Amy triait un arrivage dans l'arrière-boutique, un casque enfoncé sur les oreilles diffusant des morceaux acoustiques. Comme si cela pouvait empêcher les voix de filtrer ! Ces premiers jours avaient été une véritable souffrance. Dès que quelqu'un passait à proximité de la boutique, elle se trouvait assaillie, envahit par l'âme d'un autre. Et quand il s’agissait d'un groupe, elle se recroquevillait en position fœtale jusqu'à ce qu'il s'éloigne, et ce n'était pas toujours rapide... La proximité du parc ne lui avait jamais semblait moins attrayante. De grosses marques violacées soulignaient ses yeux, elle portait la même tenue depuis trois jours, un pantalon ample et un sweet où le chat de Cheshire souriait de toutes ses dents. Ironique, vu son humeur.

Une parole, ou peut être une pensée, Amy ne sait plus, l'atteint soudainement de l'extérieur. Athéna ? La blonde hésite un instant à faire la morte, rester là roulée en boule au milieu des livres. Mais ce serait insultant après l'aide que lui a proposé la Master. Et puis peut-être a t'elle une solution à tout ça ? Après tout, de ce qu'elle a entendu, tous les pouvoirs semblent avoir évolués dans le même sens, elle doit donc avoir exactement le même souci... Tentant d'ajuster sa chevelure dans une pince, la jeune femme se rend à la porte, hésite à nouveau, puis ouvre, la bouche soudain desséchée de ne pas avoir dit un mot depuis... Longtemps.

- Dis moi... Que tu as une solution à cette calamité... Au moins une petite astuce, un rien suffira !

Sa voix revient à mesure qu'elle formule des phrase, ou du moins, ce qui y ressemble. Amy remarque alors la planche sur laquelle la Master est appuyée, fait rapidement le lien et s'exclame sans bouger les lèvres :

Entre, j'ai un fauteuil derrière le bureau. Il n'est pas spécialement confortable, mais il fait l'affaire en cas de besoin.

Refermant rapidement la porte derrière elle, toujours par crainte de facilité l'accès à la personnalité des autres, la demoiselle lui désigne le bureau et son siège. Elle n'essaye même pas de cacher son malaise. Ce trop-plein d'émotion, trop d'autres, ce manque d'elle, rien qu'elle dans sa tête. Amy lui offre un faible sourire, fatigué, avant de demander des nouvelles des matériaux :

- Je sais que ce n'est pas trop le moment, avec ce qu'il se passe à Terrae, mais... Tu as eu des nouvelles pour les planches ? C'en est une ? Ajouta t'elle en désignant celle avec laquelle la femme était arrivée tandis qu'elle s'adossait à l'une des vieille étagères, déjà couverte de livre. Tout était bon pour s'occuper l'esprit.  

Athéna comprit aussitôt qu'elle avait vraiment besoin d'un coup de main. Peut-être était-ce du à ses cernes, ou au fait qu'elle soit enfermée dans la bibliothèque dans la pénombre ? Ou d'une acumulation de plein de détails... Amy avait eu maintes occasions d'aider Atumane à exercer son don, mais elle ne lui avait jamais demandé comment le bloquer, ou du moins, interrompre les capteurs de pensées extérieures. Elle tentait de mémoriser toutes les astuces que lui offrait la Master, mais ce n'est qu'en se tournant vers elle qu'elle comprit qu'elle ne parlait pas à voix haute. Est ce qu'elle aussi avait communiqué de cette façon ? Visiblement, oui.

Quelle calamité ce pouvoir ! Elle avait plutôt intérêt à travailler dessus si elle ne voulait pas devenir folle avant que... Est ce que ça disparaîtrait ? La question restait en suspend depuis plusieurs jours déjà, tournant dans son esprit encore et encore... N'était-il pas mieux de sceller ce pouvoir à jamais ? Il lui semblait être un poison qui la détruirait lentement. Elle devait cesser de penser à ça. Maintenant.

