"Très bien", est-ce seulement assez ? J'ai bien peur que ce soit le genre de commentaire que l'on donne aussi facilement qu'un "oui" à un "ça va ?". On dirait simplement l'encouragement qui ne sert qu'à faire comprendre "continue et tais-toi". Après tout, elle ne m'a pas dit d'arrêter, alors je n'ai pas de raison de relâcher l'emprise. Je la maintiens comme l'on s'accroche à une échelle, solidement pour ne pas glisser et prudemment pour ne pas tomber. Lâcher maintenant, ce serait gâcher les efforts que j'ai accumulés jusque là pour parvenir à un niveau plus ou moins correct.

Mais j'ignorais combien de temps mon corps me permettrait de tenir. Je ne suis pas une experte, je le sais bien, doser ce n'est pas encore ma plus belle qualité en matière de magie. Mon niveau n'est même pas assez avancé pour pouvoir prétendre à la moindre "belle qualité" en vérité, mais peut-être qu'un jour ça viendra, en attendant, je dois perfectionner. Ce qui est bien, avec cette manière de faire, c'est qu'elle ne m'épuise pas vraiment. J'ai l'impression de trottiner, au niveau cardiaque, mais ma concentration fait que mon mental commence à prendre un coup. Je vois venir d'ici la migraine.

J'étais encore sereine lorsque je sentis mon fil se déplacer le long du bras d'Hideko, remontant sans que je ne lui ai ordonné quoi que ce soit. Ce n'était pas mon ordre ! Les mots qui sortent de la bouche de la principale me mettent sur la piste de ce qu'il vient de se passer. Elle veut que je fasse plus ? Mais je pensais devoir le contrôler avant de m'entraîner âme perdue dans des excès que je ne connais pas. N'est-ce pas tout le contraire de ce qui doit être fait ? Enfin ... j'imagine que je ne sais pas. Son discours est vraiment étrange, comme s'il était fait pour me plaire.

Je me gèle un instant, la regardant avec un air effaré, si confus que j'en oublie les fils que je venais d'accrocher. Mon contrôle s'embrouille et j'ai l'impression d'être pendue à une corde, faisant tout mon possible pour ne pas la lâcher tandis que mes mains, frottant contre le chanvre, me font glisser vers le bas. Dans un dernier effort de concentration, j'essaye de me focaliser à nouveau sur mon énergie ... inutile, j'ai perdu le fil. J'essuie la goutte singulière de sueur qui coule sur ma tempe et je me redresse, jetant des regards incertains à ma tutrice.

- Durant l'éclipse, il y a un type bizarre qui m'a accosté. Bruns, cheveux longs, qui puait le renfermé. Il était affecté à la sécurité informatique de Terrae, ou je ne sais quoi, je ne me souviens pas vraiment. expliquai-je. Ce dont je me souviens très clairement, c'est que mon statut de "gosse de riche" le dérangeait. Il devait certainement être bien trop focalisé là-dessus pour que je puisse le faire m'apprécier ... de toute manière, il avait l'air d'être un sacré con.

J'ai oublié son nom, chose rare, pour moi. En fait, j'ignore carrément s'il me l'a seulement présenté. Pourtant, on aurait cru que j'aurais voulu me souvenir du nom du type qui gère les caméras des alentours. Mais non. Je crois que je préfère l'oublier.

- Vous vous êtes tous conciliés pour me prendre pour une psychopathe mégalomane manipulatrice, ou est-ce que c'est juste quelque chose que je renvoie naturellement ?

C'était à peine une fausse question. Je ne savais pas si j'étais blessé parce que l'on avait vu au travers de mon jeu aussi facilement, ou bien si c'était parce que c'est tout ce que j'étais pour eux. Je me fous de jouer au diable, ou à son avocate, je me fous que l'on me prenne pour une connasse égocentrique, c'est ce que moi je suis et je ne compte pas changer pour qui que ce soit. Mais est-ce que ça doit vraiment me condamner à ce que je sois toujours résumée à ça ? Une connasse égocentrique et manipulatrice ?

