Se réveiller dans les bras du mec que j’aime. Check. Avoir droit à un bisou dans le cou. Check. Petit déjeuner d’un rayon de soleil et voir des licornes qui scintillent partout. Check. Être à la bourre en réunion master. Check. Avoir oublié une pochette avec le taf dont j’ai besoin pour le journal cet après-midi chez Nath. Check.

J’espère qu’il sera là. Pas que j’ai besoin qu’il soit là, non. J’ai le double de la clef de sa chambre et je sais où j’ai laissé ladite pochette, mais si je pouvais le voir même quelques minutes… Ouai, je suis ce putain de genre de meuf. Ce genre fleur bleu et collante. Est-ce que j’ai oublié exprès cette pochette ? T’en sauras rien. De toute manière, ça te changera quoi de savoir ? Rien, bon bien voilà. J’suis devant la chambre de mon copain et j’toquer sans la moindre crainte de le trouver avec une autre. Pourquoi ? Parce que je suis conne et amoureuse, ou amoureuse donc conne, et que j’lui fais une confiance absolue ? Oui et non, je suis juste amie avec lui depuis assez longtemps pour savoir que ce n’est pas son style. Il est trop droit, et ce genre de tromperies lui couterait trop. On l’sait tous les deux, s’il y en a un dans notre couple qui peut merder, c’est moi, et tu sais quoi ? Nath ne vient pas ouvrir la porte. Tristesse et décrépitude.

Bon va falloir que je fasse avec. Tristesse. J’introduis la clef dans la serrure, envisage un instant de voler un des tee-shirts de mon cher et tendre pendant son absence, mais… Ce serait chiant j’ai pas de sac pour l’ranger et j’comptais aller manger à la cafet avant d’aller direct à la biblio. J’me contente de lui piquer un crayon pour écrire sur le premier post-it de la pile sur son bureau que je l’aime. Je récupère ma pochette, et quitte sa piaule. J’aurais aimé le croisé par hasard. Je suis un poil égoïste je crois.

Dans l’couloir alors que je galère à fermer la porte de Nath, j’vois une tête que je connais… Et un air que je ne lui connais pas. Ce qui en soit pourrait être dû au chewing-gum qu’elle a potentiellement retrouvé sous sa paire de chaussure préférée, une constipation passagère, ou je ne sais pas quoi de totalement insignifiant. Pourtant j’suis ce genre de relou qui aime pas voir un poil de préoccupation sur la gueule des gens que j’aime.

« AAAAAAAAAAAAAAAAAAALIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIICEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE ! » je l’appelle.

Alice était régulièrement préoccupée ces derniers jours. C'était léger, cela ne la dérangeait pas lorsqu'elle était entourée puisqu'elle priorisait son bien-être et celui de ses amis, mais malgré tout, cela planait dans son esprit. Il y avait, dans son étage, plusieurs personnes en difficulté, des personnes violentes, des perosonnes perdues, avec des passés compliqués et des choses à oublier, la plupart étaient ses amis par ailleurs.

Mais Atumane était un garçon particulier. Particulier, parce qu'il n'était pas de ce que l'on apprécie peu, et qui d'un commun accord évite notre présence comme nous évitons la sienne. Il y avait des bagarres, des défis, des disputes et des rivalités. Mais Atumane n'avait pas mis son passé derrière lui, n'avait pas nécessairement de bonnes intentions, et avait frappé son ami qui n'avait sans aucun doute pas répondu le moins du monde. Depuis sa discussion avec lui, et un sondage et quelques questions bien que peu concluantes à Houston, elle avait décidé d'écouter Atumane de façon passive. Elle était allée voir directement Tomoe pour lui faire part de ses inquétudes et de ses doutes. Elle projetait aussi d'en parler à Aoi, qu'elle voit si c'était possible avec son emploi du temps de regarder les antécédants violents du garçon.

En revenant dans sa chambre pour manger et se poser un peu pour dessiner dans l'après-midi, elle est prise dans ses pensées. N'était-ce pas trop demander ? Est-ce que cela en valait vraiment la peine ? Elle avait tout de même aperçu de drôles de pensées, des exercices inutiles mais peu habituels et probablement destinés à essayer de la berner. Elle n'avait en tout cas pas trouvé d'autre explication pour le moment.

