Il s'est passé pas mal de trucs ces derniers temps. Au hasard nos premières vacances avec Jérém', les retrouvailles avec Roman et puis toutes les nouvelles qui allaient avec. J'suis dans un drôle de mood depuis euh. Ca va. Mais. C'est bizarre. Y a plein de choses géniales. Et puis euh, j'en ai parlé un peu avec ma psy et du coup je revis un deuil en fait. C'qui est pas. Le plus simple t'sais. Et j'suis un peu énervée aussi du coup. Genre, j'me sens plus sensibles sur certains sujets et quand y a des gens que je connais pas qui m'énerve j'ai super envie de les emplatrer, mais j'vois bien que c'est pas ce que eux ils font, qui m'énerve autant. Sinon ce s'rait vraiment problématique et je fumerais beaucoup plus de gens quoi et personne a envie de ça en fait.

Bon. Dans ces moments-là, en général, j'essaie d'en parler un peu. Et il s'est trouvé que la personne dispo direct, c'était Misao. C'est toujours Misao. Ca faisait un moment qu'on avait pas passé un moment tous les deux aussi, donc j'me suis dit que c'était pas juste de vouloir en parler. Alors j'me suis dit que de toute façon, j'me sens bien avec lui, donc pourquoi pas juste essayer de passer un bon moment. Non ? Donc j'lui ai proposé un bowling. Vous savez des fois, quand vous proposez une activité à vos potes, vous savez qu'ils vous jugent mais vous proposer quand même. Ce qui est pratique avec Misao, c'est qu'il y a aucune activité où il juge pas. Donc on se sent pas jugé. Si si c'est logique. Parce que quoi qu'il arrive, il va arriver avec sa tête déconfite et son air de "Omg j'dois vraiment toucher à ça ?" donc ça change RIEN à l'activité que vous proposez.

Mais. Le bowling c'est chacun pour soit. Et on est compet' avec Misao. Donc j'sais que même s'il me juge, il va jouer le jeu. J'espère. J'suis contente de le voir. Tellement contente que j'arrive bien trop en avance. Je me cale contre le mur à côté de la porte, et je regarde à droite à gauche en l'attendant. J'espère que Roman ça va aller. Eh c'est pas un bébé tu te calmes il va s'en sortir, bien mieux que toi d'ailleurs. J'attrape mon portable, et vais pour envoyer un sms à Misao pour lui dire que j'suis arrivée. Hm. Peu utile. Mais j'vais quand même le faire. Faut bien que j'm'occupe.

[Jet de dés]

Nan mais sérieux, qu'est-ce qu'il a fait au juste ??? Il sait même pas. Aucune explication, juste un "tu es trop distant, tu es marié à ton travail, on en a déjà parlé, ça me saoule, on fait un break". Comment ça, c'est une explication ? Bien sûr que c'est une explication, mais est-ce que c'était vraiment l'explication que Misao avait envie d'entendre ? Pas sûr. Faut dire que sa relation avec Saori se passait relativement bien jusqu'ici, mais il a probablement passé une nuit de trop au travail… AU TRAVAIL !! Ca ne devrait pas être interdit par la loi, surtout quand ledit travail est littéralement 2 étages en dessous de la chambre de sa copine ! Puis probablement que le fait que Misao l'avait regardée avec des yeux effarés quand elle lui a parlé de vouloir fonder une famille avec lui un jour a du jouer dans la décision. Est-ce que c'est vraiment de sa faute, si leurs idéaux de vie ne sont pas en accord ? Il s'imaginerait bien père un jour — il ne fait pas un trop mauvais oncle, il faut dire — mais la perspective est encore trop lointaine pour lui. Se projeter, ok, mais parlons d'emménager ensemble ou d'adopter un chat sans poils, d'abord, peut-être ?

(Un chat sans poils parce que ces bestioles sont mignonnes, n'ont pas assez d'amour, et surtout parce que Misao refuse de ramasser les poils d'un quelconque chat dans son appartement. Surtout pour cette raison, en fait.)

Il sait très bien que le problème, c'est aussi parce qu'il n'arrive pas à investir suffisamment ses relations. Peut-être qu'avec Roxanne, il aurait réagi différemment…… Ce qui est un argument supplémentaire allant dans le sens de "Saori a bien fait de le quitter, parce qu'il abuse un peu".

Heureusement, Elwynn lui a proposé un bowling pour cette après-midi là. Elle était un peu occupée ces derniers temps, autant dire qu'ils ne se sont pas trop croisés à part par échanges rapides de sms. (Faut dire que s'il avait pas le temps de voir Saori, il pouvait pas avoir le temps de voir Elwynn, hein !!) Mais il a préféré se libérer, il arrive de toute manière pas à se concentrer au boulot avec l'annonce de Saori la veille. Avantage d'être plus ou moins son propre patron : pouvoir taffer à n'importe quelle heure... (Enfin, objectivement c'est Hideko sa patronne mais eh, elle lui a laissé champ libre.)

D'ailleurs, elle est déjà arrivée ; il reçoit son message pendant qu'il se rend sur leur lieu de rdv. Ils auraient pu faire le trajet ensemble, maintenant qu'il y pense ; à moins qu'elle ait été occupée ? Il lui répond, et quelques minutes plus tard arrive sur les lieux, où elle l'attend près de la porte. Il lui lance un sourire en même temps qu'il fait un signe de la main.

—Ossu*, t'es arrivée tôt. Comment tu vas ?

Elle a l'air un peu crispée, peut-être qu'elle s'est fritée avec quelqu'un avant de venir ?

*salut en argot

Misao répond rapidement à mon message et il arrive pas longtemps après, m'ayant laissé le temps de regarder dans le vide mais pas assez pour avoir réfléchi à ce qui m'est arrivée ces derniers temps. Je le vois arriver et lui fait un signe de la main en me décollant de mon mur. Je lui souris. Je suis contente de le voir. Comme à chaque fois en vérité.

Yo. Ouais, j'avais pas grand chose à faire avant donc j'suis arrivée en avance.

Pas dire directement que fallait vraiment que je respire hein. Je hausse les épaules quand il me demande comment je vais, regarde un peu sur le côté en répondant avant de retrouver ses yeux.

Hmm pour être honnête y a beaucoup de choses un peu contradictoires en ce moment donc je saurais pas dire vraiment. C'qui est sûr c'est que j'suis contente de t'voir. Comment tu vas toi ?

Ouais en fait y a juste trop de trucs en ce moment. Ca fait beaucoup. En même temps c'était pas prévu que tout revienne d'un coup. J'attrape l'élastique à mon poignet et vient attacher mes cheveux en queue de cheval haute, avant d'ouvrir la porte devant Misao.

Ca te dit on discute pendant que j'te met la raclée de ta vie ?

