Aria avait l'air intéressée par le travail du cuir... Justine pince ses lèvres, hésitante. Elle avait appris elle-même tout ce qu'elle savait faire. Elle se souvient des après-midis à la bibliothèque pour ses jours de repos, en compagnie de Rat ou de Loup, à lire des encyclopédies entières sur les plantes sauvages de la région, des livrets pour apprendre à coudre et à cuisiner, de ses carnets de notes couverts de son écriture brouillonne... et toutes ses heures de mise en pratique, seule, dans l'appartement qu'elle partageait avec Alba. :

-Si tu veux... je pourrais te montrer...

C'est comme ça qu'ils font les gens, hein ? Ils s'entraident en toute amitié ? Oui hein ? C'est le moins qu'elle puisse faire.

Aria la complimente ensuite, car elle "a l'air de prendre soin de ses amis"... C'est... pas faux mais c'est pas ce que retient Vipère de ses capacités. Elle avait d'abord appris à empoisonner avant de soigner... Ce qui, avec du recul, était vraiment dangereux. Pourtant Aria ne le sait pas et, pour la première fois de sa vie, elle n'est pas comparée à une sorcière... mais à une magicienne. :

-EmBHk-

Justine baisse d'un coup la tête, ses doigts frôlant ses lèvres... Qu'est-ce qui venait de lui arriver ? Elle avait bafouillé, mais pourquoi ?... Elle n'avait pas l'impression de faire une crise d'angoisse pourtant. Elle secoue brièvement la tête avant de vite reprendre contenance, elle réfléchira plus tard à ce qu'il vient de se passer, elle ne devait pas se montrer vulnérable. :

-Je voulais dire... Merci c'est gentil. Je sais beaucoup de choses mais seulement dans ce domaine. Ce n'est pas très utile dans la vie de tous les jours tu sais.

On lui avait assez dit à l'école qu'elle était bête pour qu'elle finisse par l'intégrer ça, au moins, à défaut des cours. Mais l'enthousiasme d'Aria est vraiment communicatif. Elle a l'air emballée à l'idée qu'elle rejoigne le club de danse, mais aussi de lui présenter ses amis. Justine n'a aucun doute sur leur gentillesse si Aria les aime autant. Elle souffle un sourire. :

-J'en serais ravie.

Et puis Aria lui attrape la main et lui fait visiter le cinquième étage. Elle repère donc le bureau de la directrice et les salles réservées aux Masters... Pas qu'elle aurait le courage d'embêter quelqu'un d'autre que Loup si elle avait un souci mais c'est toujours rassurant de savoir... Aria lui montre aussi l'observatoire et Vipère est intriguée. Après tout, son domaine, c'est la nuit et si elle n'a pas les mêmes capacités de lire le ciel que ses collègues Loup et Rat qui passaient beaucoup de temps dans les bois sans autres repères que les étoiles, elle trainait plus souvent dans les rues et ruelles qu'elle connaissait par cœur. :

-J'y retournerai peut-être le soir... mais comme il fait beau, il faut en profiter. J'ai vu qu'il y avait un accès au toit. On peut y aller ? Est-ce qu'on voit tout l'institut de là-haut ?

Si visiter le bâtiment lui avait pris la journée, elle voulait au moins voir jusqu'où s'étendait les limites de Terrae, repérer si le village était loin,... Elle n'avait pas lâché la main d'Aria.

Toute heureuse de la proposition, la préfète des Morphes sautille sur place.

—Oh bah oui, avec plaisir, j'aimerais beaucoup !! Enfin, si ça te dérange pas, hein ? Mais j'adorerais apprendre ! Puis si tu veux, je pourrai te montrer deux trois trucs de couture aussi en échange !

C'est quelque chose qu'elle aime bien faire, proposer d'apprendre quelque chose en échange d'une autre connaissance ou compétence ; c'est aussi comme ça qu'elle a pu se former (en auto-didacte) à tant de travaux créatifs et de sports différents. Pour elle qui n'a jamais été douée à l'école, connaître une technique, c'est la forme suprême d'apprentissage, mais aussi une richesse incroyable, personnelle, intime. Aucune raison de ne pas l'échanger ; car qu'est-ce qu'une vie si l'on ne peut rien partager de soi avec les autres ?