Son prénom retentit dans le couloir, l'arrache de ses pensées, et elle reconnait l'aura d'Ipiu avant même de la voir. Son sourire renaît sur son visage, et elle s'approche de la Master.

« Bonjour Ipiu ! Que t'arrive-t-il pour crier mon prénom avec autant de motivation ? »

Son regard est doux, toute son expression de doute et de réflexion négative semble partie rien qu'au contact de son amie.

« Tu viens manger avec moi dis ? »

…

Oui j’suis en train de refaire comme lors de notre première rencontre ? Genre, j’lui force la main ? Non, mais ça serait plus simple de lui demander directement ce qui ne va pas… Mais et si elle ne voulait pas en parler ? Non, mais si faut j’lui donne juste pas l’occasion d’en parler en l’entrainant directement à la rencontre de la bouffe ? Genre, j’lui laisse pas l’temps de s’exprimer. Puis Alice elle va mieux direct quand elle me voit, du coup si faut quand j’vais repartir et arrêter d’lui changer les idées elle va se ressentir pas bien ?

Non mais attendez, depuis quand j’prends des gants ? Où qu’elle est passée ma crédibilité ? J’vais la chercher et j’reviens. Voilà c’mieux. C’est plus moi.

« Qu’est-ce qui te préoccupe ? »

Ouai voilà autant pour les gants de toute manière j’en avais pas besoin, et puis on n’va pas tourner cent sept ans autour du pot. Déjà ça fait perdre du temps, ensuite c’est chiant. Puis même si j’pourrais sans doute pas faire grand-chose, si je suis au courant j’pourrais déjà plus faire que si j’ne le suis pas… Si faut péter la gueule à quelqu’un j’suis toute disposée, bien que la connaissant ça n’aiderait pas. Si elle veut tailler quelqu’un, elle le fait en toute indiscrétion, bien en face… Et j’préfère ne pas être ce quelqu’un pour des raisons évidentes… En fait, c’est une raison de plus de ne pas me séparer de Nath, raison mineure cela étant, le fait que j’en sois follement amoureuse et que j’me vois pas passer ma vie loin de lui garantissant plus sûrement mon engagement envers lui… Mais faut avouer qu’avoir une Alice dans l’camps adverse, ça doit pas être terrible… Elle est trop calme, si un jour elle s’énerve… Ahahah, j’préfère que ce ne soit pas contre moi…

Ipiu rentre directement dans le vif du sujet, comme à son habitude, et lui propose d'aller manger avec elle. Hm. Alice est surprise, habituellement la Master fait preuve de plus de cynisme et d'humour lorsqu'elle propose ce genre de choses, et pas d'un enthousiasme sincère, mais après tout pourquoi pas. La petite Terre hoche vivement la tête, toute en joie à l'idée de passer du temps avec elle.

« Oui, ce sera avec plaisir. Tu avais déjà prévu de manger quelque part en particulier ? Sinon on peut aller dans ma chambre et j'te prépare un truc à manger. »

Alice n'était pas la meilleure cuisinière qui soit, la plupart de ce qu'elle préparait était simple, beaucoup moins sophistiqué que les plats que pouvaient préparer Jérémy, mais elle y mettait toujours du coeur, et elle avait surtout le don de savoir assaisonner ses plats. Epices, aromates, sauces, éclats de noix ou de cacahuète, Alice avait toujours un petit quelque chose à ajouter.

Et puis Ipiu alla, de nouveau, directement au but. C'était ça qu'Alice attendait, elle ne s'était donc pas trompée. Elle adresse un sourire à Ipiu, mais laisse clairement voir qu'elle est dérangée par quelque chose.

« Quelque chose de peu commun. Viens dans ma chambre, on peut en discuter si tu veux. »

C'était même peut-être une bonne idée d'en parler à Ipiu. La Master était souvent au courant des passifs des nouveaux venus, tenante du journal, elle avait aussi vent de beaucoup de rumeurs, ce qui pourrait peut être aidé. Tout cela sans compter le fait que son amie est Sensitive, et que deux pouvoirs comme les leurs combinés pouvaient être aussi efficaces que terrifiants.