Je souris et lui lance un clin d'oeil. Bah ouais faut pas déconner j'suis aussi là pour essayer de le battre. J'dis bien essayer, ça fait des plombes que j'ai pas joué et j'ai jamais été très douée à ce jeu. J'mets du temps à m'habituer au poid, donc y a des chances que j'perde. Ca m'empêche pas de jouer avec tho.

Elwynn, quand elle disparaît, généralement, c'est qu'un truc ne pas pas. Au moins, elle a bonne mine. Enfin, elle sourit, quoi ; c'est déjà bon signe. Il hausse un sourcil moqueur à sa phrase d'intro.

—Ah ouais chaud, tu t'emmerdes vraiment en fait.

Surprenant que ce soit un bowling qu'elle lui propose plutôt qu'un verre ou un café pour prendre des news, d'ailleurs. Il est pas sûr d'être déjà venu ici avec elle, mais écoutez, ça met un peu de peps dans leur quotidien, hein. Un peu de peps, ou un peu de distraction, d'ailleurs. Il a bien capté la fuite de son regard, et il la connait assez bien pour deviner qu'y a un truc qu'elle tait. Au moins, elle fait pas semblant. Alors Misao acquiesce et fait la moue. Bon, bah va falloir qu'ils parlent. C'est peut-être pas le moment pour l'emmerder avec l'histoire de Saori, il gardera ça pour plus tard.

—Ouais, je vois. Prends le temps. Ca va, écoute.

Il lui tient la porte, même si elle est passée devant, et la suit.

—Comment ça la raclée de ma vie ? T'as de l'espoir ! Sois pas trop distraite, tu sais bien que je dis jamais non à un challenge, non plus. Mais oui, t'inquiète, on parlera tranquillement. J'suis content de te voir aussi.

Ils entrent dans le petit hall, jusqu'au comptoir d'accueil, où il va demander une piste libre et règle la facture. Il en profite pour demander la pointure d'Elwynn, pour qu'on lui donne les chaussures adéquates. Les siennes en main, il se dirige vers la piste qu'on leur ouvre un peu plus loin ; y a pas trop de monde, aujourd'hui. Installé sur un des sièges, il pose la sacoche qu'il trimballait, dans laquelle il transportait… évidemment… des chaussettes de rechange. Hors de question que ses chaussettes actuelles aillent dans des chaussures portées par d'autres. Il sort même un petit désodorisant pour les pieds, à mettre dans les chaussures de bowling, et entreprend de changer de chaussures ; croisant le regard d'Elwynn, il lui tend le petit désodorisant :

—T'en veux ?

Ouais c'est pas antibactérien, mais lui dites pas, l'important c'est que ça fasse illusion pour son cerveau. Puis, en nouant soigneusement ses lacets, il reprend :

—T'as envie d'en parler, du coup, ou tu préfères commencer à jouer ?

Il me nargue, je fronce les nez et hausse les épaules sans cesser de sourire.

Hmm que veux-tu, la vie sans toi est visiblement chiante à mourir...

J'sais que Misao va vite capter que déjà : j'ai besoin de me changer les idées, et ensuite que j'peux pas tout déballer juste comme ça. Enfin, pas direct. Après y aussi le fait que j'espère qu'il va bien. Il avait l'air d'être pas mal occupé ces derniers temps pace qu'on s'est pas vus, déjà, mais en plus ouais, dans ses messages... Busy guy. Et j'veux pas prendre trop de place avec mes problèmes. Enfin c'est un échange quoi.

Prendre le temps hein. Je souris gentiment, c'est ce que j'essaie de faire. Notamment en prenant aussi du temps pour être avec les gens que j'aime bien. Ca m'fait sourire c'qu'il me dit, et je réponds l'air de rien.

C'est pas d'l'espoir, c'est une promesse.

Misao prend en main les choses, j'le laisse faire en lui donnant quand même ma pointure, et je récupère mes chaussures. On se dirige ensuite vers la piste, j'suis contente parce qu'il n'y a pas d'enfants, et j'avoue j'avais un peu la flemme des cris d'enfants. Vous méprenez pas, j'adore les gosses, mais y a des moments dans la vie c'est mieux sans quoi. Demandez à Ronron j'suis sûre il valide.

J'm'asseois pour changer mes chaussures. Je lève les yeux et Misao change de chaussettes. Alors, j'suis pas surprise, c'qui me surprend c'est qu'il ose laisser ses pieds nus à l'air libre dans un lieu qui n'est pas chez lui, mais après tout il fait bien comme il veut. Et le petit désodorisant par contre c'est genre. C'est TELLEMENT lui ça m'fait trop rire. Il m'en propose direct, je souffle du nez, amusée.

... Allez. Merci.

J'vais pas dire non c'est trop gentil. Faites pas genre vous auriez dit non. Moi ça m'fait rire aussi ok. Je pschitte mes chaussures et lui tend le flacon de nouveau avant de les enfiler. Je lui réponds tout en me levant pour taper le bout des chaussures au sol, tic que j'ai pour voir si j'y suis bien.

Hmm on peut faire les deux ? Non en vrai tu vois c'est genre. C'est un peu bizarre. En fait, j'suis partie en mission de récupération pour un pote à moi. Le seul de ma vie d'avant en réalité, et euh... Bah en fait, je pensais qu'il était mort. Pendant... depuis que j'suis arrivée à Terrae, un peu avant même. Ca fait un peu bizarre. J'suis tellement contente de l'avoir retrouvé en même temps. Genre vraiment c'est... Un mec incroyable. Faut que je te le présente un de ses quatre.

Je parle tout en allant sous-peser le poids des boules pour choisir celle qui me convient le mieux. Le tableau dit que c'est moi qui commence, alors j'essaie de trouver la bonne direct.

J'vais tester avec celle-là en premier.

Misao croise les bras sur sa poitrine et lance un sourire amusé à son amie, sourcil levée.

—Hmhm, heureusement que j'suis là pour égayer ta journée, hein…

Il ajouterait bien "tu vois, tu peux plus te passer de moi", mais ce serait mal interprété par la foule, ça. Il se permet encore un éclat de rire face à sa détermination à le battre.

—Chiche.

Et finalement, ils entrent ; comme attendu de la part de son amie la plus proche, aucune moquerie ne fuse, juste un amusement palpable face à ses réactions somme toute un peu excentriques. Finalement, il s'accommode bien de ses TOCs ; il apprend à en rire, pas forcément se moquer, mais l'auto-dérision l'aide aussi à pas devenir fou quand il a des rechutes. En ce moment, c'est plutôt tranquille, moins de stress dans sa vie aide à éviter la réapparition des pensées intrusives. Il en a toujours un peu — genre là, il faut pas qu'il touche le sol, un peu comme dans le jeu the floor is lava ; sinon il va avoir l'impression d'avoir marché dans les germes de tout le monde. Mais le reste, ça va ; il a son gel hydroalcoolique, le petit pchit pour les chaussures de bowling, et tout va bien. Même Elwynn accepte, c'est dire ! Il finit par ranger son matériel après avoir soigneusement plié les chaussettes, met les chaussures, se met un peu de gel, puis se met debout en s'étirant pour tester les chaussures. Bonne taille, good. Il va éviter de désinfecter toutes les boules de bowling, mais il en a un peu envie. Il se désinfectera les mains à la fin.

