On lui répétait souvent que la violence ne réglait rien. Voilà un point sur lequel Dunya n'avait jamais été d'accord. Tout d'abord, une bonne bagarre ça permettait de se créer une réputation pour ainsi éviter d'autre altercation inutile. Comment ? Par la peur. C'était bien joli les discours, mais un coup mal placé pouvait tout aussi bien calmer radicalement l'adversaire. Où du moins lui gâcher la journée. Mais surtout : ça défoulait. Se sachant d'un tempérament bien trempé, Dunya se connaissait assez pour savoir que seul l'activité physique pouvait l'aider lorsqu'elle était sujet à de grandes émotions, comme maintenant.

Pourtant, en ce lundi midi tout avait semblé aller pour le mieux. Le matin même, elle s'en était plutôt bien sorti dans son cours de mathématiques, ce qui était en soit une grande réussite pour le peu d'intérêt qu'elle portait à cette matière. Et étonnamment, son humeur n'avait pas été altérée par un quelconque événement. Tout semblait se dérouler comme sur des roulettes, elle venait même tout juste de se régaler à la cafétéria avec l'un de ses plats préférés. * Alors, pourquoi ?! * se dit-elle, la main sur son nez ensanglanté. La raison de cette désastreuse situation avait débuté lorsqu'elle était arrivée en salle de classe. Sûrement à trop prendre la confiance, on finissait par faire moins attention et cela lui fut fatale dès qu'elle posa le pied dans la maudite pièce. Un coup de poing perdu en pleine figure et elle fut à terre sans avoir dit un mot. « DUNYA ?! » La colère aidant Dunya reprit bien vite ses esprits pour savoir qui avait bien osé défigurer son si beau visage. Sauf qu'au lieu de trouver un coupable, elle trouva deux clans bien distinct au milieu de la classe. Au centre de la bande, les deux principales participantes était maintenant retenue chacune par leurs amis. Histoire qu'il n'y est pas d'autres accidents. Ses camarades qui l'avaient aidé à s'en remettre, faisait partie spectateurs de cette dispute qui, si l'on en croyait les chuchotements exaspérés, avait commencé il y a un bon moment maintenant. Celle à qui on donnait majoritairement raison pour son emportement, était apparemment la coupable qu'elle recherchait. Bien qu'elle savait la frappe destinée à quelqu'un d'autre, elle ne put s'empêcher de lui en vouloir alors qu'elle fixait les sourires moqueurs qu'on lui envoyait. Reste des rires de ceux qui s'étaient bien marrés à sa chute. Mais, ce qui attisa sa rage fut la conversation qui suivi.

« - Tu pourrais t'excuser, t'as pas vu ce que tu lui as mis ?
- Nan, t'inq...
- Oh ça va ! Pour une fois qu'elle a une bonne raison pour se la fermer ! Elle est tout aussi coupable que sa balance de copine !

La cohue reprit de plus belle, ignorant la russe qui se remettait du choc. Ok, la jeune fille ne savait pas ce qui se passait et apparemment quelqu'un avait oublié ses bonnes manières. Mais ce que les autres semblaient avoir oublié était que Dunya n'était pas le genre de fille à laisser une humiliation pareille sans répliquer. Elle sentit sa colère continuer à amplifier vicieusement tandis que sa peau se colorait des joues jusqu'aux oreilles. La vengeance lui tendait les bras et ses nerfs se faisaient joyeusement la malle. Bientôt elle n'entendit plus ses amies qui commençait à s'inquiéter de son silence. Une chose était sûre. Ça allait barder !

Ni une ni deux, elle s'élança dans la masse grouillante et bruyante qu'était devenue sa classe, sous les couinements surpris de ses camarade. Son sac, qu'elle avait violemment envoyé valser, s'étala entre les tables créant un grand bruit qui enhardit les observateurs. « Dunya s’enflamme ! » cria gaiement quelqu'un. « Mais arrêtez !! » répondit l'une des adolescente qui maintenait sa cible. Faisant fis des commentaires, ses mains agrippèrent le col de l'adolescente qui avait eu le toupet de mal lui parler.

