Ah merdeuh.
     J’ai oublié mes écouteurs.
     Je prends toujours mes écouteurs quand je sors de l’institut. J’étais sûre de les avoir mis dans ma poche, pourtant. D’habitude, je les mets quand je sors du bâtiment, généralement pour aller au bar boire un coup. Et là, je me retrouve à l’entrée à fouiller mes poches sans succès. Je pourrais retourner les prendre. Bah. Tant pis, je vais laisser mon esprit vagabonder au lieu d’écouter de la musique sur le trajet, pour une fois.
     On est en début d’après-midi mais on se les gèle toujours autant. Je déteste vraiment ce climat. Enfin, je n’irais pas jusqu’à dire que Manaus me manque, vous voyez. Si on me posait la question : « Est-ce que vous vous plaisez à Terrae ? » je pense que je resterais plantée là sans savoir quoi répondre. Ma vie depuis que je suis arrivée est, euh… Un peu bizarre. Des fois, je me demande ce que mon moi d’avant dirait s’il me voyait. Et je ne sais même pas ce que je lui dirais, moi. Jusqu’à pas si longtemps, si j’avais eu le pouvoir de remonter le temps – qui sait, dans ces murs tout est possible, sauf pour moi devenir un membre actif de la société apparemment –, j’aurais tout fait pour m’empêcher d’avoir cet accident qui m’a coûté mon bras. Mais plus ça va, plus j’hésite. C’est une mauvaise passe qui dure depuis facile un an maintenant, mais vous voyez, rationnellement, je veux dire, si je laisse mes sentiments de côté trente secondes et que j’y réfléchis posément, ma situation est loin d’être mauvaise et montre des signes d’amélioration. J’ai toujours une vie sociale quasi-inexistante, je passe toujours le plus clair de mon temps seule à glander dans ma jungle, je n’ai pas réduit ma consommation de cannabis et je ne fais toujours que sortir pour aller boire une bière de temps en temps, mais… Mais…
     Mm.
     Non attendez, hein, je vais trouver.
     D’un instant à l’autre.
     Ça vient.
     Si, allez, il doit bien y avoir un aspect positif.
     Ah, oui. Je n’ai plus d’hommes de main de gangs de quartier qui veulent me buter parce que je dois de l’argent à leurs chefs. Et j’ai des pouvoirs sympas. C’est moins un point positif qu’une absence de point négatif pour le premier et un point… ambivalent pour le second, on va dire, mais c’est déjà ça.
     Vous comprenez pourquoi je prends des écouteurs. Ça m’empêche de penser et c’est pas plus mal.
     Tiens, me voilà à côté du champ de fleurs. Toujours aussi joli.
     Une gamine qui fait du jardinage. Elle n’utilise pas ses pouvoirs, ce n’est donc pas une Terre – ça ne peut pas être une novice, je les connais toutes. Ah, mais, elle ne fait pas vraiment ça pour le plaisir, j’ai l’impression. Personne ne prend du plaisir à retirer les mauvaises herbes. Ça sent la punition, ça. Franchement, pas besoin de me connaître longtemps pour savoir que je suis du genre à prendre le parti de la personne punie, peu importe sa connerie. Je viens la voir et lui fais un petit coucou.
     « Salut. Tu vas pas mal galérer si tu dois t’occuper de tout ça toute seule. Si tu veux je peux te filer un coup de main. »
     J’agite les plantes entortillées qui me servent de bras gauche. Si c’est moi qui fait la blague, la personne en face sera détendue à ce propos et aura moins de réflexes chiants que les gens ont devant un handicapé.
     « Je suis une Terre. »
     Comme si le fait que j’ai trois orchidées dans les cheveux, des restes de terre un peu partout sur mes fringues et des dionées et autres plantes dans les poches n’était pas un indice suffisant.
     « Avec mes pouvoirs, ce sera fini en deux-deux. »

 
 
  (c) Codage par Asmareth pour Never Utopia
« Pricie ne t’éloigne pas trop ! »

L’enfant-adolescent soupira en faisant un signe militaire d’approbation de la main.

Un des professeurs était malade et ce pour une semaine alors ce type l’avait remplacé, quand il avait vu la gamine seule au fond de la classe, il n’avait rien dit, il imaginait juste avoir affaire à une adolescente en révolte qu’il va devoir calmer vite pour faire cours.
Mais il n’en fut rien, sans pour autant faire le travail demandé Pricie était silencieuse le regard dans le vague, le professeur remplaçant se reprochait en la voyant de ne pas avoir fait un saut chez le Psychologue.

A la fin du cours, il lui avait dit : « Pricie, reste un peu, tu es restée sur la chaise quand je t’ai demandé de te présenter. » La classe avait fait avec le remplaçant les présentations un par un. Mais le tour de Pricie avait été sauté à cause de son silence opaque.