—Bien sûr, commence Misao quand Elwynn lui dit qu'ils peuvent faire les deux, et commence à parler.

Le Feu cligne des yeux et la regarde commencer à déballer le gros paquet, puis conclut en disant que "ouais elle va commencer à jouer". Quelques secondes de silence, avant que Misao ne reprenne en pointant la sortie du pouce :

—Non mais El, tu sais, il est pas trop tard pour aller se mettre une murge hein.

Ouais, déso, mais c'est ultra chaud son bail, là, il sait pas trop comment réagir. Sourcils froncés, il se penche en avant et s'appuie sur ses cuisses. Son seul pote de sa vie d'avant… Misao appelle ça un meilleur pote, en fait. Il a envie de se lever pour lui proposer un câlin si elle en veut un, mais bon ils jouent, donc c'est qu'elle a besoin de se défouler un peu. On va laisser faire, et on essaiera d'agir comme un humain décent tout à l'heure, hein ?

—Je te laisse commencer, ouais. C'est vraiment cool qu'il soit en vie, je suis content que t'aies pu le retrouver. Tu me le présente quand t'as envie.

Mais il est pas con, il voit bien qu'elle est perturbée et triste.

—C'est sûr que ça doit faire bizarre de savoir qu'il était vivant, pendant tout ce temps… C'est pas facile à gérer, quand on retrouve quelqu'un qui a disparu de notre vie comme ça. On met un peu de temps à assimiler l'info, et tous les changements qu'y a pu y avoir… Surtout que retrouver quelqu'un à Terrae, c'est pas toujours la joie au début…

Il sait bien de quoi il parle. L'absence d'Hideko, sa disparition, c'est une cicatrice qui s'est jamais vraiment refermée. Ca l'a tellement fait vriller qu'il a fait n'importe quoi. Donc ouais… Ouais, là, il comprend.

—T'as pu parler de tout ça avec lui ? (Puis il réalise.) Qu'est-ce qui fait que tu as accompagné pour la récup', d'ailleurs ?

En général, c'est des récup en situation de danger, quand il y a ça… Enfin, parfois, c'est pour le lol de retrouver les copains, mais clairement les Masters font bien le boulot tout seuls pour ça en général.


[On fait les jets de dés pour les lancers ?! ]

T'as pas idée, chaton.

Ca, ça fait du bien. On rigole, on se taille, on sait que c'est de l'affection. Je me retiens de poser ma main sur lui juste comme ça sans prévenir, j'veux pas le déranger en sachant que c'est pas son giga bail. Dur d'être tactile.

Misao accepte sans condition le fait qu'on discute et qu'on joue en même temps. On va pas se mentir, j'ai besoin de parler, mais j'ai aussi besoin de prendre de la distance par rapport à tout ça et j'suis pas capable d'en parler en juste fondant en sanglot. Enfin j'dis ça... Mais en fait j'ai pas envie de pleurer, c'est juste étrange et j'ai l'impression que je bloque un peu donc j'essaie de m'auto-détourner l'attention pour trouver et que ça sorte tu vois. Ouais c'est bizarre. Il pointe la sortie et me propose une murge : j'explose tout simplement de rire. Voilà c'est pour ça que je le kiffe.

J'ai promis à ma psy d'essayer de me passer de l'alcool pour faire face à mes problèmes alors j'essaie de tenir.

J'attrape correctement la boule que j'ai choisi, 9kg. A bout de doigt, c'est pas évident de gérer faut avouer. Mon autre main à plat dessus, je hausse une épaule et lance un sourire à Misao.

Mais j'suis pas une fille toute sage donc pareil on y va après, si t'es chaud. Et si j'ai besoin, surtout.

Ouais j'vous jure, la thérapie ça fait des trucs. Si j'peux arriver à gérer cette situation de trop plein, typiquement ce qui m'a toujours posé problème, sans alcool. Franchement les gars élisez-moi queen de l'année je mérite. Je me penche devant la piste. Oh j'sais tellement plus comment on fait. Je tourne la tête vers Misao, et je souris, sincèrement, fort.

C'est... Incroyable. Vous vous entendrez bien, j'le laisse un peu faire ses marques et j'essaie de pas le noyer de rencontres directement.

Je tire.

Il a pas vécu des trucs ultra marrants. Il lui faut du temps.

Ma boule part sur le côté comme jaja et je touche une quille, qui tombe, et fait tomber sa pote de derrière. Je pouffe.

Apparemment ça s'ra pas une promesse si facile à tenir.

Il confirme à quel point c'est étrange et lourd à porter de retrouver quelqu'un de... Bah de mort mais en fait non. Je me tourne vers Misao pour continuer de lui parler, glisse une main dans ma poche.

C'est ça. C'est... Difficile parce que, j'étais vraiment persuadée qu'il était mort. Et lui, pareil pour moi. Ma psy pense que sa mort aussi c'était euh, une des raisons principales de mon Vide alors... Tu vois c'est bizarre quoi. Et en même temps, le voir là, avec ses cheveux qu'il arrive jamais à coiffer, son p'tit sourire benêt de gars heureux, ses vannes de merde et ses grandes jambes qu'il sait pas où foutre... C'est un des meilleurs trucs qui puissent arriver dans ma vie. Je l'ai souhaité et, ça arrive.

Je souris fort quand je parle de Roman. C'est un sourire ému mais heureux. Je suis tellement heureuse que j'crois j'réalise pas vraiment à quel point. Je hoche ensuite la tête.

On en parle. Régulièrement, encore. On a pas fini de traiter le sujet j'crois. J'essaie de voir comment et ce qu'il a vécu, et lui pareil. On a envie de savoir. L'avantage de Roman c'est qu'il est pas comme moi, il a toujours su parler, dire les trucs quand on lui demande. Mais du coup bah, ça déborde vite et ça fait trop donc il a besoin de temps. Et c'est ok. Mais c'est paaaas fini quoi.

J'viens poser mes fesses à côté de lui pour pouvoir le regarder tirer quand il voudra y aller. Je regarde dans le vide un peu à sa question. Par... Quoi j'commence ?

C'est Alice qui a senti son Appel. Elle a demandé à Nico d'aller avec moi directement parce que... Euh... Bah parce que j'crois qu'il voulait mourir ? Et qu'elle voulait pas attendre. Mais aller le chercher c'était dangereux. C'était là où j'vivais avant, donc j'étais la mieux placer pour y aller, savoir où atterrir, comment gérer si on se faisait voir. C'était aussi, un truc. D'être là-bas. Les odeurs, les sons, la lumière, l'ambiance, c'est genre... Je déteste. Mais j'voulais pas le laisser, sous aucun prétexte. Même si je hais cet endroit.

