Kaiko était déchirée. Comme souvent, vous me direz, et je répondrai... Ben oui. Elle était en train de scroller indéfiniment sur un site elle ne sait même pas lequel. Le regard dans le vide, étalée en soutif sur son canapé clic-clac, l'ordinateur sur les genoux, bouteille de bière sur le bide. Elle pourrait mettre un dvd, ou mater des vidéos youtube, n'importe quoi de plus stimulant, mais elle restait là, seul l'index s'activait sur la molette. Elle ne bossait pas au bar ce soir-là et franchement, elle avait été presque triste... Du coup elle a bu, ça occupe sa tête d'une brume plus intéressante que ses petits soucis.

C'est là qu'elle tombe sur une image sensationnelle. C'était complètement débile et hilarant, en tout cas pour elle et dans son état second. ...Il fallait absolument qu'elle en parle à quelqu'un. Elle a hésité à réveiller Senri, mais elle avait beau être bourrée, elle ne le serait jamais assez pour imposer ça à son frère... Par contre, vous savez à qui elle aime imposer et le lui rend bien ?... Non, elle part pas chez elle pour ça de base mais eh, on sait jamais.

Kaiko a pris un sac au pif sans regarder ce qu'il y avait déjà dedans, ajouté le restant de ses bières dedans et est partie direction le couloir des Terres... au milieu de la nuit... en soutif. Elle a kické la porte de Luna sans préliminaire. :

-LunaaaAAaAAaaa ! J'ai eu une idée de merde !

__–Luna… (Luna c’est moi, je parle de moi à la troisième personne si je veux) était défoncée.
__–Comme souvent ? Un peu moins tout de même. J’essaie.
__–Mais là, Pricie est pas à la maison ce soir, j’ai eu une longue journée au bar et je viens de finir de développer une nouvelle variété maison. Alors forcément j’ai voulu la tester, comprenez-moi.
__–Je suis donc là, dans ce tas informe, bariolé et qui sent tellement les plantes qu’y plonger son nez suffit à partir sur une autre planète de matelas empilés les uns sur les autres, de coussins et de couvertures que j’appelle un canapé. À oilpé parce qu’il fait chaud. Et entre les jambes, bien écartées comme il faut, sur la table basse, le narguilé. Je suis bien, posée là, avec une pipe dans la main. Et où est mon autre main d’ailleurs… pas au bout de ce qui me reste de bras… Pas dans mon champ de vision… euaaah… c’est pas important pour le moment. On verra. Enfin, verra. Déjà y’a tellement de fumée dans la pièce que je ne sais pas si on peut encore voir quoi que ce soit. Surtout que, histoire de pas envoyer les odeurs de beuh dans tout l’institut, je fais cramer de l’oliban en même temps. Hé, pour un peu, on se croirait au Maghreb quand on entre chez moi.
__–Et justement, voilà qu’on entre chez moi. J’ai clairement pas la force de tourner la tête pour voir qui c’est par contre.
__–« Holà holà, referme… j’veux pas que la fumée se barre… »
__–Mais je l’ai de me fixer sur, euh… certaines priorités.
__–Ouh elle défonce bien cette salade, je suis ultra rapide das ma tête, mais j’ai l’impression de mettre un éon à bouger un membre.
__–Ou alors ce sont les champis que j’ai pris avant. Ouais j’essaie de me diversifier. Ce qui n’est pas forcément pour le mieux. Mais vous pouvez pas savoir à quel point c’est fascinant de s’occuper de plantes qui ne sont pas contrôlables avec son pouvoir. Je peux créer toutes les conditions favorables pour qu’ils poussent, pas les faire pousser. C’est comme redécouvrir le jardinage.
__–Et en parlant de, euh… Euh… Non mais si je vais trouver… Ou… ou pas. Je sais pas, ouais, j’arrive à penser vite, mais pas pour aligner deux pensées cohérentes. Quand j’arrive pas à sortir un jeu de mot claqué au sol, c’est vraiment que mes capacités de réflexion sont à l’ouest.
__–Kaiko, quoi qu’il en soit. Pas à poil mais pas loin. Et qui a pas l’air beaucoup plus claire que moi. En même temps il faudrait au moins ça pour débarouler comme ça au pif dans ma chambre en sous-vêtements et une voix pareille.
__–« KaaaaaAAAAAaaaaiiikooOOooo… Je sais pas ce que c’est ton planmais je l’aime déjà. Par contre t’es, euh, pas un peu trop habillée là ? T’as pas chaud ? »
__–Non ça va j’arrive encore un peu à réfléchir.
__–« Viens tirer un coup, tu me raconteras… T’as ramené à boire ? Ça me donne soif tout ça tu peux pas savoir et… Euh… je, sais plus… »
__–J’avais au moins un verre d’eau à côté de moi, je crois… Ah… Je viens de comprendre pourquoi mon ventre était bien frais. Je crois que j’ai voulu boire et… que c’est le canapé et mon torse qui a tout bu quoi… Ça explique pourquoi ma langue est aussi pâteuse, je suis restée comme ça combien de temps ?
__–« Hmmmm… – j’ai réussi à bouger pour me tourner vers elle, incroyable – viens m’faire un câlin avant de me parler de tes trucs là… »

