Nouveaux pouvoirs. Nouvelle galère. Avec le stress, il se peut qu'Aria se soit remise à fumer plus fréquemment. Le fait d'avoir passé quasiment deux jours entiers invisible l'avait à la fois épuisée émotionnellement et physiquement ; pas très agréable lorsqu'un pouvoir physique est actif toute la journée, elle est comme drainée. Invisible aux yeux des autres… puis à son propre regard. Impossible de se regarder dans une glace. C'est quoi encore que cette magie ? Heureusement, en ce moment, ses rêves sont remplies de comédies musicales à la fois étranges et amusantes - et puis, il faut bien dire que chanter lui fait du bien. Si elle ne peut pas se voir, au moins, elle peut s'entendre.

La chanson incriminée, une cover jazzy d'Eminem, lui reste en tête tout le temps. C'est en chantonnant qu'elle essaie de se coiffer… Mais visiblement, c'est trop compliqué : puisqu'elle ne se voit pas, la frustration liée lui fait presque mettre le feu à sa brosse à cheveux quand elle essaie de les brosser, même sans miroir. Faut dire que c'est pas terrible. Dépitée, la rouquine emmène son matériel de coiffure (et sa petite trousse à maquillage, pourquoi pas) pour aller toquer chez Afya, mais elle n'est pas disponible, alors elle va frapper chez Houston, avec qui elle est presque voisine aussi. Elle aurait pu demander à Zola ou Katsuyo, mais le premier n'est vraiment pas bien en ce moment, et elle n'ose pas encore s'imposer à la seconde, comme elles ne se connaissent pas trop.

—Coucou Youyou ! C'est moi !! Enfin, Aria, du coup.

Oui, salut, elle dit ça, mais elle est encore invisible, du coup vaut mieux préciser. Elle clignote un peu avant de réapparaître… ET WOAH MAIS sa touffe fait peur, là, ça s'voit qu'elle s'est pas coiffée correctement pendant trois jours, là. Et elle a de sacrées cernes, en plus.
MAIS ELLE VA BIEN.

—Comment tu vas aujourd'hui...? J'ai, hm, un, léger problème ? rit-elle nerveusement. Oh, rien de grave, hein ! Tu veux bien m'aider avec mes cheveux ? Je suis tout le temps invisible, j'arrive à rien faire, et ça me rend complètement folle... Sauf si tu es occupé ?

Il a aussi l'air d'avoir un emploi du temps chargé depuis l'attentat, mais-... Lui aussi l'inquiète. Et il lui manque un peu...



HRP : Alors. Y a une deuxième version d'la musique que j'ai envie de joindre parce que juste. J'adore, j'la trouve trop trop cute- >> https://www.youtube.com/watch?v=tFjQhdGHYKQ
Voilà-

Jusqu'ici, la phase 7 a été la plus étrange.
J'ai toute une liste mots-clés sur pourquoi a l'air d'aller de travers, mais je sais même pas si j'arriverai à expliciter tout ce qui me préoccupe là dedans. La réunion Master, une catastrophe visiblement, qui a mené à la désertion de Mitsuki et à notre... Conversation téléphonique où elle m'a demandé de surveiller Ys, une demande que Zola m'a aussi faite ?! Le fait que je n'ai pas croisé le titan depuis qu'il est passé voyant, que j''esquive toujours Alice, et que j'ai croisé non moins que Lukas, un vrai plaisir de voir mon passé sous sa forme la plus physique revenir me hanter.

Les souvenirs remontent de plus en plus souvent, aussi. C'était déjà le cas, mais le manque d’interactions sociales positives aggrave la situation (du moins c'est comme ça que je le vois). Peut-être aussi le nombre de choses que je veux garder cachées et qui passent de moins en moins inaperçu (je sais que Zola m'a déjà vu pianoter sur Meta, même si là le titanisme rend les choses plus complexes). Il faudrait que je sois plus prudent mais... J'ai bientôt fini.

Je suis en train de fixer deux-trois bugs quand quelqu'un frappe à la porte. Euuuuh c'est tôt ça, même pour Zola. Je me lève et je suis plutôt surpris quand je vois Ariana, avec tout un tas d'outillages pour les cheveux, il me semble. Et putain mais la tête qu'elle tire- j'ai jamais vu Ariana aussi mal coiffée, aussi fatiguée et visiblement au bout de sa vie.

Elle me fait le coup de la fille enjouée, mais je sens qu'il y a un truc qui manque. Un pincement au cœur me rappelle Alice. Pourquoi est ce qu'elle fait semblant de sourire, si elle a pas envie ? Elle me demande si je peux l'aider à se coiffer, et je me pousse pour la laisser entrer, en lui montrant mes mains.

_ Bonjour Ariana, bien le bonjour, je n'y vois aucun inconvénient, mais tu n'as pas oublié qu'en ce moment, je suis titan pas vrai ? je dis avec un petit sourire ironique. Allez entre, on va voir ce que je peux faire... Juste pour savoir, à quel point tu tiens à tes brosses ?

C'est histoire de savoir, y'a rétrospectivement 0% de chance qu'ils s'en sortent tous intacts.

Sourire ironique ; Houston n'a pas l'air très motivé, dis donc. … Ah, c'est parce qu'il est titan, c'est pour ça. Ariana ouvre la bouche pour protester, mais elle se voit mal lui dire "ah finalement nan, je ressemblerai à rien aujourd'hui du coup !!".

