S'il y avait bien un jour qu'Elisha détestait dans l'année, c'était la Saint-Valentin. Cette fête totalement commerciale lui avait toujours filé de l'urticaire, et ce même avant que son ex-petit-ami ne lui piétinne le cœur. Mais depuis quelques années, ça avait aussi le don de lui donner le cafard. Non pas que la solitude lui pesait tant que ça : elle avait longtemps considéré qu'il valait mieux être seule que mal accompagnée. Mais elle se demandait toujours avec un pincement au cœur pourquoi elle avait eu si mal, et pourquoi les autres semblait heureux. Devant ses amis, elle était toujours la première à clamer haut et fort que l'amour, c'était de la connerie, et que ceux qui ne l'avait pas encore vu finiraient tôt ou tard par être déçus. Mais maintenant que Tiago faisait partie de sa vie, une petite graine germait dans son esprit, et s'implantait petit à petit : et si finalement, c'était elle qui passait à côté de quelque chose ?

Ce fut donc dans cette optique là qu'elle décida de passer voir le Colombien en fin d'après midi. Oh, elle n'espérait pas un rendez-vous galant, ni rien de ce genre. C'était beaucoup trop cul-cul pour elle comme pour lui. Mais elle ressentait de plus en plus le besoin d'être avec lui, et elle s'était dit que ce pourrait être une bonne idée de passer le voir. Oui, mais voilà : arrivée sur le pas de sa porte, elle avait entendu des voix à l'intérieur. Deux voix d'homme. Et d'après les brides de conversation qu'elle avait entendu, il ne s'agissait pas d'une simple visite amicale. Abattue et attristée, la brune avait tourné les talons, persuadée qu'en plus de sauter sur la moindre fille un tant soit peu attirante, Tiago s'était mis à draguer les garçons.

Et cela faisait donc une heure qu'elle était seule dans la salle commune, une bière à la main. Tout le monde avait apparement mieux à faire, et personne ne s"était arrêté une minute pour lui tenir compagnie. Cela dit, les rares personnes qu'elle avait vu défiler n'étaient pas à proprement parler ses amis, et le regard noir qu'elle arborait n'encourageait sûrement pas à entamer la discussion. Elisha était en colère. Contre Tiago un peu, parce qu'après tout s'il n'existait pas, elle ne se sentirait pas aussi mal, et parce qu'un peu de mauvaise foi trainait toujours dans un coin de sa tête. Mais surtout contre elle même, pour avoir accepté une situation qui, elle le savait déjà, n'aurait jamais pu lui convenir. Elle se souvenait de ce qui l'avait poussée à dire oui : sur le moment, la brune s'était dit que c'était toujours mieux que rien, et qu'elle pourrait supporter de le voir traîner avec quelques autres filles. Enfin, traîner … Vous voyez ce qu'elle entendait par là.

Notre  Irlandaise avait plus que jamais besoin de se changer les idées, pour éviter de broyer du noir toute la soirée. D'un trait, elle finit son verre et se releva, prête à regagner sa chambre pour se changer, et aller noyer sa tristesse dans un de ses bars habituel. Mais en passant le seuil de la porte sans vraiment regarder où elle allait, elle percuta un autre Terraen de plein fouet, cognant sa tête contre la sienne. Elle gémit en se frottant le front :


Elle releva les yeux, et reconnu immédiatement l'air bagarreur et le crâne luisant de Senri, le Sensitif qui s'était cassé le pied sur sa porte. Après un départ assez houleux, elle avait finalement décidé qu'elle l'aimait plutôt bien. Après tout, c'était assez marrant de le voir se battre avec tout et n'importe quoi. Et une idée germa dans son esprit.

Parfait, Senri était libre ce soir. Ou du moins, il était curieux de savoir ce qu'Elisha avait à lui proposer. Elle se doutait bien que dit de but en blanc, ça paraîtrait vachement chelou. Mais la demoiselle n'avait jamais été connue pour sa subtilité, ni pour sa capacité à réfléchir avant de parler.


La brune fit un effort pour afficher un sourire avenant. Puis elle réalisa à quel point sa proposition pouvait être ambiguë. Elle s'empressa alors de rajouter :


Elle appréciait le Tonnerre, et puis, c'était toujours mieux que boire ses bières seule devant la télé. Encore fallait-il qu'il accepte.