« Pricie, si tu t’es senti gênée, j’en suis désolé, ce n’est pas facile de se présenter face à un groupe. » exprima maladroitement mais avec bienveillance le professeur remplaçant.

« Je n’ai pas dérangé le cours je crois, alors mêlez vous de vos oignons ! »

Il aurait pu la punir mais cette attitude de défense probablement et de refus de participer l’inquiéta.

« Qu’est ce que tu fais encore toi ? » lui demanda un de ses collègues en le voyant aller vers la porte du psychologue. «  J’ai besoin d’informations sur mademoiselle Pricie Allay. » dit-il, le rire de son collègue le surprit au plus haut point. «  Mais ça se voit que tu remplaces toi ! Le père de cette gamine a tenté de nous faire sauter, c’est une graine de meurtrier, je ne sais même pas pourquoi on la garde mais bon...moi en cours tant qu’elle se fait discrète ! »

Le prochain cours arriva, le professeur remplaçant de japonais salua Pricie au même titre que les autres. ¨Puis il amena un lecteur CD et dit : « J’aimerais une rédaction fait sur cette musique, le thème est le suivant : « Voyage » , beaucoup de poètes se sont alliés avec des musiciens ou des peintres en leurs projets et bien cela sera pareil pour vous aujourd’hui, la musique commença mais pas le travail de Pricie, à la fin du cours le professeur annonça : « C’est très bien ! » Pricie rangeait ses affaires , il ne savait plus bien ce qu’il devait dire pour l’aider mais la petite le devança « Ne vous fatiguez pas je vais bien ! »

Le professeur désemparé lui dit : « Moi je m’en fais pour tes notes mais puisque tu trouves les cours inutile, tu iras désherber le champs de fleurs samedi prochain, ce sera utile, je t’y emmènerai et  tu rentreras passez par mon bureau au soir, je te fais confiance Price alors sois responsable ! »

Et c’est ainsi que Pricie regardait partir le professeur en pestant des insultes mais en se mettant malgré tout au travail.

    « Salut. Tu vas pas mal galérer si tu dois t’occuper de tout ça toute seule. Si tu veux je peux te filer un coup de main. » surgit soudain, la fillette apeurée se retourna d’un bond alerte sur la défensive mais  ne constatant pas de danger potentiel elle se détendit assez vite reprenant son travail sans s’occuper plus de la jeune adulte venue la saluer et lui proposer son aide.

  « Je suis une Terre. » continua cependant l’adulte, Pricie eut du mal à ne pas l’envoyer paître mais serrant les dents elle faisait toujours fi d’ignorer la plus âgée.

    « Avec mes pouvoirs, ce sera fini en deux-deux. »

Cette fois Pricie se retourna vers l’adulte et s’exclama avec une certaine brusquerie : «  Non ! »

Se contenant un peu plus Pricie soupira : « Et votre blague n’est pas drôle ! Votre... »

Pricie voulut se retourner mais elle éclata en sanglots répétant sans cesse : « Votre blague n’est pas drôle. »

Parmi ses larmes, Pricie finit pas réussir à articuler : « C’est comme se définir avec son pouvoir, c’est stupide. » Pricie ravala ses larmes du mieux qu’elle put reniflant encore un peu.

« Moi je m’en fiche, que vous ayez mille bras ou aucun, mais si ça ou votre don vous fait oublier qui vous êtes moi je trouve ça grave. »

Pricie s’accroupit et resta là le regard ne regardant rien de particulier comme pour se donner du courage. Elle se souvenait du refus de la Master d’être sa « maman », d’elle même qui avait dit Terrae sa maison. Ce n’était pas des mensonges mais en cet instant.

« Maman est malade dans sa tête. Elle est en hôpital depuis que je suis petite, elle ne me voit pas mais moi je la vois même si ce n'est plus en visites mais dans mon cœur. Je pense qu’ici c’est un peu pareil, on me voit dans cette grande maison Terrae mais pas vraiment, certains compatissent d’autres sont méchants mais je ne serai jamais rien d’autre pour eux que « la fille de l’attentat de son père ». Il ne verront jamais non plus mon papa autrement...Mais moi je sais et je l'aime aussi.   »

Pricie soupira, se releva dans un : « Moi c’est Pricie et vous ? Si vous voulez vraiment aider tenez c’est une mini flûte ça se joue comme ça ! » après une courte démonstration le petite jeune fille dit : « Papa disait que les plantes aussi pouvaient souffrir, moi si on m’arrachait je préférerais que soit en musique que seule dans le silence ! »

Pricie se retourna et reprit sa tache.

