Afya le juge du regard, elle n’arrive pas à être menaçante… Elle n’est pas assez épaisse pour cela, mais il faut avouer qu’elle n’a pas l’air commode. Est-ce qu’il ne voulait pas qu’elle entende quelque-chose en particulier ? Est-ce qu’il va blesser Ariana ? Elle est tellement passé en mode défensif que c’est plutôt drôle à regarder de l’extérieur. C’est drôle de la voir prendre ce rôle protecteur, le rôle de la pote qui cassera les genoux du type qui t’a fait du mal… Heureusement qu’Ariana c’était elle-même chargé de Théo, sans quoi on n’aurait peut-être pas retrouvé son corps. Bon, peut-être pas, elle n’était je le rappelle ni bien épaisse, ni bien puissante… Mais assez astucieuse pour glisser un laxatif en douce dans son assiette quand elle aidait au service à la cantine, ce qui n’arrivait que tous les trente-six du mois les années bissextiles par pleine lune, quand l’une des cantinières était absente… Mais elle n’hésiterait pas.
Bon après Allen étant un master elle ne sait clairement pas dans quoi elle s’engage. S’il lui dit TGCM, elle pourra sans doute pas répliquer… Mais lui aussi il mange de temps en temps à la cantine…

Elle attend qu’il parle et il parle. Genre beaucoup. Genre énormément. Genre mais qu’avez-vous fait d’Allen ? Et elle place pas un mot, elle le laisse parler. Allez savoir comment elle sait que quand quelqu’un ment plus on le laisse parler plus il s’enfonce, et plus son histoire varie. Seulement Allen ne le fait pas, il est juste de mauvaise foi. Elle est pas si épuisante, et plutôt gentille. Elle donnait pleins d’infos… Et qu’est-ce qui dit à l’abidjanaise qu’elle ment comme il le prétend et que ce n’est pas lui qui est en train de mentir ?

« Comment tu sais que tu ne la reverras jamais, tu n’as pas dit que le droit t’intéressait ? »

Genre base de la base, il se contredit et ça elle le note. Alors elle le met direct dans l’trou, parce que le reste se tenait… Elle peut comprendre qu’il n’aime pas qu’on mente sur lui, c’est normal… Mais ça concerne sa meilleure amie alors elle doit être méga prudente et méga sûre d’elle. Genre : il a pas le droit de lui faire du mal et elle a pas le droit de lui laisser lui en faire.

« C’est vrai que t’avais les cheveux blonds ? »

C’est l’information la plus importante de tout le discours de la nippone. Le reste n’était qu’avis et contenait trop peu de faits. N’allez pas croire qu’Afya soit niaise, si elle est son ex c’est qu’ils n’étaient pas le couple parfait qu’elle essayait de dépeindre. C’était juste son point de vu à elle, et ça n’est pas hyper important. D’ailleurs elle n’avait jamais dit qu’ils étaient le couple parfait, juste qu’il était froid mais mignon avec elle. Ce qui en soit n’étonnait pas spécialement l’ivoirienne et ressemblait plutôt au garçon qu’elle connaissait.

« Est-ce que tu comptes faire du mal à Aria ? »

Dernière question, et il a pas intérêt de répondre oui. Sinon retour premier paragraphes, histoires de genoux pétés et de laxatifs, toussa. Après elle acceptera de le suivre, parce que quand même ils sont là pour visiter.

D'où Afya est aussi perspicace en fait ? Et comment ça se fait qu'elle retienne tout ce qu'on lui dit et qu'elle ne le ressorte qu'au moment opportun ? Nan mais ok, de base elle fait pas forcément peur, mais j'peux vous assurer que quand elle se tient droite, qu'elle sourcille pas, et qu'elle vous fixe pendant que vous essayez de vous expliquer, elle fait peur. Surtout quand après elle pose que des questions hyper directes et pleines de vérité. Enfin, presque toutes pleines de vérités.

Tandis que je me passais une main derrière la nuque avec un vieux sourire nerveux, je tombai des nues quand elle me demanda si j'avais l'intention de faire du mal à Aria. Mes yeux quittèrent le sol pour s'ancrer dans son regard, un peu surpris par sa question.

C'était peut-être la seule question que je ne m'attendais pas à entendre...? Est-ce qu'elle me faisait si peu confiance que ça ?

Faire du mal à Aria. Comment est-ce que je pourrais "compter" faire ça ? Mon bras retomba le long de mon corps et je détournai le regard, glissant mes mains dans mes poches.

-Aria c'est la plus belle chose qui me soit arrivée. Comment est-ce que je pourrais, ne serait-ce que penser, à lui faire du mal ?

Je tournai le dos à Afya pour reprendre la marche et traverser le couloir qu'il nous restait à emprunter pour revenir sur nos pas.

-Ouais, j'étais blond.

La question d'Afya me restait en travers de la gorge. Depuis le début, j'essayais de donner tout ce que je pouvais donner à Aria. Je faisais de mon mieux, marchant au départ sur des oeufs, tant j'avais peur de la blesser à chaque mot échappé un peu trop rapidement de mes lèvres. La blesser était la chose qui m'effrayait probablement le plus aujourd'hui. Alors qu'Afya me demande si j'avais prévu de le faire, c'était comme... J'veux dire, j'me suis toujours dit que je la méritais clairement pas, mais elle venait de le mettre en évidence. Non, je ne la méritais pas. Et j'aurais beau faire tous les efforts du monde pour faire naître ce joli sourire sur ses lèvres, gommer ses traces de larmes sur les joues, ça ne serait jamais assez.

