Si Senri aimait chaque nouvelle de l'éclipse pour ces nouveaux pouvoirs et expériences qu'elles offraient, cette phase sept était plutôt décevante. La maîtrise de l'air était plutôt agréable et intéressante. C'était de loin l'élément le plus facile à manipuler, mais aussi le plus indomptable. Bien plus que le feu finalement. Là où le feu partait dans tous les sens, embrasait l'aura, l'air était indépendant, diffus. En revanche, le pouvoir de sonore était, aux yeux du garçon, dépourvu d'intérêt.

D'autant qu'il oubliait souvent qu'il devait maîtriser sa voix, et donc il perçait régulièrement les tympans d'un peu tout le monde. 

Heureusement, Senri avait trouvé un moyen : se bâillonner. Cela retenait ses jurons et il n'avait plus à penser à ne pas parler. 

C'est donc avec un bâillon dans la bouche et un masque en tissu sur le visage qu'il frottait tranquillement le bassin des thermes. 

Il avait repris son travail maintenant que ses travaux d'intérêt généraux étaient moins nombreux et qu'il devait être un époux exemplaire. Il avait bon espoir de pouvoir bientôt s'émanciper de ses parents. 

C'est donc, les manches de sa chemise retroussées et celles de son pantalon roulées en ourlets jusqu'à ses genoux qu'il s'evertuait à passer, d'une main, une épuisette dans l'eau chaude du bassin principale et de l'autre frotter le sol émergé pour retirer la crasse. 

C'était fou ce qu'il y avait comme cochonnerie : cheveux, bijoux, étrange morceau de latex circulaire... Assez de choses pour faire enrager Senri. Mais heureusement, il s'était bâillonné. 

Ce qui est bien quand on est téléporteur c’est que si on est discret (ce qui n’a jamais été ton cas soyons clairs) on peut se TP partout et ne rien payer. Ouai quand on se ramasse pas à l’atterrissage c’est mieux certes. J’te conseille de toute manière d’éviter ce genre de plan, tu sais que tu finis toujours par être ridicule et même si entre nous, moi j’adore, toi tu commences peut-être à en avoir mare d’être pris pour un gland. C’est vrai t’as trente ans et t’as l’impression que tout ce que tu as pu entreprendre s’est terminé en eau de boudin, et souvent j’admets que je n’était pas innocente dans l’histoire. Enfin, tout ça pour dire qu’il vaudrait mieux que tu évites très sagement d’essayer de t’introduire où que ce soit.

Tu sais quoi ? T’as eu trente ans et personne n’a été là pour te le fêter, c’est un peu le seum et j’te conseille de faire le bilan… Et tu sais quel est le meilleur endroit pour faire le bilan ? Non pas les WC mais sérieux grandit un peu ! Non j’dis pas ça parce que ton nom de famille est Petit putain ! T’as décidé d’êtrre chiant avec la trentaine ou quoi ? Non mais sérieux j’allais juste te dite d’aller prendre un bain et comme un bain dans une cabine de douche c’est un peu compliqué, j’imagine que c’était une bonne chose d’aller aux termes. Il n’y a personne dans les vestiaires et c’est top parce que pour faire le point c’est quand même relou quand il y a trop de monde pour parasiter tes réflexions.

Te voilà qui rentre avec une serviette sur les hanches pas trop rassuré du tout… Heureusement il y a un employé…

« Excusez-moi, je suis bien dans les bains des hommes ? »

Tu n’étais pas très bon en japonais...

Alors que Senri s'était maintenant mis à récurer le fond du bassin avec son balais-brosse pour achever son travail, une voix lui fit tourner la tête. Il y avait un homme. Avec une serviette sur les hanches. Chose qui dans un endroit comme les thermes, n'était pas toujours une évidence.

L'homme lui demanda s'il s'agissait bien du bassin des hommes. Le garçon se redressa et passa le bras sur son front avant de répondre.

— Gneh yé sassin michke.

Il avait oublié son bâillon... Il le retira rapidement et s'éclaircit la gorge, avant de murmurer les sourcils légèrement froncés.

— C'est le bassin principal... Du coup, il est mixte... Y a des plages horaire réservé à chaque sexe sur un panneau devant, mais je les connais pas... Par contre, j'ai pas encore fini de laver.

Il allait lui dire de "dégager pour le laisser finir son foutu travail de merde" avant de se rappeler que sa patronne lui avait reproché son langage fleurie et la façon qu'il avait de s'exprimer avec les clients.

Senri ferma un instant les yeux et souffla avant de reprendre toujours à voix basse, en esquissant un discret sourire, un peu crispé.

— Tu peux déjà utiliser les douches juste là, y a de l'eau chaude. J'en ai plus pour longtemps.

En parlant, il fit un signe de tête vers les petites douchettes mise à disposition des clients. 