     Et galère, j’ai affaire à une philosophe.
     Qui chiale. Les gamins qui débitent des larmes et des pensées c’est pas exactement un combo idéal pour moi, vous voyez. Dans la liste des trucs que je serais bien infoutue de gérer on a deux candidats sérieux.
     « Non mais. Regarde. Si je dis que je suis Brésilienne, je dis un fait, mais ce n’est pas pour autant que je me définis que par ça. Et si je t’avais dit que j’étais Brésilienne, ou que… je sais pas, je suis une nana, ou que je suis brune, ou que je sais lire, ça ne t’aurait pas aidé. À ton jardinage. Alors que si je te dis que je suis Terre, c’est pas pour le plaisir de le dire. C’est pour t’indiquer que je peux t’aider. C’est comme si, je sais pas, tu galérais à cuisiner un truc et que je te disais que je suis cuisinière. »
     Attendez, est-ce que je viens vraiment de sortir ça au débotté ? Huh. Peut-être qu’il y a encore un espoir pour mes facultés mentales.
     Par contre je n’ai absolument rien compris à son histoire de maman et de flûte et de je sais pas quoi. Trop de mots dans ses phrases.
     « Sinon moi c’est Luna. Tiens ben tu sais, nos noms, ce sont aussi des étiquettes qu’on utilise pour se définir, mais c’est tout aussi idiot de ne se définir que par ça, tu ne crois pas ? »
     Bon ok là je suis juste en train de gentiment me payer sa tronche. Elle me file une flûte. Allons bon, tu m’as pris pour qui. Pour jouer une flûte, il faut des doigts. Dix idéalement.
     « Oui alors non. »
     Incroyable, on a fait la blague sur mon infirmité avant moi. Mais là, j’ai l’impression que ça n’en était pas une, ce qui est… gênant, en fait.

 

     Ah, j’en connais une qui a regardé un peu trop d’animés japonais.
     « Oui, crier « au secours » aussi. Et tu te définis par ton statut de gamine en détresse alors… »
     Elle est marrante cette gamine. Je l’aime bien. Après, notez, je n’ai jamais été du genre à fréquenter des mômes. Enfin ceci dit, elle doit avoir quoi, quatorze, quinze ans ? C’est plutôt une adolescente. Pas mon genre non plus. Non mais, je veux dire. Eux aussi peuvent se défoncer et conduire des motos ou des scooters mais c’est sensiblement plus rare. Ça plus la barrière de l’âge, je traînais peu avec des personnes ayant quasiment dix ans d’écart avoir moi, à Manaus.
     Et depuis que je suis à Terrae je ne traîne plus avec personne donc ça élimine des possibilités.
     Ah, du jus de pomme.
     « Ben tu vois, un avantage à être Terre : mon jus, je me le fais moi-même avec des plantes que je fais pousser avec ma magie. Si tu veux on finit ton truc vite fait et je te fais goûter ça. »
     De nombreuses interprétations pourraient être faites de cette réplique. On pourrait dire que c’est parce que j’ai envie de l’aider à être un peu moins paumée – un aveugle verrait qu’elle n’est pas très à l’aise avec les pouvoirs et je suis certes infirme mais pas de ça. On pourrait dire aussi que c’est parce que je suis désespérément en quête de quelque contact humain que ce soit et que tout ce qui me maintient reliée au reste de la civilisation est bon à prendre. Ou on pourrait encore dire que c’est parce que ce jus a un goût de pisse industrielle et que j’ai envie de lui faire boire un truc décent.
     C’est vraiment surinterpréter. Elle n’est même pas si mauvaise, sa brique. Je l’ai finie, je veux dire. La raison est surtout que j’ai rien d’autre à foutre de ma journée.
     « Tiens, on peut faire ça en musique pour que ça aille plus vite. J’écoute ça en ce moment. ».
     Je sors mon téléphone, cherche quelques secondes et lance une musique.