—Oh, t'inquiète, les brosses ça se rachète ! Enfin, j'avoue que j'ai plus peur que tu m'arraches la tête, mais on va dire que j'ai confiance en toi- C'est juste, euh, 90% des gens ont envie de sauter par la fenêtre donc, lol, je sais pas chez qui aller là. Enfin du coup merciiiiiii t'es un amour !!

Elle lui donnera pas sa préférée avec les paillettes bleues et roses, par contre, faut pas abuser, elle a été trop difficile à trouver celle-là. L'ancienne rouquine entre en sautillant (et en clignotant — là, pas là, là, pas là-) et regarde autour d'elle, sourire aux lèvres, posant son attirail sur le sol pour commencer à fouiller dedans…

—Comment tu vas, du coup ?! T'as pas répondu !!

Elle a pas l'air ravie, mais curieusement je sens que c'est pas le moment de la renvoyer.
Y'a personne qui va bien en ce moment hein ? Elle me dit que les brosses ça se rachète et je ricane à sa remarque suivante.

_ Oh, tes cheveux partirons avant ta tête j'pense t'inquiète !

Elle a dit quelque chose à propos du monde ambiant qui va mal... Mais elle n'a pas l'air d'aller particulièrement mieux. Et elle fait semblant avec un rire et un sourire qui ne trompe personne, Ariana fait parti de ces gens que je ne comprends pas, peut-être parce que je ne souris pas assez souvent. Elle entre en imitant un phare de bagnole pété avant de poser son matos par terre et de me redemander si ça va. C'est vrai, j'ai pas répondu. Et je ne lui ai pas renvoyé la question. Je me laisse un instant emporté par le souvenir de ma conversation avec Alice et je grimace en tentant de garder les pieds sur terre.

_ Franchement bof. Mais t'as pas l'air dans un meilleur état, je dis simplement. Tu t'en sors ?

C'est ma manière de lui renvoyer la question, de lui dire que ça se voit, que c'est pas la peine d'user de faux semblants avec moi. Et ce n'est pas lui demander si "ça va" avec le risque qu'elle me mente.

Je pousse quelques affaires du pied pour lui montrer le tapis au pied de mon lit.

_ Tiens installe toi là. T'as des envies particulières ? je demande pour ses cheveux.


HRP : et parce que c'est mon tour de mettre une musique, voilà le thème de Houston en ce moment ~ https://youtu.be/BH8pv4Iht8g (ou du moins c'est celui que j'écoute en boucle pour lui sur ce rp xD)

Elle pourrait lâcher une larme virile si elle n'était pas aussi blasée. Aria se contente alors de grimacer :

—Non mais t'inquiète je me suis démêlé les cheveux normalement, ça devrait pas trop accrocher !… C'est juste que je sais plus ce qui est où, là, c'est gênant un peu-

Une fois son attirail sorti, elle laisse le soin à Houston de prendre ce qu'il veut dedans et l'écoute en s'installant sur le tapis, juste à ses pieds, en tailleur. Au moins, il est honnête, hein.

—Je veux bien une tresse si tu arrives, merci Youyou !! sourit-elle, avant de faire le papillon avec ses jambes. Oui je m'en sors, je suis plus sensitive donc tout baigne ! Enfin, si on excepte le fait que les miroirs n'existent plus dans mon monde, hein, hum.

Elle pourrait faire une liste du reste, mais franchement, ce serait pas forcément hyper amusant. Puis, même si elle se sent dépitée, elle ne se sent plus aussi mal que lors de la phase précédente. Elle fait la moue.

—Qu'est-ce qui va pas en ce moment ? Tu es quoi déjà en ce moment ? J'ai l'impression que t'es tout le temps en train de bosser…

C'est peut-être pas qu'une impression, cela dit. Elle songe avec amertume que les derniers événements ne favorisent pas la détente pour ceux qui s'occupent de la sécurité de Terrae.

Elle me dit qu'elle s'est déjà démêlée les cheveux et je me dis que c'est cool, parce que connaissant les nœuds que moi je me tape j'aurais pas osé forcé dessus en étant titan. C'est un coup à la tuer. Elle s'installe et me demande- une tresse ? Allons bon. Je suis même pas sûr de pouvoir lui faire une queue de cheval basique et elle veut que je lui fasse une tresse bah oui, évidemment. Je prends Meta discrètement -faudrait pas qu'elle se demande pourquoi j'ai accès à internet maintenant- et lance une recherche vocale pour "tresse". QUOI ?!

_ Tu me permettras de prendre un tuto hein, j'ai jamais fait... ça.

Déjà toucher les cheveux d'une meuf, hein. J'veux dire... Je fais rarement des gestes vers les autres du coup forcément. Je prends une grande inspiration pour essayer de me calmer au maximum, pas faire de conneries. Elle me dit qu'elle gère... Mais qu'en fait elle gère pas du tout hein, on est d'accords. Non parce que je commence à te connaître Ariana, faut qu'ils arrêtent tous de croire que je suis un crétin fini hein. Elle détourne la conversation vers moi et je hausse les épaules.

_ Je suis un peu plus chargé que d'habitude avec l'enquête, et Mitsuki qui vient plus au taff... Je. Je me suis un peu fritté avec elle j'crois ? Bref. En soit je gère, mais l'ambiance est à chier en salle des Masters c'est terrible. Enfin bon, elle a dit qu'elle daignerait se montrer lundi, on verra bien ce que ça donne.