Angie ? J’ai une nouvelle étrange à t’apprendre, dans 100 % des RPs avec les persos de Senri t’es à poil ou presque, n’y voit pas de signe mais j’ai envie de te dire que c’est chelou quand même… Si tu vois ce que je veux dire. D’ailleurs dans les trucs qu’il faut que je t’apprenne, au moyen-âge les termes étaient vus comme des lieux de luxure et avaient plus ou moins la même réputation que les bordels, pourquoi je te dis ça ? Pour rien, c’est le bâillon BDSM de Senri qui m’y a fait pensé, mais reprenons je t’en prie.

Les deux autres informations que tu appris furent du baillonné : un tu n’étais pas dans le bain des hommes mais dans des bains mixtes… ce qui n’était p’t’êttre pas le truc le plus cool du monde quand on était incapable de lire les horaires… Tu ne lui fis pas l’affront d’essayer d’aller les lire, au pire, au pire tu té téléporterais bien ailleurs au besoin si une paire de seins se pointait, ce qui ne manqua pas d’arriver malheureusement au l’instant où tu commençais à penser à te diriger vers les douches, deuxième information transmise par le nippon.

Dans un élan de solidarité masculine tu attrapas le bras du chauve et le téléportas avec toi dans les vestiaires. Seul souci : tes atterrissages étaient souvent catastrophe seul… Mais à deux c’était pire !

...

En travaillant aux thermes, Senri avait appris à regarder les pieds des gens pour ne pas les mettre mal à l'aise avec son regard du tueur et se mettre mal à l'aise tout seul. Il était souvent amené à côtoyer la clientèle en tant qu'agent d'entretien des thermes, si la plupart se fichaient de sa présence, certains étaient gênés alors, il s'enfermait dans un professionnalisme à toute épreuve.

Ainsi, il ne remarqua pas l'arrivée d'une cliente. Néanmoins, quand la sensation de douleur qui envahit son crâne après s'être explosé contre un banc, et celle de son corps qui retombait mollement en arrière, une joie incommensurable l'envahit. Il se jeta sur ses pieds avec une vigueur inconnu.

— WAAAAAAH C'ÉTAIT UNE TÉLÉPORTATION ?!!! TROP BIEN !! C'EST TOI QUI A FAIT ÇA ?! 

Se retrouver à ouelp dans un onsen pendant l’heure réservée aux femmes : check.
Se prendre pour un héros et vouloir sauver son comparse porteur de chrmosome Y à première vue : check.
Se ramasser lamentablement dans les vestiaires : check.

Ce qui n’est pas check c’est la flopée de gros mots que j’aurais aimé entendre sortir de ta bouche chaton, t’es sûr que ça va ? Non pas que tu sois coutumier des gros mots, mais quand on se ramasse ainsi il est de bon ton de le signaler en jurant comme un poissonnier. Non ? Non. Ok. Et tu vas faire quoi alors ? Vérifier que l’autre gars va bien ? Oui bon okay fait donc ça mais à priori il n’est pas mort vu qu’il venait de se relever et de se mettre à crier… D’ailleurs ça résonne un peu fort dans ta tête mais on va dire que c’est pas si grave.

« Euh oui aux deux… ça va toi ? »

Senri s'était relevé avec enthousiaste après cette téléportation inopinée. Mais visiblement, le téléporteur n'était pas aussi enthousiaste que lui. Il avait l'air perdu. Senri le regarda sans trop comprendre le sens de sa question.

-Euh, bah ouais pourquoi ça irait pas ?

La question était légitime pour Senri, puisqu'il ne voyait pas le filet de sang qui coulait de son front. Il sentait évidemment quelque chose couler de son front, mais il se disait que c'était sûrement de la sueur ou quelque chose du même genre. Il n'avait pas non plus vu que le casier qui avait subi la rencontre inopinée avec son crâne avait prit la forme de ce dernier. De toute façon, l'adolescent n'en avait que faire, de tout ça. Il tendit sa main au téléporteur pour l'aider à se lever.

-C'est trop cool !!! T'as tellement de chance !! J'aimerais trop ravoir ce pouvoir !!! Oh, je sais !!

Senri releva le garçon un peu rapidement suite à sa révélation avant de se remettre à parler très vite.

-Tu me fais un cristal ? Si tu veux, on peut s'en échanger!!! J'essaie d'avoir des cristaux de tous mes pouvoirs, mais j'en ai pas fait quand j'étais téléporteur, j'étais trop occupé à m'entraîner !!

Un large sourire venait habiller le visage de Senri qui était toujours trop enthousiaste.

Parce que vous vous êtes crashés sur un banc et qu’il s’est mis à gueuler que c’était génial, ce qui te laisse présager qu’il ne va pas si bien qu’il le prétend… Mais à priori, tu t’es fourvoyé.