     Du Mucha ? Jamais entendu parler de cet artiste.
     Hé ben, elle a l’air de pas trop apprécier sa vie, cette gosse. J’ai encore jamais vu quelqu’un stresser en entendant du Bob Marley, ou s’inquiéter de gens qui rient. Ceci dit, c’est peut-être pour se payer sa tronche. D’instinct, on pourrait se dire que des gamins et des profs avec des super pouvoirs seraient peu sensibles au harcèlement scolaire, vu que tu peux te venger assez facilement. Mais notez, je ne sais même pas moi-même ce que c’est que le harcèlement scolaire, ses mécaniques et ses formes. Déjà parce que le côté « scolaire », c’est un concept un peu flou pour moi, vous voyez.
     Puis, le fait de pas apprécier la magie dans un institut magique, ça doit te priver d’une capacité de répondre assez considérable.
     « Oh, petite, ça va aller, t’inquiètes. »
     Alors, qu’on me comprenne bien : je ne suis pas vraiment le modèle de la grande-sœur idéale et avant d’arriver à Terrae, j’aurais plus été du genre à faire de pleurnichardes dans son genre mes victimes qu’autre chose. Mais que voulez-vous, quand on est une chômeuse qui vit dans une jungle et n’a pas de vie sociale, on revient assez vite sur ce genre de choses.
     Et voilà qu’elle a l’air paniquée et va même nous tirer une larmiche.
     « Écoute la parole de Bob Marley. Tu te sentiras mieux. Approche. »
     Je lui touche l’oreille et décolle sa puce de traduction délicatement, puis lance une autre piste. Il faut qu’elle écoute ça pour de vrai, tel que ça sort de sa bouche.

     Everything's going to be alright
     So No woman, no cry
     No woman, no cry, I say
     Oh little, oh little darling, don't shed no tears
     No woman, no cry…

     En général ça aide à détendre les esprits. Ça et fumer un bon gros pétard mais elle est peut-être un peu jeune pour que je lui propose.

__-« Yeah sure whatever. »
__-Attendez, quoi ?
__-Déjà je vais lui rendre sa puce et reprendre mes écouteurs, maintenant que la chanson est finie, hein.
__-« Euh. »
__-Le problème, c’est que je suis autant incapable d’assumer cette décision que de lui dire non. Dur dur.
     Concrètement, ça veut dire quoi, qu’elle va genre, vivre avec moi ?
     C’est pas tellement un problème, je veux dire, j’habite dans une jungle mais je peux sans trop de problème aménager une salle pour elle avec moins de végétation. Il n’y a rien de dangereux dedans et elle pourra se servir en fruits comme elle veut, pour avoir une banane au goûter ou je-ne-sais quoi. Il faudra juste que je fasse en sorte qu’elle ne balance pas mes plants de cannabis, mais à quinze ans, on sait garder un secret.
__-Alors, oui, d’accord, mais sur le long terme ?
__-En vrai, j’ai jamais vécu dans des baraques immenses avant Terrae, je m’accomode bien des logements plus petits. Et si je devais me faire dégager à grand coups de pied au cul des dortoirs, l’appart’ qu’on m’a refilé à l’étage des Terres est largement suffisant pour deux. Puis on risque pas de trop se marcher sur les pieds vu qu’elle a école, ce qui occupe un gros bout de son temps.
__-Certes, mais ça implique de devoir s’occuper d’elle, tout ça ?
__-Ben ouais, mais même sans avoir de boulot, avec mes pouvoirs, j’arrive à avoir une alimentation saine et équilibrée à base de végétaux de n’importe quelle saison agrémentée d’un peu de viande et de trucs du genre comme ça. Le logement c’est bon, la bouffe c’est bon, elle a quinze ans donc a déjà sa taille adulte ce qui fait que sa garde-robe va pas se renouveler tous les quatre matins, Puis en admettant que je reste une chômeuse, je fais assez de blé en vendant ma came pour pouvoir me permettre un petit extra de temps en temps, donc l’emmener au ciné, lui offrir des trucs, c’est envisageable. Puis je veux dire, j’ai vécu dans la pauvreté moi-même, je sais comment on s’occupe avec trois bouts de ficelles.
__-Hey, je pourrais même lui apprendre à faire de la moto, histoire que la mienne sorte un peu de sous sa bâche de protection et de la place qu’elle occupe depuis que je suis arrivée et qu’elle n’a jamais quittée.
__-Bon, ben, si même la partie contre s’est rangée à l’idée que, ouais, pourquoi pas… Ben ouais, pourquoi pas.
__-« On, euh… »
__-Comment c’est possible d’à la fois ne trouver aucun argument contre une décision et de sentir que ce n’est pas la bonne.
__-« Ça te dit on finit vite ce que t’as à faire là et je te montre ma piaule ? »

« Yeah sure whatever. »

Alors elle acceptait alors pourquoi ce « Euh. » ? Qu’importe Pricie ne bougea pas, la jeune fille de quatorze ans est encore trop enfant malgré son passé pour ne pas rester accrochée à cet espoir. Luna … Sa grande-sœur, une grande-sœur qui serait là, qui ne partirait pas, qui ne l’oublierait pas.