Kaiko entend -oui parce qu'elle voit rien- qu'elle doit refermer la porte et s'exécute dans un demi-tour pas du tout contrôlé, se cognant dedans au passage. Elle pousse un grognement disgracieux et se tourne vers ce qui devrait être la chambre... Mais moussaillon ! le bateau tangue et le brouillard s'est levé sur la mer, palsambleu ! :

-...Putain météoù ?

Elle s'avance dans la fumée en plissant les paupières, comme si ça pouvait changer quelque chose, et se cogne à la table basse. C'est en baissant les yeux qu'elle repère la seconde loque de Terrae, complètement nue en train de faire l'étoile de mer dans son canapé. Vision de rêve pour un marin perdu. Luna lui demande si elle a pas chaud. Kaiko se regarde... Ah, elle s'est baladé en soutif dans les couloirs. Elle a un hoquet de soularde avant d'hausser les épaules et retirer son jogging. :

-Ch'uis toujours chaude. Et j'ai toujours des bières !

Elle sort deux bouteilles de son sac qu'elle pose pas loin du canapé, les ouvre avec un briquet qui traîne sur la table. Ça prend un certain temps parce qu'il y a de la houle mon capitaine ! Luna a le temps de quémander un câlin. Kaiko réfléchit... Non mais y'a une logistique à avoir l'air de rien si elle veut faire ça bien. Elle décale le narguilé histoire de pas créer d'accident fâcheux et enjambe Lunétoile de mer pour s'asseoir sur ses jambes... Non elle n'a pas remarqué qu'elle était trempée. En même temps c'est normal pour une étoile de mer d'être mouillée nan ? :

-Héhéhé, t'es déchirée ma belle.

Oui c'est l'hôpital qui se fout de la charité, mais Kaiko a la bonté d'âme de l'aider à se redresser pour qu'elle s'accroche à elle, le temps de siffler une bonne moitié de sa bouteille d'un coup. :

-J'ai vu une image et faut absolument que j'te-... ha merde, j'ai pas pris l'ordi.

Elle baisse lentement une paupière, puis l'autre, avant de rouvrir les yeux.

HRP : Bon ça va c’était tranquille, mais qui sait quand ça peut repartir.