Je ricane un peu.

J'ai aussi appris que Nina, mon autre pote de cette époque, celle qui m'a sauvée avec Ro', bah elle, elle est vraiment morte. Mais quand moi j'ai cru qu'elle l'était. Ca aussi. Ca fait bizarre. Apparemmetn je revis un deuil. Mais c'est super étrange parce que je suis pas triste pareil, c'est genre. J'suis...

Je regarde mes mains. Mes bleus ont disparus. Elles sont comme elles sont d'habitude.

J'suis énervée, et encore une fois, pas comme avant. Et ça me fait beaucoup de peine.

Misao lui fait un genre de finger guns en se rappelant que "ah oui, merde, c'est vrai, Elwynn et l'alcool, c'était une proposition de merde, donc on l'oublie ; mais content qu'elle ait dit non eh" :

—C'est vrai, désolé, vendu. On ira boire un thé glacé s'tuv. Ou un café frappé, si tu préfères.

Un thé glacé c'est toujours bien après avoir parlé de trucs compliqués, mais il sait aussi qu'Elwynn aime bien le café, alors… Il pouffe de rire. C'est elle qui décide, pour le coup, il suivra sans problème. Misao a jamais été trop fan d'alcool, mais une bière de temps en temps ça fait du bien.

—A tes ordres, chef.

Elle a l'air heureuse quand elle parle de cet ami. Son sourire est tellement vrai, tellement doux. Misao lui renvoie l'expression, à la fois assez curieux et en même temps attentif. Il aimerait bien savoir à quoi ressemble ce fameux meilleur-ami-d'avant-Terrae. Et évidemment, il faut lui laisser un peu le temps. Personne vit des trucs cool avant de venir ici, c'est le principe. C'est peut-être pour ça que Misao est particulièrement sympa avec les nouveaux, contrairement aux anciens avec qui il se permet d'être un peu plus au taquet.

Et puis elle tire, et fait tomber deux quilles. Misao pince les lèvres et se retient de ricaner, ça ferait mauvais genre.

—J'vois ça…

Nan, pas de moquerie, non non. Il insiste pas, parce qu'elle se retourne et continue à parler. Il lui laisse la place de s'exprimer, tranquillement, sans tout de suite aller tirer lui-même. A la place, il acquiesce, fait la moue, la laisse se réjouir. Parce que même quand on est perdu, et triste, on peut être heureux. Sincèrement, réellement. Renoncer à un deuil qu'on a fait, ou qu'on a pas réussi à faire, parfois, c'est se reprendre une claque dans l'autre sens. Il aurait aimé que ça mette moins longtemps à se faire, pour elle ; qu'elle puisse retrouver son ami si cher avant.

Lorsqu'elle s'installe, il lui donne un léger coup de coude, pas très fort, mais juste lui montrer qu'il est là. Il est pas très démonstratif, mais il a envie de lui montrer qu'il est là.

—C'est pas plus mal qu'il sache parler, il t'apprendra p'tetre à faire de même, hein ? la taquine-t-il doucement, sans attendre de réponse. Enfin, je trouve que tu fais des efforts, déjà.

La preuve, elle continue à parler, tranquillou. Lui finit par se lever, finalement, et aller soupeser les balles aussi, en choisir une. Son visage est plus grave, il acquiesce et écoute attentivement. Il ne lance pas la balle, au final, il regarde juste Elwynn. Au final, il se dit que le bowling, c'était peut-être pas la meilleure des idées. Il se voit pas l'interrompre, là, mais il sait pas non plus où se foutre. Alors il repose la balle, et va se rassoir à côté d'elle, et attrape doucement ses mains, qu'elle regarde avec des yeux perdus, tristes, en colère ; comme un peu embués, mais pas vraiment pleins de larmes. C'est comme si elle était ailleurs ; sûrement loin, là-bas, encore un peu dans cet endroit.

—Je suis désolé que tu aies dû revivre ça. Et je suis désolé pour ton amie.

Il presse un peu ses doigts contre les siens, juste pour lui dire qu'il est là. Il a pas trop l'habitude, mais c'est pas vraiment gênant. Il espère juste que ça la dérangera pas, mais elle lui dira sûrement, fera sûrement un geste pour qu'il lâche. Il reste comme ça un moment si elle le lui permet, sans rien dire. Le silence est pesant, comme l'annonce qu'elle a faite.

—T'es courageuse d'être retournée là-bas pour chercher ton pote. Ça a du réactiver plein de trucs.

Y a une boule dans sa gorge qui veut pas partir. La même que quand il pense à Joyce, quand elle était malade. L'impuissance de voir ses amis au plus mal et de juste rien pouvoir faire. Il en aurait les yeux qui piquent, mais il se laisse pas envahir.

—T'es pas obligée de me raconter si tu veux pas, mais comment ça s'est passé, quand t'y étais ?

Dis, t'en es vraiment sortie, El ?

Je souris, faut pas s'excuser, c'est normal de proposer une murge à moi. Genre, vraiment. J'pourrai dire oui quand j'aurai régler le problème, pour l'instant c'est pas le cas, alors j'continue de bosser dessus. On verra bien comment j'suis après cette discussion. Déjà plus avoir envie de clope c'est une victoire assez incroyable dans ma vie, j'suis sûre que j'peux y arriver pour l'alcool.

Misao a l'air content quand j'parle de Roman, aha, ça doit s'voir que j'suis vraiment super heureuse de l'avoir retrouvé. En même temps quelle personne incroyable. Il m'a sauvée littéralement la vie, un nombre incalculable de fois, et surtout quand moi j'en avais marre. Bon puis euh, j'tire. Et Misao se retient gentiment de se foutre de ma gueule. Je tire la langue.

Tu peux y aller, c'est bon...

Mon tir était nul à chier, et j'ai beau être compet', j'suis pas mauvaise perdante. Ca m'fait rire quand même c'était bien bien nul. Il me donne un coup de coude, je lève les yeux vers lui un instant et j'souris. Merci d'être là. Je ricane moi aussi.

T'es con...

Il a totalement raison. J'espère que Roman pourra m'aider pour ça, juste en étant là. Juste me donner la confiance en le voyant faire lui. Il est trop fort pour ça. Ca m'touche que Misao trouve que je fais des efforts. J'essaie, de plus en plus, c'est pas évident du tout. Mais j'essaie vraiment.

Misao ne tire pas, parce que... Je parle. Et qu'il m'écoute. C'était p't'être pas une bonne idée... De faire les deux en même temps en tout cas. Il revient vers moi. S'agenouille, prend mes mains. J'attrape ses doigts doucement, lève les yeux vers lui. Je souris un peu, ma façon de le remercier et de reconnaître qu'il est là.

Merci. Pour elle. En vrai...

Je hausse une épaule tristement.