Elle n’aurait plus aussi peur pas comme avant, la solitude de l’enfant qui se voulait soldat dans cette secte, cette enfant terrifiée Pricie se briserait en rires heureux n’est ce pas Papa ? N’est-ce-pas que je peux vivre heureuse ? Tu m’as toujours protégée comme tu peux et malgré les moments d’horreurs c’était toi, moi et en pensées maman, tous les trois mais tu veux bien que Luna vienne ? TU veux bien que J’apprenne à être une môme de quatorze ans ? Mon Papa… Mon papa que J’aime et qui n’est plus et pourtant comme le passé si présent.

Le passé...

*« Arrête de pleurer ! Ils n’en valent pas la peine ! »

Devant Pricie, des gens étaient à terre, elle n’aurait pas dû les voir. Elle aurait dû rester à l’hôtel.

« Ces gens ils sont ils sont... »

Soudain la petite fille vit l’entaille sanguinolente au bras de son père. Elle ouvrit des grands yeux d’horreur.

« Papa ... »

« Ecoute Pricie le « Nettoyeur » va bientôt passer, ils voulaient nous briser tu comprends Pri ? Nous briser ! »

La fillette en larmes en avait vécu avec la secte mais du haut de ses douze ans et quelques, elle n’avait jamais vu son père aussi blessé.

« RENTRE PRI ! » Elle ne bouge pas, elle regarde la blessure, le père grimace tentant un sourire : « Je te rejoins Pri. Fais moi confiance ! »

Pricie reçut cette phrase tel un ressort et partit en courant. Devant l’hôtel il y avait un manège, un carrousel, des enfants y  jouaient joyeusement, Prici prit son doudou chien en tissu  et un drap et s’enveloppa dedans près de la fenêtre, elle finit par s’endormir. Son père rentra le lendemain matin un grand bandage au bras, ils ne reparlèrent pas de la scène de la veille.*

Le « On, euh… » de Luna, ramena Pricie à la réalité, elle s’était perdue dans ses pensées. « Ça te dit on finit vite ce que t’as à faire là et je te montre ma piaule ? »

Pricie sursauta, elle avait de nouveau sa puce, elle ne pleurait plus dans les bras de Luna  non elle lui lançait un regard incrédule.

« Ys a dit... » Elle se rattrapa, si la secte lui a appris plein de choses, le fait de dénoncer sans raison comme mal en fait partie. «  Non rien ce n’est pas important. » C’est mentir mais que dire ? Que son père a commis un attentat contre Terrae ? Tout le monde le sait ici non ? Que elle est la fille qui aurait dû porter la bombe ? Que son père l’en a empêché ?

Que Ys lui a dit qu’elle serait abandonnée par ses nouveaux amis de Terrae. Que quand on découvrirait sa « vraie nature » elle finirait seule. Seule.

« NON ! »

Ce fut presque un cri, non Pricie refusait cela, elle était une môme qu’on a voulu formater, faire arme mais elle voulait vivre car elle était Pricie quatorze ans, juste Pripri et elle n’avait pas de vraie et fausse nature et elle allait avancer non ?

« Enfin je veux dire oui ! Oui je visiterai là où tu habites avec plaisir Luna ! » Pricie rougissait un peu de sa précédente réaction mais ça se voyait qu’elle est sincèrement heureuse.

« Allez occupons nous de ce champs puis allons chez toi  ! » dit Pricie en frappant dans ses mains toute contente. Elle tourna sur elle même agile Pricie comme ces enfants sur ce manège, ce carrousel, si innocente puis elle s’immobilise et regarde à nouveau Luna en souriant avec une douceur inédite et en murmurant un rare et sincère « Merci. » une main sur le cœur.

__-Non, oui, au final c’est oui. Tant… mieux ? Je sais pas ? Je vais me laisser porter par les événements et on verra bien où ça nous mènera. Elle a l’air de pas avoir eu une vie banale la Pricie. Enfin, c’est un peu tôt pour les discussions sur son passé ou ces conneries. Elle risque de m’appeler « grande sœur » – j’suis tellement pas prête sans déconner – mais je vais surtout être sa pote, déjà.
__-Enfin, finir le champ. C’est pas bien compliqué, je vois à peu près comment m’en sortir. En fait, je me demande même en quoi elle pourrait être utile tout court. Je veux dire, j’utilise mes pouvoirs et voilà c’est marre, mais ce serait pas mal qu’elle se sente impliquée.
__-Gérer des équipes de plus d’une personne – moi comprise – ça a jamais été mon fort, galère.
__-« Ok, euh… Je vais dessécher les mauvaises herbes là… Et euh… Tu pourras les foutre directement dans ton sceau. Ça va être vite vu. »
__-Forcément, arracher des plantes en pleine santé, c’est pas pareil que d’arracher des cadavres.
__-« Pas la meilleure intro à mes pouvoirs – je préfère faire pousser que tuer des plantes de toute façons – mais après t’auras ma jungle perso, ça va être une autre ambiance. Tiens puis t’sais quoi. »
__-Je mets le son à fond, lance la prochaine musique et pose mon téléphone au coin du chemin. C’est moins chiant si on fait ça en musique.