« Répète un peu pour voir ! Si t'as un problème avec moi, on va le régler maintenant ! »

Alice est là, au fond de la salle de classe, près de la fenêtre. Déjà, elle n'a pas l'habitude des cours, et s'empêche par devoir moral de sécher. Mais là... Les clans, les cris, les prises de partis... Non. Stop. Alice déteste ça. Ni l'une ni l'autre de s'écoute, elle se hurle seulement dessus. Alice est fatiguée, elle vient de se remettre après son initiation, elle n'a plus envie d'entendre le bruit ambiant. Ca suffit.

Elle décide de se lever, de partir, au moment où la violence commence. La fille qui entre se prend un poing dans la figure. Alice soupire, et s'avance doucement pour l'aider. Pour une fois, son sourire n'est pas présent, elle a l'air morne, ennuyée par la situation. C'est alors que la fille au sol se relève, et surprend tout le monde. Dunya. Elle était connue par d'autres alors. Elle répond elle aussi à la violence.

Son premier réflexe sera de poser la main sur l'épaule de la jeune fille qui a commencé la dispute, calmant la moitié d'un groupe. Elle regarde cette fille droit dans les yeux, son regard bleu est froid, et refroidi très vite quelqu'un, en colère ou pas :

« Va t'asseoir, toi et ceux qu t'encourage. »

Elle surprend, et même si la plupart ne bouge pas, ils restent calmes, et ne bougent pas. Elle s'avance alors vers Dunya et l'autre fille, et se place sur leur coté. Elle parle d'un voix calme, légèrement froide, et a l'air légèrement fatiguée.

« S'il vous plaît, on pourrait seulement s'asseoir avant que le cours commence ? »

Elle les regarde tour à tour, droit dans les yeux. Ses yeux de glace forcent le regard, elle veut qu'on comprenne son dégout pour la violence, et qu'on se calme. Alice a une sainte horreur des disputes violentes. Elle comprend ceux qui souffrent, mais pas ceux qui hurlent juste pour hurler, juste pour la violence. Alice hait la violence. Elle attend les réactions, sachant qu'elle devra faire preuve d'autorité s'il faut.

Kriiii. Dunya renforçât sa poigne autour du tissu qu'elle avait chopé pendant son excès de colère. Son regard haineux bien ancré dans celui de l'adolescente silencieuse. Cette dernière n'en menait pas large, mais on pouvait voir qu'elle essayait de tenir bon. Question de fierté, peut-être. Mais personne ne se leurrait sur ses véritables sentiments, elle avait peur. La russe savait bien que malgré sa petite taille, ses nombreuses altercations houleuses portaient crédit à ses menaces. Sa classe avait assisté à plusieurs joutes houleuses entre elle et d'autres. Tous ceux qui l'avaient vu à l’œuvre savait que même si leur petite camarade n'avait pas gagné la plupart de ses combats, les dégâts qu'elle avait causés aux gens qui lui avaient barré la route n'était pas à négliger pour autant. Surtout qu'à la suite, elle continuait toujours à leur pourrir la vie avec brio.

On connaissait Dunya comme quelqu'un qui n'était pas effrayé par l'issu d'un combat. Rare était les choses qui l'inquiétaient. C'était une tête de mule qui ne réfléchissait pas assez pour savoir identifier un danger. Elle avait confiance en ses capacités et ses idées. Et son jugement réclamait vengeance. Sa vue s'était seulement focalisé sur sa cible, c'est pourquoi elle ne vit pas l'une de ses camarades bouger afin de calmer les choses. Elle n'entendit même pas les chaises et les bureaux raclés le sol, signe que des volontaires remettait la salle en ordre. Ses yeux se détachèrent de son objectif seulement à l'entente d'une voix. Une voix qu'elle ne reconnaissait pas, chose qui redoubla sa curiosité.

« - S'il vous plaît, on pourrait seulement s'asseoir avant que le cours commence ? »

Le regard qu'elle croisa l'empêcha de s'exclamer comme elle aurait voulu. Les yeux de la jeune fille qui s'était interposé l'avait un peu refroidit, mais en sentant le corps de la malpolie se détendre, son sang ne fit qu'un tour. Ses doutes se confirmèrent en la voyant se détendre, elle pensait surement s'en sortir indemne. Pas moyens qu'elle laisse les choses ainsi sans savoir en quel honneur elle avait MÉRITÉ ce qui lui était arrivé. Elle posa un regard contrarié sur celle qui les avait interrompu.

