Car j'ai vu l'oiseau voler
J'ai vu l'oiseau, je sais qu'il partait
Je l'ai entendu pleurer
Le bel oiseau que le vent chassait

Après toutes ses mésaventures, Pricie avait décidé de faire quelques photographies dans le parc. Elle prenait en photo les rides des arbres, les petites fleurs du chemin, les gouttes de rosée sur les toiles d'araignée, bien que dure, ses voyages dans son enfance lui avaient appris la beauté du monde.

Soudain elle vit un pigeon qu'un gamin de onze ans tenait en ses mains disant cruellement à un plus jeune : « Allez tu veux faire partie de de la bande oui ou non ? Coupe lui un peu la tête, je te promets qu'avec du scotch il ne mourra pas ! » Pricie était habituée à la cruauté mais non, non et non, elle ne pouvait pas laisser un innocent de plus mourir.

Elle arriva coude sur les cotes visiblement en colère.

« Et les mômes je vous dérange ! »

Le plus petit trembla, une odeur âcre et désagréable se fit sentir, il venait de faire pipi dans sa culotte. Dans un soupir las elle s'écria : « Va te laver toi ! » le petit garçon...de six ou sept ans fila en larmes sans demander son reste.

Le plus grand la fusillait du regard : « T'as tout gâché ! » Elle s'avança vers lui, se pencha un peu, juste un peu car elle n'était pas tellement plus vieille que lui. Et contre toute attente, le garçonnet se mit à pleurer, lâchant le pigeon qui s'envola vivement, terrifié vers le toit de l’institut. « La bande, la bande, je dois être leur chef ou je serai seul, je serai seul tu comprends ? »

Devant la détresse du gamin elle le serra contre elle un peu plus fort avec douceur et demanda : « C'est quoi ton prénom ? » « Mao. » hoqueta le garçonnet. « Tu veux...tu veux.. » Elle hésitait, elle, qui avait voulu porter la ceinture bombe qui a blessé plein de gens, elle, qui n'avait pas pu sauver son père se sacrifiant pour elle, avait-elle le droit de lui demander ça. Le gamin continuait de pleurer alors elle osa la voix un peu tremblante : « Mao, soyons amis, tu n'aura plus besoin de blesser qui que ce soit et si quelqu'un t'embête c'est moi qui le frapperai pas toi, tu veux bien ? » Le garçon explosa pour de bond en larmes réussissant juste à épeler un : « Pourquoi ? »  

Pricie ne savait pas la réponse à cette question, elle se sentait coupable de sympathiser avec ces monstres et en même temps ça la rendait si heureuse.

« Juste parce-que ! » lui dit-elle à l'oreille. Elle se décolla du câlin et sourit au gamin : « Allez arrête de pleurer ou je serai obligé de te sermonner ! »  s'exclama la jeune fille de treize ans.  Comme Papa faisait pensa t'elle, elle secoua vivement la tête pour s'empêcher à son tour de pleurer. « Va retrouver ton copain, il doit avoir eu très peur, le reste sois en sûre, tu pourras venir me voir autant que tu veux, tu n'es plus seul ! » Le gamin essuya ses larmes et lui sourit avant de courir dans la direction  où était allé le plus petit.

* Et je ne suis plus seule non plus, tant pis si ce sont des monstres ! * pensa la jeune demoiselle de treize petites années avec un bonheur que culpabilisant elle aurait aimée refouler mais qui réchauffait agréablement son cœur alors elle ne le pouvait pas.

« A présent, va consoler ton copain plus jeune, il a dû avoir peur et mal de se montrer si fragile aussi ! » s'exclama vivement Pricie.

« Oui mon amie...euh...mon amie ? » demanda le jeune garçon. « Pricie » répondit la petite fille de seulement deux ans de plus. Il répéta Pricie avec un grand sourire et fila.

La solitude pouvait faire mal, Pricie ne comprenait que trop bien ce sentiment.

Puis elle leva les yeux vers le toit, elle souffla pour calmer la tension que lui avait créé l'événement et monta les escaliers, elle ouvrit la porte du toit. Aussitôt une voix sèche demanda : « Qui est là ? »

Pricie déglutit, réunit son courage et s'approcha l'adulte qui avait les cheveux noirs et un visage si pâle que Pricie enleva et lui mit sa veste rouge sur les épaules avec douceur.

« Il ne faut pas que vous attrapiez froid, Monsieur !  » s'exclama t'elle dans un éclatant et rare sourire, si nouveau pour elle.