Ce qui me permet de faire mes magouilles dans mon coin, cela dit.

_ Et toi, en quoi ça te dérange d'avoir un monde sans miroir ? Moi j'trouve ça plutôt cool, j'aurai plus besoin de voir ma sale tête, je ricane.

—Oh oui, t'inquiète, pas de problème !! C'est pas facile au début en plus !

Elle a la chance d'avoir eu une mère qui lui apprenait à se coiffer elle-même. Hm. Pas qu'elle lui en soit reconnaissante, mais il faut dire que c'est quand même utile de ne pas être godiche de tous ses dix doigts ! Elle ne remarque pas vraiment Houston sur son portable, et de toute manière, ça ne ferait pas tilt. Elle se contente de regarder sa chambre dénuée de décoration vraiment personnelle en parlant. Ses sourcils se froncent néanmoins à la mention de Mitsuki. Elle manque de l'interrompre mais elle se rend compte qu'il parlera sans doute plus en le laissant d'abord développer… Ses yeux se baissent vers le sol. Les Masters, oui… Tête vaguement baissée.

—Oui, mais toi t'es bizarre, réplique-t-elle sur un ton plus enjoué, avant de perdre son sourire pour répondre, quand même - abusons pas. C'est juste que c'est difficile de se rendre compte qu'on a des contentieux avec soi-même au point de plus réussir à croiser son propre regard quand on a la possibilité de l'éviter.

Elle se racle la gorge.

—Pourquoi tu t'es embrouillée avec Mitsuki ? C'est… j'ai cru comprendre que c'était tendu chez les Masters, ouais… Mais au point de te disputer avec elle ?

Est-ce que c'est à cause d'Ys ?

Je passe très délicatement une main dans ses cheveux, espérant que tout se passe bien. La sensation est... Étrange. Mais pas désagréable.
Globalement je gère le titanisme comme le reste : n'importe comment. Ça se déclenche un peu au petit bonheur de la chance, mais comme pour les visions j'ai remarqué que ça arrive souvent quand mon cerveau a l'air de le vouloir -quand je force un peu sur un truc, quand je cherche à faire un acte qui nécessite l'aide d'un peu plus de force ou d'une vision, au choix. J'ai failli me casser la gueule plusieurs fois en trottinant à cause de ça, du coup je joue à 200% la carte du faible pour que tout se passe en douceur.

Je commence à saisir un peigne pour le passer dans ses cheveux quand elle me répond. Ce qu'elle dit est... Compréhensible. J'ai aucune idée de comment marche l'invisibilité, mais je vois ce qu'elle veut dire. Même si j'ai du mal à comprendre pourquoi Ariana aurait autant de choses à se reprocher que ça...

_ Je crois qu'avoir des contentieux avec soi-même c'est la devise de la maison, je ricane. Qu'est ce qui te tracasse au point que tu n'as plus envie de voir ton visage ? J'veux dire, c'est conscient ou c'est ton autre toi qui cherche à t'envoyer un message ?

J'ai mis plusieurs années à apprendre que mon corps et mon esprits pouvaient se liguer contre ma logique et m'envoyer des signes quand je fais de la merde. Quand mes cheveux ont commencé à s'assombrir de nouveau je vous dis pas le bad.
C'est à son tour de poser une question, et je crois que cette partie de question-réponse me plaît. C'est plus sain que la plupart des discussions que j'ai eu dernièrement, c'est... Une confession pour une confession. C'est juste, équitable.

_ C'est... Elle m'a demandé de faire un truc, et je sais qu'elle l'aurait pas fait dans un état normal, alors je lui ai demandé pourquoi elle voulait que je le fasse et... Après je sais pas c'est parti en couilles, elle s'est excusée, ça m'a saoulé, j'ai essayé de lui faire comprendre que ça avancerait à rien de me demander un truc si c'était pour le regretter immédiatement après, et... Elle m'a juste fais comprendre que c'était pas mes affaire. Bref, je pensais qu'on était potes mais apparemment je suis juste un collègue, donc j'ai fermé ma gueule.

La fin était un peu sèche mais j'y peux rien, c'est encore très présent dans ma mémoire et ça le sera toujours en quelques sortes.

La petite Morphe en profite pour détailler un peu la chambre, très vide en comparaison de la sienne, de Houston. Enfin, vide, mis à part tous les trucs électroniques auxquels elle ne comprend pas grand-chose. Parfois, elle se demande comment ils peuvent être amis en étant si différents — après tout, il est très intelligent, et c'est pas avec elle qu'il peut avoir des discussions constructives, pense-t-elle — mais au fond, elle est contente de savoir que Terrae rapproche même les personnes qui, ailleurs, n'auraient probablement jamais été amis. La rouquine rougit et baisse les yeux face à ses questions.

—Je… Je sais pas trop. Je veux dire… Je suis Morphe, lâche-t-elle, comme un aveu. C'est pas comme être Invisible. Être Morphe, c'est se cacher derrière soi-même, pas s'effacer dans l'environnement. C'est. C'est s'effacer pour soi-même aussi, surtout, et être quelqu'un d'autre. Je crois qu'il fallait que j'en prenne conscience pour que ce soit moins compliqué.