Je suis flegmatique, les émotions ne se lisent pas sur mon visage quand je suis sérieuse. Pourtant, là, je suis énervée. Drôle de calme, pas vrai ? Mon père l'appelait l'eau qui dort, ou la pokerface. Moi j'appelle juste ça être vénère.

Alors, j'obéis, je ne me retiens pas, brusquement j'accroche mes fils à ses genoux et je les tire vers le bas aussi fort que je le peux. Je n'essaye même pas de la jouer fine en y ajoutant un peu de retenue. Laisser la magie s'exprimer, en fin de compte, j'imagine que ça doit rester la véritable voie à suivre. Alors je tire, sans retenue, sans finesse et aussi violemment que si je foutais une gifle à un porc qui avait dit le mot de trop. Mon souffle se coupe, un instant et instantanément j'ai l'impression d'avoir parcouru une pointe de plusieurs centaines de mètres.

Et s'ensuit la logique ; je me sens stupide. Je me sens toujours stupide lorsque mes émotions étouffent ma raison. Parce que là, à l'instant, je venais d'essayer d'agresser la directrice, n'était-ce pas un motif de renvoi ? Peut-être ... et merde. T'es vraiment une idiote quand tu fais pas gaffe, Mira.

- ... pardon.

J'ai intérêt à me calmer. Déjà que je me sens mal d'avoir été aussi violente ... attends, je me sens mal ?

Le visage de Mira en face de moi changea et je fronçai à peine perceptiblement les sourcils, me demandant bien ce qui avait provoqué cette réaction. Je la fixais un instant, avant qu'elle ne reprenne la parole pour évoquer Houston qu'elle avait rencontré lors de l'Eclipse. Houston qui n'avait en effet pas un avis très positif sur Mira. Parce qu'elle baignait dans des domaines qui ne lui plaisait pas. Parce qu'elle représentait un danger. Parce qu'il considère que tout danger doit être contrôlé avant qu'il ne soit trop tard.

Plutôt que compris.

Ses fils se déplacèrent sur mon corps et abandonnèrent immédiatement ma main, mon poignet et mon bras. Son visage se ferma brusquement, et ses traits se durcirent tandis qu'elle m'envoyait au visage la question qui lui brûlait les lèvres, question où, finalement, il n'y avait pas de véritable bonne réponse.

Alors que son contrôle s'emparait de mes genoux, mon instinct prit assez rapidement le dessus et, par précaution, ma barrière de Master se réactiva, empêchant la belle brune d'aller au bout de son geste alors qu'elle baissait la main pour me faire flancher.

Un mince sourire triste étira mes lèvres. Mes yeux reprirent leur teinte habituelle alors que je posais sur elle un regard compatissant ; précisément le genre de regard qu'elle ne devait vraiment pas aimer croiser.

Ses excuses me firent hausser discrètement une épaule, et je secouai délicatement la tête en signe de négation.

-Tu n'as pas à t'excuser.

Je me passais une main dans les cheveux, réajustant ma queue haute.

-Il n'est pas rare que notre statut ou notre origine nous définissent souvent rapidement aux yeux des autres. Ca ne veut pas dire que cette façon de voir les choses est correcte. Elle est juste facile et rapide.

Je lui offris cette fois-ci un sourire plus doux.

-Je n'ai pas fait ça parce que j'estimais que tu étais une psychopathe mégalomane manipulatrice. Après avoir été déjà jugée trop vite, après l'avoir déjà fait trop vite aussi par le passé, j'ai retenu qu'il ne fallait souvent pas précipiter les choses et attendre d'avoir toutes les clés en main pour se faire un avis sur une personne. Même si la première véritable rencontre avec cette personne la fait peut-être passer pour une personne prétentieuse qui pense que ne pas respecter les règles et sortir de Terrae pour revenir avec une bonne bouteille de vin est une bonne idée, la taquinai-je.

Mira était un personnage singulier. Je n'avais pas encore toutes les clés en main pour la comprendre complètement, et je lui accordais peut-être ma confiance trop facilement, trop vite, selon les paroles de Houston, mais selon moi, elle avait toute sa place ici. Parce que lorsqu'on cède à la colère, lorsqu'on agit sans prendre le temps de réfléchir, c'est parfois parce qu'on est encore perdu et qu'on a besoin d'être épaulé. Rien qu'un peu.