Heureusement, la bricoleuse était venue avec de quoi lui occuper l'esprit. Amy se pencha vite sur la planche, la caressa de la main pour en tester la texture, puis alla allumer les plafonniers. Elle souleva le matériau pour l'observer à la lumière. C'était un joli bois, d'une belle couleur chaude et brillante grâce au vernis. Se tournant vers Athéna, elle s'exclama, les yeux brillants :

- Elle est carrément canon ! Si elles sont toutes comme ça, alors c'est le top du top ! Avant d'ajouter avec un rire jaune, Moi aussi, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus porter ce que je voulais sans peine. On s'y fait si facilement à cette force supplémentaire !

Comme la master avait parlé de sa maison, Amy risqua un regard vers la porte. Elle n'avait aucune envie de sortir actuellement. Trop dur. Surtout à proximité du parc, à cette heure. Non, vraiment, c'était au-dessus de ses forces. À moins qu'Athéna l'assomme et l'y traîne, elle ne savait comment, ça lui paraissait impossible. Avec un sourire d'excuse et un regard un peu honteux, la blonde proposa :

- Je passerais peut-être plus tard dans la semaine, ou la semaine prochaine, quand je commencerais à maîtriser un peu mieux ce pouvoir ou qu'il aura disparu. S'il disparaît. En attendant, je peux t'aider à prendre les mesures si tu veux, j'ai un mètre derrière le bureau et je peux t'écrire les notes sur un post-it ! En tous cas...

Amy était gênée de devoir l'admettre, ce n'était pas tellement dans sa nature de s'appuyer sur les autres sans arrêt. Force était de constater que, depuis son arrivée à Terrae, elle comptait beaucoup plus sur son entourage. Était ce une bonne ou une mauvaise chose ? Elle ne le savait pas vraiment, mais elle voulait la remercier :

- Je te suis vraiment reconnaissante de m'aider pour la librairie et... Pour les conséquences de l'éclipse... Seule, je ne m'en sortirais pas aussi bien.

Athéna lui confirme l'uniformité des planches et le sourire d'Amy s'agrandit. Comme ça allait être beau ! La gentillesse de la Master la touche. Elle n'a aucune obligation de l'aider, mais elle se montre disponible et donne de sa personne. C'est inspirant. Elle aimerait bien devenir comme ça, elle aussi. Passer de celle qui est aidée à celle qui aide... Quand la jeune femme lui tend le plan et lui explique la difficulté qu'elle aurait à effectuer les mesures elle-même, la blonde bondit :

- Pas de soucis ! Ne t'inquiète pas, je m'en occupe ! Tu m'aides déjà tellement !

C'était un peu trop enthousiaste... Peut-être même que ça dévoilait sa gêne d'être actuellement si dépendante... Mais bon, deux télépathes dans une pièce ça complique beaucoup de chose. Il aurait été bête de tenter de dissimuler quoi que ce soit. La remarque suivante d'Athéna la fit rire et elle répondit par un grand sourire, plein de certitude :

- Je te donne ma parole que je ferais de mon mieux pour qu'un jour, je puisse devenir celle qui aide ! Mais ça sera sûrement après l'Éclipse... Tout est si compliqué lorsqu'on récupère un pouvoir qui n'est pas le sien, qu'on a jamais travaillé, et avec lequel on doit vivre tous les jours. Oh ! Il faut que j'arrête de me plaindre, bon sang ! Au boulot !

Cachant sa gêne par le mouvement, l'initiée attrapa le mètre et pris les mesures dont la Master avait besoin sur un post-it avant de revenir vers elle et de lui tendre, hésitant :

- Voilà, tu arrives à me lire ?

Pas que son écriture soit brouillon, ou en pattes de mouches, mais parfois les chiffres pouvaient se confondre suivant la calligraphie de chacun. Il valait mieux vérifier avant que de massacrer tous son travail en faisant de mauvaises découpes. Puis, comme elles étaient là toutes les deux, la demoiselle proposa avec un sourire reconnaissant :

- Tu veux un café ou un thé ? Je ne veux pas te retenir non plus... Avec les nouveaux Titans, tu dois avoir du boulot... D'ailleurs, si tu veux de l'aide, n'hésite pas ! Je sais que je ne dois pas être forcément très utile, mais je veux au moins essayer !