Elle préfère poser une question que de continuer. Par la suite, elle comprendra sûrement qu'elle a le droit de ne pas répondre tout de suite, de prendre son temps. Qu'elle a le droit d'attendre. Question, réponse. Question, réponse à nouveau. Comme un échange artificiel, mais bien plus sincère que trop souvent avec eux. Ses sourcils se froncent. Elle secoue la tête, la bouche sèche. Au moins, dans un sens, elle est rassurée que ça ne soit pas à cause d'Ys… !

—Vu le comportement d'Ys en ce moment, ça ne m'étonne pas beaucoup qu'elle aille pas très… bien …? souffle Aria, rentrant inconsciemment sa tête dans ses épaules. Je pense pas qu'elle ait voulu te dire que vous êtes pas amis. Elle doit pas savoir comment gérer ce qu'elle t'a demandé, je suppose ? Tout le monde fonctionne pas sur un mode aussi réfléchi que toi. On fait des trucs, et on regrette… parfois dans la seconde, sourit-elle faiblement. Des mots, des actions. Des demandes, des questions. Bref, je suis sûre qu'elle tient à toi et qu'elle pensait pas à mal ?

Elle se mord la lèvre.

—Pourquoi ça t'a saoulé qu'elle regrette ?

Je fais tourner ses mots dans ma tête.
Et si c'est bon, je pense être à même de comprendre la base du morphisme, j'ai beacoup plus de mal avec les délires philosophico-mystiques. J'veux dire, je suis plutôt un matheux, et ouais je ressens bien les trucs d'habitude mais là j'ai l'impression que ça dépasse un peu mes compétences.

_ Alors je t'avoue, je comprends le fait d'être quelqu'un d'autre et que ça soit différent de juste se cacher mais je suis pas sûr... ? Genre, quand tu dis "s'effacer pour soi-même", tu parles de quoi ? Perso j'avais l'impression que... Bah tu peux difficilement être plus toi même que quand tu es morphe en fait. J'veux dire, changer de physique ça change pas qui tu es, au contraire ça doit le faire ressortir encore plus, parce que c'est le seul point de repère non ? Ou j'dis de la merde...

Je sens que je ne m'exprime pas vraiment comme je le voudrais, mais dans ma tête c'est très clair. Une personne capable de changer de physique ne peut pas être autre chose qu'elle même et d'une façon plus forte, plus brillante... Parce que si elle se transforme aussi en fonction de sa forme sans discontinuer, elle finit par devenir folle non ? Bon après vous me direz je suis voyant, donc rien à voir...

Ensuite elle évoque Ys, et ça me fait un peu serrer les dents. Pourquoi tout le monde semble aussi obsédé par ce débile profond... C'est comme si personne ne s'était attendu à ce qu'il dérape... Alors que bon on va pas se mentir c'est un professionnel des sorties de pistes. Puis Ariana cherche des excuses à ma très chère collègue, mettant l'appuie sur le fait que... Tout le monde ne pense pas de façon aussi... réfléchie que moi. Là encore, je ne sais pas pourquoi mais... Faire quelque chose et regretter juste après ? Je. Elle ferait mieux de dire que personne ne fonctionne comme moi, je pense qu'elle serait pas en tort.

Ariana est sûre qu'elle ne pensait pas à mal. Le problème avec Mitsuki, c'est que sous ses airs de Masters responsable, elle ne pense pas souvent à grand chose. Elle est instinctive, elle ne cache rien, elle s'ouvre et montre toujours tout. Elle est en colère ? Elle est joyeuse ? Impossible à rater. Alors quand elle vous fout un vent d'une telle force, difficile de penser qu'elle ne le pensait pas. Enfin vient une question. J'y réfléchis une seconde, puis encore une, et encore quelques unes... Avant de répondre.

_ Elle m'a demandé de pister Ys. Je- Techniquement c'est ma patronne, je peux pas lui refuser, même si c'est illégal. Et je suis le dernier ici à avoir le droit de faire ça, mais... C'est très dur pour moi de désobéir, et je pensais qu'elle le savait. Tout ça pour me dire deux secondes plus tard qu'elle regrette ? Je lui ai juste demandé pourquoi. Je lui ai juste demandé pour quoi j'allais risquer la taule, pourquoi elle voulait que je le fasse, et elle a même pas pris la peine de me répondre, elle s'est juste rétracté. Alors si ça me fait chier, c'est sûrement parce qu'avec ses demi-convictions, elle peut faire plus de dégâts que de bien.

Je respire en me rendant compte que mon ton s'est un peu durci pendant mon monologue.

_ Désolé, je veux pas m'énerver. C'est juste... Que je comprends pas comment elle peut me demander un truc aussi con et ne pas assumer derrière.

Et c'est égoïste, c'est purement égoïste. Parce que je fais pire de mon côté, mais au moins ça n'engage que moi. Mitsuki est Master, elle est appréciée de tout le monde, elle pourrait faire faire n'importe quoi à n'importe qui, voilà pourquoi ça m'énerve autant qu'elle veuille passer au dessus des règles pour une histoire de cœur. Elle vaut mieux que ça.

Comme très souvent, Houston est loin d'avoir tort. Cependant, Ariana, elle, ne le vivait pas comme ça. Au contraire. Il a sans doute mieux compris qu'elle comment elle aurait dû utiliser son pouvoir, plutôt que ce qu'elle faisait elle-même.

