Senri écarquilla les yeux suite à la demande d’Afya. Quand il sentit la main de la jeune fille contre son bras, ses pommettes s’empourprèrent. En bon japonais et fan de shojo, l’adolescent était assez prude quant aux contacts physiques. Bien qu’en même temps, il n’osait pas refuser, ce serait profondément impoli. Il se contenta juste d’acquiescer timidement, le regard fuyant.

Il mit un certain temps à trouver un rythme de marche adéquat. Le boxeur cherchait à s’adapter à l’allure de son amie. Mais la discussion le détourna bien vite de cet exercice.

- Oui ! Ramiel, c’est bien ça !

Même, en sachant son nom, Senri ignorait comment contacter ce fameux terre et de toute façon, la suggestion d’Afya de recruter sur place était plus ingénieuse. Lorsqu’elle lui révéla que le refus dont elle parlait était le sien, Senri se sentit quelque peu énervé. Vexé d’avoir été trompée de la sorte.

- Ah… Désolé, j’avais mal compris.

Il détourna subitement le regard. Il n’y avait pas que de l’agacement qui le rongeait, l’on pouvait même dire qu’il était extrêmement minime. Il se sentait bien plus honteux de ne pas avoir soulevé l’ironie de la chose. Néanmoins ce qu’elle disait sur son futur le faisait réfléchir, certes, c’était essentiellement parce qu’il n’avait pas tellement compris le sens des paroles de l’Ivoirienne. Mais nul doute que quand il aurait compris, il pourrait penser à leur sens profond.

Pour le moment, il se contenter de conduire la jeune femme. Tout en étant perdu dans ces pensées.

Bien. Ok. Il avait tout préparé pour que ce soit le plus parfait possible. Aucune chance que ça loupe, car il avait tout préparé très minutieusement. Cependant, et cela était un obstacle de taille, Jean-Eude avait le trac.

Eh oui. Lui qui souhaitait demander sa petite amie en mariage, et qui planifiait tout très soigneusement depuis des semaines — depuis trois jours, en vrai — peinait à ne pas se laisser bouffer par son anxiété croissante. Il faut dire qu'elle avait parfois des idées très arrêtées, sa Samantha. Mais il le savait : au fond, ils étaient faits l'un pour l'autre. Il n'y avait aucune raison que cela ne fonctionne pas... Pas vrai...?

Se promenant dans les rues du Village avec sa chère et tendre, le téléporteur jouait avec la boîte contenant les bagues. Eh oui : LES bagues ! Deux. Pour qu'ils puissent se montrer leur appartenance l'un à l'autre ! Après leur promenade du jour, il pourrait l'emmener jusqu'à sa chambre, où des pétales de rose avaient été disséminées ! Et là, il pourrait dire : MA CHERE SAMANTHA ! Prunelle de mes yeux, soleil de mes nuits ! Veux-tu t'unir à ma vie ?
(Oui, ça rime, il a bossé dur dessus, il demande des applaudissements s'il vous plaît.)

Et là, là,...!

—Oulaaa, une de mes potes s'est fiancée ! s'exclama Samantha en fixant son portable. Mais elle est folle ma parole ! Quelle idée, j'vous jure. Non mais, c'est vrai, elle est hyper jeune, elle a, allez... Mon âge ?! Et elle veut se marier ? Non mais faut être taré, hein. Moi, jamais je me marie, désolée, mais c'est pas mon kiff.

Ah. Ah. Ouais. Alors. Ouaiiis.

—Ahaha. Oui. C'est vrai. Faut être taré.
—Bah alors ? J-E ? Ca va, t'es tout pâle ?
—Nan, mais t'inquiète, ça va. Tout baigne.