-J'ai simplement fait ça pour t'aider à étendre ton contrôle, et te pousser au maximum. Nous sommes ici pour t'entraîner à contrôler tes pouvoirs, et il se trouve que l'un de ces pouvoirs est celui du marionnettiste. Le pouvoir qui donne à quiconque le possède le visage du manipulateur par excellence. Alors pour échapper à ce stéréotype, il faut bien apprendre à le contrôler.

La lueur d'empathie dans le regard qu'elle m'envoie, dont elle a conscience autant de la présence que des résultats, n'accentue que ma légère gêne, passée malaise. Ce genre d'oeillades, je ne les ai jamais tolérées que de la part d'une seule personne, maintenant que je les retrouve, j'ai l'impression de regarder en arrière et de retomber dans des travers d'aisance qui me feraient rester une enfant. Ce n'est pas ainsi que cela doit être, il faut que je demeure forte de par ma propre initiative, toute l'aide que l'on pourrait m'apporter au plan émotionnel doit être négligé. Je n'ai pas besoin de cette compassion.

La phrase qui s'ensuit ressemble à l'avertissement que j'ai entendu tant de fois par le passé. "Ce que nous sommes nous condamne", c'étaient les mots de ma mère lorsqu'elle n'arrivait pas à cacher l'angoisse d'une vie avec mon père. Quand j'étais enfant, j'écoutais sans comprendre. Une fois adulte, j'écoutais en la traitant mentalement de faible. Elle n'était pas mon père, elle était plus douce, bien moins radicale et destinée à tout sauf à une vie criminelle. Pourtant, elle est restée. Elle devait savoir que s'en aller, c'était m'abandonner, et m'emmener, c'était se condamner.

Hideko a l'air d'essayer de justifier son comportement, sortant une tirade comme quoi le jugement est malsain. Tout le monde juge, ne serait-ce qu'un peu, c'est ce qui nous fait survivre, c'est ce qui nous rend humain, car l'humain est naturellement imparfait et il est de notre devoir utopique d'un jour toucher la perfection du doigt ... encore un argument tiré de la Bible.

Je ravale la façade sérieuse en passant une main dans mes cheveux attachés, avant de soupirer en un sourire bien plus assuré.

- Peut-être que le stéréotype me convient bien, alors. Vous ne devriez pas tomber pour mes numéros, madame. Et il s'agissait de deux bouteilles, qui n'étaient pas seulement bonnes, mais plutôt excellentes !

Aucune idée de si l'image que je renvoyais était crédible, mais à l'intérieur, moi-même je n'y croyais pas une seule seconde. Tout ce qui comptait c'était la distance, qu'importe la gêne qui l'accompagne, l'essentiel est de rester seule. Comment s'élever au-delà du reste si l'on fait route à deux ? Il n'y a jamais deux sièges sur un trône et je ne compte pas gravir jusqu'aux hauts des cimes pour devoir jouer de l'accoudoir avec la concurrence. La directrice était celle placée sur cette chaise, pour le moment. J'ai besoin d'apprendre, et j'ai besoin que ça vienne de la meilleure. Je ne cherche pas la compagnie d'une mère substitutive, je ne cherche pas de l'affection. Je ne recherche que du pouvoir. Toujours garder ça en tête.

Pfah ... je sais que c'est faux. Ma réaction de plus tôt m'a prouvé deux choses, la première que j'étais encore bien trop faible, la deuxième ... que je suis plus vulnérable que je ne le pense.

- Et donc ? Quelle est la différence entre bien le contrôler et mal le contrôler ?

Parce que j'ai deux manières de l'interpréter, soit l'on est incompétents dans la discipline, soit on l'utilise à de mauvais usages. Mais qui sommes-nous pour distinguer le bien du mal, etc ... le manichéisme n'est que de la rationalisation, de toute manière, un moyen d'écarter les âmes naïves du droit chemin. Je suis loin d'être une idiote, alors pourquoi est-ce que je suis en train de douter de mes propres pensées ?