__–Ouah, c’était quoi ce bruit. Un avion va atterrir ? La corne de brume d’un paquebot ? Une hallucination auditive ? Ah non c’est juste Kaiko qui fait parler son diaphragme, j’accepte, pas de problème.
__–Puis en vrai, cette partie au moins je comprends – j’ai du mal, mais je comprends –, parce que quand elle parle pour de vrai, là c’est plus le même délire. C’est quoi cette histoire de fontaine ? Je vois pas le rapport avec l’eau.
__–Ah ça par contre, sortir ma main de sa culotte, je comprends. Pas tout de suite, d’accord, bien compris. Ceci dit vu comment je contrôle que dalle ma force là, c’est pas forcément une idée idiote. Je ne sais pas si me faire boire encore plus dans mon état en est une bonne, mais attendez, c’est Kaiko, elle a forcément des bonnes idées, nan ? Mais si, comme cette fois où… euh… Non mais si, attendez… Bon en fait, j’arrive pas à me souvenir d’une bonne idée que j’ai eu moi là, ça doit bien vouloir dire que ma mémoire n’est plus trop trop utilisable là. Ça, ou ça veut dire autre chose à laquelle je préfère ne pas penser. Déjà que penser c’est pas facile.
__–Non puis, elle est pas venue juste pour me proposer une idée ou un truc du genre ? Pour traverser la moitié de l’institut en soutif au milieu de la nuit, c’est qu’elle doit avoir un truc ultra important à me dire.
__–Assez important pour que je l’écoute. Puis je peux pas faire autrement quand elle prend ce ton.
__–« Hmm mm… Si ça implique de me menotter, ’faudra d’abord que tu trouves mon bras, bonne chance. Et attend. Voilà. Ah ça y est. »
__–Okay, ma souris. La vraie cette fois. Je clique, l’écran de la télé sort de veille.
__–« Le clavier doit être… genre… dans un coin… Azy prends les commandes, montre-moi ton truc. »
__–Sur ce sous-entendu tellement clair qu’on peut s’y voir dedans, je vais boire. Avec lenteur. Je suis plus trop sûre que ma coordination est au point. Si je ne la regarde pas fixement, cette connasse de bouteille va se ficher dans mon œil j’en suis sûre. Attention toi, je te surveille. Attention. Okay non ça va, bouche trouvée. Maintenant il faut pencher dans le bon sens. Déjà, où est le bas et où est le haut. Okay ça c’est bon. Si je fais ça… non ça c’est la gauche. Non ça la droite. Okay ça c’est le haut. Mais… ça coule pas ? Ah mais ouiiiii, si j’enlève pas la capsule, forcément. Je la fais sauter de mon ongle et hop. Oups. Elle s’est fichée dans le plafond. Ouais non clairement c’est pas une idée optimale de faire des folies de mon corps là. Mais j’arrive à boire quand-même. Et sans en foutre partout à côté, elle va être vachement fière de moi Kaiko.

Kaiko a le rire gras de ses gens bourrés et horny à la fois, ce rire qu'on a qu'à partir d'un certain degré d'alcool dans le sang et qui fait extrêmement beauf en compagnie de gens à jeun. Chercher le bras de Luna pour la menotter ? Ahah, sweet summer child. :

-Pas si j'ai une corde assez longue pour te faire de jolis nœuds

Aller hop, on va pas plus en parler sinon ça va la tenter et elles vont pas être concentrées pour la suite. Kaiko... prend les commandes -elle le fait exprès hein ? ouais- et s'empare du clavier qui est effectivement, "genre dans le coin". Par terre précisément. Kaiko ouvre donc une page internet, cherche le reddit précis et passe un bref instant à scroller. :

-LA ! Chaike zis aoute. fait-elle soudain en pointant la télé du doigt.

Sur l'écran, des photos d'une salle de bains où toute la déco était basé sur un animal de la ferme. De la brosse à chiotte au rideau de douche, des tapis de bains aux couleurs des serviettes, tout était accordé dans un étrange mélange de sensation allant du "wtf" à "c'est assez satisfaisant en fait. Kaiko avait beau être adulte, elle n'était pas fonctionnelle. Même dans son ancien appartement, rien n'avait d'harmonieux ; ses meubles étaient un mélange de dons de sa grand-mère et de cadeaux qu'on lui a offert, son "linge de maison", erk, n'avaient que deux patterns : uni ou personnage d'animé imprimé en grand. Mais allez savoir pourquoi ces photos reddit lui parlaient... Ça devait parler à la gosse qu'elle était toujours en plus de l'adulte qu'elle devrait être à son âge, peut-être. On sait pas.