TOUT NE BAIGNAIT PAS.
Le pauvre paniquait. Et heureusement, Samantha était trop occupée à regarder une vitrine, maintenant. Sueur intensive. Il regarde autour de lui. Vite, viiite, un plan. Il allait falloir qu'il appelle Gauthier pour lui dire d'annuler la sérénade avant qu'il ne rentre ! ET DE NETTOYER LA CHAMBRE ! Et si elle tombait sur les anneaux ?! Malheur.

Ah ! Au loin, un couple marchait ! Parfait ! Samantha ne regardait pas dans sa direction ; parfait. Jean-Eude se téléporta juste devant le couple, qu'il regardait droit dans les yeux, tour à tour.

—Mes amis. L'heure est grave. Je vous offre ceci : faites en bon usage.

Et, cela dit, il glissa la boîte à bijou dans la main du monsieur chauve, et se re-téléporta près de sa belle, ni vu ni connu.

—Mais tu t'es encore téléporté ?! T'abuses…

Une larme virile coula mentalement le long de sa joue. C'était mieux ainsi. De toute manière, les bagues avaient coûté dix euros en boutique, et il était richissime, mais radin ; autant se débarrasser des preuves.



[Et hop, un cadeau pour Senri ;) ]

« Désolée. » répondit-elle à son tour. « Je ne le ferais plus. »

Elle avait gouté au pouvoir d’être maitresse d’une situation, à celui d’un mensonge qui n’en était pas vraiment un mais en restait tout de même un, ce n'était peut-être pas si agréable que ça finalement. Elle avait souri, doucement, en excuse… Puis s’était saisie du bras du jeune homme, il avait accepté. Elle fuyait un peu elle aussi, dans un passé qui ne lui appartenait pas. Le présent s’estompa, la réalité changea. Elle voyagea plus loin que ses pas ne la portaient.

Les images viennent dans un désordre discontinu. Les informations arrivent, succinctes, pales, nombreuses. Envahissantes. Elle aurait dû lui demander le lieu et l’heure de son premier entrainement. Aurait-il su les lui donner ? Sans doute pas, il est des dates qui ont moins d’importance que le souvenir qui est attaché. Savait-il alors que ce premier entrainement signerait le début d’une grande passion ? Qui sait ?

Elle reconnait certains des visages, des personnes qu’elle fréquente, d’autres qu’elle a seulement rencontrées. Terrae. C’est trop récent, moins ancré, moins encré. Elle ne s’attarde pas dessus… Elle ne veut pas voler son intimité… Et pourtant… Les images volent comme les cheveux qui tombent par poignée de sa tête, comme les coups qu’il donne à cet autre garçon, comme les balles qu’il ne rattrape pas, comme les larmes qui le rattrapent trop. Elle y est enfin. A cette première fois. Elle regarde. Elle observe. Elle comprend. Elle apprend, en même temps que lui, avec lui. Ce sport lui a l’air bien compliqué.

Elle resserre sa main sur le bras du garçon, elle est là. N’a pas la moindre conscience de ce qu’il s’est passé pendant son « absence » elle est fatiguée. Elle a survolé une bonne partie de la vie du garçon, elle se sent fatiguée. S’appuie un peu plus sur lui sans en prendre conscience.

« Je crois que j’ai compris… Cela te dérange si je regarde à nouveau les explications un peu plus tard pour être sûre ? Là je n’en serais pas capable. »

Les deux jeunes gens marchaient tranquillement. Senri faisait très attention à guider correctement Afya, il avait rapidement privilégié cette activité à l’étude de ses pensées. Dès qu’il réfléchissait un peu trop, il avait des migraines du tonnerre de toute façon. Mais alors qu’il s’échinait à être un bon guide, quelqu’un apparut devant lui, visage rouge et en sueur. Il baragouina quelque chose, comme quoi, l’heure était grave et prit la main de Senri pour lui mettre quelque chose dans la main.

UNE BOMBE ?