C'était douloureux, un peu.

-Je vais aller au pôle "Langues", on se rejoint après ?

Attendant vaguement sa réponse, je m'éloignai pour aller rejoindre les étudiants qui expliquaient quelles étaient les débouchés possibles. Je pris un fascicule et tentai de me concentrer sur ce qu'ils disaient, sans grande volonté.

Elle le toise, elle ne le laisse pas s’en sortir à si bon compte. Genre non en fait. Faut qu’vous compreniez quelque-chose. Afya se fout de la gueule de la majorité des gens, mais Ariana n’est pas la majorité des gens. Ariana c’est son amie. Sa meilleure amie. Les médisants diraient la seule, mais ce n’est pas forcément vrai. Juste on ne fait pas de mal à SON Ariana. C’est pas possible, et là elle l’moyen de le faire comprendre à l’autre teubé qui ne sera en effet jamais assez bien pour la rousse. Personne ne sera jamais assez bien pour elle de toute manière. On rappelle d’autres bases : Ariana c’est le top du top des copines, de la meuf d’excellence. Elle est belle, gentille, intelligente, elle connait énormément de choses et elle les explique toujours avec des mots simples et beaucoup d’enthousiasme, elle sait tout faire, coudre, dessiner, faire les nouilles instantanées, le thé, ranger (quand elle se motive), faire plaisir à tout l’monde et apporter dans le cœur de tous de la joie. A moins d’être le père noël t’es pas à la hauteur. Allen n’est clairement pas assez bedonnant pour être à la hauteur. Non, wait c’est pas ça le souci.

Bon au moins ils sont d’accord sur un point : Ariana est la plus belle chose qui lui soit arriver. Bon sans doute qui leur soit arrivés… Mais Afya avait quand même Adjambo qui était une sœur géniale. Enfin, sa question est juste pleine de désarroi mais l’africaine elle s’en fout un peu. Lui il ne compte QUE parce qu’Ariana l’aime. J’dois avouer que là elle m’épuise Afya, je croyais pas que ce serait possible un jour.

« J’en sais rien, c’est pour ça que je demande, pour être sûre. »

Epuisante ET relou. Bien. Elle progresse. En plus elle est totalement insensible. Il n’est que Allen. Alors bon même s’il n’a montré aucun symptôme de connerie masculine, il est toujours soupçonné d’en être atteint. Afya a trop souvent vu Ariana pleurer à cause de garçons, et de toute manière elle n’avait pas besoin de ça pour être persuadée qu’un homme devenait un monstre dès lors qu’il avait de l’emprise sur une femme. Elle essayait juste de se convaincre du contraire depuis longtemps. Elle n’y arrivait malheureusement pas toujours.

« J’espère que t’as gardé des preuves ! » dit-elle en souriant, essayant d’alléger un peu l’ton de la conversation.

Elle n’y arrive pas et il veut qu’ils se séparent. Elle ne le force pas à rester avec elle, elle a compris que là ils avaient tous les deux besoins d’un peu d’air. Après, elle n’est pas super à l’aise seule elle essaie d’être discrète dans la foule… Mais elle est un peu trop différente pour l’être réellement. Elle se fait aborder par quelques membres de clubs, surtout des clubs de sport d’ailleurs, comme si sa couleur présumait de ses compétences sportives, ils serait bien déçus. Elle les rejette comme elle peut dans son anglais incertain. Elle sait ce qu’elle veut faire, elle se contente de visiter essaie-t-elle d’expliquer. Ces indications ne suffisent pas, ou alors ils comprennent pas son anglais.

Un inconnu lui vient en aide, il la dépasse de plus d’une tête et elle souffle soulagée alors qu’il l’entraine à l’écart… Elle le remercie d’avoir joué la comédie, c’était une bonne idée de faire comme s’il la cherchait… mais sa main ne lâche pas pour autant celle d’Afya et le soulagement fait place au malaise. Elle tire dessus, il la retient, lui sourit. Lui dit des trucs pas supers rassurants du genre qu’elle a de jolies mains, qu’elle est belle, qu’elle avait l’air d’avoir besoin de quelqu’un. Elle essaie de se défaire de son emprise. Il la tient, il force. Il est insistant, elle résiste. Il veut lui montrer un coin tranquille, il tire, elle panique. La foule c’était pas si mal. Elle cherche de l’aide du regard, mais ils se trouvent maintenant dans une allée déserte entre plusieurs salles de TD. Il essaie de la pousser contre un mur, lui empêchant toute solution de replis elle résiste. Elle voudrait crier mais ne se souvient plus comment faire.

Il lui fait peur. Elle ne sait pas comment réagir, alors elle fait simplement apparaitre une sphère d’eau autour de sa tête. Elle comprend vite qu’elle lui fait peur car il lâche son bras pour porter ses mains à sa bouche. Il va manquer d’air et il ne comprend pas comme ça a pu arriver. Alors l’eau ne reste pas en place et tombe sur les vêtements de l’homme qui a insisté pour qu’elle le suive. Elle détale en courant, p’t’être que finalement elle aurait été bonne dans un club d’athlétisme. Elle court sans se retourner, elle a peur. Elle ne se calme que retournée dans la foule, mais le malaise semble toujours aussi profond. Elle chercher Allen. Elle veut rentrer.


HRP : OMG pardon pour ça

HRP : AH. Ok. Nan mais. Ok.