__-Une fois que c’est plié, je ramasse mon téléphone et le met dans ma poche.
__-« Bon ben allez, on va chez moi. T’aimes quoi à part le jus de pomme… »
__-Ça va me faire tellement bizarre quand je vais le dire.
__-« P’tite sœur ? »
__-Ça me fait effectivement très bizarre. Je suis fille unique à l’origine, comprenez. Et je n’ai aucune idée de comment on s’occupe d’une enfant. Enfin, j’imagine qu’elle doit savoir s’occuper un minimum toute seule, en fait j’en sais rien. Comment ça se passe pour les mômes qui débaroulent à Terrae, ils se font plus ou moins adopter comme ça au petit bonheur la chance ? Heh.

_-« Ok, euh… Je vais dessécher les mauvaises herbes là… Et euh… Tu pourras les foutre directement dans ton sceau. Ça va être vite vu. »

« D’accord ! » dit simplement la jeune fille en prenant le seau.

__-« Pas la meilleure intro à mes pouvoirs – je préfère faire pousser que tuer des plantes de toute façons – mais après t’auras ma jungle perso, ça va être une autre ambiance. Tiens puis t’sais quoi. »

Pricie regarda le champs et murmura : « Ça doit être horrible d’être asséché ! » L’image fugace du visage de son père fondant sous le feu devant elle il y a un an lui revint. Elle secoua vivement la tête en un frisson et répondit à la deuxième partie de la phrase pour revenir sur terre : « Une jungle ? Ca doit être beau et reposant, j’ai hâte de voir ça ! » Malgré les tremblements au souvenir qui la parcouraient encore elle lança un doux sourire à sa grande sœur de cœur et commença à ramasser pour se focaliser sur une tâche et dépasser le flash.


Lève-toi, debout lève-toi pour tes droits
Lève-toi, debout n'abandonne pas le combat

La musique entraînante avait commencé en anglais Get Up Stand Up résonnait en boucle. Mais quel combat ? Celui de la secte qui disait que les terraens faisaient souffrir Dieu ! Cette secte où elle a grandi. Ce sont souvent des humains considérant que tous les malheurs sur terre des humains sont dus à Terrae et qu'il faut donc les supprimer pour retrouver une vie paradisiaque. « Dieu » a été outragé de ces êtres non naturels comme les corbeaux outragent les cadavres en s'en repaissant.
Elle a été formée dans cette idée et bien qu’elle s’habitue et aime de plus en plus les terraens elle ne peut se cesser de se sentir coupable et traître face à Dieu face à la secte.

Je sais que tu ne sais pas
Ce que vaut réellement la vie
C'est bien plus que de l'or

Non elle le savait ça elle avait vu des gens se faire tuer et être ramassés par les nettoyeurs de la secte, elle avait vu son père mourir, fondre sous le feu de leur propre attentat, elle avait toujours espéré que sa mère la voit malgré la maladie qui avait mené sa mère à l’hôpital,' tous les trois'n’existait plus et pourtant ils été un groupe contre le monde Papa, Maman et elle, rien ne pouvait les ébranler mais les « soldats » sont tombés dans ce combat et « Petite soldat » Pricie a trahi.


Donc maintenant que tu vois la lumière
Tu te lèves pour tes droits

*Quelle lumière ? Punaise dîtes le moi !* pensa Pricie en pensées en ramassant de manière automatique les herbes sèches, perdue dans l’horreur de sa solitude et ses souvenirs.

La plupart des gens pensent
Que le Bon Dieu viendra du ciel
Qu'il éloignera tout
Et fera que tout le monde se sente bien

Alors c’était vrai que les terraens blessaient Dieu après tout Luna en est une et écoute ce son qui le remet en cause ? Mais Dieu ne l’a pas rendue heureuse..
* C’est parce que j’ai trahi ? * se demanda l’enfant perdue.

Mais si tu savais ce que vaut la vie
Tu chercherais les tiens sur la terre

* Les miens sont morts !* cria t’elle intérieurement sans un bruit sans cesser de ramasser accablée de solitude.

Nous en avons marre et sommes fatigués
De vos jeux de cons
Pour mourir et partir au paradis de Jésus
Nous savons et nous comprenons
Que le Dieu tout-puissant est un homme vivant
Tu peux berner certaines personnes parfois
Mais tu ne peux pas berner tout le monde

Ce fut ce couplet qui fut basculer Pricie, Pricie s’accroupit en position fœtale.

