Depuis cette fameuse après-midi dans la clairière de la forêt — qui avait été une clairière à partir de cette après-midi, Senri se sentait étrange. Il errait comme un zombie entre ses différentes activités. Il ne parlait plus beaucoup, se contentait simplement d'acquiescer. Perpétuellement perdu dans ses pensées.

Il ne prêta même pas attention aux murmures et rumeurs qui s'élevèrent dans son dos quand il entra dans l'arène. Il laissa tomber son sac de sport, contenant ses gants, des poids, une bouteille d'eau, un encas et son carnet de pouvoir. Il portait un simple débardeur gris et un short noir dont les coutures étaient d'un indigo sombre.

Lorsqu'une voix l'interpella, Senri jeta son regard sur l'individu. Il distingua des traits d'adulte, qui ne lui disaient pas grand chose. Il arqua légèrement un sourcil en entendant son nom.

— Ouais. T'es qui, toi, comment tu me connais ? J'suis chaud pour un combat, sinon. Tu veux qu'on y aille à fond ?

Une légère étincelle courut sur le bras du garçon pour disparaître aussi vite qu'elle était arrivée. Il posa sur son bras un regard éteint et attrapa son sac pour sortir ses gants noirs et des bandes. Qu'il commença à passer sur ses poignets en attendant la réponse de l'homme, les gants sous entre ses côtes et son bras droit. 

— Tch. "Qui parle avec ses poings", carrément.


Senri respirait lentement en enroulant ses poignets de ses bandes. Une part de lui était dégoûtée de ce monstre violent que lui peignait son futur adversaire, pourtant, une autre jubilait. Ces sentiments contradictoires le mettait profondément mal à l'aise.

Il chassa ces démons en serrant ses bandes blanches estampillées "Warrior téléporteur" et décorées de tigres brodés. Il attrapa ses gants noirs et usés par les combats pour les passer sur ses poings.

— Viens pas te plaindre après, alors.

Le regard de Senri était chargé de colère, son visage crispé par cette même expression. Pourtant, il ne pouvait empêcher ses lèvres de se tordre en un rictus d'excitation. Il allait enfin pouvoir tester ces nouveaux pouvoirs qui hurlaient au fond de lui.

À l'exception de sa sensitivité qui était toujours muette.

Lorsqu'il vit la terre former un bouclier autour du bras de son adversaire, son rictus disparu. La jalousie et cette tenace sensation de malaise l'envahirent à nouveau. Il se mit en garde tandis que des étincelles courraient sur ses muscles léchés par les rayons de l'astre solaire.

Nouveau malaise.

— C'quoi ton nom ?

Tout en disant cela, il sautilla d'une jambe à l'autre. Avant de se figer, droit comme un piquet et poser son gant droit contre son cœur puis de le tendre au brun dans le salut rituel de boxe française qu'il connaissait.

Que l'autre y réponde ou pas, Senri se remettrait en garde, les genoux fléchit. Et dans la seconde d'après, il se jetterait vers son adversaire, dans son axe. À porté de poing, il pivoterait sur la droite de l'adversaire pour jeter la pointe de son pied contre la cuisse adverse. De sorte à s'éloigner au maximum du bouclier. Le coup donné son genou se replierait immédiatement pour qu'il puisse jeter son pied au sol et le faire glisser sur le sable. Utilisant cet élan pour pivoter il approcherait un peu plus pour lancer un crochet dévastateur au visage de son adversaire. 

Si Senri avait ressenti un instant de satisfaction quand son adversaire avait posé un genou à terre, ce sentiment passa rapidement quand son gant s'était écrasé contre le bouclier d'Akkiko.

— Tch.

Senri avait pesté en voyant à quelle vitesse le bouclier s'était déplacé. Qu'à cela ne tienne, le brun n'était pas le seul à user de pouvoir. Senri fléchit ses jambes pour s'ancrer au sol et jeta le haut de son corps en arrière, pour finalement projeter son crâne chargé en électricité contre la plaque de terre.

Néanmoins, Senri avait peut-être omis que la terre n'était pas l'élément le plus conducteur qui existe. Ainsi, le jeune homme fut jeté en arrière par la force du Terre.

Mais, ce fut avec une force invraisemblable, qui envoya Senri rouler contre le sol sur une dizaine de mètres. Lorsqu'il s'arrêta enfin, et se redressa, les bras pendouillant dans le vide et le dos voûté, il leva son visage fendu d'un filet de sang vers Akkiko.

