Malgré la fraîcheur extérieure, tu entends le bruit des chaussures qui crissent sur le parquet ou les cordages des raquettes qui claque sur les volants et autres balles. Tous ses bruits te sont familiers et si tu prends le temps de fermer les yeux, tu pourrais les identifier. Les portes sont ouvertes comme pour apporter un peu d’air aux élèves qui s’entraînent. Tu sais combien il peut faire chaud sous la lumière des néons.

Mais il n’y a pas que ça qui t’interpelle quand tu observes les silhouettes qui se dessinent, un peu floues derrière les vitres couvertes de buées. Non. Il y a ce sentiment de nostalgie qui revient au galop, ses éclats de voix qui reviennent à tes oreilles. Ou bien est-ce simplement ton imagination. Certains ont ton âge, d’autres semblent plus jeunes mais donnent le meilleur d’eux même. Il y a bien un ou deux élèves qui te semblent en difficulté ou épuisé mais tu ne peux que les conseiller d’essayer de dépasser leur limite et de surtout garder le plaisir de s’entraîner ou de jouer. C’est ça le plus important. Revenir aux sources. Chercher ce qui nous fait continuer de courir ou de frapper malgré l’épuisement et les douleurs.

Tu décides de rentrer dans une des pièces, un peu à l’écart. C’est du volley. Tu essaies de te faire le plus discret possible bien que tu aies l’impression de n’entendre que ta béquille qui résonne sur le sol à chacun de tes pas. Tu t’installes en silence dans les gradins. Tu vois d’autres personnes assis un peu plus loin, plus intéressés par leur mobile que par le jeu sur le terrain malgré le survêtement sur leurs épaules. Sont-ils remplaçants ou blessés, tu ne saurais le dire. Où bien sont-ils peut être venus comme toi s’abriter de la pluie qui commence à s’intensifier sans parler des éclairs qui déchirent le ciel.

Tu es méfiant quand l’humidité et le froid arrive. Le feuillage encore un peu orangé devient glissant et tu ne comptes plus les chutes à ton active. Et contrairement aux joueurs sur les terrains, tu n’as pas l’équipement adapté. Il y a bien une fine chevillère masquée par ton jean et ta béquille mais rien de très probant. Autant ne pas te rajouter des bâtons dans les roues par maladresse dès ton arrivée ici. Tu as déjà assez de choses auxquelles tu dois penser actuellement.

Tu es néanmoins interpellé par le manque de discipline des joueurs. Tu ne leur rejettes pas la faute car tu n’as aucun recul et tu sais que les facteurs peuvent être multiples. Mais il ne semble avoir réellement personne, de plus âgée ou simplement habillé en civil pour leur expliquer comment se positionner ou simplement reprendre les gestes de base. Tu es loin d’être un spécialiste mais tu en as pratiqué deux années quand tu étais plus jeune en même temps que de la natation avant de complètement te dédier au foot par la suite, conscient de tes facilités. Tu connais donc les bases, le règlement et les positionnements. Les stratégies à appliquer bien que ce n’était pour toi à l’époque que du jeu. Un jeu. Le sport reste un simple jeu malgré l’argent et la pression. C’est comme ça que tu as tenue. Que tu as gardé les pieds sur terre.

Et qu'importe le sport, certaines choses ne diffèrent pas. Tu as goûté au haut niveau dans le tiens et tu as appris à travailler sur toi même, à travailler avec les autres et à vous tirer mutuellement vers le haut. Tu as eu droit parfois à des brasses de tes entraîneurs ou de ton coach mais aussi des encouragements.

N’arrivant pas à réprimer une grimace quand le libéro manque sa réception, tu murmures du bout des lèvres que le service n’était pas assez appuyé et que le positionnement laissait aussi à désirer. Le but est de répéter les mouvements avant de les mettre en situations. Ils font tout à l’envers. Mais ce qui te désole le plus, c’est le joueur qui, tu ne sais dans quel but, essayer de sauver une balle qui va malheureusement tomber à l’extérieur du terrain. Il risque de se blesser et surtout d’entraîner les piliers dans sa chute.

« Ils ne vont pas s’en sortir… »

À peine ses mots franchissent la barrière de ton esprit que le bruit d’un choc métallique et des éclats de voix se font entendre. Tu avais vu juste, retenant un soupir. Sans coach, tu ne leur donnes pas beaucoup d’avenir, aussi motivés sont-ils. Mais au moins, ils ont le mérite d’y mettre de la bonne volonté et de ne rien lâcher.

C’est déjà mieux que rien pour rester optimiste.

@feat Senri Bonne lecture !