Senri eut un instant de panique, son visage se décomposa tandis que l’autre se téléportait comme si de rien n’était. Si Senri n’avait pas eu Afya accroché aux bras, il aurait couru après le téléporteur pour l’encastrer dans une vitrine. Et lui demander les raisons de son geste. Accessoirement. Faut de bagarre, l’adolescent reposa son regard sur ce qu’on venait de lui donner. C’était une petite boite noire, tout ce qu’il y avait d’inoffensif. Senri la jaugea sous toutes ses formes, un sourcil arqué. Du pouce, il leva le couvercle pour découvrir deux anneaux.

Il faillit défaillir. Ce téléporteur lui avait donné des anneaux de mariage ? Il avait pris Afya et Senri pour un couple ?! Le visage pivoine Senri prit une intense respiration, la lèvre vrillant de colère. Il essayait de penser à tout ce qu’il ferait subir à cette imbécile quand il retrouverait pour ne pas se liquéfier de honte.

Il sentit soudain une pression sur son bras. Afya ! Il avait oublié qu’elle n’était plus tout à fait en phase avec les évènements. D’un geste vif, Senri plongea la boite dans une de ses poches et commença à regarder ailleurs. Qui sait comment Afya pourrait prendre la présence de ces bijoux ? Senri était décidément trop mauvais pour gérer les quiproquos. Par contre, il se savait très doué pour faire passer la vérité pour un mensonge, si tant est qu’il soit, ne serait-ce qu’un peu, stressé.

Les joues encore vermeilles, il tenta de parler d’une voix désintéressée, mais qui restait fébrile.

-Alors… Tu as trouvé quelque chose ? Moi, il s’est rien passé, hein. Comme sur des roulettes.

Il n’osait toujours pas regarder dans la direction de la jeune fille et faisait mine – grossièrement – de regarder les alentours.

- On... Approche du lac ! On va pouvoir mettre en pratique ce que tu as vu ! Fin si on trouve du monde et tout ça, quoi...

Il ponctua ces mots d’un léger rire nerveux avant de furtivement reporter son regard sur l’étreinte d’Afya sur son bras. Il n’osait pas la chassait, mais il n’avait qu’une peur ; qu’on se fasse encore une fausse idée sur eux.

Cela étant, il parvint à chasser ses craintes ; il allait jouer au volley dans quelques instants. Et ça, c’était génial.

Bien entendu la jeune femme n’a pas la moindre idée de ce qu’il vient de se passer. Elle jette un regard interrogateur à Senri. Même une aveugle verrait qu’il essaie de lui cacher quelque-chose. Il est gêné. Elle est prise d’un doute, un doute désagréable, une question dont la réponse a énormément d’importance à ses yeux. A-t-il profité de son absence pour la peloter ? Ou tout autre geste inapproprié. Elle aimerait lui faire confiance. Elle ne peut pas. Elle n’y arrive pas. Son esprit replonge une fraction de secondes dans le passé récent. Elle aurait ri si elle ne se sentait si honteuse de ce qu’elle vient de faire. Elle ne lui en dirait rien. Elle n’oserait pas. Cela ne le concernait pas réellement de toute manière. Elle ferait comme si de rien n’était, cela serait plus simple pour tous les deux.

« Oui j’ai regardé ton premier entrainement ! »

De toute manière, que dire d’un homme qui vient vous offrir des alliances ? Rire lui aurait semblé approprié, mais il était trop tard pour le faire. Elle commençait à fatiguer, et elle ne fit pas le rapprochement avec le fait qu’il les avait pris pour un couple.

Le reste de l’après-midi se déroula sans heurts. Ils n’eurent pas trop de mal à former deux équipes et à mener un petit match… Mais la jeune femme ne resta pas jusqu’à la fin de l’après-midi. Elle avait dépensé pas mal d’énergie en utilisant ses pouvoirs et si elle put se donner à fond pendant le premier match, elle fut bientôt épuisée. Elle décida de rentrer et de laisser les autres s’entrainer… Non sans avoir glissé au futur tonnerre qu’ils se revoyaient bientôt pour lancer le club…