Pour moi elle l'était déjà. C'est juste. Je sais que je dois pas et tout mais. Des fois j'me dis, j'aurai pu... Y aller avant ? J'aurai pu faire quelque chose. Alors que c'est pas vrai parce que, quand j'suis arrivée à Terrae, j'étais cassée, genre, comme tout le monde quoi. Et j'aurai même pas pu, même si j'avais su. Donc c'est pas vrai. Mais ce sentiment il est par là. Il part pas.

Il serre mes doigts, je me laisse faire, ça fait du bien. Je ris jaune quand il me dit que j'suis courageuse.

J'sais pas si c'est courageux ou totalement inconscient, mais j'pouvais juste pas... Le laisser. C'était inconcevable, ça existait même pas dans ma tête. Je veux pas laisser mes potes comme ça, et si j'peux faire quelque chose je le fais, c'est tout. Et j'pouvais pas laisser Roman là-bas.

Il doit pas être bien non plus. En vrai c'est bizarre parce que y a tout ça qui lutte un peu dans moi. Et puis y a Roman, vivant. Et c'est un des trucs les plus heureux que j'ai connu j'crois ? Pas le plus, mais clairement, ça met bien pour l'année qui suit quoi. Il me demande comment ça s'est passé là-bas. Je me mords la lèvre un peu, retenant à peine un sourire.

Tu dois pas en parler à Hideko. Nico a un peu... Bidouillé. Pas grand chose, mais il m'a un peu couverte. Et Alice aussi. En vrai j'sais pas si c'est nécessaire parce que je crois tous les Masters comprendraient. Déjà j'étais un peu secouée de retrouver Roman mais j'étais vraiment, vraiment grave contente. Et lui aussi. Et rien que ça, c'est génial. C'est juste un peu parti en couilles après.

Je cherche son regard, parce que j'ai besoin de soutien, mais aussi d'être bien sûr qu'il m'écoute, et qu'il est ok d'entendre. Je veux pas imposer ça. Mais j'sais aussi que c'est Misao et qu'on s'est déjà dit des trucs mon gars y a pas grand monde qui est ok avec ça.

Là où j'vivais avant, c'était le repère d'un euh, d'une sorte de gang, avec tout plein de branche de fonctionnement. Roman et moi on faisait partie des gens qui récoltent les infos, on faisait un peu de tout en dehors de ça, parce qu'on était un peu au courant de tout, tout le temps. Un peu les "meilleurs" quoi. Du coup ils ont dû mettre Roman sous giga surveillance quand ils ont... Quand Ed, le gars qui dirige tout ça a décidé de faire disparaître Nina. Et ils nous ont entendu, et du coup ils sont intervenus, et nous, on s'est défendu. Et j'ai tué des gens. Encore.

Je fronce les sourcils.

Et avant je m'en foutais. Puis après j'trouvais ça bizarre de s'en foutre et en fait j'ai compris que comme j'faisais pas pour survivre, c'était pas tant un choix. Et là par contre.. J'm'en foutais pas. Je regrette pas non plus, mais c'était... C'est pas rien. Et j'ai fait ça parce que j'voulais pas qu'ils tuent Roman ou Nico. J'étais tellement énervée que j'ai pas réfléchi, j'ai juste, j'ai fait ce que je sais faire.

J'fais une pause. Je lâche pas ses mains, mes pouces se baladent sur ses doigts.

J'avais pas envie de revenir dans ce "mode" là, et puis j'en ai parlé un peu avec Roman. Et il m'a dit que j'étais pas comme avant. Parce qu'avant, j'aurai vraiment... Tué tout le monde. Là, j'ai choisi qui, comment, quand, j'm'en suis pas rendue compte, mais j'ai vraiment protégé comme je pouvais. Alors, du coup, j'suis "contente" d'avoir... grandit là-dessus. Parce que, après. J'ai vu Ed. Et j'me suis énervée.

Mes yeux virent au bleu rien qu'en revivant un instant de ce que j'ai ressenti à ce moment-là. Et puis j'rigole, sincèrement, avant de soupirer.

J'ai rêvé pendant tellement de temps de pouvoir lui gueuler dessus, et je l'ai fait, je l'ai fait encore mieux que ce qu'aurait pu espérer la Elwynn de 18 ans. Et tu vois c'est trop bizarre parce que, malgré tout ça, qui me fait pas marrer de fou et qui est pas du tout agréable, hein, bah, ça va. Je crois que j'suis plus heureuse que perturbée. Mais euh. Le process est pas évident quoi. C'est bizarre c'que je dis ?

Elwynn le laisse faire, semble soulagée. Alors Misao reste, il garde ses mains dans les siennes. Il la laisse parler, finir, parce que tout ça, c'est important. Elle lui parle de tout, depuis le début ; pour lui, ce n'est pas long. C'est son histoire, alors pour une fois, il se tait et l'écoute. Les émotions qui le traversent sont multiples, un peu discordantes. De la peur, tout d'abord ; parce qu'il s'inquiète, qu'elle s'est mise en danger, qu'elle aurait pu mourir. Il fait de son mieux pour ne pas la laisser transparaître, éviter que ses yeux ne brillent trop, éviter de s'accrocher à sa main comme si elle pouvait s'échapper entre ses doigts. Et puis il y a de la fierté, et un peu de joie ; pas pour ce qu'elle lui raconte, mais parce qu'elle lui raconte. Qu'elle s'autorise à parler, à lâcher un peu tout ça. A lui faire confiance, à lui. Alors d'accord, ils ont déjà parlé de plein de choses compliquées. Mais là c'est pas pareil, y a pas de filtre, pas de question, juste des faits. Il s'est passé ça. J'ai ressenti ça. Je ressens ça.

Et derrière, évidemment, il y a aussi la tristesse et la colère. Parce que cette colère qu'elle a ressentie, cette tristesse d'avoir perdue son amie, même si elle s'en détache, si elle prend le temps de s'en éloigner, elle est quand même encore présente, et elle est tellement, tellement légitime. Misao s'imagine durant un instant comment il aurait réagi, à sa place, s'il avait vu ses plus proches amis en danger — Matheo, Elwynn, Huo. Et il aurait sûrement fait comme elle, si tant est qu'il avait su tenir un flingue. Peut-être qu'il aurait dû être choqué, dégoûté, apeuré. Peut-être qu'il y a dix, non, quinze ans, il l'aurait été. Mais il n'avait pas fait ce qu'il avait fait, à cette époque. Il était encore insouciant. L'avantage, quand on perd son insouciance, c'est qu'on est aussi un peu plus fort. Quand on survit.

Surtout, ce serait pas à lui de la juger. Personne le pourrait. Alors évidemment, Misao ne dira rien à la Directrice. Elle est sa soeur, mais elle n'a pas à tout savoir.

