Je sais plus trop où donner de la tête.
L'ambiance s'est à peine détendue depuis le jugement de Ys, je bosse en parallèle sur ma vengeance, l'enquête sur le groupuscule anti-terraen et la surveillance classique, autant dire que ça fait longtemps que je n'ai pas été aussi occupé. Depuis mon arrivée ici, en fait. Est ce que je m'en plains ? Certainement pas, j'aime le travail, c'est même ce que je préfère, être occupé. Ça ne fait pas toujours remonter de super souvenirs, certes, mais ça a le mérite de m'occuper l'esprit autrement que la cuite de trois jours d'affilé que je me suis pris après le concert -on en parle du fait que j'ai encore dormi avec Zola ? Ouais non, on ignore, encore.

Alors je passe un peu plus de temps à me balader dans les couloirs, à esquiver certaines personnes (Ys par exemple, parce que je sais qu'il sait que je travaille sur l'enquête et que je le surveille tout particulièrement) et à en chercher d'autres (mais bon sang où est Athéna quand on a besoin d'elle ?! Je sais qu'elle court -lol- de partout, mais je dois lui transférer les élèves volontaires pour des réparations), si bien que je regarde plus vraiment où je vais. Et une voix m’interpelle, encore une.

Je me retourne, prêt à lancer un "quoi ?!" pas du tout sympathique, puis mes yeux viennent rencontrer ceux de mon interlocuteur. Qu'est ce- Que- Je- Je me fige comme une dinde devant les phares d'une bagnole.
J'ai en face de moi Lukas Kozakov. Je n'avais pas fait attention à la voix, étant bien plus habitué à entendre celle de son père et de son grand père que la sienne. Il est là, debout devant moi, dans le couloir de Terrae. Merde. Merde, putain. Je suis incapable de détacher mes yeux de lui. J'arrive pas à y croire. Des images défilent dans ma tête, je lutte pour ne pas être embarqué par un souvenir. Merde. Pourquoi est ce qu'il est ici ?! Non ta gueule, tu sais exactement pourquoi il est là, ou du moins tu t'en doutes.

Je percute seulement après quelques secondes qu'il m'a posé une question.
J'essaye de reprendre mes esprits, regarder ailleurs, perdu.
Le chemin vers le hall principal, le chemin vers le hall principal-

_ Euh ouais, tu va tout droit puis tu prends à droite, l'escalier qui monte et tu y es.

J'ai parlé super vite.
Pas du tout naturel. Je m'apprête à me jeter dans la suite du couloir, fuir la situation, mais mon corps refuse de bouger. Alors je reste planté là quelques instants, avant de trouver quelque chose d'intelligent à dire.

_ Je- Je peux t'accompagner. Tu cherches quoi exactement ? T'es... T'es arrivé récemment ?

Bordel mais pourquoi je fais ça ? Je sais pourquoi.
Ma vie vient de prendre un nouveau tournant. Yes, j'adore.

 

Je me fige à nouveau au moment où il prend sa décision.
J'ai envie qu'il dise oui. J'ai envie qu'il refuse. Le retour de la pensée quantique, bonjour, ça faisait longtemps, vas y installe toi tu veux du café ? Et il accepte. J'arrête de me demander pourquoi j'ai putain de fais ça et je m'approche de lui en essayant de prendre une posture un peu plus décontractée. Difficile quand mon corps m'ordonne de fuir en courant. MAIS EH- Ça fait combien de temps que je suis ici au juste ? Pourquoi je suis même pas foutu de me comporter correctement face à un nouvel arrivant ? C'est simple, suffit juste de pas être trop moi quoi.

Et je dois pas être bien discret en plus, parce que c'est lui qui finit par me regarder avant de me demander s'il y a un problème avec sa gueule. Si on se connaît ? "Oh pas vraiment, je suis juste celui qui a détruit ta vie allez salut, déso !" Il me donne des options pour m'en sortir, et je peux juste pas m'empêcher de détailler sa tête de haut en bas, la couleur de ses yeux, de sa peau, constater qu'il a pas mal changé depuis les dernières photos que j'ai vu de lui. Je laisse encore un temps passer, quand il me demande si je suis new-yorkais. Je connais New York dans ses moindres recoins, c'était une des villes les plus actives, tout le temps, c'était un gros bout de mon enfer personnel. Mais je vivais pas là bas. Ma ville, c'était Chicago. Aussi improbable qu'inintéressant. J'ai préféré Atlanta. C'était la meilleure ville pour ne faire "que passer".

Je me rends compte que ça fait trop longtemps que je garde le silence.

_ Euh non, je suis pas ne-yorkais, trop grande ville. Tu viens de là ?

Lol bah oui t'arrête de poser des questions dont tu connais déjà les réponses ?! J'arrête de le regarder dans les yeux pour commencer à me diriger vers le hall.

_ Et t'inquiète, tu ressembles juste beaucoup à... Un cousin.

Il est blond, sculpté mais fin, mais la ressemblance avec Wassily s'arrête là. M'enfin c'est toujours mieux que de lui dire. Je lui fais un geste de la main en espérant qu'il ne relèvera pas mon ton évasif.

_ C'est par là, je dis, me rappelant qu'il vient d'arriver. T'inquiète c'est grand, mais on finit par s'habituer. T'as déjà rencontré ton préfet ?

C'est ça, balançons des banalités pour esquiver. C'est ma spécialité de toutes façons...