Tina bafouille un peu, et ça tire un rire à Ariana ; pas un rire moqueur, juste un rire content et heureux. Elle aime bien voir l'effet que ses compliments ont sur les autres ; pour elle qui a toujours du mal à les recevoir, en faire est plus simple, et aussi naturel que respirer.

—Hein, pas très utile ?! Tu plaisantes !! Ca peut aider tellement de gens ! Et puis, aucune connaissance n'est inutile, surtout pas si elle te rend heureuse ! Puis imagine, si tu avais pas eu ces connaissances-là, tu aurais pas pu aider tes amis. Et les médicaments, c'est super important ! Ca touche à la santé, quand même ! Même ici, même si on a des guérisseurs magiques et tout ça, les personnes comme toi peuvent aider beaucoup de monde ! Enfin, pas que tu y sois obligée hein… Mais je veux dire… C'est utile, je t'assure !

Elle est un peu maladroite avec ses mots, mais elle espère que l'idée passera… Et c'est de la voir si gentille, si timide, si humble aussi, qu'Ariana se dit : "c'est sûr, elle sera super bien accueillie par les copains, faut TROOOOOOOP que je la leur présente". En espérant qu'ils ne la traumatisent pas ! (Hm.)

La proposition de Tina semble plus adaptée à l'heure de la journée, aussi Ariana acquiesce-t-elle.

—Oui, il suffit de monter encore d'un étage ! Oooohhh j'ai trop hâte, tu verras, la vue est trop chouette !!

Et plus tranquillement cette fois, elle l'entraîne jusqu'à l'étage. Elle essaie de ne pas grimper les marches quatre à quatre — la dernière fois qu'elle a fait ça, elle s'est étalée de tout son long, et ça fait un peu mal — mais elle ne laisse pas son enthousiasme faiblir.

—Tu as déjà pu visiter un peu le village ? lui demande-t-elle sur le chemin.

Bientôt, elles arrivent sur le toit ; l'air est frais, agréable. Elle ferme les yeux, un sourire aux lèvres, puis laisse Justine explorer le toit par elle-même. Faut qu'elle se contienne un peu hjsbfjdf.

Justine sourit à la réponse d'Aria. La Préfète fait vraiment attention à elle, c'est touchant. :

-Si je te propose, c'est que ça ne me dérange pas. Et puis, ça m'aiderait beaucoup d'en savoir plus sur la couture, alors l'échange est parfait !

C'est... peut-être même mieux que d'être payée pour ça. Elle pourrait avoir de nouvelles choses dans sa garde-robe... Elle n'a aucune idée de quoi, et même si l'idée de quitter le noir la dérange pour le moment, ça ne veut pas dire qu'elle ne pourra pas se montrer créative avec les formes.

Aria qui, d'ailleurs, ne profite pas de son bafouillement pour insister sur le sujet. Ou du moins, elle le fait différemment. C'est avec une certaine admiration qu'elle lui explique que, si, sa connaissance est non seulement utile mais en plus, elle peut aider les autres. Justine baisse la tête, ses lèvres tirées dans un sourire presque hésitant. Gênée ou contente ? Elle ne sait pas. Mais c'est certain que c'est beaucoup d'un coup. Alors tout ce qu'elle arrive à répondre, c'est un remerciement presque chuchoté avant de faire disparaître ses joues roses dans sa main libre.

Et ce n'est pas fini puisqu'elle accepte de lui montrer le toit. Plus doucement cette fois, Justine est emportée à l'étage supérieur et peut, cette fois, mieux retenir l'environnement qui l'entoure. Elle ne sait pas si Aria a fait attention à ralentir son rythme pour elle, ou si c'est pour une autre raison, mais elle est reconnaissante malgré tout. Elle peut répondre plus tranquillement à la question qu'elle pose. :

-Non j'ose pas vraiment y aller toute seule... Et comme le principal se trouve à l'institut, j'ai pas insisté non plus avant d'avoir le courage de visiter le bâtiment en premier. Mais j'ai des rendez-vous pour voir mon psy donc je vais devoir m'y coller bientôt.

