On retourne à l'institut ... ?" je souffle entre deux baisers.

Ses yeux bleus croisent son regard d'océan. Il ressent tout le contact. Sa respiration sur son visage. Leurs lèvres qui s'effleurent. Leurs doigts qui s'entrelacent. C'était comme un codage qu'il fallait retenir et ne jamais oublier. L'encrer quelque part, dans sa mémoire et sa chair. Qu'un jour, pendant de terribles nouvelles, il puisse se souvenir de cet instant. D'Elle.

Pandora n'est pas rancunière. Elle comprend sa position bien qu'elle ne souhait pas le voir partir. Les lèvres du garçon s'en trouvent et se referment aussitôt. Il n'a jamais appartenu à leur monde. Ni ici, ni ailleurs. Sa place est auprès des Yakuza. Et il préfère tenir l'anglaise loin de cette violence continue plutôt que d'être égoïste. Car pour elle, ce n'est pas son monde.
Un fin sourire se dessine sur les lèvres du brun, à peine perceptible.

"J'aurai préféré ne jamais te rencontrer…"

Sa voix est douce bien que les paroles paraissent brutales. Et pourtant il n'en est rien de cela. S'il avait mis autant de temps à prendre une décision, à choisir son camp, c'était parce que Pandora faisait obstacle. Elle le hantera pour le reste de ses jours. Il ne connaitra aucun futur à ses côtés et c'est d'autant plus frustrant. Il ne pourra qu'imaginer l'improbable. Et il n'y a pas pire punition.

Echangeant un nouveau baiser, se délectant de ce contact, la jeune femme propose par la suite de s'abriter dans l'institut. Ce à quoi le japonais accepte d'un hochement de tête. Pas besoin de parler. Ils n'ont jamais eu réellement besoin de ça. Pandora est surement la seule personne a savoir s'adapter aussi rapidement au comportement du brun.
Généralement les gens parlent fort. Ils parlent trop. C'est usant. Mais pas avec elle. Elle a toujours su communiquer quand le besoin s'en fait sentir, quand il était nécessaire. Ce pourquoi en dehors des autres raisons, Renji appréciait sa compagnie.

Gardant sa main dans la sienne, ils se dirigèrent silencieusement vers l'institut. Les heures paraissent être des secondes à présent. Chaque moment est précieux. Et Renji s'efforce de garder en mémoire chaque geste, chaque bruit, chaque sensation.

"Je devrais te remercier si ça ne parait pas déplacer. Tu as été la seule personne à m'avoir accepter tel que je suis."

Parcourant le couloir des Airs, les deux terriens peuvent profiter de la tranquillité. Ce soir, les résidents ne rodent pas. Etrangement et pour une fois, c'est agréable. Aucune agitation. Peut être que cela aussi pourrait manquer au brun.
Mais pour l'instant, ce qui le préoccupe, c'est Pandora.

"Je pense qu'il aurait été mieux que ce ne fut pas le cas. Ca aurait moins pénible."

Evidemment il faisait allusion à son passé, à son identité. L'anglaise ne l'avait jamais perçu comme un monstre ou une personne dangereuse. Mais si cela avait été le cas, alors peut être que les séparations de ce soir seraient moins douloureuses. Probablement...

Renji me rend chaque baiser avec une douceur que je ne lui connaissais pas. Nos échanges sont très différents de ceux partagés ce fameux jour sous la pluie... Nous ne sommes plus en terrain inconnu, cette fois ce n'est pas un accident dû à une succession de coïncidences ; non, cette fois nous sommes tous deux pleinement conscients de ce qui se passe. C'est notre façon à nous de clore cette histoire je crois, de la mener à son terme. J'aurais tant aimé la voir perdurer dans le temps, mais c'est devenu impossible maintenant... Je suppose que lui comme moi avons besoin d'une sorte de "clap de fin" pour pouvoir continuer chacun sur notre route sans regrets.

Le brun s'écarte de moi et m'avoue à demi-mots qu'il aurait préféré ne jamais me rencontrer. Les mots sont abrupts, mais je comprends parfaitement ce qu'il veut dire. Je lui souris doucement et passe une main sur sa joue avec tendresse.

"Les adieux ne sont douloureux que lorsque les sentiments sont vrais..."

Je pose ma tête contre son torse quelques instants, avant de lui proposer de retourner à l'institut, ce qu'il accepte d'un hochement de tête. C'est main dans la main que nous parcourons le chemin qui nous sépare de l'école. Nos pas nous dirigent presque naturellement au couloir des Airs. Chez moi donc... Le Japonais ralentit soudain l'allure avant d'être arrivés à ma porte, et me remercie. Je tourne mon regard vers lui avec un demi-sourire et hausse légèrement les épaules.

"Merci à toi de t'être ouvert à moi... Malgré nos incompréhensions parfois, je n'ai jamais trouvé difficile de te fréquenter tu sais. Il y a beaucoup plus à aimer en toi que ne sembles le penser."

Ma main serre la sienne un peu plus fort à ces mots. Nous arrivons à peine quelques instants plus tard devant la porte de ma chambre. Je l'ouvre et invite le brun à entrer. Etrangement, je ne me sens pas timide ; je n'ai pas envie de rougir ou fuir son regard à chaque instant, comme toutes ces autres fois où nous avons partagé des moments ambigus. Peut-être justement parce que cette fois, la situation n'a plus rien d'ambigu ?

Renji me répète une fois de plus que nos adieux sont douloureux. Enfin, il ne le dit pas de cette façon, mais je sais que c'est ce qu'il veut dire au fond... Je me rapproche de lui et pose un doigt sur ses lèvres. Assez de tristesse pour ce soir. Je pose mes lèvres contre mon doigt, à quelques millimètres des siennes, et lui réponds dans un chuchotement.

"La peine s'estompera avec le temps. Je ne regrette rien... Tu resteras l'un de mes plus beaux souvenirs Renji..."

Je retire doucement mon doigt entre nos lèvres pour profiter pleinement de ses baisers. Je sens une vague de chaleur s'emparer de moi à mesure que nos échanges s'intensifient ; mes doigts s'aventurent à déboutonner sa chemise, découvrant ce corps si longtemps désiré. Cette nuit est la notre, et je compte bien ne pas en perdre la moindre miette.