L’éclat métallique continue de résonner un moment à tes oreilles tandis qu’un brouhaha de voix aux accents et intonations différentes se regroupes autour du joueur maintenant au sol. Tu es aussi soulagé que les membres de l’équipe quand tu le vois se relever mais aussi sonner la fin de l’entraînement. Ce n’est pas plus mal et ils auront le temps de méditer sur cet événement ou simplement passer à autre chose. C’est ce que tu leur souhaites.

Pourtant, une personne reste sur le terrain. Son attitude c’était assez facilement démarquée des autres. Plus impulsif. Plus borné presque ? Comme il semblerait malgré tout qu’il a la confiance des autres élèves. Tu n’en sais rien mais une certaine… autorité s’en dégage à tes yeux de simple spectateur.

Et pourtant, tu as vite appris que les apparences peuvent être trompeuses. Certaines personnes effacées dans les vestiaires pouvaient être de vrais lions sur le terrain tout comme l’inverse était vraie. Et toi, est-ce que ton comportement changeait une fois sur la pelouse ? Non. Et c’est ce qui dérangeait le plus et que l’on n’avait jamais osé te dire. Tu étais calme et tu t’investissais. Ta poigne se serre un peu plus sur le bois froid des gradins, cherchant à effacer ces souvenirs toujours douloureux.

Suivant les mouvements hypnotiques du ballon, tu louperais presque l’autre élève qui s’approche après avoir déposé tout le matériel dans un coin du gymnase. Le ton amer de sa voix te prend au dépourvu si ce n’est l’ironie qui en ressort. Il n’y a que vous dans cette zone-là, comme si l’heure tardive avait sonné la fin de l’ensemble des activités du gymnase.

« Il y a des choses à améliorer, lui réponds-tu d’une voix posée.»

La colère attise la colère et peut provoquer la haine. Le calme, par effet miroir, peut apaiser. C’est ainsi que tu fonctionnes. Ne pas laisser interférer tes émotions avec tes mots. Jauger chacun pour rassurer l’autre, pour l’aider d’une certaine manière. Tu es dans un lieu que tu ne connais pas, avec une personne qui semble avoir quelque ressenties à ton égard. Autant garder une distance de sécurité, te laisser de quoi agir ou réagir. Tu ne veux pas que cette conversation s'envenime, que la fatigue s'en mêle et perturbe les ressentis.

Tu n’es pas un bon samaritain mais ça te rendrait presque triste de voir le niveau global de l’équipe et de voir certains faire leur possible pour les tirer vers le haut. C’est une perte de temps et d‘énergie bien que tu loues les efforts consentis. Sur quelques semaines, ça peut fonctionner. Quelques mois tout au plus mais ça sera au risque de sacrifier le reste. De sacrifier leur vie sociale et leur scolarité et personne n’y est prêt. Dans ses moments-là, quand les exigences deviennent trop fortes, on essaie de maintenir la tête hors de l’eau, de s’accrocher à tout et à rien pour ne pas s’effondrer. Le sport est une chose mais il ne faut pas y laisser sa santé. Certaines choses n’en valent pas la peine.

C’est cruel et tu veilles à ce que ses mots ne franchissent pas la barrière de tes lèvres. Il n’en pas besoin. Non. Tu ne sais pas d’où vient cette impression ou ses mots qui résonnent dans ton esprit. Comme si tu savais que le volleyeur avait conscience de ses lacunes – minimes au regard de celles d’autres joueurs – ainsi que de celles de son équipe.

« Vous aimez votre sport avec tes coéquipiers, reprends-tu après un bref temps de silence. Mais peu de personne semblent maitriser leur poste ou savoir comment agir en cohésion avec les autres.»

C’était comme un puzzle qui prend forme dans ton esprit. Des couleurs et des tactiques qui revenaient devant tes yeux. Rituels instaurés à l’entraînement où les gestes étaient répétés encore et encore, jusqu’à atteindre les limites de votre corps ou la perfection. Plus que de le décourager, tu essaies de lui offrir ce que tu sais dans ce domaine-là, après le passage du temps et des années à te plonger sans retenue dans une autre activité sportive.

Tu ne vas pas plus loin dans ton raisonnement, malgré les arguments et explications qui se bousculent. Tu es quelqu’un de passionné dès qu’il est question de sport. Tu perds un peu de ta réserve mais tu estimes surtout que ce n’est pas le moment.
Ce n’est pas encore le bon moment.
Même si tu lui laisses l’opportunité de saisir cette perche tendue. De continuer cette discussion qui n’est agréable pour aucun d’entre vous. Vous n’êtes que deux inconnus d’accord sur une même chose : l’équipe de volley se porte mal.

Le constat final étant que vous n’avez pas les mêmes affects à ce sujet.

@feat Senri J'espère que la suite te va ! On rentre enfin dans le vif du sujet !