« Euh parce que c’était une belle gamelle quand même. » tu réponds plus sobrement que ne l’étaient tes pensées. « Euh tu saignes... » tu ajoutes en récupérant des serviettes pour appuyer sur la plaie.

« Pourquoi pas, mais j’ai jamais fait de cristaux autre que terre… Alors j’suis pas certain que ça soit très facile... »

Bon à priori ça reste faisable, mais certainement pas alors qu’il pisse le sang et que toi tu n’as plus de serviette pour l’instant alors clairement. C’est pas le moment de faire des cristaux si tu veux mon avis, mais comme d’habitude tu t’en tamponnes.

« Tu veux pas commencer par t’asseoir ? »

— Ah... Ouais. Ça m'arrive souvent, t'inquiète.

Senri avait déclaré ces quelques mots, d'un air détaché. Presque à l'ouest. Mais il reprit rapidement de l'énergie, et gonfla le torse, à nouveau grisé par la téléportation.

— Boh, j'en ai fait plein, c'est facile t'inquiète !

Il savait de quoi il parlait... Ou presque. En disant que la création de cristaux était facile, il omettait les fois où il s'était simplement évanoui au bout du deuxième cristal. Qui finissait souvent en miette avant même la première utilisation...

— Ah ouais, pas bête. On a toujours les jambes qui sont ramollies après ça...

Il prit rapidement place sur le banc, oubliant totalement qu'il était au travail.

— Alors, comment je peux te conseiller ? Moi en général ce que je fais, c'est que je fais comme si j'allais utiliser mes pouvoirs et je retiens tout ! Comme genre... Quand t'ouvres une bouteille pleine de gaz, qu'elle va mousser et que tu refermes vite le bouchon... Tu vois le genre ? Ou alors, comme si tu courais une casserole d'eau bouillante ! 

Il avait l'air extrêmement passionné et parler avec de grands gestes, tenant tantôt d'une main tantôt de l'autre, les serviettes sur son front. 

Petit moment de divagation dans un esprit tordu : saigner lui arrive souvent, donc Senri est en réalité une femme. Pourquoi ce raccourci ? Et bien simplement parce que toi, tu ne vois pas quelle autre raison ferait dire à ce jeune hom.. pardon cette jeune femme qu’il… non pardon qu’elle saigne souvent de manière tellement détendue. T’aimes pas juger sur les apparences, mais franchement, franchement t’aurais juré que c’était un mec. C’est ouf. Enfin, ce serait clairement pas ouf de faire une remarque sur le sujet donc, de toute manière reconcentres-toi sur ce qu’il raconte. Merci.

Par contre comment on passe de faire des cristaux à eau bouillante ? Non plus précisément couvercle sur de l’eau bouillante… Hm, bon t’as clairement raté un truc. Mais vous êtes dans des thermes, et en bon termes. Oui le jeux de mots est foireux. Alors peut-être que ? Non, clairement t’as rien écouté et rien ne te vient, tu n’as pas de subite inspiration.

« J’ai rien compris, tu peux recommencer ? »

Non en fait t’as rien écouté, mais t’as pas envie de lui expliquer pourquoi tu n’as rien compris alors bien évidemment tu trouves une subtilité… Plutôt passer pour un con qu’un relou.

- Aaaah, concentre toi un peu !

Senri était un peu agacé par l'attitude lunaire de ce garçon, sans pour autant se rendre compte qu'il devait lui-même être assez insupportable en tant qu'élève. On aurait pu penser que cela l'aurait fait réfléchir, mais, pas vraiment en fait. Dans tous les cas, là, il était dans le rôle du donneur de conseil contrarié. Il se redressa sur le banc en massant son menton, pour chercher ses mots afin de transmettre son - incroyable - savoir à son interlocuteur.

- Genre, créer un cristal, c'est un peu comme genre se couper un ongle. Mais très fort, tu vois ? Ou plutôt sans coupe ongle. Genre tu plie la partie de ton ongle, tu creuse un peu pour créer une brèche et tu l'enlève délicatement.

Il mimait ses paroles avec ses mains pour tenter de se faire comprendre, un peu plus facilement. Mais, ces mouvements ressemblait plus a des gesticulations que de réel illustrations.

- Parce que créer un cristal, c'est genre se séparer d'une part de ton énergie. Tu vois. Donc, de manière général faut un peu l'arrache, pour la matérialiser dans ta main. Comme se retirer un ongle quoi. Tu maîtrise comment l'énergie de tes pouvoirs ? C'est naturel ? Ou, ça te demande un effort, comme, euh...

Il cherchait une autre comparaison du même genre que celle qu'il avait déjà faîtes, sans tellement réussir à trouver. Il ne pensait qu'à ce couper les ongles, à vrai dire.