« - Oui, en oubliant qu'elle a tentée de me fracturer le nez ! » répondit-elle d'un ton sarcastique. « Prépare-toi pour le cours si ça te chante et laisse nous régler ça !
- Je ne te visais pas ! » sa voix tremblait.
«- Tu ne t'es pas excusé pour autant, au contraire ! Et crois-moi je vais te rendre la monnaie de ta pièce ! »

À ces mots, Dunya vit ses mains se faire emprisonner au col. Apparemment son adversaire avait cru bon de maintenir les mains où elle était, histoire qu'elle ne finisse pas comme elle. Et avec la différence de carrure entre elles, dépêtrer ses mains semblait difficile. Mais croire qu'elle abandonnait c'était mal la connaitre.

Malgré sa tentative qui fonctionne plutôt bien au début, Dunya s'obstine. Alice a bien vu pourtant qu'elle l'a fait hésiter. Elle fronce les sourcils et soupire en voyant qu'elle s'acharne. Il n'y a pas de mépris dans son attitude, elle a simplement l'air très, très lasse de ce qu'il se passe. Elle comprend vite aussi que la fille en face cherche les ennuis, et en est encore plus exaspérée... Pourquoi les gens agissent-ils de la sorte ? Juste éviter les personnes que l'on aime pas, ou le dire simplement et les laisser vivre en paix est-il si compliqué que ça ?

« Dunya ça suffit maintenant. Lâche-la. »

La classe assiste à un phénomène rare : la voix d'Alice est devenue beaucoup plus grave, plus aucune légèreté ne ressort d'elle. Elle paraît bien plus âgée, bien plus mature d'un seul coup. Pourtant, son regard n'a pas trace de colère ou de mépris. Elle en a simplement assez, elle voudrait juste que Dunya se calme et aille s'asseoir. Elle la regarde un long dans les yeux, sans la lâcher de son regard clair.
Toujours en la fixant, elle s'adresse à l'autre jeune femme, sur le même ton, presque dur mais pas tout à fait.

« Et elle a raison, tu ne t'es pas excusée de l'avoir frappé. Tu devrais. »

Son regard pourrait être interprété comme un à défi à Dunya, pourtant sa phrase a un tout autre sens. Elle n'a aucune envie de voir de la violence, et fera tout pour l'empêcher. De plus, elles parlent trop fort, et les exclamations incessantes de Dunya depuis qu'elle a fait son apparition dans la classe la fatigue. Les gens qui parlent trop fort... Alice déteste ça bien qu'elle essaie de faire avec. Ayant eu pour habitude de vivre seule avec son père qui ne parlait plus, elle s'était accoutumée au silence, et à Terrae, son principal problème était les gens trop bruyants, trop violents, trop intolérants et impatients.
Ses yeux cherchent ceux de Dunya, emprisonne son regard dans le sien, la force à l'écouter. Comme une ensorceleuse, de par sa voix et son attitude, la classe a baissé de volume à cause d'elle et de la réaction virulente de Dunya. Elle attend la réaction prochaine de la jeune fille, qui fait presque sa taille, et n'a ainsi pas besoin de lever la tête pour la regarder.

Dunya sentait son cœur tambouriner dans sa poitrine. Elle était énervée et pas qu'un peu. Et en rajoutant à la douleur qui pulsait au niveau de son nez, cela semblait qu'augmenter sa colète. * Faites qu'il ne soit pas cassé *. La douleur était poignante et s'accentuait avec le temps. L'adolescente ne pouvait même plus espérer vérifié, avec ses mains emprisonnées au col de son adversaire. La tension dans la salle de classe était palpable, le professeur allait être bien surpris s'il continuait à ce petit jeu. Mais hors de question pour la russe de lâcher le morceau, quoique la fatigue et la migraine qui commençait à venir, aider par l'adrénaline elle commençait à se sentir patraque.

« Dunya ça suffit maintenant. Lâche-la. »

La nommée tourna sa tête en direction de la voix, il lui semblait voir légèrement flou. Son expression se fit confuse, jusqu'à ce qu'elle comprennes que les longs cheveux de l'autre fille cachait le fait que c'était  elle la prisonnière. Les mains de la malpolie avaient agrippé les siennes, surement par peur de recevoir un premier coup. * Tch' ! Ça lui ferait les pieds, elle comprendrait ma douleur ! *. Surprise, elle remarqua que celle qui venait de parler semblait effrayé son adversaire et les paroles suivante accentua avait l'air d'accentuer son malaise.