Les yeux d'Elwynn virent au bleu, et c'est là qu'il prend conscience de l'étendue de cette colère, de cette peine, de tout ce fatras qui doit lui encombrer le coeur. Il serre à nouveau doucement ses mains. J'suis là.

Quand elle termine de parler, Misao sourit. C'est un sourire un peu tordu, un peu inquiet, mais compréhensif.

—C'est bizarre, mais les émotions le sont aussi, alors…

Il y a un silence qui plane, avec les boules de bowling qui éclatent les quilles en arrière plan, et quelques cris de joie ou de déception.

—Je sais pas trop quoi répondre à tout ça, mais… Merci de m'en avoir parlé. (Silence.) Tu as fait ce que tu pouvais. Je sais pas si c'est ce qu'il fallait faire, mais ça on s'en fout ; grâce à toi, tes potes sont en vie, et toi t'es en vie aussi. Alors regrette pas de l'avoir fait, ou de pas avoir réagi plus tôt. C'est pas ta faute, à aucun moment. L'important, c'est que ce soit fini.

Les gangs, c'est pas son univers. Lui, il sortait d'une famille lambda, d'un lycée lambda, d'une fac lambda. Après, il a connu les labos, et il a vrillé pour retrouver sa soeur. Il a fait le choix d'aller là-bas, et s'est laissé entraîner ; mais quand on est gosse, et qu'un gang nous met la main dessus, c'est pas comme ça que ça marche. C'est parce qu'on a pas le choix, souvent. Ou alors le choix est déguisé — la pauvreté, la violence, la mort. Au final, Misao a l'impression que ces gamins sont toujours perdant, peu importe le choix qu'ils font. Même quand ils en sortent. Il est content qu'elle en soit loin, aujourd'hui. Qu'elle y retourne plus jamais. Qu'il n'y ait plus rien pour l'attendre, maintenant, là-bas.

C'est peut-être ça, ce qui le rassure. Qu'elle puisse passer à autre chose, définitivement.

—J'suis content que tu sois revenue, il grommelle. Juste… Te mets plus en danger comme ça, si tu peux, s'te plaît.

Là, il la regarde pas, posant plutôt les yeux sur leurs mains. C'est pas un reproche, c'est juste…

Misao m'écoute du début à la fin, me lâche ni les mains ni du regard. Il est vraiment là à écouter, et ça me rassure parce que je veux pas faire porter ça à quelqu'un pour qui c'est trop lourd. Y a des choses qui passent dans ses yeux et sur sa bouche mais j'ai pas le temps de voir vraiment, puis j'pense qu'il essaie surtout de se concentrer. C'est bête mais j'crois que ça me fait beaucoup de bien de lui raconter tout ça. Il est pas choqué, pas dégouté, il réagit pas de façon négative du tout. Je savais que je pouvais lui faire confiance, mais c'est jamais pareil de savoir et de se le faire confirmer par un fait. Et ça fait du bien, beaucoup.

Je serre à mon tour ses mains dans les miennes quand je vois son sourire, et je le lui rends, un peu joyeux. Mais c'est pas moi qui m'inquiète, moi j'l'ai vécu, j'suis plus inquiète c'est bon. Puis c'est vrai que les émotions c'est bizarre, on contrôle pas tout, si c'est pas pour dire : que dalle. On fait bien c'qu'on peut hein. Il est honnête, et ne sait pas trop quoi me dire. Y a rien à dire, c'est comme ça c'est tout. J'suis contente qu'il m'ait écouté. Il me remercie de ma confiance. Mon sourire s'agrandit, mes yeux passent de l'un à l'autre des siens.

Je hoche vivement la tête. Oui. J'crois aussi que c'est pour ça que j'arrive à être contente. C'est fini, c'est fait. C'est comme ça. J'peux travailler dessus, mais pas refaire. Et Roman est là, en vie. J'ai sauvé c'que je pouvais, j'ai réussi à l'arracher aux griffes d'Ed. Après m'en être sortie la première, et lui avoir planté l'échec de sa vie dans le coeur, avant de le détruire complètement. Il existe plus, c'est terminé. Ma colère, ma haine si immense qui est restée intacte toutes ses années, elle peut s'éteindre. C'est terminé. J'y retournerai jamais. Je peux vivre tout ce que Terrae me donne, mes potes, mes amis, ma famille. Et c'est tout ce qui compte, et c'est merveilleux. Je serre ses mains dans les miennes, et ancre mon regard dans le sien.

Arigato.

Pour tout.

Et puis, il détourne le regard. Et sa phrase me touche pas pareil que les autres. Et "Toi aussi, t'es en vie", me revient. Je suis un peu surprise, et je détaille son visage. J'ai. Jamais pensé. Ne pas rentrer en vie. Avant des fois, j'ai eu peur de mourir, j'ai cru quelques fois... Mais c'était rarrissime. Malgré la dangerosité d'absolument chacune de mes missions. J'ai très peu eu peur d'y passer. Et cette fois en particulier : j'ai même pas songer à mourir. J'ai pensé à la mort de Roman et de Nicolas, mais jamais à la mienne.

Je réalise que j'ai la sensation -et à raison dans pas mal de cas on va pas se mytho- d'être... Meilleure ? J'ai pas peur. Je sais que ma façon de combattre est quelque peu suicidaire parce que j'ai rien à perdre, et j'peux choisir de me laisser blesser profondément si ça me permet de gagner - de tuer. Alors j'envisage pas ma propre mort. Sauf que Misao, c'est pas moi. Ni Nicolas, ni Jérémy, qui ont probablement super peur aussi, mais ont confiance en moi, beaucoup trop, qui savent de quoi je suis capable aussi. C'est pas Roman non, qui m'a accompagnée toutes ses années, qui me donne toute sa confiance. Misao, il a pas vécu des choses comme ça. Il sait, il se bat pas avec moi.

Et il a beau me faire confiance, il s'inquiète. Ca me perturbe un peu. Je détache avec douceur une de mes mains tout en l'attrapant un peu plus fort avec l'autre. Ma main libre vient se poser sur sa joue tout doucement. Je lui souris doucement, tout, tout doucement. Il se transforme en sourire un peu amusé un instant.

Je reviens toujours.

C'est vrai. C'est vraiment hyper vrai. J'suis toujours revenue. La preuve en est, j'suis même revenue pour Roman. J'aime tellement mes proches -et maintenant je le sais- que j'pourrai tricher juste pour revenir. Je redeviens sérieuse, blague à part.

Je ferai attention. Je me mettrai pas en danger si j'ai pas besoin. Je peux pas te le promettre parce que, si je considère en avoir besoin : je le ferai.

1000 fois je retourne chercher Roman. 1000 fois j'me bats pour aider Nico. 1000 fois je frappe le premier qui touche à mes potes. 1000 fois je défonce la gueule d'un p'tit con qui s'en prend à moi parce que Misao est mon pote. Et sans aucune hésitation. Mais je reviendrai. C'est probablement de la fierté mal placée, du courage de merde, j'en sais rien, mais j'hésiterai pas et je reviens, la vie de oim. Je souris à Misao, pose mon front contre le sien un instant en fermant les yeux. Je souris un peu plus fort, puis je recule de nouveau, sans lâcher ses mains, glissant celle sur sa joue dans le creux qu'il forme avec les siennes.