La Terre préférait ne pas rester trop longtemps dans les couloirs puisque son problème habitait le même étage. Heureusement pour elle, il n'était encore que Novice, et n'avait donc aucune idée de ce qu'il pouvait se passer.

J’ai pas prévu vraiment, j’espérais attraper un Nath sauvage et manger avec lui à la cafet, mais c’était un peu un rêve. Je sais qu’Alice cuisine bien, quoi qu’elle en dise. Elle a un don pour les assaisonnements que je lui envie, je suis capable de suivre une recette point par point, mais pas de l’améliorer. Pas d’lui donner un brin d’âme ou de personnalité.

« J’accepte ton invitation ! » je lui réponds donc assez facilement.

Alice c’est ce genre de personne quand elle te propose quelque-chose, tu sais qu’elle le fait de bon cœur et qu’elle ne se force pas. Si elle n’a pas envie de faire quelque-chose, elle ne le fait pas… Je la suis donc sans trop d’appréhension, par contre j’m’inquiète un peu quand elle me dit que c’est quelque-chose de peu commun… Vous m’direz, le peu commun j’pense que j’pourrais mieux le gérer que si elle m’avait sorti qu’elle avait des problèmes de couple avec Adé… ça j’avoue que j’aurais été d’une inutilité sévère. Faut connaitre ses faiblesses quoi, j’suis une brèle sur le sujet… Quand j’ai un souci de cœur c’est moi qui vient chercher de l’aide et pas le contraire. Elle est de bons conseils et elle te juge pas, pis même si elle connait Nath elle sait faire la part des choses. Alors ouai, si j’avais du lui rendre la pareille on n’aurait pas été dans la merde j’ai pas un dixième de sa patience… Vous voilà dans sa chambre, la porte fermée.

« Peu commun à quel point ? »

J’lance sans prendre la peine de passer un peu de vaseline pour faire passer le truc. J’suis d’l’école d’on tire un bon coup sec sur le pensement, on serre les dents puis c’est fini. Sérieusement, c’est la plus saine, parce que bon, se prendre la tête cent sept ans et tirer un peu par un peu ça fait tout aussi mal mais sur une plus longue durée.

Ipiu accepte de venir avec Alice très rapidement, ce qui fait sourire la jeune femme. Il est rare de voir Ipiu refuser si elle n'a rien à faire. Elle était heureuse de pouvoir partager son repas avec elle, mais principalement de pouvoir lui en parler à elle aussi. C'était un sujet qu'elle avait tu, elle ne savait pas si c'était une bonne idée d'en parler aux autres Télépathes de son étage, elle préférait se confier à quelqu'un de confiance. Habile.

Une fois arrivées dans sa chambre, Ipiu n'attend pas plus longtemps pour poser sa question, elle veut savoir. En même temps, pourquoi parlr d'autre chose alors que c'est ça, le sujet important. Si Ipiu apprécie plonger directement dans le vif du sujet, Alice oublie régulièrement qu'il existe un plongeoir et nage déjà la brasse en bas.

« Je pense que tu as entendre parler d'Atumane Ngwenya, il est arrivé il y a relativement peu de temps. Je ne connais pas ses antécédents tu t'en doute, ce n'est pas mon travail. Mais la première fois que je l'ai réellement croisé, j'ai aperçu une de ses pensées, où Houston était tombé d'une chaise et où il le frappait. Ce n'était pas un fantasme, c'était un souvenir. »

Alice l'avait senti déjà sur le coup, et avec le temps, elle commençait à percevoir la différence entre toutes ces choses. Tout en parlant, elle sort ses ustensiles, de quoi préparer un petit risotto. Elle avait déjà préparé les légumes avant, il n'y avait plus qu'à cuire. Elle avait arrêté de spécifier aux gens qu'il n'y aurait pas de viande dans ses plats, elle leur proposait simplement, et elle considérait également qu'Ipiu, même si elle avait oubié sur le moment, savait qu'elle était végétarienne.