Pour être sûre. Elle a besoin d'être rassuré. Si même Afya, la meilleure amie d'Aria, n'a pas confiance en moi, qui a confiance en moi concernant Aria, hein ? C'est triste, la vie. C'est très triste, surtout quand elle revient accompagnée de la plus terrible des vérités : Allen, tu n'es et tu ne seras jamais à la hauteur de la fille que tu aimes.

Afya tenta de détendre l'atmosphère mais je ne relevai pas, me contentant d'un signe de la main pour signifier que je l'avais entendue. Je partis en direction de l'axe sur les langues et l'ivoirienne disparut entre les étudiants derrière moi.

J'essayai de noyer mon attention sur les écritures qui parsemaient les prospectus, mais il n'y avait rien à faire. Même lorsque j'essayais d'écouter les étudiants qui parlaient de leur filière et des débouchés, mon pouvoir de Sonore jouait des siennes et fixait mon attention sur la Voyante.

Aurait-elle eu un jour une vision sur Aria et moi ? Est-ce qu'elle aurait vu quelque chose ? Est-ce que je ferais pleurer Aria dans le futur ? Est-ce qu'elle sait quelque chose que je ne sais pas ?

La réalité me frappa de plein fouet. Elle pensait que je cachais quelque chose. Mais et si c'était elle qui le faisait ? Comment pouvait-elle me suspecter à ce point, si elle n'avait pas quelque chose derrière la tête...?

Ou bien est-ce que je voulais nier la simple réalité : je ne mérite pas Aria, et ça se voit tout bêtement au quotidien ?

Et puis la voix d'Afya se tut. Je n'en tins pas compte, imaginant qu'elle avait dû abandonner l'idée de se débattre pour échapper aux élèves de l'université. Ou bien avaient-ils finalement compris qu'ils devaient la laisser un peu respirer.

Je me dis que c'était le bon moment pour me recentrer sur la raison de ma présence ici : le cursus en langues. Sauf que la voix d'Afya refit surface. Rapidement. Très brièvement. Pas suffisamment longtemps pour que je la localise pleinement. Sauf que c'était moins fort. Beaucoup moins fort. Pourquoi Afya était-elle allée se perdre dans les locaux ?

C'est là qu'il y eut l'autre voix. Les mots résonnèrent à mes oreilles. "Tu as des pouvoirs ? Mais qu'est-ce que tu es ? Un monstre ?"

Afya n'est pas un monstre. Afya ne ferait jamais ça sans raison ; elle sait qu'on n'a pas le droit d'utiliser nos pouvoirs hors de Terrae. Afya est simplement effrayée ?

Sa respiration saccadée, signe de la panique, parvint à mes oreilles. J'avais déjà lâché le stand depuis un moment, mais sans mot de leur part, je ne pouvais pas les retrouver. Si maintenant j'entendais la respiration d'Afya, c'est qu'elle était de retour dans le hall. Seule ? Ou est-ce qu'il l'avait suivie ? ...

Mes yeux finirent par la retrouver, et pour une fois, je remerciai ses origines ainsi que le manque de mélanges ici, au Japon. Les étudiants semblaient avoir compris qu'elle avait autre chose à faire que les écouter. Je m'empressai de la retrouver et lorsque j'arrivais à côté d'elle, j'avançai mes mains vers elle avant de me stopper dans mon geste. La toucher, ce n'était peut-être pas le bon truc à faire maintenant, non ?

Afya, excuse-moi de ne pas être un homme assez bien.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Où est-ce qu'il est ? Est-ce qu'il t'a suivi ? demandai-je en regardant autour de nous.

Elle fend la foule mais ne la laisse pas l’interrompre. Elle n’a pas le temps, elle doit trouver Allen. Point. On va pas dire qu’ça va pas bien dans sa tête, non parce que dans sa tête il ne se passe rien. Rien du tout. Elle cherche Allen et après ils rentrent. C’est tout. Elle se pose pas de questions, elle ne veut pas se poser de questions. Elle ne se demande pas pourquoi, elle ne se demande pas comment. C’est pas important, et surtout bien trop compliqué à traiter comme information. Elle cherche Allen.

Elle cherche Allen, pas à l’Allen d’Aria cette fois-ci hein ? Juste à Allen. Faut qu’elle le retrouve et qu’ils rentrent. Elle sait pas si elle a merdé, et elle veut pas le savoir. Elle veut rien savoir. Elle veut juste rentrer se foutre en boule sous sa couette et pleurer. C’est pas logique, mais c’est viscéral, la seule réponse qu’elle peut apporter à ce qui vient d’arriver. Après ? Elle sait pas, elle veut pas savoir. Elle veut juste rentrer.

Puis Allen est là, il la touche pas. Ça aurait changé quelque chose ? Non. Il ne s’est rien passé. Il lui demande plusieurs choses qu’elle ne comprend pas non plus. Genre de qui il parle, c’est qui il, pourquoi il l’aurait suivie. Personne n’avait d’intérêt à la suivre. Rien ne s’est passé. Elle veut juste rentrer. Elle a arrêté de courir et le souffle p’t’être un peu court.

« Rien. On rentre ? »

C’est peut-être une question, mais elle ne compte pas rester. Il ne s’est rien passé, personne ne l’a suivi, elle veut pas savoir. Elle est choquée, elle n’a pas compris comment la situation a pu lui échapper. Elle n’arrive pas à comprendre. L’instant d’avant il était le sauveur, celui d’après l’agresseur. Rien n’avait pourtant semblé déterminer ce changement, il y avait un avant et un après mais nul élément les liant. De toute manière elle ne pouvait pas traiter cette information.

