Il y a une semaine déjà que Renji est parti. J'essaye de sauver les apparences pour le travail, mais je passe tout le reste de mon temps dans ma chambre. Je regarde des comédies romantiques stupides, alors que j'ai toujours détesté ça. Je mange beaucoup de chocolat et je joue des musiques tristes à pleurer sur ma guitare - et puis je pleure aussi un peu. Je crois que c'est ce qu'on appelle un chagrin d'amour... Il était temps d'avoir mon premier, à 24 ans.

Je n'en ai pas parlé à Akito. Je n'ai pas envie qu'il s'inquiète pour moi, et puis aussi je sais qu'il serait triste d'apprendre la nouvelle du départ de son ancien acolyte. Je ne pense pas que le brun ait pris la peine de lui écrire pour lui dire qu'il partait. Ce n'est pas vraiment son genre. A vrai dire je pense même qu'il ne l'a dit à personne d'autre que moi - et les responsables de Terrae évidemment.

Je suis dans mon lit, à m'enfiler une énième barre de chocolat devant Love Actually, quand on toque à ma porte. J'hésite à ignorer mon visiteur tout simplement et rester ruminer dans mon coin... Mais c'est peut-être important ? Aussi, je mets mon film sur pause, enfile un pull propre par dessus mon legging et attache rapidement mes cheveux en un chignon. Je ne ressemble pas à grand chose, mais on va dire que c'est acceptable. J'ouvre la porte et me retrouve avec surprise devant mon blondinet préféré, ses grands yeux bleus remplis de larme qu'il a l'air de vouloir contenir. Instinctivement, je l'attire à moi pour un câlin.

"Akito ? Qu'est ce qui se passe, ça ne va pas ?"

Le seul avantage à cette situation, c'est que de le voir triste me fait oublier mes propres tracas dans la seconde.

A peine la tête du blondinet a-t-elle touché mon épaule, que celui-ci fond en larmes. Je caresse doucement ses cheveux et lui laisse le temps de se calmer et de trouver ses mots. Mes pensées fusent dans tous les sens, essayant de comprendre ce qui a bien pu le mettre dans cet état... Elwynn ? Une autre fille ? Une dispute ? Une mauvaise nouvelle ? Tellement de raisons possibles, autant de raisons de m'inquiéter...

Akito finit par reprendre contenance après plusieurs minutes, et se recule quelque peu pour reprendre son souffle. Son regard en revanche reste rivé sur ses petits pieds, ce qui me fait froncer les sourcils. Depuis quand est-ce qu'il a peur de me regarder dans les yeux ? La seule fois que c'est arrivé, c'est quand il m'a avoué ce qui s'était passé avec Elwynn... Pourtant cette fois, il n'a pas l'air gêné, juste en peine.

Il finit par lever les yeux, et ses mots me prennent de court. Je rougis instantanément à ses compliments, mais je n'ai pas le temps de m'en réjouir qu'il continue en s'excusant. Un nouveau flot de larmes interrompt son discours, et me laisse en pleine incompréhension. Je sais reconnaître des adieux, et ses mots résonnent dans mon coeur avec cette amère sensation. J'ai l'impression d'avoir reçu un coup à l'estomac et me retrouve incapable de prononcer le moindre mot.

J'attire le blondinet à l'intérieur en silence et ferme la porte derrière nous ; je ne veux pas d'oreilles ou d'yeux indiscrets. J'assieds mon ami sur mon lit et attrape une boîte de mouchoirs pour essuyer ses joues mouillées de larmes, toujours en silence. Je finis par m'agenouiller devant lui et prends ses mains dans les miennes avec douceur. Je caresse doucement ses paumes de mes pouces, jusqu'à ce que le jeune homme relève son regard vers moi.

"Akito ? Parle-moi, qu'est ce qui se passe ? Tu sais bien que je ne pourrai jamais t'en vouloir..."