Pour son premier entretien, elle avait peu parlé, mais le professionnel face à elle avait réussi à comprendre ses lacunes, sans la rabaisser, et l'encourager à revenir. Même Loup avait dit que c'était une bonne idée, au moins au début, pour qu'elle puisse raconter ce qu'elle vit sans aucun poids qui pourrait peser, même avec lui.

Bref, les voilà arrivées sur le toit, Justine doit s'habituer à la lumière mais c'est assez rapide. Lentement elle s'approche de la rambarde et pousse deux petits bruits. Le premier c'est quand elle remarque le champs de fleurs, puis le second, pour la taille de la forêt. Elle se tourne vers Aria, un doigt pointant ce dernier avec une lumière heureuse dans le regard avant de se calmer d'un coup, observer la nature bien différente de l'endroit où elle a grandi et de souffler, son autre main tenant toujours celle de la Préfète. Tous les mots qui pourraient exprimer son excitation restent dans sa gorge, avant qu'elle ne prenne une inspiration et explique d'un ton maîtrisé. :

-Je crois... que c'est aussi pour ça que je dors mal... Quand je n'y arrivais pas, je pouvais me lever, ne marcher rien qu'un peu, dans n'importe quelle direction et tomber sur des forêts, des bois, des champs, des vallées... Maintenant... J'entends la ville partout.

Elle entendait la ville et l'appel des soûlards qui avaient besoin d'expulser leurs pulsions, l'appel des solitaires qui ne voulaient que de la chaleur, l'appel de ses petits à l'autre bout de la planète qui n'avaient plus que Rat sur qui compter... Et la culpabilité faisait son chemin dans son cœur qui n'avait pas beaucoup de joies à vivre au quotidien.

C'est donc décidé : les deux rouquines s'apprendraient donc quelques petites astuces de couture ! Elle passe donc les quelques minutes qui suivent à encourager Tina à ne pas se dénigrer pour ses talents — car pour elle, oui, ce sont des talents, tout ça. Cependant… un instant, Ariana se demande si elle a mis Tina mal à l'aise ; elle la voit rougir et se cacher le visage, toute gênée. Elle n'ajoute rien et lâche un rire, glissant une mèche de cheveux derrière son oreille pour reprendre contenance. Et tranquillement, elles montent sur le toit.

—Oh mince… (Elle a l'air vraiment timide, cette Tina… Ca lui tire un sourire un peu tendre, puis enthousiaste.) Si tu as besoin de quelqu'un pour t'accompagner, n'hésite pas à me demander, je t'accompagnerai avec plaisir ! J'ai toujours des choses à y faire. Courage pour le psy… C'est pas facile au début, mais ça fait beaucoup de bien !

La perspective n'a pas l'air d'enchanter Tina. Elle la laisse cependant réfléchir tranquillement à cette idée, gardant sa main dans la sienne, comme pour la rassurer. Elle a détesté la première séance, parce qu'elle a dû parler de tout ce qui n'allait pas pour elle. De l'accident, de ses doutes, de ses blessures… De Lola, finalement, beaucoup plus tard. Tout ce qu'elle a toujours tu. Mais elle est contente de savoir que Tina envisage de continuer à voir le sien, de psy, si ça peut lui faire du bien. Parfois, il faut passer par des moments où ça fait du mal pour aller mieux. … A moins qu'elle soit simplement angoissée d'aller au village, maintenant qu'elle y pense. Ce qu'elle peut aussi comprendre, même si ça n'a pas été son cas, à l'époque. Aria a toujours été un peu exploratrice, même si elle est très timide. Le plus difficile, ça a toujours été de parler aux gens ; du coup elle s'est forcée à le faire au lycée, et maintenant c'est devenu plus facile.

Lorsqu'elles arrivent en haut, sur le toit, elles se rapprochent de la rambarde et Tina semble complètement émerveillée. Ca fait longtemps qu'Aria ne l'est plus, en regardant l'institut, qui est aujourd'hui sa maison depuis sept ans. Pourtant, la joie qu'elle ressent, elle, est bien réelle, à la fois par le spectacle que Terrae leur offre et celle qui irradie de Tina. Ce jour-là particulièrement, le soleil lumineux rend le campus plus beau… Elle est contente qu'il ne fasse pas moche, ça permet à Justine de mieux apprécier les lieux.