« Bon ben allez, on va chez moi. T’aimes quoi à part le jus de pomme… »

Pricie n’entend pas  ramasser sur elle même répétant sans cesse les yeux ouverts de terreur « pas ma faute » à voix haute sans pouvoir bouger.

« P’tite sœur ? »

Ces mots de Luna secouèrent un peu Pricie qui réussit à dire d’une voix claire et suppliante : « J’ai peur ! M’abandonne pas Luna ! Même si j’ai trahi, même si aux yeux de Dieu je suis monstrueuse et mérite de mourir ! Je voulais pas que le visage de Papa fonde, que Maman ne guérisse pas, mais je ne voulais pas haïr et blesser les gens de terrae que j’aime à présent. Je ne sais plus quoi faire, quoi penser ! Je veux vivre mais je ne comprends plus rien ! Pourtant... »

Pricie leva un visage vers Luna, visage d’enfant à présent secoué de sanglots :

« Je veux habiter avec toi ! Je veux que Ys ait eu tort, je veux pouvoir être aimée encore, je veux que tu sois ma famille c’est possible ? Hein c’est possible Grande sœur ? »

     Mais qu’est-ce qu’elle raconte. Après je me dis, si moi je suis paumée, elle ça doit être quelque chose. Je vais l’emmener visiter ma jungle, j’imagine qu’elle trimballe la sienne avec elle, dans sa trop petite tête pour accueillir un tel foutoir. Après, histoire de filer la métaphore, j’ai fait de la mienne un coin accueillant où on fait la fête et on fume des bonnes grosses taffes. Ce serait pas con qu’elle en fasse pareil et si je peux l’y aider, ma foi.
     Enfin, quand j’y pense. Ça m’a aussi transformé un parasite asocial qui vent de la drogue en lieu et place d’être un membre productif de la société, mais… heh. Oui, non, je ne vais pas lui donner des conseils ou m’ériger en modèle, il vaut mieux qu’elle aille voir des adultes responsables et qualifiés. Être grande sœur – qu’est-ce que je raconte sans déconner – c’est pas le même boulot que d’être psy. Ou même daron.
     « Alors… »
     Bon, déjà, on va pas aller loin comme ça si elle est recroquevillée au sol. Je regarde le champ. Au moins on a fini cette partie. Je ramasse mon téléphone, me baisse et attrape Pricie. Par contre, je voulais la mettre sur mes épaules, mais avec qu’un seul bras, ça va pas être possible. Enfin, là-haut ou juste dans mes bras comme un bébé, c’est du pareil au même quand on est titanide.
     « Ouais, bien sûr. C’est largement assez grand chez moi. T’sais, dans la chanson, quand Bob dit If you know what life is worth, You will look for yours on earth… Hé ben, y’avait pas besoin de chercher plus loin, tu m’as trouvée. Allez accroche-toi bien, on y va. Hein que c’est pas mal, les pouvoirs. »
     Heureusement que, quelque part, je suis encore assez défoncée pour pas tout à fait écouter ce que je raconte. Non mais en vrai c’est sympa et tout, il va juste me falloir un petit temps d’acclimatation.

     Sur ces entrefaites, on arrive à mes dortoirs. Je la dépose à l’entrée.
     « C’est pas que j’en peux plus, loin de là, c’est que c’est pas ultra commode pour passer la porte. »
     Je la pousse.
     Quelques rais de lumière, passant à travers les lianes et les feuilles, éclairent le couloir central, tamisé de verts. Quelques mètres et on a les pieds dans la terre, la mousse, les herbes, les feuillages. On peut d’ailleurs remarquer des traces de pieds nus entourés de jeunes pousses. Ce sont mes panards, par qui ma magie passe et qui fait germer le sol derrière moi. Au centre trônent deux palmiers auxquels s’accrochent mon hamac, au tissu entremêlé de tiges végétales. Dans presque toutes les salles des dortoirs sauf les trois premières, réservées aux novices, on retrouve des ambiances similaires. Mes rares affaires qui traînent un peu partout, des plantes qui font leur vie.
     « Bienvenue. Chez toi. Je suppose. Comme tu veux. »

« Alors… »

Et Luna soulève Pricie du sol, elle l’emporte vers les hauteurs elle qui se sent si basse.

« Ouais, bien sûr. C’est largement assez grand chez moi. T’sais, dans la chanson, quand Bob dit If you know what life is worth, You will look for yours on earth… Hé ben, y’avait pas besoin de chercher plus loin, tu m’as trouvée. Allez accroche-toi bien, on y va. Hein que c’est pas mal, les pouvoirs. »

Pricie eut un doux sourire qui se dessina sur son visage humide de larmes. Oui c’est vrai elle n’était pas seule, elle avait trouvé Grande-sœur Luna !  La brise aux pas de Luna faisaient virevolter les cheveux de la jeune Pricie  dans le vent. C’est agréable cette caresse du vent, comment Dieu peut-il les condamner au lieu qu’ils sont aussi gentils, ces Terraens ? Ce n’est pas possible ou alors on aurait menti au divin...Non il n’est pas dupe…

Ou alors...