C'était en tout cas assez révolutionnaire pour qu'elle se décide à emmerder quelqu'un au milieu de la nuit. :

-Imagine. Ça. Dans toutes les salles de bains de Terrae... Et tout le monde avec un animal différent... Ce serait pas trop cool ?! HAN !...

Elle se redresse, prend une pause et boit une gorgée de bière pour retrouver son calme. :

-Qu'est-ce que tu choisirais toi ?

__–« Et tu l’auras cachée où ta corde ? »
__–Non parce que, j’ai fouillé sous sa culotte, j’ai rien trouvé. Après j’ai toujours ce qu’il faut de câbles qui pendouillent de partout. Et du lierre bien sûr, mais c’est rien qu’à moi ça.
__–Sur ce, Kaiko va sur Reddit et me montre… ouah. Ah ouais. Ah non mais ouais pas mal. C’est énorme en fait. Ouais puis Terrae, alors, c’est sympa mais niveau déco c’est genre… un peu basique, quoi. Puis ça fait longtemps que j’ai pas fait avoir une ulcère à Ashton après un projet d’aménagement d’intérieur, vendu on fait ça.
__–« Mais grave. Alors attend. Je prends quel animal. »
__–Qu’est-ce qui irait bien avec le cannabis que je fais pousser dans mes chiottes et mon état actuel… Oh mais non je sais.
__–« Un truc genre… Le lézard. Ça manque de vert en plus chez moi. Et puis c’est rigolo les lézards. Par contre ça a besoin de chaleur… »
__–Je me roule vers elle pour la prendre dans un de mes bras, je sais pas trop à quel niveau, mais sa chair est effectivement bouillante, c’est top. Je sens que Kaiko va pas me laisser me caler longtemps dans cette position, surtout que là je suis en train de fermer les yeux et d’envisager très sérieusement de passer la nuit la tête entre ses cuisses – une fois de plus, une fois de moins –, mais eh, on profite. Y’a pas le feu on a toute la nuit. T’façons le seul moyen pour qu’on se sépare là, c’est qu’on tombe de sommeil ou dans le coma. Et quoi qu’il en soit, ce ne sera pas avant d’avoir redécoré au moins une de nos chambres. Je suis en train d’imaginer des chiottes, du carrelage, des pochoirs sur les murs, du mobilier, le tout avec motif ou en forme de lézard, c’est glorieux. À tous les coups on peut en commander sur Internet ou je sais pas quoi. Est-ce qu’on peut faire passer ça en frais d’entreprises ? Enfin, ça reviendrait au même de dire que c’est moi qui paye, vous me direz.
__–« Tu veux quoi pour la tienne ? »

L’image à partir de laquelle tout est parti :

Sa corde ? Kaiko cligne des paupières, regarde Luna, puis son sac à dos, et ne répond pas... Yep, elle vient d'avoir une vision. Très brève, mais du coup elle sait... Elle sait même la couleur de ce qu'elle a emmené par inadvertance... Zéro fun. Elle déteste ce pouvoir yep.

Mais on s'en fout, concentrons-nous sur cette putain d'image et cette putain d'idée de merde qu'elle est géniale. Luna choisit le lézard... Peut-être qu'à jeun Kaiko aurait fait un lien avec les propriétés régénératrices de l'animal : s'ils perdent leur queue, ça peut repousser. Mais Kaiko est bourrée, et tout ce qu'elle trouve à dire en rigolant un peu c'est :

-Ahah ! Ouais vert.

Et puis Luna s'accroche à ses hanches en parlant de la chaleur dont l'animal à besoin alors Kaiko la regarde. Non mais regardez-la cette choupi. Luna est belle gosse mais qu'est-ce qu'elle est mignonne quand elle est toute fatiguée/perchée... Kaiko pose une main sur son épaule la couvrant autant qu'elle peut pour lui donner la fameuse chaleur qu'elle souhaite et réfléchit du coup à ce qu'elle aimerait avoir comme animal. :

-Le cochon ! lâche-t-elle dans un hoquet. Parsseke figure-toi c'est mon signe astro. Chinois. Et c'est le symbole des bons vivants et des coupains ! Aussi. Parce que je suis une sacré cochonne n'empêche.