Elle a un rire en la voyant pointer certains endroits du doigts, aussi Aria hoche la tête avec enthousiasme. Elle ne dit rien, lui laisse le temps. Quelque chose a l'air de se passer dans son petit coeur, et Ariana n'a pas envie de l'interrompre. Elle a une expression triste, intense, et pourtant lointaine. C'est comme si elle n'était pas là, Justine. Alors Aria lui presse gentiment la main et lui sourit encore.

—Je crois que je comprends. C'est… différent de là d'où tu viens, c'est ça ? En même temps, Terrae est plantée au milieu de Tokyo, et c'est vraiment une ville gigantesque et terrifiante… Parfois Grenade me manque aussi, ici c'est pas tout à fait pareil. Mais… On s'habitue, ici. Il y a de l'espace, et ça pulse de vie. Les Terres en prennent très soin, ils tiennent beaucoup à ces endroits… Je trouve que c'est un peu comme un cadeau qu'ils nous font.

C'est comme s'ils étaient connectés, tous ensemble, au final. Car même sans ressentir la terre, les fleurs et les arbres rapprochent. Elle aime particulièrement le lac, et se dit que c'est un endroit qu'elle aimerait montrer à Tina un jour.

—Ce sera pas comme chez toi, c'est vrai… Mais si tu te sens pas bien, peut-être que tu peux aller faire un tour dans les espaces verts de temps en temps, ou dans la forêt ? Pour t'aérer… Entendre autre chose que la ville et les gens. (Elle fait une pause, puis reprend plus timidement en regardant ailleurs.) Et si tu as peur dans les dortoirs, ou que tu y es pas à l'aise, tu peux toujours dormir chez moi en attendant d'avoir une chambre à toi ? J'ai un canapé dans le salon, et ma chambre… C'est tout petit, mais ça me dérange pas. Parfois, on a juste besoin d'un peu de calme.

Bon, c'est pas avec Aria qu'elle aura du calme, mais elle ferait un effort.

Elle hoche la tête quand Aria l'encourage à aller voir le psy, à lui demander si elle a besoin de quelqu'un pour l'accompagner jusqu'au village. Ça l'inquiètera toujours un peu de devoir expliquer à un professionnel à quel point elle "n'a pas été finie", à quel point elle ignore beaucoup de choses, à quel point elle est cassée aussi. Mais elle est prête à se forcer, comme avec tout, mais cette fois elle sait que c'est important. C'est pour elle.

Et sur le toit de l'Institut, devant toute la nouveauté du monde qui s'offre à elle, qu'elle n'aurait jamais cru voir un jour, entre ce qui lui rappelle son village et ce qui est totalement différent, elle se concentre sur ce fait tout en écoutant Aria. Elle parle de Tokyo et de Grenade, elle apprécie la façon dont elle voit ce que les Terres font pour maintenir Terrae au cœur du chaos d'une capitale. Aria qui lui propose de rester chez elle le temps qu'elle arrive à s'adapter. Elle est si gentille... Et ce n'est pas profiter de cette gentillesse si elle accepte n'est-ce pas ? C'est parce qu'elle pouvait penser un peu à elle maintenant, et qu'elle comprend que c'est plus que le dortoir qui lui pose problème... Elle pouvait l'embêter avec ça ? Oui ? Juste un peu. Tu es fatiguée, admettons-le. :

-Si-si-sss... Je... Oui ?... Je veux bien ? finalement... je- Je te promets je ne prends pas de place, l'avantage de mon format de poche ahah ! Et je- je n'ai pas beaucoup d'affaires, enfin, si j'ai pas encore tout reçu mais j'ai quelques pots MAIS je les laisse dans mon carton de toute façon je-...

Ok pas de panique. Pourquoi on panique ? Ah oui. Tina ne veut pas déranger Aria qu'est déjà assez aimable pour l'avoir accompagnée jusqu'au toit.