Elle regarda le pigeon avec une pointe d’inquiétude puis releva un regard de détresse à l'adulte : « Il ne va pas mourir, n'est-ce pas ? »

Elle avait remarqué le tatouage de l'homme, une croix à son cou. Comme pour se montrer forte, pas inquiète, pas faible elle ajouta cachant comme elle pouvait du haut de ses treize ans sa détresse : « Papa aussi en avait, pour ses « collègues » je crois. » Elle plia les jambes et mit sa tête sur ses genoux maussade avant d'ajouter avec courage et détermination se relevant et tendant la main à l'adulte : « Allez ! Il faut trouver quelqu'un pour soigner ce pigeon ! »  Elle sourit timidement, enfantinement malgré elle, ayant décidé de porter tout ça sur ses petites épaules de treize ans.

De seulement treize années.

« C’est cool. » dit l'homme aux cheveux noirs qui n'avait pas froid. Pourtant il faisait frais aujourd'hui, presque froid, mais peut-être que les monstres ont un super pouvoirs contre le froid. Pourtant, elle, elle frissonnait. Et elle faisait partie de cet institut à présent, elle était, même si elle ne l'admettait pas encore « comme eux ». Ou alors ce monstre là était particulier. Elle haussa les épaules en récupérant sa veste que l'adulte lui tendait. Elle l'enfila car elle, elle avait froid. Le pigeon était calme à présent, sa respiration n'était plus saccadée. Le monsieur l'avait annoncé. Il savait y faire avec les animaux !

« M’accompagner chez le véto si tu veux ? Moi c’est Samaël. »


« Samaël... » répéta-telle pour elle même. Elle regarda l'oiseau, une chouette sur son épaule. « Samaël, moi c'est Pricie ! » Elle prit une grande inspiration, dire oui c'était les trahir encore plus, mais elle finit par se décider réunissant tout son courage elle s'exclama : « Moi c'est Pricie et je vais t'accompagner chez le véto ! » Elle lui sourit triomphante de son « exploit », elle leur désobéissait sans arrêt en fréquentant les monstres ici. Elle devrait... Une boule se forma dans son ventre alors qu'elle quittait le toit.

« Samaël... » Comment dire sans dire ? Comment expliquer sans se mettre en danger ? Son papa voulait qu'elle soit heureuse à présent. Mais l'ombre des corbeaux planaient toujours au dessus de sa tête, menaçante face à sa trahison. « Ta chouette est jolie ! » lui sourit-elle. C'était trop dure, elle ne pouvait pas lui dire. Je me suis dégonflée pensait-elle avec amertume et un mélange de honte et de soulagement étrange.

Ils marchèrent un moment en silence, soudain le pigeon se débattit dans les mains de Samaël, Pricie s'affola. « Il a quoi ? Il a quoi ? » Elle ne tarda pas à avoir sa réponse un chat s'approchait d'eux en se léchant les babines. Pricie connaissait ce chat, il venait sûrement d'une portée clandestine, il était gentil avec elle, quand ça allait mal elle le retrouvait toujours au même endroit dans le parc près du plus grand chêne. Elle se demandait comment il mangeait, mais elle avait la réponse à présent.

Vive comme l'éclair, elle se mit entre  Samaël, le pigeon et le chat.

« Toudou ! Laisse ce pigeon tranquille ! C'est notre copain ! »

Le chat qui s'en fichait royalement  avança mais Pricie s'accroupit et voulut le caresser. Mais le chat mécontent qu'on se mette en travers de son estomac la griffa. Elle fronça les sourcils alors que la blessure saignait : «  Toudou tu n'es pas doux du tout en fait ! Laisse nous tranquille ! » s'exclama Pricie visiblement agacée.

Le chat la regarda surpris, c'était la première fois que la jeune fille haussait la voix pour le sermonner. Puis l'animal poussa comme un soupir. Et il s'enfuit sans demander son reste. Pricie fourra sa main dans sa poche grognant un : « C'est rien ! » même si le chat n'y était pas allé de main morte. Puis elle se releva et observa le paysage se rappelant brusquement qu'elle ne connaissait pas les lieux et était donc incapable de se repérer...

Elle se retourna vers  Samaël, le pigeon en ses mains regardait encore de tout coté. Saleté de Toudou pas doux du tout ! La chouette la dominait sur l'épaule du plus âgé, plus grand qu'elle également.

« Euh... Samaël, c'est par où à présent le véto ? » interrogea t'elle. Elle détestait demander de l'aide, mais ne connaissant pas le chemin, elle y était bien obligée.