Elle a retrouvé le pauvre Allen qui lui aussi est dans tous ses états. Elle n’imagine même pas le mal qu’elle lui a fait. Tout comme elle n’imagine pas qu’il sache ce qui vient de se passer. Elle n’envisage pas qu’il ait gardé une oreille sur elle. De toute manière il ne s’est rien passé. Tout va bien. Ils doivent juste rentrer. Il est tard, puis s’il faut ils vont devoir attendre le bus alors s’ils veulent pas le manquer. C’est une excuse, mais elle comprend les excuses et pas ce qu’il vient de se passer.

Rien. Rien ? Non, il ne s'est pas rien passé. C'estpas possible, j'ai pas imaginé ces voix - j'ai pas imaginé ces mots.

Mais d'après Afya, il n'y a rien. On rentre juste. Je n'ai pas totalement fini de faire le tour, j'aurais aimé aller encore au pôle Psychologie. Mais Afya le sait. C'est pas le genre de personnes qui oublie ces choses. Alors si elle veut partir, c'est qu'il n'y a pas rien. Mais qui suis-je pour la forcer à parler ?

Je cessai de la fixer, réprimai l'inquiétude qui commençait à monter, et haussai maladroitement une épaule.

-Ouais, ok, pas de souci. J'ai fini de toute façon.

Je lui adressai un petit sourire avant de regarder à nouveau derrière elle, dans le doute. Sauf que je ne sais pas à quoi ressemble Monsieur chelou. Et que mon pouvoir de Sonore ne m'a permis de capter que quelques bribes de conversation, et pas tout, puisqu'à l'origine j'étais fixée sur Afya, et elle n'a pas vraiment parlé... Et y'a eu aucun nom. Aucune description. Et je doute que le mec fasse irruption comme-

-ICI !!!! ELLE EST ICI !!!!! CETTE FILLE EST DE TERRAE, ELLE EST COMPLETEMENT FOLLE ! ELLE A UTILISE SES POUVOIRS POUR ESSAYER DE ME NOYER PENDANT QUE JE LUI FAISAIS VISITER LE SITE !!!

Ah. Bah si, il est assez con pour le faire. Sauf qu'évidemment, maintenant, tout le monde nous regarde. Et si Afya ne passait déjà pas inaperçu, c'est encore pire maintenant. Hahaha. Génial.

Ce qui est terrible, c'est la réaction complètement inattendue des gens. Certains avancent vers nous avec un air menaçant avant de s'arrêter en se rendant compte que. Bah. Ils vont faire quoi en fait ? Et d'autres s'écartent instantanément comme si nous avions la peste. Bref, bonjour la solidarité. Et genre y'a aucune fille dans le camp d'Afya ? Parce que j'pense qu'elle doit pas être la première victime de ce timbré.

Je repérai rapidement la sortie, et attrapai Afya par le poignet -tant pis, j'arrive pas à me retenir de la toucher plus longtemps, et j'sais pas quoi faire, alors désolé- pour l'entraîner avec moi dans cette direction.

L'avantage, c'est que pendant qu'on traverse le hall, les gens s'écartent...

Mais supporter ces regards, c'est... Hm.

Malheureusement filer à l’anglaise ne marche pas pour l’ivoirienne. Elle a rejoint Allen qui a accepté de partir, bien sûr qu’elle sait qu’il doit encore faire le tour. Elle le sait et en même temps ça ne s’imprime pas. Elle doit juste rentrer. Ils doivent juste rentrer, parce qu’elle peut pas rentrer seule. Quelque-part au fond elle doit savoir qu’il sait, juste elle sait pas comment, et elle veut pas en parler. Il ne s’est rien passé de toute manière. Oui elle tourne un peu en boucle comme un disque rayé. Il sait et elle sait, mais il accepte de partir parce qu’il sait qu’elle ne peut pas. Il est inquiet quand elle est perdue, mais il ne dit rien. Il ne la force pas. Lui il la respecte.

Un cri. Elle sursaute. Ne comprend pas. Les réactions des autres. Elle est un monstre ? Elle vient de Terrae ? Pourquoi ? Elle n’a rien fait de mal. Elle a eu peur. Il lui a fait peur. Il ne lui faisait rien visiter du tout, mais déjà des voix confirment son histoire. Ils l’ont vu le suivre, ils semblaient se connaitre, alors c’est pas normal. Elle n’écoute pas. La main d’Allen enserre son poigné et la force à fendre un foule qui en un instant n’est plus accueillante, entre peur et colère, personne ne cherche la vérité.

Il t’entraine loin, et avec de recul elle se dira que les gens n’étaient peut-être pas si menaçants et qu’elle s’est fait des idées. Elle l’a revu lui. Elle l’a revue et elle n’a rien dit. Parce qu’il n’y a rien à dire. Parce que c’est comme ça. Juste comme ça. Elle s’est défendue, mais elle a sans doute eu tort. Elle n’arrive pas à s’en vouloir, et elle refuse de penser au contact de ses mains sur ses avants bras, à la sensation de dégoût et de peur quand il s’était rapproché. La foule s’éloigne et elle n’est plus qu’avec Allen. Ils courent longtemps, mais elle ne note pas les directions qu’ils ont pris. Ils sortent de la fac et quand ils s’arrêtent elle sait pas trop où ils sont… Elle a un peu les poumons en feu.

Puis là il y a un truc qui se passe, il y a à nouveau un avant et un après, mais rien qui ne semble les lier. Elle change. Elle change de comportement. Elle est en colère. En colère envers elle. Comment ça a pu arriver ? COMMENT ELLE A PU LAISSER CA ARRIVER ? Comment elle a ENCORE pu laisser ça arriver, et ceux qui la regardaient comme un monstre, qui les regardaient comme s’ils étaient coupables. Elle s’en veut mais c’est contre eux qu’elle retourne sa colère.