A prendre dans tous les sens du terme que vous voulez. Kaiko n'est pas connue pour sa propreté quand elle travaille au garage ou sa délicatesse au lit avec ses partenaires... ...Elle tente vaguement de transformer son nez en groin pour faire une blague mais c'est un échec alors elle ouvre un nouvel onglet pour chercher des accessoires "lézard" pour salle de bain. Et, comme quoi, on trouve vraiment de tout sur internet. :

-Omg ça existe pour de vrai ! T'as des rideaux de douche et des tapis en forme de lézard et... attends c'est quoi ce truc....... une brosse à dent AHAH !

Tout en sirotant sa bière, elle tapote doucement l'épaule de Luna. :

-Eh t'endors pas, j'ai trouvé une poubelle et un brosse à chiotte vert fluo ch'uis sûre on peut dessiner des p'tits lézards d'ssus pour le rendre stylé !

Dit la meuf qui n'a aucune notion de DIY.

__–J’ai bien pensé à m’endormir, mais avec une Kaiko qui beugle des trucs à côté de moi, ça allait pas être possible. Le cochon, donc. Elle me sort des justifications et tout, je sais même pas ce que c’est mon signe astrologique. En fait, j’ai pas une idée très claire de ce qu’est un signe astrologique. Un truc en rapport avec les étoiles ou je sais pas quoi ? Par contre, ses autres arguments, j’approuve.
__–« Je suis donc pote avec une cochonne, écoute, tant que t’as une queue en tire-bouchon. »
__–Entre ça et la mienne qui repousse quand on la coupe, on est belles là tiens.
__–Kaiko fait des recherches et tombe sur du mobilier reptilien. Et parle trop et trop fort pour que j’arrive à fermer l’œil. Ce qui est pas plus mal, j’hésite encore à la remercier ou à lui dire de la boucler, mais d’une part, si je le fais c’est un coup à ce que je finisse avec trente mètres de corde contre la peau et suspendue à poil au plafond, d’autre part, ça impliquerait de réfléchir pour décider quoi faire. Et là c’est mort. Déjà j’arrive pas à comprendre comment je fais pour avoir une narration encore intelligible.
__–Du coup je regarde ses trouvailles, hein.
__–« C’est énorme. On prend l’tout. »
__–Ouais, j’aurais peut-être dû réfléchir avant sur ce coup là. Non parce que, en fait, j’ai pas de rideaux de douche chez moi. On a pas de baignoire, c’est juste une douche derrière des parois en verre, vous voyez ? Je vais faire quoi de rideaux en plastique ultra laids – mais si drôles, je suis tellement défoncée c’est incroyable ?
__–Je ne sais plus si j’ai les yeux ouverts, ou fermés et j’imagine ce qu’elle me montre basé sur ses descriptions. Je crois que le fait que quand Kaiko m’a tapoté l’épaule, j’ai redécouvert la brosse à chiotte et qu’elle ne ressemblait pas du tout à ce qu’elle était l’instant d’avant, me laisse à penser que j’étais complètement en train de rêver éveillée.
__–Ça suffit là.
__–« Café. »
__–Est-ce que je peux me lever ? J’en ai aucune idée. J’essaie. Ouuuaah la Terre bouge. Non c’est bon. C’est moi la Terre qui bouge, ah ah ah ah ah. Café.
__–« J’dois avoir de la peinture pour les murs qui reste en plus ou je sais pas quoi, ça ira bien pour… ou des bombes… attends… prends une bombe de la peinture la plus, euh… prends du noir, ça va bien sur le fluo. Et prends une vert méga pétante aussi. On fera des pochoirs pour assortir les murs des chiottes à la brosse. »
__–Qu’est-ce que je fous à poil devant ma gazinière à regarder les flammes une cafetière à la main moi ?
__–Ah, oui.
__–Heureusement que ma mémoire musculaire fonctionne encore.
__–« Tu veux une tasse ? »
__–Ça va aller mieux quand ça aura fini de bouillir. Je sors le sucre, aussi. Déjà j’en mets pas mal, là on aura le droit à la quantité maximale.
__–« Et toi alors, montre, ça va être genre, les trois petits cochons ou je sais pas quoi ? Paille, bois et, euh… uranium appauvri c’était dans le mème ou le conte original, je sais plus… »