« Et elle a raison, tu ne t'es pas excusée de l'avoir frappé. Tu devrais. »

L'autre fille acquiesce et lâche Dunya, cette dernière en fait de même tandis que son regard restait plonger dans celui de la brune. Un bruit sourd vint percuter ses oreilles et il lui sembla après un court instant, sentir le sang couler de nouveau de son nez. On peut entendre quelques exclamations surprises, mais personne ne bouge. * Bah mince, je crois que j'ai pris un mauvais coup.. *. Sa migraine continue d'empirer, elle brise le contact avec sa camarade pour ne pas montrer son anxiété et sa douleur. Mais, son corps y réagit en tremblant, ses mains tentent tant bien que mal à limiter les dégâts sanguin. Heureusement on lui tend vite un mouchoir qu'elle s'empresse de poser sur la narine coulante. Malgré son mal être, elle se reprend et s'assoie légèrement sur l'un des bureaux, incapable d'aller plus loin sans que sa démarche boiteuse ne se remarque.

« - Je s..suis désolé. J'avais pas à te frapper. »

Les paroles surprennent la classe, ce n'est surement pas elle qu'on pensait entendre en premier surtout dans cette situation pesante. Dunya soupire, elle a eu ses excuses et c'est tout ce qui compte. Cependant, la comédie semble vouloir continuer.

« - Mais ! J'ai mes raisons pour mettre éner..
- Plus tard ! » coupe-t-elle durement avant que son sang recommence à bouillir et qu'elle recommence à faire n'importe quoi, qui pourrait agavé son cas, elle préfère l'arrêter. Son regard se pose sur la demoiselle qui avait eu le courage d'arrêter avant le massacre, elle sourit légèrement histoire de se d'alléger l'ambiance.

« - Je pense qu'il serait effectivement préférable de régler nos histoires ailleurs. »

Chaque mots semblent résonner dans son crâne, douloureusement ils tapent et rendent son regard beaucoup plus obscur.

Alice fixe toujours Dunya, avec son regard froid mais calme. Elle s'aperçoit que la jeune femme est perturbée, qu'est-ce qu'il peut se passer pour qu'elle le soit... Puis du coin de l'oeil, elle se rend compte que l'autre fille la laisse. Alors ce n'était pas la seule fautive, et c'était pour cela qu'elle ne pouvait pas la lâcher. Alice pour la première fois tourne la tête vers l'autre fille. Son regard est noir quelques instants, lui intimant de s'éloigner. Quand elle se tourne vers Dunya, elle voit le sang qui coule de son nez, et son mal-être.
Rapidement, elle veut avancer sa main vers elle pour l'aider. Et puis brutalement, sans prévenir, lorsque sa peau effleure celle de Dunya, ses pensées lui envahisse la tête, prenne toute la place.

Bah mince, je crois que j'ai pris un mauvais coup..

Alice ferme les yeux une fraction de seconde, tente de calmer sa migraine soudaine. Son pouvoir, encore incontrôlable s'insinue dans les pensées des autres maintenant. Alice est trop ouverte, et ne parvient pas à le contrôler comme il faut, c'est quelque chose de très compliqué pour elle.
Elle finit par s'asseoir à coté de Dunya. Un sourire vient illuminé son visage d'enfant doux lorsque Dunya remballe l'autre fille comme il faut. Elle paraît tout à fait approuver sa méthode. Elle ne veut plus que cette fille l'approche, seulement que l'on se calme, et par pitié arrêtez de parler trop fort, Alice a mal. Elle repousse les pensées qu'elle entend résonner dans la tête de Dunya comme dans la sienne. Elle se bloque, refuse de rentrer dans la vie de Dunya, elle ne veut pas être une intruse. Elle se concentre très fort pour cela.

Elle renvoie pourtant son sourire à la jeune femme, et lève son pouce en l'air, malgré le regard qu'elle lui lance, elle a bien comprit que ça allait un peu mieux. Oui. Regagner leur place, attendre, se calmer, ne plus avoir mal.

« Ca me paraît aussi la meilleure option. »

Alice n'a absolument aucune idée de si Dunya a ressenti la présence de son pouvoir encore naissant. Elle lui sourit pourtant, elle n'avait nullement l'intention d'être malveillante. Alice ne veut pas déranger. Jamais.