Malgré la lueur que je voyais briller dans le regard de Mira, elle ne tarda pas à retrouver sa posture assurée et je ne pus qu'en être satisfaite (et quelque part rassurée). Son sourire m'en tira un, qui se fit plus amusé quand elle affirma que ces bouteilles n'étaient pas simplement bonnes, mais excellentes. Je haussai gentiment une épaule, signifiant que je ne les avais "malheureusement" pas goûtées.

Lorsqu'elle me demanda quelle était la différence entre bien et mal le contrôler, j'eus une seconde de réflexion, en profitant pour aller chercher ma bouteille d'eau et en boire quelques longues gorgées. Dans un léger soupir de contentement, je refermai la bouteille, posant à nouveau mes yeux sur la jeune brune.

-Il y a deux réponses possibles à cette question.

Mais je pense que tu es suffisamment intelligente pour le savoir. Pour changer. J'imagine que beaucoup de ces questions sont souvent des tests. Connaître l'autre pour avoir le dessus...

-Être capable d'utiliser correctement ses pouvoirs, et les maîtriser. Certains mettent du temps, n'y arrivent pas.

Je marquai une pause, reposai ma bouteille d'eau à côté de mon sac. Mon regard se perdit un instant sur l'arbre qui trônait face à l'une des fenêtres de la pièce.

-Et évidemment, l'utilisation qu'on en fera. Mais je ne suis pas seule juge, ni même personne pour juger tout court à vrai dire. Son utilisation dépend de celui qui détient le pouvoir. De son passé. De son ambition. De ce qu'il cherche à accomplir. Je n'aime pas condamner un acte à l'aveugle sans avoir au préalable cherché à comprendre pourquoi la personne responsable a décidé d'agir ainsi.

Je reposai mon regard vers Mira, un léger sourire revenant étirer mes lèvres.

-Pour le moment, ma simple mission est de t'aider à l'utiliser correctement, c'est à dire à le maîtriser au moins en tant qu'outils. L'utilisation finale que tu en feras dépendra de toi.

Je croisai mes doigts, paume à l'envers pour tendre mes mains devant moi en guise d'étirement.

-Tu veux continuer l'entraînement encore un peu, ou nous programmons notre prochaine séance ?

Comme un calque à mes propres pensées, les explications d'Hideko reflètent les théories que j'avais en tête quant à l'existence du "bon usage" de ces dons. La transparence dont elle fait preuve m'arrache un sourire aussi désabusé qu'amusé, à ce point de confiance, je ne sais pas si cette directrice ne doute pas d'elle pour un sou, ou si elle est aussi naïve que les élèves qu'elle héberge. Elle doit forcément savoir pour mon ambition, pour mon caractère, mes états d'âme, sinon, j'ai l'impression qu'assouvir mes envies ici serait bien plus facile qu'il n'y paraîtrait.

De ce que j'ai compris, les supérieurs et superviseurs de l'établissement ne tremblent même pas du sourcil face à la magie que l'on utilise sur eux. Cependant, une balle dans le crâne n'a rien de fantaisiste, c'est du plomb pur et dur, aussi dur que la réalité qui m'a fait prendre conscience qu'un soupçon d'onirisme dans une cruelle vérité n'est rien d'autre qu'un sucre fondu dans du poison. Le goût de douceur renvoie sans cesse à l'âpreté qui coule dans la gorge.

Le problème avec ce plan ... cette fantaisie, d'utiliser une arme à feu pour éteindre celui-ci ... c'est qu'à cet instant-même, je ne me voyais pas pour quoi que ce soit au monde enfoncer une balle dans un front qui n'avait l'air de vouloir mon bien, et mon bien seulement. J'avais beau rationaliser, me disant qu'une personne du genre avait forcément besoin de la reconnaissance de certains pour oublier la rancune d'autres, ça ne marchait pas et même le sommet des Nuées n'aurait pas détourné mes yeux de ça. Je suis une connasse ambitieuse, très bien, mais il était hors de question que je sois le rat qui mord la main tendue.