Le mème en question :

Kaiko savait bien qu'elle n'était pas Morphe, mais à partir d'un certain degré d'alcoolémie, elle essayait toujours de "réveiller son vrai pouvoir"... comme pour le groin plus tôt. Et elle a voulu recommencer quand Luna a parlé de queue en tire-bouchon... Tout comme son nabot de frère s'obstinait à vouloir être le "Warrior Téléporteur", elle aurait voulu être "Knight Morphe" -sauf qu'elle le dirait jamais à haute voix, elle a un minimum de savoir-vivre contrairement à Senri. Ça claque bien plus comme pouvoir n'empêche, être n'importe quoi, n'importe qui, quand on veut. Elle a tout de suite pensé à ses héros d'animés qu'elle voulait être petite... qu'elle aurait pu être... mais non, elle se coltine le pouvoir inutile qui s'obstine à lui priver des joies de sa liberté ; ne pas connaître les conséquences de ses choix, en bien ou en mal. Va assumer de te mettre misère quand ta Voyance te dis que tu vas dégobiller dans la nuit, c'est plus marrant. Va apprendre à connaître quelqu'un quand t'as un résumé de son passé en lui serrant la main... Nul.

Heureusement, elle est bourrée, et cette pensée ne dure pas longtemps puisque l'alcool joyeux reprend toujours le dessus avec elle quand on change de sujet... Faut pas lui dire deux fois qu'elle peut commander les objets farfelus qu'elle vient de trouver ; elle a déjà tout mis dans un panier. Kaiko rigole comme une gamine quand soudain, Luna veut un café. Elle surveille du coin de l'œil si elle arrive à se lever, finalisant la commande avec les articles que la Terre lui demande en plus. :

-Et pis skya de bien c'est que d'la bombe...

...Non. Phrase terminée. Faut l'imaginer tanguer, même assise, tout en continuant sa bière. Sans réaliser qu'elle confond une bouée avec une ancre qui l'attire un peu plus dans les abysses. Mais elle reste habituée au roulis de l'océan, alors quand Luna lui propose du café, elle lève sa bière en la secouant un peu. Elle a déjà tout ce qu'il faut. ...Par contre elle a rien bité à la suite. Elle s'est tournée vers Luna, elle aussi pas bien droite sur ses appuis -un arbre qui se plie dans le vent... alors qu'il n'y en a pas ici lel. A deux, elles font un étrange ballet à pleurer de rire. ...ou pas. :

-Kece- Non ? Je connais pas celui-là, de conte... Par contre, tu connais le film Ran ? Y'a toute une intro sur une chasse au sanglier et... le film parle des tensions dans une familles... avec trois frères qui se mettent sur la gueule parce que l'héritage paternel huu chais pu.

C'est qu'elle aimait bien ce film à la base... y'avait toute une symbolique -qu'elle avait interprété à sa sauce, certes, mais au moins elle l'avait fait- qui lui tenait à cœur dès les premières minutes. A chercher à tuer le bon vivant, l'image même du partage et de la famille, tu détruis la tienne... Elle plisse les paupières en matant le plafond avant de se redresser pour chercher des objets de salle de bains cochon. :

-Mais le cochon c'est rose, c'est plus marrant !

Claquée, elle reprend ses recherches en pouffant à chaque trouvaille, et beuglant à celles qui lui paraissent les plus improbables. :

-Y'A UNE LUNETTE DE CHIOTTE AVEC DES COCHONS QUI VOOOLENT !