« Je vais leur dégommer la gueule ! »

Et leur donner raison. Elle est en colère et elle utilise un jargon qui n’est rarement le sien.

HRP : STP ALLEN ASSOMES LA STP. Non mais plus sérieusement désolée, ça doit être hyper relou à répondre avec si peu. Si j'te bloques t'hésites pas hein ?

Les regards se perdent sur nous, les chuchotement fusent. C'est très désagréable comme sensation ; je me souviens avoir eu très peur de vivre cela à mon retour de cure. Sauf que non. Les mentalités à l'intérieur et à l'extérieur de Terrae sont radicalement différentes. D'un côté, il y a les gens qui savent, les gens qui t'acceptent sans poser de question et qui continuent leur vie sans t'importuner. Et de l'autre côté, il y a ceux qui ne comprennent pas, qui jugent, qui n'ont pas peur de te blesser...

Malgré moi, je jetai quelques regards noirs aux personnes qui murmuraient de si belles paroles. T'as raison connard, continue à dire qu'on est des monstres à ton pote, et j'te refais le portrait. Cet abruti ne serait pas arrivé et n'aurait pas beuglé comme une vache, tu serais au courant de rien, et tu nous considérerais exactement comme tu le faisais avant. Sauf que non, y'a eu quelques mots en trop, et à partir de là, toute ta façon de penser change ? T'es influençable à ce point et t'as pas honte de toi ? Tssk.

On finit par sortir de l'université. Je continuai à traîner Afya avec moi jusqu'à ce qu'on trouve un petit coin tranquille où nous ne serions pas dérangés. Je me mordis la lèvre inférieure en voyant le visage d'Afya se transformer. Les dégommer ? C'est pas la solution, et tu le sais. On a déjà montré nos pouvoirs, et j'pense que ça va être compliqué de revenir sur ça. Bon, vu les circonstances, j'pense qu'Hideko comprendra, surtout si j'en crois les rumeurs qui avaient traîné il y a longtemps sur son fils, mais quand bien même. On a montré qu'on avait des pouvoirs. Et c'est pas trop bon signe...

-Tu sais ce que tu vaux et qui tu es. T'as pas besoin de te préoccuper de ce qu'ils disent Afya. Si tu les dégommes, tu leur donneras ce qu'ils veulent et tu leur donneras raison...

Mais après ce qu'elle a vécu, est-ce que ce n'est pas normal de vouloir se venger ? Est-il vraiment normal que ce soit à elle de rester silencieuse alors qu'elle est accusée à tort...?

Mouais. Ca m'énerve. J'suis pas le genre de mec à agir, mais j'sais qu'au fond de moi, ses paroles sont restées un peu en travers de ma gorge, et j'me sens obligé de lui prouver des choses. Mais est-ce que c'est vraiment ça, ou est-ce que tu n'aurais pas, au fond, un véritable fond gentil, Allen, contrairement à ce que tu veux te faire croire ? Parce que non, tu t'en fous pas des gens, et tu te fous pas de ce qu'ils ressentent, même si tu te forces à le penser.

Un soupir m'échappa.

J'adressai un signe de la tête à Afya.

-Suis-moi...

Est-ce qu'elle le fera, est-ce qu'elle ne le fera pas ? Je ne me retournai pas pour le voir. Je retraversai le campus pour rentrer dans le bâtiment duquel nous étions sortis. Et puis, utilisant mon pouvoir de Sonore pour rendre ma voix persuasive, parlant calmement, mais sachant pertinemment que mon pouvoir me permettrait d'être entendu de tous, j'articulai lentement :

-C'est un violeur.

Je glissai mes mains dans mes poches, et vis le visage des gens changer. Ouais. L'histoire change.

-Ce n'est pas nous, les monstres... soufflai-je pour moi.

J'aurais pas dû. Je sais que j'aurais pas dû faire ça. Surtout que, putain, mais utiliser son pouvoir de Sonore c'est tellement fatigant, mais alors dans un immense hall d'université ?! A des portes ouvertes, quand il y a un milliard de personnes réunies ? Ouais, bah c'est pas étonnant que j'ai un coup de chaud maintenant.

HRP : T'inquiète, j'ai la fièvre du RP en ce moment, j'arrive à trouver des réponses à tout héhé. J'espère que ma réponse te va !

Peut-être qu’elle s’en moque de leur donner raison, peut-être que c’est ce qu’elle veut ? Quitte à être décriée autant que ce soit pour une bonne raison non ? La colère parle plus que la raison dans sa jeune tête. La colère d’être ainsi conspuée. Elle n’a pas l’esprit clair et l’ébullition qui le meut n’est guère bonne conseillère. Si elle le pouvait elle prédirait la mort de chacune des personnes présentes. Chacune sans exception, et elle la leur dirait, parce qu’au fond c’est plus violent même que de les noyer tous d’un coup. Quand on connait la fin de l’histoire les péripéties n’ont pas la même saveur, c’est parce que l’on doute toujours que les héros gagnent que les contes gardent un intérêt.