Tes prunelles se posent sur le ballon qui rebondit en rythme contre le mur bétonné. L’ensemble est presque hypnotique. Tu sais que certaines personnes ont besoin d’avoir les mains occupées pour masquer leur gêne. Est-ce le cas de l’adolescent devant toi ? Ou bien cherche-t-il à éviter une certaine réalité dont il a conscience depuis longtemps ? Tu ne saurais le dire. D’un autre côté, il brise le contact visuel entre vous. Drôle de manière de te dire qu’il ne souhaite pas continuer cet échange puisque c’était lui qui l’avait provoqué.

Un bruit devient presque dérangeant plus qu’il résonne de plus en plus fort dans le gymnase presque vide comme si l’agacement prenait le dessus. Comme s’il s’énervait seul face à des pensées qui t’échappaient. Il y a moins dangereux tout de même pour se défouler, la course à pied, lancer dans des cages vides, jongler des choses du même acabit. C’était universel et tu peux lui assurer que c’était efficace dès lors que la fatigue prenait le pas sur les émotions. Il suffisait d’un geste mal maîtrisé et… on manque de se faire assommer…

« Ça va ? Demandes-tu néanmoins en désignant son front qui avait légèrement rougit sous l’impact de la balle en nylon colorée.Tu devrais y mettre de la glace. »

Tu cherches par réflexe un frigo ou quelque chose du même acabit pour lui apporter une poche de froid mais tu n’as rien à porte de vue. Même s’il a le crâne dure, il peut avoir un bon bleu le lendemain voir même une légère commotion cérébrale. Ce n’était pas la blessure la plus courante contrairement au rugby ou au football américain mais ce n’était pas anodin pour autant.

La colère sous-jacente dans sa voix te fit hérisser les poils, presque autant que la résignation qui en suivit. Il est le capitaine. C’est son rôle de guider les autres, de leur offrir des solutions. De les aider à progresser et d’instaurer un esprit d’équipe. Cette fameuse cohésion de groupe qui permet de faire briller les individualités lorsqu’il y en a et de sauver des situations désespérées ensemble.
Tu choisis tes mots avec soins, essayant de te souvenir de ceux de ton propre coach et entraîneurs des années auparavant. Alors que tu n’étais qu’un enfant plein de rêves ou un adolescent beaucoup trop doué pour ne pas être surclassé. Ce n’était pas le même sport, ce n’était pas le même contexte. Et malgré cet évitement, tu as juste envie de le rassurer, de lui dire que tout n’est pas perdue et qu’il peut faire bouger les choses pour son club.

« C'est des choses qui s’apprennent, commences-tu en lui laissant le temps d’intégrer l’information. On a toujours à apprendre sur notre sport, qu’on le pratique depuis peu ou depuis des années et des années. »

Le silence qui s’installe ne t’est pas inconfortable et tu sais que tu l’obliges à réfléchir à tes mots. Du moins, l’espères-tu. Tu étires tes jambes devant toi, cherchant à faire partir la désagréable sensation de fourmillement qui s’empare celle lésée. Il peut voir un léger sourire amusé à sa dernière question naître sur ton visage. Tu dois être guère plus âgé que lui d’une part et d’autre part, tu peux lui confirmer que les gens avec des béquilles dans un gymnase sont peu courant.

« Du tout. Je suis juste venue m’abriter de la pluie. »

Tu en restes là, il n’a pas à en connaître plus sur ta vie pour le moment ni même savoir ce qu’il s’est passé pour que tu en arrives à te déplacer avec une béquille. Et même si la question est agréable pour ton ego, tu trouves que tu n’as pas les compétences nécessaires pour mener à bien une équipe et la tirer vers le haut tant que tu n’auras pas fait le deuil de ta carrière et de tes rêves envolés.

« Et puis, j’aime bien le volley même si ça date la dernière fois que j’ai touché un ballon. »

Ta réponse est succincte mais tu n’as pas envie d’aborder le sujet de manière frontale car tu as cette pudeur qui persiste et tu en as marre de devoir encore et encore répondre à cette question. D’autant plus que tempérament du jeune homme semblait plutôt colérique malgré ce que tu en vois ce soir. En d’autre occasions, tu aurais été plus loquace mais tes nouvelles capacités t’assomment autant que ton moral est bas.

« Je te proposerai bien d’aller sur le terrain, mais je ne pense pas pouvoir t’être très utile. »

Ses mots t’échappent, trahissant une certaine envie de l’aider, une envie de retrouver ses sensations oubliées. L’adrénaline des matchs, la fatigue d’un entraînement bien mené, la joie d’une victoire ou la tristesse d’une défaite.

Bon dieu, qu’est ce que ça te manque.

@feat Senri Je crois que le sport manque vraiment à Simon.