La vérité était que je n'avais aucune idée de ce que je ferais de mon pouvoir une fois que j'en serais devenue maîtresse. Je pense, pour mon propre bien, que je ferais mieux de ne pas trop m'y attarder, ou bien accepter de voir ce qui arrivera en premier ; l'apathie ou le remords. Tout ce que je savais, c'est que j'étais bien heureuse qu'elle ne soit pas télépathe, toutes ces machineries tournantes dans mon esprit ... elles feraient mieux de rester mon propre fardeau et privilège.

- Je pense que c'est bon pour aujourd'hui ... merci beaucoup.

Retirant l'attache dans mes liasses de cheveux, j'efface le moindre signe d'abasourdissement qui aurait pu résulter de mes éparpillements mentaux. Apparemment, je n'en avais pas tant que ça, rien d'autre qu'une mine intriguée et trois secondes de retard à répondre à la question qu'elle m'avait posée. Quoi qu'il en fut, j'inclinais respectueusement la tête, avant de retourner vers mes appartements.


Plus tard dans la soirée, je restais dans ma douche à essayer de contrôler le feu renardé que je m'étais amusée à créer et qui n'en faisait qu'à sa tête. J'avais l'impression de tenir une marionnette folle entre mes mains, raccordée par des fils dont elle est la seule à remuer les bouts. Plusieurs fois, l'apparition s'effilochait d'étincelles, mourant comme la flamme sous une cloche. Après cinq essais sous le pommeau, précaution prise pour ne pas enflammer ma chambre, je commençais à perdre espoir.

- Bien ... tu veux de la liberté ... de toute manière ce n'est pas moi qui paierai les dégâts si j'embrase tout l'étage.

Du sol à côté de mon lit, je retire tous les livres, les tapis, les feuilles volantes, n'importe quoi pour laisser place au carrelage bien moins susceptible de prendre feu. Croisant mes jambes en tailleur, j'inspire profondément, me concentrant pour que revienne le renard. Il apparaît juste devant mes orteils. Je le regarde autant qu'il me regarde, une véritable séance d'introspection. Au milieu des machineries et de ma manie pour le contrôle, j'essaye de me convaincre de ne rien faire d'autre que de guider l'animal de braise, pas de le réprimer, pas de le renforcer, juste de laisser un peu de mou à la manifestation, et par extension, à moi-même.

La magie n'est pas une entité, j'ai trouvé ça plutôt clair, lorsque l'on me l'a expliqué. Le problème n'a rien à voir avec le feu qui ne m'aime pas, mais bien avec moi qui ai horreur de l'imprévisible. Alors ... tant pis si je brûle ma chambre, l'étage et tout ce foutu bâtiment dans mon expérience, hors de question que le matériel ne fasse entrave à ma quête pour l'immatériel.

Et pour l'instant ... tout va bien. Il ne bouge pas, me fixe simplement. Son visage se penche, comme pour dire "et maintenant ?". C'étaient exactement mes pensées ... j'ouvre la paume droite et la regarde. Les flammes commencent à se troubler, l'ordre que j'ai donné était trop manifeste, trop oppressant, immédiatement, fermant les yeux et ravalant ma salive comme ma fierté, je me concentre pour ne pas tomber dans la maîtrise excessive.

Soudainement ... la chaleur me caresse la paume de la main avant que mon regard ne retombe dessus. Le renard avait sauté entre mes doigts ouverts, se tenant à présent assis sur ma peau à continuer à me regarder. Mes yeux dérivent sur ma main gauche ... l'animal y saute. Surprise, je ressasse la sensation qui parcourait ce lien invisible qu'est le don que m'a donné Terrae. C'était comme un fil passant avec une précision chirurgicale dans l'oeil d'une aiguille, comme le juste mot d'un réquisitoire, comme la petite sensation flagrante de cohérence qui s'harmonise avec une impression d'ordinarité, d'évidence.

Satisfaite ... voire fière de moi-même, je joue à ce jeu toute la soirée durant, laissant le renard se balader selon la bonne volonté de mon esprit. J'en oubliais même de manger, mais ... je me nourrissais de quelque chose qu'aucun repas ne saurait satisfaire.