—Non, tu as raison. Mais… Je faisais pas ça, chuchote-t-elle presque, mal à l'aise. Je me fais pas assez confiance. Mais si je suis quelqu'un d'autre, je peux faire tout ce que j'arrive pas à faire en temps normal. C'est comme être un superhéros. On est mieux, parce qu'on n'est pas soi-même.

Un jour, pourtant, elle comprendra que derrière le masque, c'est toujours elle. Elle n'est pas plus forte parce qu'elle n'est pas elle, mais elle se sent plus forte parce qu'elle a confiance en ce personnage qu'elle se crée. Elle a confiance parce que c'est comme avoir confiance en quelqu'un d'autre.
Pourtant, ce n'est personne d'autre qu'elle-même. Elle le voit. Elle le comprend. Elle ne l'a pas encore intégré.

Ca viendra.

Malheureusement, la discussion dévie sur Ys, et Ariana arrête de triturer ses doigts. À dire vrai, elle s'arrête presque de respirer. Elle oublie presque le monde entier, et elle se souvient ; chaque mot qu'Ys lui a lâché, chaque regards, chaque intonation. Un frisson remonte le long de ses bras, elle serre presque les dents.

Ariana se reconnaît dans ce que Houston lui raconte, étrangement. Parce qu'elle en aurait été capable aussi.
Elle aurait été capable de lui dire "emmène-moi avec toi" et de lui tenir tête. Juste pour s'assurer qu'il ne fasse pas de mal, qu'il ne se fasse pas de mal.

Parce qu'il faut bien que quelqu'un le fasse.

—Tu as le droit d'être énervé, lâche sombrement Ariana, le regard fixé sur le sol, tête un peu baissée, voix étouffée. Ne te mets pas en danger, hein ? S'il te plaît ?

Elle a envie de ramener ses jambes contre sa poitrine, mais elle garde les mains posées l'une dans l'autre, avant-bras sur les cuisses, immobile pendant quelques secondes.

—Tu sais, quand quelqu'un qu'on aime part en vrille, je crois que c'est… normal de dire ou de faire des trucs qu'on assume pas. Parce qu'on veut une solution, et on est prêts à chercher n'importe quelle solution, même les plus bêtes.

Ariana se retourne vraiment vers Houston, cette fois ; peu importe pour la coiffure. Ses yeux ne cillent pas, mais elle arbore l'expression ambigüe des personnes souffrantes mais pas encore désespérées.

—Qu'est-ce que t'as peur qu'elle fasse comme dégâts ? Je comprends que la demande t'énerve, mais j'ai du mal à comprendre pourquoi c'est le fait qu'elle ne réponde pas qui t'embête, ajoute-t-elle, se tortillant une mèche de cheveux. Elle regrette peut-être de t'avoir mis en porte-à-faux ...?

Je sens que ma conclusion ne lui plaît pas tout à fait, et de toutes façons, qui suis-je donc pour lui donner des leçons de morphisme hein. Elle ne le ressens pas de la même manière et je hoche juste la tête par approbation.

_ J'avais pas pensé au truc des superhéros. Pas con n'empêche. D'un autre côté ça doit faire de toi une super actrice non ?

Pas que les super héros soient de bons acteurs, mais si tu peux ressembler à n'importe qui et que tu t'adaptes à ton physique... Tu peux être n'importe qui ? L'idée me paraît dangereuse, mais je ne suis pas Ariana, et elle n'est pas moi.

Elle semble se crisper quand j'évoque le cas de Ys. Tout le monde se crispe. Comme si le sujet était à prendre avec des pincettes...  Alors que tout le monde sait très bien ce qu'il a fait et ce qu'il s'est passé. Bon, sauf ceux qui doutent de la version de Terrae, mais c'est un peu con, les intentions du gars semblaient plutôt claires. Désolé si je ne suis pas sensible sur le sujet, j'en ai un peu rien à foutre depuis que je l'ai vu détruire sa baraque et se battre avec sa meuf en visions j'ai compris que ce type avait un problème.

Quand elle parle enfin, alors je passe doucement le peigne dans ses cheveux, c'est d'une voix qui me paraît... Lointaine. Elle me demande de ne pas me mettre en danger. Je ne réponds pas, c'est comme si j'avais pris un uppercut dans l'estomac. Mais je ne dis rien. Je ne peux rien dire pour la rassurer, parce que je me mets déjà en danger tout seul. Qu'il est déjà trop tard pour penser à tout ça.

Elle se tait à nouveau, j'en profite pour continuer mes coups de peigne avec précaution. Quand elle parle à nouveau... J'écoute. J'écoute et je suis à la fois d'accord, et à la fois mon corps et mon esprit se rebellent contre ce qu'elle dit. Je sais qu'elle a raison, mais... Non. Encore une fois, elle n'est pas moi. Je n'ai jamais eu d'autre choix que de me prendre la réalité en pleine face, toujours, tout le temps. Je fais parti de ces gens pour lesquels il n'existe qu'une seule réalité, qu'une seule face à une personne, qu'une seule histoire. Et si... Elle ou Zola devaient déconner, alors j'en serais conscient. Je n'hésiterais pas. Je serais de leur côté, très probablement, mais je le saurais.
Mais je sais qu'elle ne parle pas que de moi. Qu'elle ne parle pas que de Mitsuki. Il est évident qu'elle tient aussi à Ys. Ou qu'elle a vécu une situation similaire.

_ Je... Je suis pas sûr de pouvoir comprendre ça, je souffle.