J'ai... Pas l'habitude qu'on s'inquiète pour moi.

Mais promis, ça va aller. Et parce que t'es là, ça compte dedans.

Ils prennent leur temps. Misao essaie de pas brusquer Elwynn, et elle lui laisse en retour tout le temps dont il a besoin pour assimiler ce qu'elle vient de lui lâcher. Il a un souffle amusé du nez lorsqu'elle le remercie, en japonais. C'est un de ses tics. Il sait toujours pas si dire merci dans sa langue maternelle est trop compliqué pour elle, ou si au contraire elle y met plus de valeur en japonais. Ils se regardent un instant, avant que Misao ne tourne les yeux ailleurs. Gêné. Inquiet. Un peu en colère, aussi, mais pas contre elle. Il tient à elle, c'est indéniable. Et ses mains qui serrent les siennes, comme lui serre celles d'Elwynn, ça lui prouve qu'elle est là, qu'elle risque plus rien. Mais il la connaît maintenant, et il sait aussi que si c'était à refaire, elle le referait.

La Morphe semble prendre conscience de tout un tas de choses durant ces quelques secondes de silence, mais Misao ne le remarque pas. Il attend. On ne peut pas dire qu'il patiente, c'est comme s'il les subissait, ces quelques instants de flottement. Et puis elle pose sa main toute fraîche sur sa joue, avec l'impression qu'il va la faire entrer en combustion tellement il a chaud en comparaison. Il ose pas bouger, parce que le contact est un peu étrange, inhabituel. Au fond, ça le perturbe aussi parce que c'est ce qu'il avait voulu faire ; mais c'est pas Elwynn qui avait besoin d'être rassuré, à ce moment-là, c'était lui. Il pince les lèvres et contient un sourire en levant les yeux vers elle.

—J'espère bien… (Il grommelle.) Y a pas que la peur de pas te voir revenir. C'est aussi dans quel état tu risques de rentrer qui m'inquiète.

On a pas besoin de craindre la mort de quelqu'un pour s'inquiéter. Là, y a tout un tas de choses qui auraient pu mal se passer. Mais elle le referait. Elle lui assure. Il le savait, mais l'entendre dire, ça le met en colère. Parce qu'ils devraient pas avoir besoin de ça… Elle se rapproche et leurs fronts se posent l'un contre l'autre. Lui aussi ferme les yeux, se rend compte qu'il bloquait sa respiration, inspire. Un instant de plus, et c'est fini. Il referme ses deux mains autour de celle qu'Elwynn y a reposé, l'expression indéchiffrable.

—Prends un peu plus l'habitude. Ca ferait beaucoup de mal à beaucoup de monde s'il t'arrivait un truc. Je suis sûr que t'y avais même juste jamais pensé.

Misao est toujours un peu grognon, mais c'est surtout parce qu'il est embarrassé. Ca n'a jamais été son truc, les grandes démonstrations d'amour ou d'amitié. Mais pour lui aussi, ça compte.

—Bon du coup, avec tout ça, on a vachement avancé sur notre partie, tente-t-il pour détourner l'attention, laissant un sourire en coin animer ses lèvres.

Misao est moins à l'aise que tout à l'heure. Je mets quelques instants avant de me douter de pourquoi. On parle plus tant de moi, et de ce qui s'est passé là-bas. On parle aussi de lui. De ce qu'il ressent. Et ça, Misao, c'est pas souvent. Oh, j'vais pas juger ce serait vraiment se foutre du monde de faire ça. Je sais que c'est pas facile, j'comprends. C'est cool aussi. Qu'il me dise ça. Sa joue est chaude, est-ce que tous les Feux sont toujours aussi brûlant ? Ou c'est juste là maintenant ?

Il pose ses yeux dans les miens, il se retient de sourire ça se voit de fou. Et il joue le bougon. Je souris moi aussi. Je sais bien, que y a pas que le fait de revenir qui compte. Ca, on s'est plus inquiété pour moi avant, quand même. Dans quel état j'arrive. Mais j'crois, pas... Pas comme ça. Et j'pense que c'est pas évident à entendre, que j'y retourne s'il faut. Mais j'espère, j'ose croire, que c'est fini. Que Terrae me permettra de pas le refaire. On sait jamais et y a des choses qui se trament qui ont pas l'air marrante. Et c'est hors de question de pas m'battre pour protéger mes potes, et Terrae. Mais j'espère, j'espère vraiment qu'on aura pas besoin.

J'espère que j'aurai pas à t'inquiéter. Sincèrement.

On fera tout pour en tout cas. Si y a bien un truc que je sais maintenant c'est qu'on est plein à vouloir se protéger. Et ça m'fait bizarre qu'il s'inquiète pour moi, mais ça me donne aussi l'impression qu'on est trop forts tous ensemble. J'écarte mon visage de lui, et il me regarde avec un air que j'ai du mal à comprendre. Je suis un peu déstabilisée, mais pas vraiment par ce qu'il me dit. Enfin si, si aussi. Mais...

Est-ce que Misao vient de me dire qu'il m'aime genre, Misao chef du détournement d'attention mais ça si c'est pas une preuve d'amitié j'sais pas ce que c'est. J'ai un léger rire, un peu timide.

Non, t'as raison.

Je souris. C'est vrai, j'y ai pas pensé. Et je devrai. Je vais le faire. J'hésite à enfoncer une porte ouverte et à lui demander ce que ça lui ferait, à lui. Mais j'crois qu'il s'est assez donné pour aujourd'hui non, il a déjà dit qu'il s'inquiétait pour moi, et il m'a fait une magnifique déclaration Misao no jutsu.

Je, j'y ferai attention. J'ai bien compris que sans moi, ta vie s'rait chiante à mourir aussi.

J'suis obligée, désolée j'suis obligée, j'peux pas résister au moins à ça. Et puis ça détend un peu le moment. Misao recentre sur le bowling. Ouais le jeu, j'avoue. Le jeu, le jeu. En fait c'était une bonne idée non ? Je souris, amusée, et me redresse sans lui lâcher les mains.

Allez, essaie toujours de gagner.

Ca fait beaucoup là, on a pas mal déchargé. Et ça fait du bien, en fait. Enfin moi j'me sens plus légère. Je ris franchement, pour le narguer, lui donne un coup d'épaule gentil, et viens glisser mon bras sous le sien, entoure ses reins. Mini-câlin, quand même. Je lève les yeux vers lui, en souriant.

C'est toi l'meilleur.