__–Kaiko me parle d’un film. Avec des sangliers. Hm. Oui, c’est très possible que je l’aie vu, celui-là. Par contre je vois pas où elle veut en venir. Elle non plus. Est-ce que c’est si important ? Je ne pense pas.
__–« Toi aussi t’es rose. »
__–Il fait chaud, elle a trop bu, elle rougit, vous saisissez ce que je veux dire et moi ma tasse de café. Ouah ça fait du bien. Je suis d’attaque plus plus de conneries. Et ça tombe bien parce que Kaiko en sort une d’importance capitale.
__–« Lunettes de chiotte. Cochons qui volent. Fais voir. Ouah. C’est super moche. Il la faut. Hé, meuf, tu sais quoi. Tant qu’à faire. Commande des gros pots de peinture rose et verte, là. Et viens on peint des animaux géants dans les couloirs. Ils sont moches les couloirs. ’faut arranger ça. »
__–Ashton va nous tuer. Mais est-ce que j’en ai quoi que ce soit à foutre, là ? Pas du tout. Je suis trop occupée à rigoler comme une demeurée.
__–« Ah mais non attends. Ils arriveront quand on sera sobres et peut-être qu’on aura plus envie de faire ça… Euh… Il faut qu’on aille en acheter au village. Mais tout est fermé là. À moins que. À moins que. »
__–Braquage, pas braquage…
__–« Si attends. »
__–Je me colle contre Kaiko – d’une façon inutilement et exagérément sensuelle, vous l’aurez compris – et prends le clavier et la souris, navigue un peu et trouve ce que je veux.
__–« Voiiiilà mate-moi ça. »
__–J’ai ouvert deux onglets. Sur le premier, un service de livraison tokyoïte que j’utilise régulièrement, le concept c’est que n’importe quand dans la journée, tu peux appeler quelqu’un qui va te chercher quelque chose pour que toi t’ai pas à bouger. Comme nous à Terrae on ne peut pas bouger, forcément, ça sert pas mal. (Je me demande même si on ne représente pas la majeure partie de leur clientèle à cette petite boîte, d’ailleurs.) Et sur l’autre onglet, j’ai trouvé la dernière boutique de bricolage encore ouverte.
__–« On fait ça ce soir meuf. On s’habille et on va au grilles ? »
__–Le temps qu’on trouve nos sapes, les mette, sorte, déambule jusqu’aux grilles et convainque Chris qu’on est pas là pour faire quelque chose de trop dangereux ou stupide, notre peinture sera arrivée.
__–Heureusement qu’il est pas télépathe.

Le commentaire de Luna la fait glousser. Parce que oui elle a compris la blague roh, elle est bourré, pas Senri. Elle la laisse observer la FAMEUSE lunette de chiotte qui claque quand même, alors qu'elle est déter... d'un coup... à repeindre les couloirs. Peut-être que pas bourée, Kaiko aurait mis un véto... parce que pimper sa chambre, même si elle est provisoire, lui paraît normale, un espace de vie commun comme un couloir, faut au moins faire une réu. Sauf qu'elle est bourrée. Et qu'elle déglutit avant de se redresser. :

-Mais OUAIS ! T'es un génie !

Elle choppe ses joues pour lui coller le baiser le plus bruyant du monde avant que ses ardeurs ne soient calmer. Ouais non, acheter et faire de la peinture sobre, c'est atténuer leurs élans artistiques qui déchirent dans leur état. Faut faire ça maintenant ! Et Luna semble avoir LA solution. Alors qu'elle se frotte, le cul à l'air ET en l'air, Luna prend le contrôle du clavier et de la souris. Kaiko ne comprend que vaguement ce qu'elle fait mais ce qu'elle arrive à voir, c'est qu'elles vont être livrées bientôt. Et ça... Et ça c'est un cadeau de Noël avant l'heure les enfants.

Kaiko claque l'une des fesses de Luna d'une main tout en buvant sa dernière -grosse- gorgée de bière dans sa bouteille. :

-T'es parfaite. Go mettre un slip avant que je te mange.

Elle marque une pause. :

-Et go me trouver des habits aussi...

Oui parce qu'en sous-vêtement dans les couloirs ça passe mais pas sûr dehors ce sera la même aventure ahah.