Elle me surprend alors en se retournant.
Elle fixe ses yeux dans les miens. Je sens qu'elle non plus ne comprend pas. Je ne suis pas sûr de comprendre moi même. J'inspire doucement, grimaçant, essayant de faire de l'ordre dans mon esprit.

_ C'est sûr même qu'elle regrette. Elle arrête pas de s'excuser pour tout, en fait, mais elle se rend pas compte qu'elle est pas responsable. Enfin si, elle est responsable de son comportement envers les autres, et c'est ça qui fout une ambiance de merde. Parce que dès que tu lui demandes un truc, elle fait que ça, s'excuser. Comme si ça allait résoudre quelque chose. Comme si elle voulait avoir tout ça sur le dos. Déjà ça c'est chiant.

Mais malgré tout, il y a toujours cette gêne dans ma gorge. Comme si ça n'était pas tout le fond du problème.

_ Pour les dégâts, je te jure qu'elle pourrait inciter n'importe qui à faire n'importe quoi. T'imagines même pas le nombre de gens qui la suivraient si elle décidait de partir avec Ys.

Encore là, quelque chose de supplémentaire me fait hésiter. Il manque... Encore une chose. J'hésite à nouveau, je détourne le regard, plus aussi sûr de mes mots.

_ J'ai... Quand j'étais dans ma phase sensitive... Elle m'a aidé. Je lui ai dis des trucs... Je lui ai confié des trucs que j'avais jamais dis... à personne. Même pas ma psy. Elle m'a posé des questions et... J'ai juste... répondu. C'était il y a... Quelques semaines. A peine ? Je dis pas que j'aurais voulu qu'elle me déballe tout mais juste... Elle savait ce que ça voulait dire et... Elle me l'a quand même demandé à moi. C'est comme si... Elle avait... Directement utilisé ce que je lui avais dis... contre moi.

Comme le jour de ma dispute avec Alice. Voilà, ce qui me dérangeait.
Ceux qui en savent plus sur moi sont si puissants.

La rouquine plus vraiment rousse rougit violemment et manque de se cacher le visage avec les mains. Ca la gêne toujours de l'avouer, mais c'est aussi parce qu'elle arrive facilement à se mettre à fond dans ce qu'elle veut se représenter. C'est presque naturel, maintenant qu'elle est capable de changer de forme ; est-ce que ce serait lié à la magie du morphisme, qui impacterait son esprit ? Ou bien est-ce lié à elle plus spécifiquement, qui agit si instinctivement avec tout son environnement proche ?

—Ouiiii, mais c'est parce que je faisais du théâtre, avec l'église !! Puis, quand il s'agit de se tenir à carreau dans une communauté où tu peux pas te permettre d'être toi-même, je pense que ça aide aussi à donner une autre image de toi… finit-elle par répondre, rendue confuse par ses propres paroles.

C'est peut-être à cause de ça. Elle n'avait pas le droit de dire ce qu'elle voulait, d'être qui elle souhaitait. Pas comme ici. Et encore, pas comme ici — avec certains de ses amis. Elle se sentait toujours un peu obligée de se conformer à certaines images qu'elle pensait que les gens préferaient avoir d'elle. C'est confus, étrange, dérangeant ; mais elle s'y est faite, avec le temps. Il lui reste encore beaucoup de choses à déconstruire, aujourd'hui.

Bientôt, les deux amis discutent de Mitsuki, et aussi, à mi-mots, d'Ys. Elle arrive peu à prononcer son prénom, les événements de cette semaine sont encore trop présents dans son esprit — et pourtant, le pire n'est pas encore venu. Elle devrait en être reconnaissante, car elle n'aurait pas pu gérer la situation face à Houston. Elle aurait laissé échapper quelque chose qui l'inquiète réellement. Elle lui aurait peut-être même demandé quelque chose qu'il n'aurait pas apprécié.

Comme Mitsuki.

Lorsqu'elle se retourne, c'est pour le regarder dans les yeux. Elle aimerait réussir à mieux le comprendre par ce biais — comme elle aurait aimé comprendre Ys cette semaine. Comme elle aurait aimé être capable de lire autre chose que de la colère et de la haine dans ses yeux. Houston, c'est plus complexe encore. Alors elle acquiesce simplement en le laissant parler, et baisse finalement vite les yeux. Elle a l'impression de pouvoir connecter très fort avec ce que vit Mitsuki, et pourtant, elle ne partage sûrement qu'une infime part de son chagrin et de sa détresse.

Soudain, l'ancienne Morphe lève un regard paniqué vers Houston. Alors c'est ça, qui l'angoisse ? Ou bien… Oh. Non, c'est autre chose, plus personnel. Ariana a un regard très triste, elle serre un peu les dents. Puis acquiesce. Elle comprend. C'est pour ça que ça le dérangeait, sans doute.

—Oh non… C'est pas cool de sa part, j'suis désolée... Tu lui as dit que ça te plaisait pas, ce qu'elle a fait, ou elle s'en est rendue compte ? Je veux dire, elle a sûrement pas fait exprès, vu l'état dans lequel elle a l'air d'être, mais c'est important de lui expliquer. Même si elle s'en veut beaucoup, je veux dire. Surtout que, je la comprends : tout prendre sur ses épaules quand la situation nous échappe, c'est plus simple. Ca nous donne l'impression qu'on maîtrise la situation, même si c'est pas du tout le cas, et en même temps, ça nous amène à réagir de manière... Pas forcément adéquate. Mais peut-être qu'en lui disant que c'est pas sa faute, et que t'es son ami… Enfin… Ca la fera pas changer d'avis de toute façon, j'suis bête, pardon.