— Titan, hein ?

Il se tourna, glissant son les doigts gant droit dans les vestiges de son débardeur pour arracher le tissu et dévoiler l'amas de muscles sans harmonie qu'était son torse, strié par les éraflures qu'avaient engendré sa chute et quelques blessures qui n'avaient pas encore disparues.

Se remettant en garde, des éclairs jaillirent de son crâne pour courir sur ses épaules, ses bras et disparaître dans ses gants. Sur leur passage, ils éraflèrent légèrement la peau du garçon.

Sans plus attendre, il se jeta vers son adversaire, en gardant un œil sur ses pieds. Le combat avec Tiago lui avait appris à faire attention où il marchait face à un Terre. Arrivé au contact, il entreprit d'abreuvoir Akkiko de coups. Il ne cherchait pas vraiment à toucher, il serait aisé pour le Terre de parer, mais la vitesse d'exécution des assauts du Tonnerre empêcherait son adversaire de frapper sans s'exposer. Senri se contenter de déplier rapidement ses bras pour frapper et immédiatement les ramener vers lui pour conserver une garde correcte. Ses coudes se touchaient presque pour prévoir un quelconque assaut sur son ventre.

Après une enchaînement de quatre coups de poings, Senri bifurqua sur le côté gauche de son adversaire. Il déplia son poing droit pour le diriger vers le visage de son ennemi. Un éclair plus téméraire que les autres courut sur son bras pour prolonger l'attaque du garçon.

Cette offensive était en réalité une feinte. Son corps pencha légèrement en arrière pour que son pied-droit se lève et que sa semelle puisse être projetée droit vers la cuisse d'Akkiko dans un chassé dévastateur. 

Senri ne réagit presque pas quand son adversaire para son coup-de-poing, il n'avait pas le temps de traiter l'information, il devait enchaîner immédiatement sur son coup de pied, qui toucha. La contre-attaque ne se fit pas attendre. Akkiko attrapa la ceinture de Senri pour lui faire quitter le sol et lancer plus loin. Senri recula de plusieurs pas, et lança son gant en arrière, en laissant son corps tomber. Quand son gant s'écrasa contre le sol, l'adolescent l'utilisa comme une sorte de pilier pour stopper sa chute et pivota pour se redresser.

Il se remit en garde, en soufflant. Des clameurs commençaient à se faire entendre. Un sentiment d'enthousiasme s'empara de lui en voyant Akkiko déchirer son tee-shirt. Senri s'était d'ores-et-déjà laissé gagner par l'ivresse du combat, quand bien même sa colère et son malaise étaient toujours présents, cette ivresse était plus forte. La remarque d'Akkiko tira un sourire à Senri.

-J'aimerais en dire autant, mais à part encaisser, tu fais pas grand chose.

Un sourire crispé se dessina sur le visage de Senri alors qu'il observait le Terre s'approcher. Une bande de sable commença lentement à danser sur son torse. Par ailleurs, la musculature du Terre n'avait rien à envier à ceux de l'adolescent, ce qui fit disparaître le sourire de Senri et permit à sa colère de reprendre l'ascendant sur son spectre émotionnel.

L'adolescent plissa les yeux pour observer avec attention son adversaire. La bande de sable ne semblait pas adopter de chemin régulier, elle se mouvait à la manière de ses éclairs. Quand les yeux du garçon se posèrent sur la jambe qu'il avait attaquée en premier, le boxeur repéra comme une anomalie dans la démarche du Terre. Un léger picotement vint chatouiller sa propre jambe. Ce fut trop rapide pour qu'il prête attention, mais suffisamment vif pour qu'il le remarque.

Trêves d'observation, Senri devait passer à l'action.

Ses éclairs s'intensifièrent, dégringolant de son crâne, ils continuèrent de serpenter sur ses épaules et ses bras, mais également, sur son torse et son dos.

-T'es pas le seul à t'faire une armure.

