Chris repassa pour la quatrième fois en dix minutes une main sur sa chemise pour essayer d'en retirer les plis du repassage (ou de l'absence de repassage, dans son cas). Il inspira, expira, regarda à droite, à gauche, puis le portail, encore, toujours.

Elle devait rentrer aujourd'hui, non ? Alors pourquoi n'était-elle toujours pas là ? L'avion avait eu un problème ? Elle avait été agressée en chemin ? Non, ça, c'était stupide, même si elle se faisait agresser, ce serait plutôt les agresseurs qui repartiraient la queue entre les jambes. Mais alors pourquoi n'était-elle toujours pas là ? Il soupira, croisa les bras sur son torse, soupira une deuxième fois, mais cette fois-ci en constatant qu'il avait quand même mis une chemise. Une. Chemise. Mais il lui était passé quoi par la tête ?

Alors qu'il s'apprêtait à retourner dans sa loge pour se changer et enfiler un pull, son souffle se coupa quelques micro-secondes alors qu'il apercevait cette chevelure blanche qui lui avait tant manquée. Il sentit son coeur se mettre à tambouriner contre sa poitrine, mélange d'appréhension et d'impatience. Son visage resta pourtant neutre, seul un mince sourire vint étirer ses lèvres, à peine perceptible.

-Tu as laissé ça chez moi avant de partir, déclara-t-il simplement après être arrivé à sa hauteur, tendant à la jeune femme un livre sur les plantes écrit dans une langue qu'il n'était pas encore capable de lire.

Il détourna légèrement le regard, ne se sentant peut-être pas encore prêt à croiser directement son regard. Ca faisait bien longtemps que quelqu'un ne lui avait pas manqué comme ça...

Le portail a toujours un air étrange.
On finit par s’habituer à sortir par la grande porte et par rentrer en urgence par téléportation. Finalement on est devant juste pour le show souvent, ou pour accueillir quelqu’un. Il y a toujours des curieux à l’entrée maintenant, quand ce n’est pas des détracteurs. J’aime pas trop les détracteurs. Probablement un rapport avec quelques événements récents, je sais pas.

Je franchis la grille avec un petit sourire narquois à ceux qui attendent devant l’entrée -privilège du grade- et, alors que je dépose mes affaires, sens une aura familière s’approcher.
Un grand sourire se dessine sur mon visage et je me retourne vers Chris. C’est sans conteste celui qui m’a le plus manqué. Je pense que je vais dire ça avec toutes les personnes que je vais revoir à partir de maintenant. Mais non, c’est quand même lui qui m’a le plus manqué.
Même s’il le cache bien je sens qu’il est heureux de me voir quoiqu’un peu… nerveux ? Ok, qui a brûlé ma maison.

Il me tend un livre, pour me le rendre apparemment, et je n’écoute absolument rien parce que.

_ Tu es en chemise. Désolée de le relever mais c’est assez… inhabituel ? Nerveux et en chemise, qu’est ce qu’il s’est passé pendant que j’étais partie ?!

Ah oui, le livre.
Je baisse les yeux mais ne sais pas trop quoi faire d’autre que le regarder. J’imaginais que… Je ne sais pas, il avait bien sa place où je l’avais mis, ça sonnait juste. Mais peut-être que je me suis trompée.

S'il était du genre à rougir, Chris aurait probablement rougi de honte suite à la réflexion de la jeune femme. A la place, il détourna le regard, et se gratta la gorge.

-Il... y avait une réunion de Masters tôt ce matin. M'enfin, rien de grave, ne t'inquiète pas.

Une excuse qu'on n'inventerait plus. Il finit par réussir à reporter ses yeux sur le visage de la jeune femme, qui semblait avoir repris de la vie après s'être absentée si longtemps. Il la détailla quelques instants, remarquant l'absence des traits de fatigue qui avaient fini par creuser un trou sous ses yeux. Elle était bien mieux comme ça. Même s'il avait été déçu de la voir partir, il devait reconnaître qu'elle avait eu raison de le faire.

-Je ne suis pas nerveux.

Il croisa les bras sur son torse imposant.

-Ton séjour a été agréable ?

"Heureuse d'être de retour ?" Il avait longuement hésité entre ces deux formulations, mais avait finalement choisi celle-ci. Si elle était partie, si elle en avait ressenti le besoin, c'est qu'elle n'était plus aussi bien ici. Et si cela lui faisait du mal de l'admettre, il ne pouvait pas la forcer à rester là.