La petite Terre fronce un peu les sourcils. Elle n'est pas à l'aise avec le fait d'interpréter des choses basées sur les pensées des autres, elle considère encore cela comme une intrusion malgré sa maitrise.

« De là, nous avons un peu discuté ensemble, et il semblait déjà savoir qui j'étais, je suis quasiment certaine qu'il a une liste de tous les Télépathes. Et pendant qu'on parlait, il pensait et tout en même temps il récitait des déclinaisons latines. Je trouvais ça bien étrange, et je pense qu'il fait cela pour essayer de détourner l'attention des Télépathes. Peut être que cela fonctionne avec les Initiés, mais pas sur des Etoiles entraînées. Je pense qu'il n'est pas bienveillant, et qu'il peut être violent... »

Elle croise les bras, les sourcils de plus en plus froncés, l'air réellement dérangé.

« Je n'aime pas faire des conclusions rapides, mais je me pose des questions. Lorsque je l'entends penser depuis ici, je sais qu'il est en lien avec une femme, je ne connais rien d'elle, je sais simplement à quoi elle ressemble et j'ai entendu sa voix une fois, mais je pense que son travail lui rapporte beaucoup. Elle a la stature des personnes arroguantes, mais peut être que je me trompe encore une fois. Seulement si j'ai raison, je pense qu'Atumane travaille avec elle, et je m'inquiète un peu de ses objectifs... »

Elle lève ses yeux bleus vers Ipiu, et lâche un petit sourire timide.

« Je ne sais pas trop quoi faire de tout ça... »

Et de sa sensation, puissante, qu'il n'était pas innocent, qu'il n'était pas bienveillant, qu'il n'était pas là pour s'améliorer et améliorer les autres. Et qu'il avait frappé son ami.

Atumane Ngwenya c’est l’un des nouveaux initiés terres. L’un d’la dernière fournée, les p’tits noobs sortis de l’œuf. J’suis un peu étonnée qu’ça soit son nom qui sorte. Il a fait quoi encore ce boloss ? (oui parce que pour faire chier Alice faut quand même en avoir une sacré dose, mais en plus pour la mettre de mauvaise humeur sur le long terme, faut se lever tôt parce qu’elle s’emmerderait pas avec lui si c’était juste un connard.) (Elle lui pèterait juste les genoux et on ne retrouverait pas le corps parce qu’elle l’enterrerait profondément quelque-part avec ses pouvoirs.) (non elle ferait jamais ça, mais j’avoue que l’imaginer en train d’le faire ça a un côté un peu cool…)

Je la laisse parler. Quand elle m’dit qu’il avait des souvenirs d’Houston, déjà ça part mal. Ce gars a pas toujours eu des bonnes fréquentations, loin d’la… Pourtant le portrait qu’elle m’en dépeint ne me fait pas plus peur que celui de n’importe quel gars paumé arrivé à Terrae… Bien que le latin soit une info intéressante, en soit j’connais plus de gens qui réciteraient les générations de pokémons que des déclinaisons mais soit.

Attends. Une femme, arrogante et friquée. Ngwenya. Un taf. On rembobine la cassette. Nope. Nope. Nope. Ngwenya est un nom commun en Afrique noire. J’y avais pas fait attention, alors oui, ce nom ne m’était pas inconnu, mais bon. Puis ça aurait été hyper raciste de penser que tous les mozambicains portant c’nom étaient rattachés à ces trafiquants d’armes. Sauf que là, ouai l’bénéfice du doute tout ça… Elle a raison. Si faut j’me plante de ouf. Pourquoi elle m’a foutu le doute ? Genre, c’est tellement improbable.

« … »

Non mais putain j’me fait des films. Pourquoi j’pense à Rosalina ? Non mais j’me fait des films. Cette vendeuse d’arme fait partie d’mon passé. C’est juste des coïncidences. Genre c’est tellement évident… Ouai. Non. Mais si c’est elle on va quand même avoir chaud au cul, si c’est un Ngwenya. Merde. Genre. Mauvais bail si Rosa veut faire du commerce avec Terrae.