J'ai la gorge et l'estomac serrés. Après le départ de Renji et ma récente déprime, je ne peux qu'imaginer le pire. On dirait bien que cette fois, c'est moi qui ai besoin d'être rassurée...

L'anglaise fait entrer le blondinet à l'intérieur de sa chambre. Il est préférable. Certains regards indiscrets se posent sur eux. Mais Akito ne s'en rend pas compte. Pour l'instant, son monde c'est Pandora et rien d'autre ne compte. Et son monde s'écroule.
Instinctivement, il vont s'assoir sur le lit. Ses jambes tremblent et il peine à tenir debout. C'est limite lamentable. Pandora tente de le rassurer. Evidemment qu'elle ne lui en voudrait pas. Elle ne l'a jamais blâmer quelque soit la faute.
"Ca serait pourtant plus simple…"
La facilité.
Mais il n'a pas d'autre choix. Maintenant qu'il était au pied du mur, il devait être honnête et lui avouer. Tentant de croiser son regard malgré les larmes qui le gêne, ce dernier respire difficilement quand enfin le son de sa voix transperce les lèvres.

"J'ai-J'ai reçu une lettre. C'est important. Tu le sais aussi. Mon-... Mon désir devenir avocat."

Elle n'est pas idiote. Elle comprendra rapidement, même avant d'avoir lu la lettre. Cette lettre même qu'il lui tend. Cette dernière est froissée, victime de paniques et de craintes.

"Je ne sais plus ce que je dois faire! Si je pars.. si je pars, ça serait pour longtemps. Très longtemps. Mais je ne veux pas te quitter! Je-... Je tiens beaucoup à toi. Tu es la personne qui m'est le plus chère…"

Comment peut-on tourner le dos à la personne la plus importante dans notre vie?
Après avoir autant eu de difficultés à la trouver, comment lui tourner le dos? Ne serait ce pas gâcher sa chance? Sa seule chance?
Le blond hésite. Ce qui aurait du être un rêve devient un cauchemar. En partant d'ici, il manquera énormément d'évènements, notamment ceux qui touchent son amie. Ils ne partageront plus autant.
Libéré de la lettre, il se tord automatiquement les doigts. Il tente en vain de trouver une réponse. Lui qui était perdu depuis deux jours. Ses yeux dérivent de droite à gauche. Il n'a jamais su gérer son stress. C'est pitoyable.
Quand finalement la solution la plus égoïste le frappe en plein visage.

"Je sais! Viens. Viens avec moi. On sera jamais séparé comme ça!!"

Tente-il dans un élan désespéré. Ses yeux cherchent les siens. Il se perd dans son illusion, le sourire maladroit.
Idiot… Pauvre idiot.

Après un moment d'inquiétude qui me semble incroyablement long, Akito finit par me répondre d'une voix faible, la respiration difficile. Je fronce les sourcils légèrement lorsqu'il me parle de son désir de devenir avocat. Je sais à quel point c'est important pour lui ! Est-ce que... ? Je prends la lettre qu'il me tend et la déplie délicatement pour ne pas l'abîmer plus qu'elle ne l'est déjà. Je peux voir à son état que le blondinet se torture l'esprit avec le sujet depuis un moment déjà ! Je lis attentivement et mon coeur se gonfle de fierté à mesure que les mots défilent sous mes yeux ; il a été accepté dans l'une des plus prestigieuses écoles de droit au monde ! C'est juste incroyable, il l'a fait ! J'ai toujours su qu'il en était capable, mais aujourd'hui c'est sa chance de le prouver au monde entier !

Ses mots me ramènent les pieds sur terre, et mon sourire enthousiaste se ternit quelque peu. C'est vrai, s'il veut suivre cette voix, il va devoir partir. Ca deviendra impossible de continuer à fréquenter Terrae avec la masse de travail qui l'attend... Son hésitation me touche au plus profond de mon coeur, mais il n'est pas question qu'il laisse passer cette chance à cause de moi ! Le jeune homme se tortille les doigts et fuit mon regard, je le sens hésitant, en stress. Je pose mes mains sur ses joues pour qu'il arrête de tourner sa tête de droite à gauche, et pose mon regard dans le sien avec un air sérieux.