Elle ne répond rien, elle pourrait crier sur Allen, Allen il n’y est pour rien. Allen il a fait attention à elle et l’a sortie de là quand elle n’aurait pas bougé attendant de disparaître dans un trou, figée par leur regards comme par celui de Méduse. Il lui dit qu’elle sait ce qu’elle vaut, et ça l’énerve parce qu’en cet instant elle a l’impression de ne rien valoir. De n’être rien. Rien qu’une ombre sur laquelle ils s’acharnent, qu’un bout de barbaque pour un homme qui l’a agressé et n’a nullement aimé qu’elle se défende. Elle n’est pas victime mais agresseur dans leur regard, et ça la met en colère. Ça la met en colère aussi qu’il croit qu’elle vaut mieux que ça quand sa seule envie est de se venger. Envie d’être violente par réflexe, pour ne pas réfléchir, pour s’occuper, avoir quelque-chose à faire et ne pas réfléchir.

Avant qu’elle n’ait choisi entre se calmer et s’enflammer il prend la décision. Il lui dit de la suivre, et elle le fait sans réfléchir. Ils n’ont pas fini de parler. Il se transforme en héros, prend la parole et calme les foules. Allen il ne le reconnaitra jamais, mais aujourd’hui il est mon héros. Il brise un silence qui muselle la jeune femme. Certains diront qu’il ne lui laisse pas le choix, mais au final il fait ce qu’elle ne saurait faire.

Il prend la parole et remet ce connard à sa place… Il prend la parole mais elle ne comprend pas ce qu’il dit. Ce n’est pas un violeur. Il n’a pas voulu la … ? Le mot ne trouve pas de sens dans sa tête, le mot ne trouve pas d’écho dans son cœur. Elle le refuse, elle lute contre lui. Elle a envie de vomir. Elle le regarde pleine d’incompréhension… Mais d’autres comprennent. D’autres agissent, si certains ont peur d’eux, d’autre tournent leur colère vers celui qu’elle ne désignera pas comme son agresseur.

C’est dans l’air du temps, c’est dans l’air de la jeunesse qui veut changer le monde de ne pas accepter ce genre de comportement. Certains admettent que c’est vrai ils n’ont pas vu l’africaine parler avec le nippon quand ils l’ont vu l’embarquer. Personne ne l’a d’ailleurs vu utiliser ses pouvoirs, il s’est peut-être aspergé lui-même quand elle a fui sachant qu’elle venait de Terrae ? Comme ça, elle ne pouvait pas l’accuser… Elle se saisit de la main d’Allen et la serre, parce qu’Allen elle le connait, et Allen il est réel. Le reste ça l’est pas vraiment. Elle a toujours la nausée.

« On rentre ? »



HRP : j'ai eu du mal à l'écrire, et j'te donne pas grand chose encore. Frappes moi.

HRP : T'inquiète c parfé

La chaleur me monta rapidement au visage et mon coeur s'affola dans ma poitrine. Je n'utilisais que très rarement mes pouvoirs, surtout mes pouvoirs de Sonore -si ce n'est avec Pandora lorsqu'on s'entraîne- et les utiliser sur tant de personnes était assez éprouvant. C'est triste, tout de même, de voir qu'avec même autant d'années passées à Terrae, je n'ai pas réellement eu l'impression d'avoir fait le moindre progrès.

Je m'appuyai un peu hasardeusement sur le mur à côté de moi, et sursautai quand je sentis la main d'Afya se glisser dans la mienne. Je tournai la tête vers elle alors qu'elle resserrait l'emprise de ses doigts. Je souris délicatement, et ne dis rien, me contentant de hocher la tête alors qu'elle me proposait de rentrer.

Allons-y. Je pense que tu en as assez vu pour aujourd'hui, jolie Afya.

Est-ce que tu penses que je ne mérite toujours pas Aria, hein...? C'est fou, cette obsession, Allen. Tu as un problème avec ça.

Je me redressai et quittai le mur, gardai la main d'Afya dans la mienne comme soutien. Bon, j'allais pas non plus m'étaler par terre, mais clairement j'étais pas au top de ma forme. L'air frais me fit un bien fou lorsqu'on sortit enfin et pour la dernière fois de cet immense hall.

On avança en silence vers l'arrêt de bus, qu'on n'attendit pas trop longtemps -la chance était apparemment enfin de notre côté. La premier trajet se passa en silence, puis il fallut à nouveau marcher pour rejoindre le deuxième arrêt. Alors qu'on s'asseyait sur le banc pour l'attendre, je tournai la tête vers Afya, essayai de comprendre un peu ce qu'il se passait dans sa tête. Et mon dieu, qu'est-ce que j'étais heureux de n'être ni télépathe, ni sensitif. Quel enfer, de ressentir ou d'entendre absolument tout ce qui est déjà si tristement dessiné sur ce visage. Aucun mot ne sort, mais ses yeux parlent tant. Ils parlent trop.

Pourquoi n'affichent-ils plus rien...?

Un soupir m'échappa et je reportai mon attention sur les voitures qui roulaient devant nous.

-Tu peux passer la soirée avec Aria ce soir si tu veux. J'ai... ce truc de prévu. Elle cherchait justement quoi faire. Elle sera contente de repasser une soirée entière avec toi, ça fait longtemps. Je suis tout le temps là à gêner vos plans, désolé.

Il acquiesce simplement et ne dit rien. Il semble fatiguée et si elle le remarque elle ne dit pas. Elle ne parle pas. Elle n’a rien à dire juste un besoin irrépressible de rentrer. Elle a toujours l’estomac serré, et les mots qui blessent. Violeur. Ce mot, il entaille. Violeur. Ce mot il échappe et ne trouve pas de sens. Elle ne l’a jamais utilisé, fuit sa réalité. Violeurs. C’est un mot qu’elle conjugue au pluriel. Violeurs. Elle n’arrive pas à faire le lien entre ce qu’elle a vécu et le sens qu’elle connait à ce mot. Elle refuse de comprendre parce que comprendre c’est accepter un peu.