__–Je la regarde sans comprendre quand elle me demande de lui trouver des habits. Genre. Tu peux pas le faire toi ?
__–Aaaah.
__–Non d’accord. Oui oké, c’est évident, c’est chaud, j’arrive plus à voir ce qui est évident. Elle veut se déguiser en moi, non mais d’accord, pas de problème. Je me lève vers ma chambre et en sors deux falzars, un débardeur et un t-shirt un peu éclaté mais pas trop. Ah oui, et une culotte tout de même, j’en aurais besoin d’une.
__–« Tu veux que j’t’habille ? »
__–Je passe sur la séance poupée pour aller directement jusqu’à la porte de l’institut, où on s’est dirigée bras-dessus bras-dessous, en chantant, moi un bédo au bec et elle une bière à la main, et on faisait tourner l’un et l’autre entre nous deux.
__–« Aaaaatteeeeend… On va pas réveiller Chris le pauvre… Un peu de silence… »
__–Je dis ça, mais je fais pas mal de bruit moi-même.
__–Et effectivement, une nana à moto est là, devant les grilles, à regarder sur son téléphone en nous attendant. Je crois bien qu’elle hallucine quand elle nous voit débouler.
__–« J’ai une commande pour… Luna Vasconcelos ?
__–– C’est moi ! Et mon japonais un peu approximatif. Il faut signer où ?
__–– Là… C’est de la beuh ?
__–– Quoi t’en veux ? Tiens ça m’fait plaisir, pour t’être déplacée si tard. »
__–Elle me regarde comme si j’avais dit une énorme connerie, me tend le colis, rabaisse sa visière et se tire sans plus de commentaire. Ah, les Japonais, ces culs-serrés. Enfin pas Kaiko, heureusement.
__–« Bon allez, on va rendre tout beau ces murs à la con ? On commence par quel étage ? Y’a les pinceaux chez moi et… on peut en faire juste devant chez nous, mais ’faut un faire profiter tout le monde. »
__–J’aurais été dans mon état normal, j’aurais été plus tiraillée entre, est-ce qu’on se grille direct mais au moins y’a que nous qui prenons, ou est-ce qu’on fait nos peintures ailleurs que devant nos portes et on prend le risque de mettre quelqu’un d’autre dans la merde.
__–Non puis franchement, y’a rien qui interdit de rendre un peu vivants les couloirs, si ?

Luna revient avec un débardeur et un futal. Le premier est un classique, elle en porte souvent, le second est plus large que ce qu'elle porte d'habitude. Plus large et plus court aussi, elle a les chevilles à l'air mais c'est parce qu'elle est plus grande que Luna. En vrai, c'est grave confortable... Faudra qu'elle demande où est-ce qu'elle trouve ce genre de vêtements... si elle s'en souvient. Mais ce qu'elle ne risque pas d'oublier, c'est cette question incroyable. Kaiko sourit de toutes ses dents avant de répondre. :

-Non mais je veux bien te déshabiller plus tard...

Enfin elles partent à l'aventure, déchirées de deux façons possibles. Luna lui tend son joint mais elle ne tire pas dessus, par contre elle la laisse se servir dans sa bière. Elle lui rappelle qu'il faut qu'elles baissent d'un ton pour le pauvre Chris qui fait dodo -quelle idée saugrenue- et Kaiko rigole déjà en voyant la tête de leur livreuse. Entendre Luna parler japonais la fait doucement glousser parce qu'elle trouve son accent trop adorable... mais elle se calme d'un coup devant la réaction de sa compatriote qui se fait offrir le joint.

C'était attendu qu'elle se barre sans une politesse... Ça agace Kaiko mais comme elle est incapable de rester en colère bien longtemps, elle hausse les épaules et serre le bras de Luna qui porte tout sans souci, privilège de Titan. :

-Faut commencer à un étage avec des gens cools... Parce que ce serait dommage qu'ils cherchent à virer nôtre ârt direct demain... P't'être les Terres, ils seraient capables de l'apprécier... ou même les Eaux ! Du peu que j'ai vu, ils ont pas tendance à emmerder les Masters dès qu'il se passe un truc zarb.

Elle marque une pause. La pause terrible de la pire idée. :

-Ou alors, on va à l'étage avec la salle Master pour leur faire une surprise uhuh.