Clairement, non tu n’avais pas du tout compris ce qu’il voulait dire. Faire un cristal c’était comme se couper les ongles mais en se les arrachant ? Ou un truc du style ? C’était hyper trash ! Genre pourquoi pas utiliser des pinces coupantes et se tailler directement le bout des doigts ? Il avait fait ses études à Guantanamo ou il faisait juste semblant ? la question était tout à fait légitime.

« Euh, tu sais que t’es complètement creepy et que j’ai zéro envie de te faire un cristal si pour y arriver je dois subir un équivalent de torture ? »

C’est très bien Angie, tu arrives enfin à t’exprimer, à dire non. C’est que d’habitude tu essaies toujours de faire plaisir aux autres, quoi qu’il t’en coute. Ce coup-ci tu t’es affirmé, maintenant tu vas prendre sur toi, te lever, te draper dans ta dignité (ou au moins ta serviette, ça me convient aussi) et faire volte-face. Voilà. Parce que merde aussi, tu as le droit de t’éloigner des gens qui te demandent de te mutiler pour leur bonheur personnel. C’est pas de la lâcheté, c’est de l’instinct de survie.

Tu aimes vivres hein Angie ? Comment-ça c’est pas une question que j’ai le droit de te poser ? Oh et puis merde, fais ce que tu veux comme tu veux. Si tu veux que l’ancien tonnerre te coupe les doigts de pieds à la scie sauteuse, et bien ça m’donnera un sujet croustillant sur lequel écrire.

Senri fut à la fois envahi par la culpabilité et prit d'une atroce migraine face à la réaction du garçon en face de lui. Il était partagé entre la conviction que ce garçon ne faisait aucun effort pour le comprendre et l'angoisse d'être juste maladroit dans ses paroles. Il finit par secouer la tête.

— Mais non, c'est une image !

Il se gratta l'arrière du crâne un peu ennuyé.

— Fin, après faire un cristal c'est quand même fatiguant, même si ça te mutile pas, donc si tu veux pas c'est OK. Et puis...

Oui, en regardant la situation actuelle, c'était un chouïa étrange. Un employé en sang avec un client à moitié nu dans le vestiaire.

— Hm, peut-être que je devrais te laisser te changer, en fait.

C'était en effet une alternative logique. 

Et une victoire pour Senri. C’était clair qu’il fallait que tu t’habilles. La situation n’était pas tellement gênante de ton point de vu, tu étais habitué à être nu. Tu l’étais souvent au club de naturisme. Alors évidemment, ça ne te choquait pas tellement… Par contre c’est clair que vu les regards qu’il tentait de faire discrètement, lui il était mal à l’aise. C’est donc au moment où tu allais te diriger vers ton vestiaire pour enfiler un de tes slips avec des soucoupes volantes que se passa l’imaginable.

« Ah. Euh. Désolée de vous avoir dérangés. »

La porte se referme lentement sur un type écarlate. La vie c’est un peu moche quand même. Parce que toi t’as pas aligné correctement les wagons et t’as laissé ta serviette sur le banc pour rouvrir la porte et sortir un :

« Non mais vous vous faites des idées monsieur, je l’ai pas frappé, c’est de ma faute s’il saigne mais c’est parce-que je l’ai téléporté au mauvais endroit au mauvais moment. »

Oui et lui il a clairement ouvert la porte au mauvais endroit au mauvais moment. Maintenant il a une tête de bite qui le regarde. Ou deux têtes de bites si on est tatillon. Sérieusement, Angie un jour ça serait relaxant de ta part que tu réfléchisses en amont, avant de te mettre dans des situations plus désagréables encore pour les autres que pour toi. Tu vas finir par te faire virer de pas mal de lieux et ce sans même avoir fait exprès.

L'irruption d'un troisième individu n'était pas du tout prévue. Par contre, pourquoi avait-il jugé bon de s'excuser de les avoir dérangés ? Senri était un peu perturbé par tout ça, et puis aussi, même si le sujet des cristaux avait un peu occupé son attention, maintenant que l'autre s'était levé, il voyait des fesses et un service trois pièces balloter un peu partout.

Soudain, il percuta. Juste quand le brun ouvrit la porte complétement nu pour s'expliquer.

— Il était pas d'accord mais j'étais en train de lui montrer les avantages !

Il est important de noter que Senri avait son bâillon autour de son cou, et non plus dans sa bouche. Il avait donc négligé la présence de son pouvoir de sonore. Sa voix — déjà forte — résonna à travers tout le bâtiment.

Et rapidement, un petit attroupement de curieux s'amoncela. Regardant Senri avec des yeux horrifiés et le brun avec des yeux compatissant —et parfois intéressé.

— Quoi, c'est si horrible que ça ?

De demander à quelqu'un de lui faire un cristal de téléporteur ? Fini tes phrases, nom de Dieu. Ça évitera les quiproquos.