Ariana secoue la tête, elle s'embrouille toute seule, sans trop savoir ce qui gêne le plus Houston dans cette conversation. Ys, l'attitude de Mitsuki qui se morfond, s'excuse, risquerait de faire une bêtise... Quel est le problème, au fond, ici ?

Ce qu'elle retient, c'est que, même si elle a fait du mal à Houston, Mitsuki doit vraiment souffrir actuellement. Vraiment se sentir mal. Mais en même temps, on cohabite avec d'autres gens, ici, alors il faut faire attention à notre comportement vis à vis des autres, pas vrai…? Quelque part, lointainement, elle a l'impression de retrouver la même thématique que celle dans leur dispute, à Allen et elle. Elle ne faisait pas assez attention à ses émotions, même s'il en parlait peu… Elle n'était pas attentive. Alors, gonflant les joues, pour oublier ça, Ariana tend les bras :

—Tu veux un câlin, Youyou ?

Elle sait pas trop quoi dire pour le rassurer, mais elle veut le faire malgré tout. Elle ne veut simplement pas le forcer, comme souvent — elle a fini par comprendre qu'il n'aimait pas trop les contacts. Puis, il est titan !! Alors bon !! S'il serre tout fort, crac : plus d'Aria ! Elle attend un peu sa réponse, pour lui donner ou non son câlin (bien mérité).

—Je pense qu'elle a besoin de temps, même si ça excuse pas le comportement qu'elle a pu avoir envers toi. Ou le fait qu'elle ne t'en parle pas. Elle… Doit vraiment pas aller bien. Ys a craqué un boulon.

Les yeux un peu humides, mais à la fois de colère et de tristesse, Ariana ajoute en baissant la tête :

—Quand je l'ai vu, il voulait… (Elle s'arrête, pas sûre de savoir si elle doit évoquer cette rencontre.) Je veux dire. Je sais que… J'aurais été capable de faire ou de dire des choses qui ne me ressemblaient pas pour le ramener à la raison. Parce que c'est mon ami. Et pour Mitsuki, Ys, c'est… C'est…

C'est comme Allen pour elle. Une vague de tristesse infinie la balaie soudainement, et elle serre son petit poing, au point où elle peut sentir la chaleur de son pouvoir danser à son bout.

—Elle ferait tout. Et j'aimerais aussi les aider… Mais je ne sais pas si c'est possible. Parfois, il faut juste prendre de la distance, quand ça nous fait mal comme ça. C'est plus… Sage.

Et pourtant, au fond d'elle, elle n'a pas encore renoncé. Peut-être que Houston non plus.

HRP : Octobre. O C T O B R E. La honte sur moi là. La honte sur toute ma famille sur trois générations en fait- désolée du retard T^T



La façon dont Ariana parle de là où elle était avant est un peu sarcastique, et je me reconnais assez là dedans. Même si je réponds plutôt en hochant la tête qu'en commentant ; je n'ai jamais vécu en communauté, je ne sais pas ce que ça fait de devoir cacher quelque chose -d'autant plus se cacher soit. Bon je me cachais aussi, mais dans mon cas c'était littéralement. Et le fait de ne pas avoir cotoyé les "autres" a empêché un moi d'exister donc... Oui donc comme je le disais, pas du tout le même problème ni les mêmes effets, mais dans les deux cas on a pas trop kiffé tous les deux vu qu'au final on se retrouve là.

Quand je déballe enfin les mots qui restaient coincés dans ma gorge, Ariana écoute, et elle n'essaye pas d'expliquer d'abord, elle comprend. Même si elle n'approuve pas ma façon de réagir au moins elle comprend pourquoi ça m'a... Blessé ? Elle énumère ensuite tout un tas de possibilités, des raisons de son comportement. Elle en a plus que je n'en ai listé dans ma tête, mais elle est aussi plus douée pour comprendre les autres. C'est confus, emmêlé, mais la voir moins sûre me rassure. Comme si je n'étais pas le seul à ne pas avoir toutes les réponses.
Elle me propose de lui expliquer. Je laisse échapper un souffle narquois.

_ J'ai été clair mais je suis pas sûr d'avoir été très délicat. Quoique, ce que je considère comme clair l'est pas forcément pour tout le monde je suppose, je soupire et passe ma main qui ne tient pas la brosse à l'arrière de ma tête. Elle doit revenir travailler lundi. Je vais pas la forcer à me parler -quoique- mais je vais essayer de... Lui expliquer ce que ça voulait dire pour moi.

Et là, Ariana me tend les bras et me demande si je veux un câlin. Mon cerveau se rebelle un instant contre l'idée, révulsé des contacts après les événements de ces derniers mois, mais une partie de mon corps se rappelle... De ce que ça fait. Du relâchement après quelques secondes un peu bizarres. Cela dit j'ai pas très envie de l'admettre, alors je m'apprête à refu-

_ Oui.