Ils s’assoient dans le bus et elle rend sa main à Allen sans même y penser. Elle pense pas. Elle essaie. Pourtant elle est perdue derrières ses grands yeux clairs. Elle voit des choses qu’elle croyait dépassées. Violeurs. C’était il y a longtemps mais comme si c’était hier, elle perd de son éclat. Allen il ne sait pas vraiment quoi faire, le pauvre se retrouve dans une situation bien désagréable. Que peut-on dire à une fille dans cet état ? Comment trouver les mots qu’il faut ? Alors il ne dit rien, il attend qu’elle parle, mais elle ne le fait pas. Elle le mire sans le voir, le suit malgré tout quand il descend du bus car il est son repère dans la tempête.

Allen il fait ce qu’il peut et c’est déjà beaucoup. Il se croit faible mais il est d’une humanité qui fait du bien. Pas besoin de grande magie pour présenter de grands pouvoirs. Il possède celui de l’empathie, et le plus grand pouvoir de la terre : la gentillesse. C’est fou hein ? On s’y attendait pas. Le voilà qui essaie de lui parler, trouvant des excuses auxquelles elle ne croit pas vraiment pour qu’elle ne reste pas seule.

« Tu sais tu nous gènes pas, Aria elle est plus heureuse quand tu es là, alors c’est tout ce qui compte. »

C’est sans doute pas à lui de s’excuser, elle n’est que l’amie qui traine trop souvent dans leurs pattes. Elle parle en essayant de reprendre un peu pied, en essayant de se dire qu’elle va arriver à Terrae. Elle n’a pas envie de voir Ariana, pas tout de suite, pas dans cet état. Elle se sent nauséeuse et elle sait qu’elle aura besoin d’un peu de temps pour mettre à nouveau tout cela derrière elle.

« Merci. »

De quoi ? Elle sait pas elle-même, mais elle ressent le besoin de le dire.

Lui proposer de passer du temps avec Aria. Organiser la soirée, ne pas la laisser seule. S'arranger pour ne pas être là ; je suis un garçon, qui voudrait d'un garçon autour de soi après ce qu'elle a vécu ? Je n'ai certes pas de détails, mais j'imagine des choses. Peut-être trop, peut-être pas assez, peut-être pas les bons gestes, peut-être pas les bonnes paroles ; peu importe. J'imagine suffisamment, et je croise suffisamment difficilement son regard pour comprendre qu'il y a eu quelque chose de suffisamment grave pour qu'elle reste choquée un bon moment. Et pour que cette histoire la hante peut-être même encore des années. Est-ce que c'est véritablement normal que la vie d'une femme soit si difficile ? Si injuste...?

Alors ouais, j'fais comme je peux, j'essaie de trouver des trucs pour qu'elle se change les idées ; voir Aria, ce sera bien ça, non ? Je la regardai pas vraiment, n'osant pas affronter son regard. Déjà qu'elle va très facilement capter que je mens, j'vais pas en plus lui faire l'affront de la regarder.

Elle prit la parole et, sous le choc des mots, je relevai le regard vers elle, ne m'attendant vraiment pas à entendre ce genre de propos sortir de sa bouche après la discussion que nous avions eu plus tôt dans la journée. Plus... heureuse... Quand je suis là ? Ok, j'm'y attendais pas. Ca a un petit côté satisfaisant. Et en même temps gênant. Et- Bref. On s'en fout. C'est sur Afya que je dois me concentrer. Elle me remercie, et c'est la deuxième fois qu'elle me surprend, parce que je ne m'y attendais pas. Après tout, qu'ai-je fait pour mériter ces remerciements ? Pas grand chose. J'ai simplement agi comme tout le monde l'aurait fait. En plus de m'exposer et de me foutre encore dans une merde pas possible avec mes pouvoirs. Et heureusement que le pouvoir de Sonore n'est pas visible, sinon je me serais encore fait remonter les bretelles par Hideko pour avoir utilisé mon pouvoir en dehors de Terrae... La chouette sortie qui finit bien quoi.

Je ne revins cependant pas sur ses mots. Je ne voulais pas la contrarier. Alors je hochai lentement la tête, et lui adressai un léger sourire avant de reconcentrer mon attention sur les voitures qui défilaient.

-De rien.

Le bus choisit cet instant pour arriver, et je laissai Afya entrer à l'intérieur avant moi. Je payai le trajet pour nous deux, et rejoignis Afya qui s'était assise tout près.

-J'espère que la chaudière n'aura pas sauté à cause d'un initié comme la semaine dernière... J'ai vraiment hâte de prendre une bonne douche chaude en rentrant.

Une bonne douche chaude pour se débarrasser de cette journée. Effacer les traces qu'a laissées cette ignoble personne sur ce corps pur, nettoyer cette saleté... Oh oui, tu prendras une bonne douche en rentrant, Afya.

Le bus arriva à destination et nous n'avions pas à trop marcher avant de débarquer à Terrae. Chris nous accueillit avec son habituel visage impassible.

-Je te raccompagne jusqu'à ta chambre ? Je vais passer voir Aria avant de... sortir.

Des excuses. Toujours des excuses. Excuse-moi de ne pas être plus honnête, Afya. Je sais que généralement, les gens préfèrent ça... Mais je ne sais pas faire.