« Euh. Alors. J’me plante sans doute, mais j’connais p’t’être cette meuf, ça serait une sacrée coïncidence et pas hyper plaisant… Mais dans l’doute, j’vais tenter d’baisser mes défenses et tu vas regarder dans mes pensais. »

Ouai. Non. Mais ça peut pas être elle, bon maintenant deux complications : un comment on baisse ses barrières ? Aaron m’a montré mais j’en voyais l’utilité alors… Bon. J’attrape sa main, parce que moi à l’époque ça m’aidait le contact pour ressentir les sentiments des autres… Alors j’imagine que ça sera comme ça l’plus simple. Puis elle est puissante, j’le sais Nath me l’a dit, parce qu’elle elle s’en vanterait pas de trop… Oh ? La deuxième complication, penser à Rosa habillée. Ce ne sont pas ces images d’elles que j’ai gardé…

Alice parle, elle explique tout son point de vue, ne cherche même pas à cacher ses multiples émotions. De toute façon, cela ne servirai à rien devant son amie, et ce n'est pas dans ses habitudes. Doutes, appréhension, rancoeur même, pour en créer chez la jeune femme, il faut vraiment y aller fort. Comme imposer de la douleur et de la violence à ses amis. Notamment à Houston.

Mais Alice éprouve également une forme de respect et d'espoir envers Atumane. Parce que peut être qu'il se protège de quelque chose qui l'angoisse à lui aussi. Peut être ne se rend-il pas compte. Peut être personne ne lui a dit qu'il pouvait vivre autrement. Peut être qu'il a peur, pas envie d'essayer, et qu'il se retrouve à Terrae alors que cela ne lui convient absolument pas. Qui sait ?

Le silence se fait. Alice n'a pas besoin de plus pour savoir qu'Ipiu a pensé à quelque chose, et pas de bonne augure. Elle n'a pas non plus besoin de plus pour savoir que c'est probablement lié à son passé. Ipiu ne réagit comme ça que lorsque des mauvais souvenirs surgissent. A quel degré cela appartient au passé, ça, elle ne peut pas le savoir. Son amie lui confie qu'elle connait peut être cette femme. Et dans le doute, qu'Alice peut venir dans ses pensées. Cela fait si longtemps qu'Alice n'a pas entendu ses pensées. Néanmoins, elle se souvient de leur présence, de leur "empreinte". En même temps qu'elle se laisse prendre la main, Alice tend son esprit vers Ipiu. Elle pratique régulièrement la lecture des pensées avec Keitaro, et avant avec Aoi. Les barrières mentales diffèrent d'une personne à l'autre, elles sont toutes différentes, mais Alice a l'habitude de la puissance des Masters, et elle ne semble pas déstabilisée d'accéder au flot de pensées d'Ipiu. Seulement concentrée, comme une vieille routine. Des images de la femme lui parviennent. Différents endroits, différentes situations. Alice a trop l'habitude de voir des corps nus et des ébats dans son quotidien de Télépathe pour y prêter attention. Un prénom aussi, bien plus net que dans l'esprit d'Atumane. Rosalina.

Alice regarde la Tonnerre, sans lui lâcher la main.

« Je la vois. C'est elle. »

Alice propose à l'esprit d'Ipiu les images qu'elle a mémoriser depuis l'esprit d'Atumane de sa tante. Elle essaie de contrôler sa puissance pour ne pas donner l'impression à Ipiu qu'elle écrase ses pensées avec les siennes.

En ce moment mes pensées se résument à peu près à un mélange de « Lol » et de « et merde. » Oui j’pourrais m’faire du souci sur le fait qu’Alice ait vu Rosa ainsi dans mon esprit… Mais je préfère m’en rappeler ainsi, me rappeler de nos ébats plutôt que des raisons qui m’avaient poussées à ses côtés. J’étais là pour observer le Ngwenya et faire la transmission entre eux et le Centre. Elles échangeaient des infos et coucher ensemble faisait partie du taf, l’une et l’autre essayant d’obtenir des confidences sur l’’oreiller… Et profitait bien de ce qu’il se passait avant dans le lit, il faut se l’avouer. La mozambicaine était une amante de première qualité.