Oh et puis merde hein.
C'est à mon tour d'ouvrir les bras -je suis titan hein je veux pas prendre le risque de lui faire mal- et d'attendre le réconfort après les quelques secondes étranges de malaise. Elle tente aussi d'apporter des paroles réconfortantes et je les prend même si, à nouveau, je ne suis pas tout à fait d'accord. Ys n'a pas "craqué un boulon" ou je ne sais quoi. Parce que craquer un boulon c'est pour les gens qui n'ont pas d'antécédents, pour les événements exceptionnels, pour ceux qui n'ont pas déjà rasé leur maison ou menacé l'amour de leur vie avec une arme. Mais je tais ces choses là, parce que ce n'est pas ce qu'elle a besoin d'entendre.

Quand on se sépare, je sens qu'elle est sur le point de pleurer et je ne comprends pas trop pourquoi, mais elle se met à parler d'Ys. De la dernière fois qu'elle l'a vu. Elle semble hésitante alors je tends l'oreille, parce que ce sont dans les confidences arrachées que sont les vérités. Elle me dit que Ys est son ami, ce qu'elle aurait fait pour lui. Ce que Mitsuki était prête à faire. Mon cœur se serre dans ma poitrine, parce que je reconnais ça, cette loyauté. Envers et contre tout, même pour les pires ordures.

Je tends une main hésitante pour la poser sans pression sur son bras.

_ Ma psy m'a dit qu'un ami n'était pas censé te faire du mal. Et que... Enfin on est aussi des individus, on a nos propres limites et nos propres idéaux, un ami ne doit pas tester ou forcer tes limites.

Mon ton est assuré parce que je ne fais que répéter. Répéter encore ce qu'on m'a dit.

_ Je... J'essaye de l'appliquer, et c'est pas facile parce que j'ai été... Ami avec pleins de mauvaises personnes avant. Qui ont fait du mal. Qui m'ont fait du mal. Et que j'ai jamais lâché, jamais. Dire non à Mitsuki pour moi c'était un peu... Comme l'épreuve du feu ? Mais je crois que... C'est peut-être juste pour me rassurer mais je me dis qu'en lui disant non je l'ai aussi aidé elle ?

Je me perds encore.

_ Ce que je veux dire c'est que... Si Ys est ton ami, ça ne veut pas dire que tu dois tout lui céder. Même si tu l'adores, il n'a pas le droit d'utiliser ça ou d'ignorer ça pour te faire faire ou dire des choses que tu ne veux pas. C'est... C'est pareil pour Mitsuki, elle est quelqu'un avant d'être un lien. Je dis pas que c'est facile, je dis juste que c'est pas normal que tout le monde décharge sa haine sur les autres. Au lieu de -bah tu sais, faire comme on devrait faire ici- se soutenir.

Je pensais pas un jour dans ma vie tenir un discours aussi censé sur une cause sociale, encore moins sur l'amitié. Je fais genre j'y comprends quelque chose, mais peut-être que depuis le début je ne peux rien faire rentrer sans une bonne démonstration...
On dirait que j'avance, pour une fois.

HRP : Meuf tkt j'suis aussi en retard sur mille trucs mdrrr. Puis pour ta défense, on avait speed et on est encore partis dans des pavés, voilà.


Houston n'est jamais vraiment délicat, alors ça va, se dit Ariana avec un demi sourire. Alors elle acquiesce, et sourit plus fort lorsqu'il accepte son câlin. Tout doucement, elle se retourne et se retient de se jeter dans ses bras pour lui faire un gros câlin. Elle ne serre pas trop pour ne pas le déranger, mais elle le tient fermement contre elle, comme si elle espérait pouvoir lui transmettre que tout irait bien par ce seul geste. En fait, elle se rend compte que c'est ce qu'elle aimerait qu'on lui dise à elle.

Parler d'Ys la perturbe, elle se sent chamboulée et son ventre se tord. Elle aimerait pouvoir lui dire plus, mais en même temps, elle se sent mal à l'aise à l'idée d'annoncer à Houston que le garçon le plus gentil de la terre a failli se battre avec lui...

La main de Houston sur son bras est à la fois pesante et légère, étrange. Elle déglutit. Sa psychologue a bien raison. Devant sa confidence, elle pose sa main sur la sienne, tout doucement.

—Tu as été courageux de dire non, sourit Ariana, un peu faiblement. Et je crois que je comprends ce que tu veux dire. Parfois, en disant non, on se protège et on protège les autres... C'est ça ?

Elle déglutit. Elle ne doit pas tout lui céder, hein...

—Je pense que tu as fait ce qu'il fallait. Puis si quelqu'un devrait surveiller Ys, c'est pas... C'est pas à toi de le faire, c'est aux Masters.

Comme beaucoup de choses. Elle serre doucement la main de Houston dans la sienne, comme si ce contact était une bouée. Cette question de la haine, de la colère, elle le comprend. Elle s'en est insurgée après ce qu'ont vécu Houston et Alice, s'en est insurgée après avoir vu comment certains utilisaient leurs nouveaux pouvoirs à mauvais escient. Et Ys... Sa main vient se poser sur son visage, comme pour se rafraichir. Elle a l'impression que son cerveau turbine, se repasse les scènes de l'altercation entre Zola et Ys. "Aki n'était rien d'autre qu'un obstacle. Il m'a gêné. Et lui aussi."

—Moi aussi j'aimerais que tout le monde s'entende.

"Et tout ton monde va s'écrouler, Aria."

Elle retire sa main, contrariée par les échos dans sa tête. Elle inspire.

—Tu es au courant de ce qu'il s'est passé entre Ys et Akihiko, hein ?

Dur de ne pas en avoir entendu parler. Mais il y a autant de versions que de Terraens, alors...