« C’est pas que j’en peux plus, loin de là, c’est que c’est pas ultra commode pour passer la porte. »

Elles étaient arrivées, Pricie revint sur ses pieds et la porte s’ouvrit.

« Bienvenue. Chez toi. Je suppose. Comme tu veux. »

Pricie n’ose pas entrer, pas bouger tant elle n’arrive pas à y croire, on la pousse gentiment vers la lumière. De la lumière il y en a partout ! Comme un chaton timide découvre sa nouvelle maison Petite Pricie avance lentement et avec douceur et soin elle caresse les plantes sur son chemin. Elle s’imprègne des traits dorés de lueurs qui éclairent les recoins. Elle rit de la douceur de la mousse sur les murs. Elle admire un moment le hamac entre les deux palmiers.

« C’est beau ici. » dit l’adolescente à sa grande-sœur avec douceur et émerveillement dans la voix. Pricie se retourne vivement et demande : « C’est vraiment ton pouvoir qui a fait ça Luna ? Pour de vrai ? » Elle réfléchit quelques secondes la Pricie, un peu plus calme et regarde ses baskets embarrassée , rougissante : « Si ton pouvoir il peut faire de si merveilleuses choses...peut-être que...l’on ne m’a pas dit que la vérité….je ne sais pas mais au moins...Peut-être que ce pouvoir en moi que je refuse... » Pricie croisa ses bras sur son cœur : «  Peut-être que mon pouvoir il n’est pas que mauvais et que et que et que...moi aussi je ne suis pas que mauvaise ! »

Après un court silence Pricie adressa un beau sourire à Luna : « Tu en penses quoi Grande-sœur Luna ? Ce serait tellement bien hein ! »

__-Hé ben en tout cas, elle a l’air d’aimer. Ouais, pas mécontente de ce que j’ai fait là. Ça ne va pas être l’avis de tout le monde, par contre. Il va falloir qu’elle se fasse à l’idée qu’à tout moment un master peut débarouler et tout foutre en l’air.
__-Uh, si je comprends le tiers de la moitié de ce qu’elle me raconte, ce serait pas une super idée, de présenter le personnel de Terrae des menaces qui viendraient détruire sa nouvelle maison. Alors que concrètement, ils font juste leur taf et veulent éviter que je m’approprie une pièce entière pour moi toute seule, alors qu’ils m’en ont déjà filé une.
__-« Ouais, c’est mon pouvoir. Enfin, pour être honnête, c’est énormément de boulot d’entretien, donc en vrai, dès que j’aurai trouvé un boulot, si ça te va, on ira plutôt vivre chez moi, dans mon appart’ chez les Terres. On va perdre cette jungle, mais y’aura encore des tas de plantes partout, ça t’en fais pas… Puis j’aurai du pognon pour pouvoir m’occuper décemment de toi, aussi. L’un dans l’autre, on perd pas au change. »
__-Et là, tout de suite, Pricie enchaîne avec le truc que j’avais anticipé mais pas forcément prévu – je sais ça veut dire la même chose, mais je me comprends. C’est que, je vais devoir faire son éducation maintenant. Et ça va commencer par débroussailler des idées de merde dont on a gavé sa caboche. Je suis pas psy pour enfants ou quoi hein, mais m’est avis que se faire dire qu’on est de nature mauvaise c’est pas idéal pour le développement.
__-Je me pose sur le hamac.
__-« Tiens, viens s’tu veux. »
__-Il est assez grand pour deux et d’expérience, quand on explique la vie à un gamin perdu, une étreinte en prime c’est pas de trop.
__-« T’sais… y’a rien qui est, genre, naturellement bon ou mauvais. Tiens, regarde. Tu vois, cette plante, la rose à cinq pétales ? C’est une pervenche de Madagascar. Bon, déjà, elle est magnifique. Mais elle est aussi toxique. Genre salement, t’as pas envie de manger ça en salade. Mais si tu les utilises proprement, ses toxines peuvent être utilisées pour faire des chimios. Tu sais, le truc contre le cancer, là. Bah les pouvoirs c’est pareil. Et les gens aussi. Une plante est pas mauvaise juste parce qu’elle est toxique. Elle est juste. Une plante. »
__-Quand on fait des comparaisons, surtout dans mon état, il faut savoir s’arrêter au bon moment.