Alors ouai. J’continue à être en « Lol » et « Et merde » une poignée de secondes avant de me balancer un coup de pouvoirs dans les dents pour retrouver mon calme. Je lâche un soupir quand les images captées par Alice arrivent dans mon esprit. Je les distingue de mes souvenirs avec assez d’aisance, un peu comme lorsque j’apprends à quelqu’un à reconnaitre un sentiment. J’essaie pas de lui imposer, juste de lui montrer. C’est ce qui arrive.

Je vois Rosalina, pour la première fois depuis presque dix ans. Elle n’a pas changé d’un iota. Toujours aussi belle. Je réfléchis, Attumane n’était pas à ses côtés à l’époque, sinon je l’aurais su. Il ne peut donc pas être son fils. Bien entendu elle ne m’aurait jamais dit qu’elle avait un fils, mais je l’aurais découvert. Ce genre d’informations laisse des traces sur le corps d’une femme… Pourtant, il porte son nom. Le vieux aurait-il fait un môme en douce ? Ca ne lui ressemble pas… Mais je l’ai moins fréquenté que Rosa. Hm. SI JE SAIS. Il avait un autre enfant qui avait quitté l’cocon familial mais il n’en parlait jamais.

« Les Ngwenya sont des marchands d’armes, ils ont un réseau et des moyens plutôt effrayants. » je soupire. « C’est pas la première fois qu’on accueille des types craignos, mais j’t’avoue que j’aime moyen le savoir chez nous… Je sais pas quelles sont ses intentions cela-dit… » je dis à voix haute alors que je n'ai rien caché de mes pensées à la terre depuis le début, Alice n'a pas besoin qu'on la protège en lui mentant.

Ouai l’bénéfice du doute mon cul. J’ai trop mis la dose en m’envoyant d’l’apaisement. Rosie et le Centre étaient en contact et avaient déjà travaillé de concert. Tout ça n’augure rien de bon.

Ipiu ne semble vraiment pas convaincue par la sécurité de la situation. Elle semble penser avec beaucoup de cynisme. Plus que d'habitude, à comprendre. Alice essaie cependant de ne pas trop y prêter attention, elle n'est pas censée entendre tout cela, elle se concentre donc plus sur les images de Rosalina.

Alice attend un petit moment. La Master réfléchit, Alice ignore à quoi exactement. Elle l'attnd patiemment, mais elle sait donc qu'Ipiu a des informations sur cette femme, peut être également sur Atumane. De toute façon elle avait bien accès au dossier du garçon, elle aurait des infos par elle-même si elle le souhaitait. Alice ne pouvait que signaler ces comportements un peu étranges qui ne lui insufflait que du doute.

Elle écoute son amie lui décrire la famille d'Atumane. Des marchands d'armes. En terme d'activité, Alice était déjà fondamentalement contre, mais chacun faisait comme il pouvait, non ? Elle n'avait aucun doute sur la puissance de cette femme, beaucoup plus sur ses intentions. Mais si Atumane était là, c'était bien parce qu'il avait vécu le Vide, on ne l'invente pas. Mais pourquoi Alice avait donc cette impression de malveillance, comme si Atumane n'avait en rien l'envie de changer, d'évoluer.

« Tu sais que d'habitude, les personnes avec un lourd passé ne me pose aucun problème. Mais j'ai eu la sensation première qu'il pouvait être agressif, mais subtil... »

Pas que les personnes aimant être violente était d'habitude plus bourrine, mais on en entendait vite parler, en règle générale.

« J'ai aussi la sensation qu'il se cachait pour une raison, pas seulement parce que je suis Télépathe. Tu sais, ces sensations de malveillance, comme s'il n'avait pas réellement quitté sa vie d'avant. »

Comme s'il ne voulait devenir meilleur, ou avoir droit à une seconde chance. Comme si sa présence était à moitié un mensonge. Qu'à moitié, puisque de toute façon, s'il était là, il y avait en lui des failles et des problèmes à régler, mais il n'empêche que l'idée d'avoir Terrae sous surveillance de marchant d'armes inquiétait Alice.