Ouais comme ça moi aussi j'me planque tout le monde est bien. Enfin j'me planque. Je donne la possibilité de détourner parce que c'est pas se planquer que de dire ça j'vais me calmer. Mais bon que voulez-vous. Mon meilleur pote > vos meilleurs potes en fait.

Emotionnellement, c'est compliqué. À l'intérieur, il y a tout qui bouillonne et tourbillonne. Misao ose plus la regarder, parce qu'il se sent fragile, un peu ; vulnérable, présentement. C'est pas souvent, et en soi, ça le gêne pas d'autoriser El à voir ce moment, après tout c'est pas la première fois. Mais dans ses remontrances, il y a de l'amour ; il y a aussi de la peur. Parce qu'il sait ce que ça fait que de perdre quelqu'un qu'on chérit, et il ne veut plus jamais le revivre. Même s'il l'a retrouvée ensuite, la disparition d'Hideko a laissé un gouffre. Il ne doute pas que celle d'Elwynn aurait le même effet. Si ce n'est que si elle meurt, il n'y aura plus personne à retrouver. Seulement des cendres.

Et le contact… Le contact le maintient dans la réalité et le moment présent, mais il chauffe. C'est beaucoup pour lui, tout ça. Un peu trop. Et en même temps, il se sent bien. Heureusement, elle se recule un peu et il arrive enfin à retrouver son souffle. Hmr. Comment ça, non ? Même pas elle réfléchit ? Il lui lance un regard de reproche puis roule des yeux en rougissant clairement, cette fois, et hausse les épaules. Ouais bon ça vaaaaaa.

—Bien sûr, j'aurais personne pour m'emmerder et me ramener un café quand je reste trop tard au boulot, se moque-t-il gentiment. J'suis trop perdu sans toi.

Ca, il le pense un peu. Mais bon, il va pas lui faire trop de compliments non plus, sinon ses chevilles vont enfler, là. Puis lui il va pas arrêter de toussoter et regarder ailleurs pour le reste de l'aprem, ce serait pas malin de faire ça. Puis du coup, elle le tease à nouveau sur le jeu (parce que détourner le sujet c'est un talent que seul un Invisible peut maîtriser avec cette perfection, eh), lui donne un petit coup d'épaule qu'il lui rend bien sûr et…. elle lui fait un câlin.

Un câlin.

Misao se fige de tout son corps, tout droit, les yeux grands ouverts, puis il a un rire et la serre contre lui de son bras le plus proche. Un temps, il pose sa joue sur le sommet du crâne de son amie, un sourire en coin aux lèvres… Il profite, juste un peu, et se sent plus léger. Il sait que ses amis tiennent à lui, bien sûr, mais l'entendre c'est autre chose. C'est pas fréquent. Au contraire… ça fait même très longtemps. Alors, pour la remercier, il la bloque un peu plus dans l'étreinte… et lui ébouriffe les cheveux sauvagement.

—Je sais, je sais. Fais gaffe, je vais plus passer les portes avec ma grosse tête si tu continues.

Puis il la libère et lui lance une expression mutine avant de se diriger, enfin, vers les boules de bowling.

—J'suis plus sûr de savoir jouer, moi, avec tout ça !

Il dit ça pour se dédouaner, il va sûrement faire un score de merde. Il s'élance donc… et fait tomber 8 quilles.

—Oh, wow !!! J'croyais que c'était toi qui devait me mettre la pâtée ? C'est chaud, là, hé.

Il s'écarte et lui laisse accéder à la piste. Fais mieux, m'dame.



HRP : Pour simplifier on fait juste le nombre de quilles-
Score actuel : El 2 - 8 Misao

Misao et moi, on s'ressemble hein, on va pas vous l'apprendre. On est un peu des teuteus qui galèrent un peu à s'dire les choses mais au final, je trouve qu'on y arrive pas si mal que ça. J'veux dire, le nombre de gens qui disent jamais rien et qui gardent tout pour eux, bah pas nous. On y arrive. Et même si c'est un peu bancal, qu'on planque notre amour dans des taillades, nos peurs dans des blagues, on se les dit avec notre langage. Promis j'vais y arriver un jour, j'dirai les trucs en entier. J'trouve que pour aujourd'hui, on s'est pas mal donné.

Genre là par exemple, Misao qui me snobbe en levant les yeux au ciel parce que ouais, j'y avais jamais vraiment pensé comme ça. Mais c'est vrai ! Et puis qui rougit. Ah, j'ai touché sensible. Je ris à sa réponse, sincèrement et fort, les dents toutes visibles. Parce que ça m'fait sincèrement plaisir, c'est débile et il s'en sortirait très bien mais c'est me dire que j'suis importante. Et surtout, surtout, que lui aussi donne de l'importance à des moments anodins qu'on partage tous les deux. Je conclus avec un ton amusé.

Ca nous fait ça en commun.

Quand je le prends contre moi, il se tend tout droit là, comme d'hab. J'essaie de faire attention, est-ce que je dois m'en aller pour pas le gêner... mais il me serre contre lui de nouveau en rigolant, alors je souris juste, et je reste là. On est bien non ? Il pose sa tête sur la mienne, je pose la mienne contre son épaule. Ca m'fait du bien ce contact. Ca me rappelle que je suis bien rentrée. Que je suis rentrée pour toujours. Et que c'est là où j'dois être, que c'est là que je veux vivre. Avec tous ceux qui tiennent à moi, qui s'inquiètent, et qui me disent qu'ils m'aiment. Et puis je sens le bras de Misao me serrer un peu plus, ça me surprend... avant de se sentir sa main sur mon crâne. Je rentre ma tête dans mes épaules pour tenter de lui échapper, en vain. Je force pas plus, je me contente d'un son entre le cri
assez aigue et le grognement, en essayant de le repousser en riant. Il rigole lui aussi, et me lâche alors que pousse gentiment son torse.

Baka, j'suis certaine que t'as une sacrée marge. Espèce de belle personne.

Meilleure insulte ever j'veux rien savoir.

Bon, le jeu. Je pouffe de rire quand il me dit qu'il doit être rouillé, fais genre. Non mais vas-y. Il lance sa boule. Les mains sur les hanches, je le regarde se tourner vers moi, un sourcil levé avec mon classique regard blasé.

...Gros mytho. Fais pas trop l'malin non plus.

J'attrape une boule de 9kg cette fois. Allez. On va tenter t'façon.

Bon. Et toi, comment ça va ? Le taff ça roule ? Tes neveux et nièce ? et Saori elle va bien ?

Et j'vais pour faire mieux. Je me positionne et tire. Et c'est un fuckiiiiiiing striiiiiiiiiiike. Je me redresse et me tourne vers lui, claque des doigts en faisant un clin d'oeil de giga bad bitch.

Well, on dirait que j'ai fait mieux. Et là j'tire une fois de plus pour les bonus c'est ça ?

J'ai un immense sourire satisfait. J'vais pas cacher ma joie ok ?


Score actuel : El 12 - 8 Misao