Je dois dire qu’j’donnerais bien des baffes à Allen pour se descendre de la sorte, mais elle ne le fera pas. P’t’être parce qu’elle n’est pas assez réceptive aujourd’hui, p’t’être parce qu’elle a du mal à comprendre les autres êtres humains d’une manière générale. Elle ne capte pas qu’il se descend au quotidien, manquant grandement de confiance en lui. Peut-être qu’elle est simplement trop aux prises avec elle-même pour s’intéresser aux autres. Nombriliste et fermée au monde. D’ailleurs elle ne comprend pas pourquoi il parle de douche, et à dire vrai cela ne l’intéresse pas tellement de savoir qu’il va se doucher… Il fait ce qu’il veut de sa vie, s’il veut être propre ce n’est pas elle que sa regarde…

Elle n’arrive pas à comprendre où il veut en venir, et elle s’en moque sans doute. Elle salue Chris sans réellement le voir. Elle s’est renfermée sur elle-même. Elle a besoin de se retrouver, et de se sentir en sécurité.

« Ah, oui bien sûr vu qu’on va au même endroit. Je sors ce soir, je dois voir des amis. Je ne pourrais pas passer la soirée avec Ariana. »

Mensonge, elle n’a nul ami assez proche d’elle pour sortir autre qu’Ariana. Cependant là, elle ne veut voir personne pas même Ariana. Elle ne peut pas la voir dans cet état. Elle se sent… Vide et sale. Elle ne se sent clairement pas digne de son amie, oh, bien entendu qu’elle craint aussi de l’inquiéter… C’est pour cela qu’elle doit rester à l’écart jusqu’à se sentir à nouveau elle. Elle ne veut pas que l’on s’inquiète pour elle, elle veut être un soutient, une amie. Elle veut être à la hauteur. Elle ne se sent pas à la hauteur.

Elle se sent étrangère à elle-même, vide et en même temps pleine de colère. Elle a besoin de temps, c’est du moins ce qu’elle essaie de croire. Avec le temps elle se sentira à nouveau elle, à nouveau entière. L’homme d’aujourd’hui ne lui a rien pris, il a ravivé le passé. Le passé ne revient jamais, elle le sait. Elle a juste besoin de reprendre ses esprits. Elle essaie de s’en convaincre, demain elle serait redevenue elle-même. Elle s’en convainc, mais pour l’instant elle doit être seule. C’est une nécessité, un besoin primaire. Elle est égoïste et nombriliste. Elle a besoin qu’on la laisse se cacher, du moins c’est ce qu’elle croit. Elle ne fait pas face. Elle fuit.

HRP : on peut clore bientôt j’pense ?

HRP : Je m'occupe de clore ça du coup :3

Voir des amis ?

J'observai un instant Afya. Je ne remettais pas forcément ses propos en question ; simplement sa phrase résonnait à mes oreilles aussi mal que l'excuse que j'avais sorti quelques instants plus tôt. Peut-être qu'elle ne mentait pas, et dans ce cas-là je m'excusais de remettre en question ses propos. Cependant, j'avais toujours eu l'impression que pour Afya comme pour moi, il y avait Ariana et les autres. Mais après tout, oui, peut-être qu'elle ne mentait pas, et dans ce cas je n'avais pas mon mot à dire.

J'offris un léger sourire à l'africaine, et nous continuâmes le chemin à pied jusqu'à l'Institut. Ca n'allait pas. Ca n'allait clairement pas, et je le savais, mais qui étais-je pour pouvoir interférer dans sa vie privée ? Alors je ne parlais pas. Le silence n'était pas pour autant pesant ; il était juste fatigant, les pensées se balançant d'un côté à l'autre de mon esprit. Qu'est-ce que je pouvais bien faire de plus pour l'aider ? Quelle place me laisserait-elle prendre ?

Pourquoi fallait-il qu'il se passe toujours quelque chose d'affreux dès que je quittais Terrae ?

Et le plus abominable dans tout ça, c'est que ça ne m'arrivait jamais à moi. Les autres étaient toujours touchés directement, et moi je devais y assister, croiser ensuite leur regard, assumer ? Ce camarade mort en mission. Cette chute en parachute avec Aria. L'agression d'Afya... Et même lorsque je suis allé en cure, je suis persuadé que dans le fond, ceux qui ont été le plus touchés étaient les personnes de mon entourage. Heureusement que mon entourage tient sur les doigts de la main.

Nous montâmes les dernières marches des escaliers et arrivâmes à l'étage des Eaux. J'adressai un sourire à Afya, accompagnant mon geste d'un "au revoir". Avant de toquer chez Aria, je fis pourtant volte face et retournai auprès d'Afya, à la porte d'à côté.

-Tiens, au fait. C'est mon numéro. Je ne sais pas si tu as un téléphone mais... Si tu veux qu'on discute ensemble de la filière littérature. On pourrait y réfléchir ensemble. Peut-être s'inscrire ensemble. Enfin bref, si tu as envie de discuter un peu... d'aujourd'hui. Hésite pas. Passe une bonne soirée Afya.

Dernier sourire. Et elle disparut derrière la porte de sa chambre alors qu'Aria m'accueillait, toujours aussi belle, toujours aussi énergique, toujours aussi parfaite.

Je garderais le secret Afya. Mais parle-lui. Elle ne veut plus être mise à l'écart. Elle ne veut plus qu'on la protège. Elle veut qu'on lui prouve qu'on la pense suffisamment forte pour partager avec elle ce genre d'expérience. Et dans ton cas, tu as besoin d'en parler aussi. Alors passe voir Aria lorsque tu iras mieux...

Alors je garderais le secret. Mais parce que ce n'est pas à moi d'en parler avec elle.