Je suis calme sans doute trop, la peur permet de se sortir de nombre de situations compliquées et a comme utilité d’alarmer en temps et en heure… Mais je sais qu’elle peut aussi m’empêcher de réagir, me paralyser. Je n’en ai pas envie, je peux être logique.

Logiquement : avoir un Ngwenya à Terrae c’est accepter un loup dans la bergerie… Mais Terrae n’est pas une bergerie, nous avons des personnes comme Alice capable de lire les pensées des gens, des personnes comme Akito capables de lire leur passé et leur avenir… Et des personnes comme Hideko capables de contrôler n’importe qui. Nous ne sommes pas dépourvus de moyens de défenses… Et pire que ça : nous possédons des moyens d’attaquer préventivement.

Seulement parce que nous sommes à Terrae nous ne ferons jamais ça. Si ce môme est là avec de sales intentions, j’peux plus ou moins imaginer lesquelles. Les terraens sont des armes puissantes, les cristaux sont des armes puissantes. Qui ont une valeur pécuniaire quasi infinie de par leur rareté. Pour l’instant, on va dire que seuls Terrae peut en proposer, et qu’elle le fait le plus souvent à titre gracieux pour des missions qu’elle pense louable… Si une agence privée pouvait les mettre à profit… Ou même ne serait-ce que prévenir quand nous comptions intervenir, elle aurait le monopole d’un marché lucratif. J’aimerais savoir ce que Rosalina a derrière la tête.

« Je crois qu’on est tous rattaché au passé, j’vais en parler aux autres masters… Mais je ne pense pas qu’on fera grand-chose, si ce n’est surveiller qu’il ne fasse pas passer d’infos compromettantes vers l’extérieur. Il ne pourra pas avancer s’il ne se déleste pas de son passé, il pèsera bien trop lourd pour que ses pouvoirs se développent. Si on ne lâche pas le vide, c’est bien plus compliqué d’avancer… Et je ne pense pas qu’on puisse survivre à la masterisation… S’il est ici c’est qu’il a besoin de changer.
Je suis désolée, j’suis pas très rassurante… »

Ipiu n'a clairement pas l'air sereine. Alice le reste malgré tout, elle a beau être inquiète et méfiante, elle ne veut pas entrer dans un faux jugement envers Atumane. Malgré tout, elle avait eu vent des situations que Terrae avait pu connaître en lien avec le Centre, et avait vécu les rébellions des élèves au sein même de l'établissement, et elle en gardait un très très mauvais souvenirs. Elle ne voulait surtout pas retomber dans le même genre de situation à cause d'un élément simple et isolé. Elément qui pour l'instant était peut être bien innofensif.

Alice écoute la décision de la Master et approuve de la tête. Elle l'écoute jusqu'au bout, et jusque là, Alice avait déjà eu toute cette réflexion. Elle adresse un vrai sourire, celui qui lui est propre, à Ipiu qui s'excuse d'être peut être un peu défétiste et loin d'être rassurante.

« La situation pourrait être pire, il vaut mieux prévoir ce qui pourrait tourner mal plutôt que de faire fasse aux conséquences sans avoir rien pu faire. J'en ai déjà parlé à Tomoe et je voulais en toucher un mot à Aoi aussi. Mais ce serait bien que le sujet soit soulevé. Je t'avoue que dans tous les cas je vais rester en veille si je puis dire, sans pour autant rentrer dans sa vie privée. »

Malgré tout, la jeune Terre ne souhaite pas violer ses propres principes, même si la personne en face n'y verrait probablement aucun problème s'il avait à faire la même chose avec elle.

« Je voudrais aussi demander à Houston des précisions sur cette situation, mais je ne suis pas certaine que ce soit le bon moment pour lui, alors je verrai ce que je peux en faire. De toute façon, je le vois souvent, je pourrai toujours trouver un moment opportun. »

A trainer trop avec des personnes, certes liés à leur passé, Alice est habituée à survoler ce genre d'histoire pas très net. Que ce soit Elwynn, Jérémy ou Nicolas, que ce soit Ipiu, ou Houston, ou même Adé et Asbjorn, Alice s'en fiche, de la douleur, des tourments et de la violence, elle en verra encore beaucoup, et ce n'est pas ça qui arrêtera son envie d'aider les autres.