Lorsqu'Athéna déclara qu'elle avait le droit de se plaindre, car elles avaient l'un des trois pires pouvoirs à maîtriser, Amy grimaça, mais hocha tout de même la tête. Ne voulant pas se plaindre d'avantage elle se concentra sur ses notes et fut ravie de voir que la Master n'avait aucun mal à la déchiffrer. Lorsqu'Athéna déclara qu'elle avait le droit de se plaindre, car elles avaient l'un des trois pires pouvoirs à maîtriser, Amy grimaça, mais hocha tout de même la tête. Elle ramena sur son bureau la boîte de café instantané et celle avec les sucres en forme de trèfle, cœurs, piques, et carreaux et fila cherchait l'appareil dont le déclic sonore signifiait qu'il avait accompli sa tâche. Elle versa le liquide dans la tasse chat dont la hanse formait la queue, et lui tendit une cuillère pour qu'elle y ajoute les granules, tout en soufflant :

- Je sais bien... Mais peut être que je peux t'aider d'ici en attendant que ça passe ? Par exemple, je pourrais...

C'est là que la blonde se rendit compte qu'elle voulait aider, mais n'avait aucune idée de ce qu'elle pouvait faire. Son sourire se mitigea et elle resta un instant figé avant de se passer la main dans les cheveux, gênée au possible :

- En fait, je n'ai aucune idée de ce que je pourrais bien faire pour t'aider... Haha, c'est tellement bête... Comme je me suis enfermée ici, je ne sais pas du tout ce qu'il se passe à l'institut... Je suis un vrai boulet parfois !

La demoiselle se gifla mentalement et serra soudainement le poing avec conviction :

- Si, je sais ! Je peux ouvrir un google doc' de demandes et le faire circuler dans Terrae ! Comme ça, plutôt que de devoir aller constater les dégâts ici et là, ils arriveraient direct sur ce document !

Athéna la coupa alors qu'elle avançait qu'elle ne pouvait pas être bien utile enfermée dans la librairie. Bien que son exemple ne fut pas cent pour-cent clair pour la jeune femme, elle comprenait qu'il ne fallait pas se concentrer sur ce que l'on ne pouvait pas faire, mais plutôt sur la recherche de ce que ses capacités permettaient. Quand elle lui proposa son idée, la Master la trouva bonne, et la réorienta légèrement en fonction de ce qu'elle avait besoin d'avoir comme informations. Hochant la tête plus énergiquement qu'elle ne l'aurait voulu, la blonde attrapa un post-it et y griffonna quelques notes en s'exclamant :

- Je peux faire ça ! C'est la moindre des choses si ça peut t'aider !

Elle se mit à marmonner comment elle pouvait organiser son tableau pour que ce soit clair et qu'Athena puisse voir en un seul coup d'œil les choses les plus urgentes. Puis elle releva la tête, lâcha son crayon et s'exclama :

- Je vais te faire un googledoc de la morkitue ! En gros, une colonne localisation avec des couleurs, une colonne réparation ou dégradation et une colonne important en rouge, pas important en vert, comme ça, tu peux voir très rapidement ce qui est prioritaire !

Les deux femmes finirent leur café puis Amy se mit au travail, promettant de faire circuler le formulaire le plus rapidement possible, tout enjouée. C'était sa façon de remercier la Master pour tout ce qu'elle faisait pour la librairie. Sans elle, la blonde aurait été bien embêtée, et son besoin de la remercier la poussait à l'aider le plus possible, surtout en ce temps de crise.

Le soir même, le googledoc fut envoyé à tous ses contacts, que ce soit par mail ou sms, et le lendemain matin, plusieurs lignes apparaissaient déjà avec diverses taches nécessaires. Fière de son résultat, l'initiée envoya un gros smiley souriant avec un pouce levé à Athéna.