"Tu dois y aller Akito, c'est ta chance, ne la laisse pas passer ! Je ne me le pardonnerai jamais si tu abandonnes à cause de moi... Je suis tellement fière de toi, je n'ai jamais douté que tu en étais capable. Tu as tant de choses à prouver au monde, à te prouver à toi-même, alors n'hésite pas et fonce !"

Je lui adresse un sourire encourageant, avant de venir embrasser doucement son front, comme un enfant qui aurait fait un cauchemar au milieu de la nuit. Sa proposition soudaine de l'accompagner me serre le coeur. Si seulement...

"Je ne peux pas Akito. Ma place est ici à présent, Terrae est devenue ma maison... Mais la tienne se trouve là-bas, et tu le sais au fond de toi."

Mon sourire se fait un peu plus triste, et je viens poser mon front contre le sien dans un geste tendre, mes mains toujours sur ses joues.

"Tu sais que je t'aime, et que je serai toujours là... Terrae n'est pas une prison, je pourrai venir te voir ! Et je suis sûre qu'en tant qu'ancien résident, ils te laisseront venir rendre visite de temps en temps également. Puis on pourra s'écrire, et se téléphoner, autant que tu le veux ! Ce ne sera pas si différent, tu verras... Mais tu dois y aller Akito, vraiment."

Je mets de côté ma peine, mes doutes, la peur que notre amitié ne survive pas à la distance. Sans lui ici, et maintenant que Renji est parti, Terrae va se retrouver bien vide... Mais je ne le laisserai jamais abandonner son rêve à cause de moi.

Akito tente de rester stoïque lorsque je lui annonce que je ne quitterai pas Terrae avec lui. Je sens juste un léger tremblement parcourir son petit corps, mais il retient courageusement ses larmes. Je pense qu'il le savait déjà ; qu'il savait que je ne pourrais pas le suivre mais n'a pas pu s'empêcher de laisser l'espoir parler. Nous restons un moment silencieux, front contre front, jusqu'à ce que le blondinet reprenne la parole et me promette qu'il me rendrait fière. Un sourire se dessine sur mon visage et je caresse doucement ses cheveux.

"Je n'en attends pas moins de ta part ! Je vais commencer à lire le journal et je compte bien voir ton nom y apparaître !"

Je lâche un léger rire, avant de retrouver mon sérieux.

"Mais tu sais... Tu n'as rien à me rendre. J'ai toujours été là pour toi parce que j'en avais envie, parce que ça me fait plaisir... Et j'aurais été fière de toi, quoi que tu décides de faire ! Tu as toujours été spécial à mes yeux Akito, tu n'as rien à me prouver."

Il n'a pas besoin de devenir un avocat de renommée internationale pour devenir "quelqu'un". Pour se le prouver à lui-même sans doute, pour le prouver au monde aussi... Mais moi, je l'ai toujours su, qu'il était spécial.

Il me demande ensuite si nous pouvons être colocataires pour le reste de la semaine, son départ n'étant pas avant quelques jours. Je hoche la tête avec un grand sourire avant de me redresser.

"C'est une super bonne idée ! Je vais prendre congé quelques jours aussi, comme ça on peut passer tout notre temps ensemble ! Et je te propose de commencer notre cohabitation par une soirée films en mangeant des glaces et du chocolat, si ça te va ?"

Dans le fond, je sais que passer ses derniers jours ensemble va rendre la séparation encore plus difficile... Mais c'est comme avec Renji, je suppose. J'ai besoin d'aller au bout des choses, de profiter jusqu'à la dernière seconde, quitte à en souffrir encore plus après.