Bien entendu il reste pas mal de zones d’ombres mais, on ne va pas se mentir. Un Ngwenya qui connait Rosalina c’est mal barré de base. C’est partir en tirant un exploding kitten dès la première pioche. J’crois que celle qui écrit est fatiguée parce que j’ai jamais joué à ce jeu et qu’du coup j’suis pas censée avoir la ref, enfin si mais pas aussi complète. Bref on s’en tape. C’est pas le propos du moment. Le propos du moment c’est une question éthique et tique et colégram quand je vous disais qu’elle était fatiguée… la question étant : pourquoi suis-je rassurée que quelqu’un puisse écouter les pensées des autres ? Parce que je suis immunisée ? Sans doute un peu, non pas que mes pensées d’culs soient un problème, mais il y a d’autres trucs j’préfèrerais les imposer à personne.

Hm. Au pire. Alice ? T’en penses quoi de Nath, il est BG à ouelp hein ? Non. Bon okay pas l’moment. Certes. Oui. Non. Mais j’dois rester sérieuse je sais, mais ça me fait autant chier que flipper, je ne pensais pas revoir un jour la tronche de Rosalina. C’était clairement pas le pan d’ma vie que je regrette le moins, mais j’en suis pas fière non plus. Si j’avais fait autre-chose qu’observer, peut-être… Non. Stop. J’peux pas vivre en passant mon temps à m’en vouloir. On arrête-là.

« J’te laisse gérer ça, j’me contente de faire remonter du coup… Si j’pouvais m’tenir loin de cette histoire je le vivrais bien. »

Je ne savais pas encore que Rosalina m’y impliquerait bien trop dedans… Cette histoire appartiendrait au futur. Pour le moment je voulais juste me tenir éloignée de mon passé. De Rosalina. Peut-être aussi de l’attirance que j’avais ressenti pour elle-même, tout dans l’même paquet. L’bon et l’mauvais. C’est toujours pas le moment.

« Mais te prends pas trop la tête non plus, au pire… Je sais toujours me débarrasser des problèmes… et casser des gueules… »

Je le dis peu sérieusement, mais elle sait qu’au besoin s’il le faut je l’aiderais à cacher le corps d’Atumane… J’suis plus à un près de toute manière.

Ipiu fait quelque chose d'assez étrange, elle tend son esprit vers Alice sans pour autant l'ouvrir. Flirter avec la puissance des Masters est décidément une maîtrise très différentes qu'avec les autres élèves. Dans tous les cas, Ipiu n'a pas l'air sereine, encore moins que la Terre. Malgré tout, elle préfère essayer de prendre du recul et de ne pas se laisser emporter par Ipiu. Elle respire un coup. Elle reste convaincue que malgré tout, Atumane a droit à une chance. Comme tout le monde a Terrae. Il n'est peut être pas bien intentionné, puissant, malveillant, mais on ne peut pas être sûr que ce soit le cas pour l'instant.

Quand bien même il l'etait, discuter avec lui serait plus intelligent. Ce n'etait pas à la petite Terre d'intervenir cependant et qu'Ipiu fasse remonter l'info était une bonne chose. Elle Hoche vivement la tête. Elle aimerait tout de même faire valoir que le garçon avait délibérément frappé son ami. Ce qui n'etait pas sans conséquences normalement, ne serait ce que de mettre au courant les Masters pour qu'ils puissent le faire valoir s'il y a d'autres incidents.

« Ne t'en fais pas pour moi, je vais continuer à vivre normalement tu sais ! Je suis déjà contente de savoir que l'information sera peut être discutee au sein des Masters. Il a tout de même l'air intéressant et loin d'etre idiot. »

Malgré sa répulsion première et la naissance une certaine colère envers sa violence, Alice était curieuse de voir l'evolution du Novice. Elle ne lui voulait clairement pas de mal, mais elle était clairement en questionnement et avait envie de le comprendre.