Dès qu'il eut parlé Senri fusa vers son adversaire et il enchaîna trois coups de poings fulgurants. Ses éclairs s'intensifièrent encore un peu, leur grésillement et leur fréquence d’apparition sur calquant sur le rythme cardiaque de l'adolescent. Un du gauche, un du droit et à nouveau du gauche. L'objectif était de stopper l'avancée d'Akkiko et d'engager un corps-à-corps. Une fois au contact, Senri propulsa un uppercut du droit dans l'ombre de son dernier direct du gauche. Usant de l'élan de son uppercut, Senri se décala sur le côté droit de son adversaire pour se trouver à moitié dans son dos, il leva son pied gauche et enclencha un nouveau chassé. Qui ne respectait plus du tout les zones de contact de boxe française.

C'était le genou droit d'Akkiko que Senri visait. Mais il s'était décalé un peu plus loin de sorte à ce que seul son talon puisse toucher le tendon du genou. Le coup était vicieux, mais incroyablement calculé. Si Senri n'était pas si concentré, il se serait senti à la fois surpris et effrayé d'avoir mis sur pied une telle stratégie.

Senri ne put retenir un sourire quand son coup fit poser un genou à terre à Akkiko, mais il ne s'était clairement pas attendu à se faire attraper et éjecter au sol avec une telle puissance. Une douleur incommensurable courut dans son dos alors qu'il hoquetait de douleur, crachant plusieurs filets de bave. Il peina un moment à retrouver de l'air, mais, après avoir tapé contre sa cage thoracique, ses poumons purent à nouveau se remplir.

Il tourna sur le sol pour se relever. Le souffle court, le cœur battant la chamade. Il releva les yeux vers Akkiko, qui venait de créer autour de son poignet un gantelet de terre. Senri sentit une colère noire s'emparait de lui. Une colère qui détestait avoir été blessée, une colère qui détestait perdre. Ce cocktail de douleur et de colère fit émaner des multiples étincelles du corps de l'adolescent. Ces éclairs courraient sur son corps, éraflant et abîmant sa peau. Sauf qu'une chose avait changé. Ils allaient tous dans la même direction. Son gant droit. Un genou encore au sol, il toisa son adversaire.

-Ok, tu m'as chauffé. On va finir ça vite fait.

Ses dents se refermèrent sur le scratch de son gant droit, et d'un coup sec, Senri tira son poing de ce dernier. La séparation du gant et du poing jeta entre les deux combats une gerbe de sang.

Le poing droit de Senri était chargé d'une énergie électrique phénoménale et semblait constamment alimenté. Mais parmi cet amas d'éclair, l'on pouvait clairement voir la peau du poing de l'adolescent se décaper. Ses doigts se tordent sur eux-mêmes.

Au moment où Akkiko chargea, Senri en fit de même. Il se jeta vers son adversaire en poussant un râle de rage terrible. Le poing gauche devant le visage, pour servir de garde, le droit déjà armé.

En arrivant au contact, Senri fit un léger écart, et jeta son poing droit contre la cage thoracique de son ennemi. Le poing de ce dernier allait s'écraser contre ses côtes en les lui broyant d'une minute à l'autre. Le léger écart qu'il avait fait allait lui servir à porter son coup en premier. Senri serra les dents et s'appuya du plus fort qu'il put sur ses genoux pour donner son ultime assaut et encaisser au mieux un assaut de titan. Le poing électrique du boxeur s'agita alors qu'il fendit l'air de ses éclairs. Dès qu'il toucherait quelque chose, il projetterait toute l'électricité contenue droit devant.

Juste après, le jeune homme serait projeté contre le mur de l'arène, à la fois par la déflagration d'énergie que par la puissance du Titan.

Senri étouffa un râle de douleur en redressant son torse, dont la silhouette se dessinait dans le mur. Son visage était tordu par la colère et la douleur. Il fit un pas, en retenant une quinte de toux, il avait déjà l'impression que respirer aller faire exploser sa cage thoracique, alors une quinte de toux... Lorsqu'il releva les yeux, il vit la main tendue d'Akkiko. Qui le félicitait, tout en critiquant sa défense.

Senri serra les dents si fort, qu'un peu de sang s'écoula de ses gencives, avant d'attraper la main d'Akkiko et de la serrer. Un peu trop fort que ce qu'il aurait dû.

-Ouais. C'était pas mal. J'espère que la prochaine fois, tu m'attaqueras.

Il lâcha la main de l'homme pour se diriger vers ses affaires et les récupérer. En se dirigeant vers la sortie l'arène, il jeta son poing déganté contre le mur de celle-ci. Plusieurs éclairs se mirent à courir sur le mur pour disparaître en même temps que la porte claquait derrière l'adolescent.