Aria connaît un peu cette angoisse là, celle d’arriver dans un endroit où elle ne connaît rien ni personne, où elle est coupée de tous ses repères. Ça avait été nécessaire pour elle à un moment de sa vie, comme pour beaucoup de Terraens au final ; pourtant, que l’on ait cette hâte de découvrir l’autre, cette envie de fuir son ancien chez-soi, le besoin de s’isoler de son vécu, l’inconnu effraie. Quand elle est arrivée, elle a eu d’abord un peu de mal à se faire de vrais amis, des personnes qu’elle voyait fréquemment ; mais finalement, elle s’est bien entendu avec tout le monde. Puis elle a rencontré des tas de gens chouettes, et avec eux, elle s’est sentie devenir plus forte… C’est ce qu’elle tente encore de faire aujourd’hui. Tranquillement, de prendre les mains qu’on lui tend et de tendre sa main à son tour.

Et tous ensemble, ils avancent.

Alors proposer à cette si gentille personne, toute perdue de l’héberger un peu, ça ne lui paraît pas être grand-chose. Tant qu’elles se respectent, qu’elles se laissent un peu d’espace — un concept qu’Aria a souvent du mal à comprendre, mais elle fait des efforts dans un quotidien, surtout avec les gens qu’elle ne connaît pas trop. Mais là c’est naturel, ça coule, c’est chouette ; et Justine et toute calme et douce, alors elle calque un peu son énergie sur la sienne, pour éviter de trop déborder.

Aria sourit tout largement, tout contente, et sautille presque sur place, attrapant la main de Justine des deux siennes.

—T’en fais pas, tu peux prendre la place que tu veux, et tu peux prendre tes affaires ! Enfin, vraiment, c’est moi qui vais devoir ranger ohlala, j’suis trop désolée. Tu crois que tu pourras m’aider à faire juste un peu de place ? J’ai beaucoup de rouleaux de tissu pour la couture, c’est vraiment le bazar, mais je peux sûrement déposer ça dans la remise du café en attendant… Oh, c’est vrai ! Je travaille à mi temps dans un café BD, tu devrais y faire un tour à l’occasion, je te servirai un suuuuper chocolat latte avec plein de chantilly et du sirop ! Enfin… si tu aimes le sucre ??

Aria est déjà partie sur autre chose, pauvre Tina.

—Tout ça pour dire !! Tu me déranges vraiment pas ! Je suis sûre qu’on va trop s’amuser ! Oh et vraiment, si je parle trop ou que je fais trop de bruit, hésite pas à me le dire ou à me jeter un coussin dessus ok ?? Et si tu as besoin d’un break d’agitation tu cries : BREAK et je comprendrai qu’il faut que j’aille m’enfermer dans la salle de bain pour redescendre un peu- Woaaaah j'ai trop hâte !

… Est-ce qu’elle a inventé tout ça sur le coup ? Ouais. Ouais, vraiment.

Aria est si ravie qu'elle sautille en prenant ses mains. Tina la laisse faire en souriant un peu, encore un peu mal à l'aise à l'idée qu'elle profite peut-être trop de la gentillesse de la Préfète. Elle parle beaucoup, et un peu vite, mais elle arrive à la suivre, maintenant que ses pensées sont quand même largement moins sombres. :

-Bien sûr que je vais t'aider ! C'est la moindre des choses. Et j'aime le sucré oui, je passerais te voir souvent alors ! et elle ajoute en chuchotant, comme si elle partageait un secret. J'aime beaucoup la chantilly.

Et puis Aria repart en lui disant de surtout lui dire quand elle dérange et Justine souffle un rire. Elle ne voit pas dans quel monde elle se lasserait de la joie de vivre d'Aria quand elle était aussi communicative. Elle parle vite, parfois fort, elle bouge beaucoup, mais Justine aime bien... Ça met de l'animation dans son environnement tout lent, silencieux. :

-D'accord, d'accord ! J'ai hâte aussi. Merci.

Oui, Tina risquait souvent de lui dire merci dans les semaines à venir.

Aria est un peu partie dans ses rêves, elle s’agite, s’extasie, se rend compte que ça fait longtemps qu’elle rêve d’avoir une coloc. C’était déjà un peu le cas avec Afya à l’époque, et elles ont même tenté de négocier une porte communicantes entre leurs deux chambres ; mais pour Hideko, visiblement c’est une mauvaise idée, si elles quittent Terrae et que la chambre et relouée et blablabla. Incroyable. La petite Morphe en soupirait de dépit. Elles ont fini par s’y faire, sachant que leurs chambres étaient quasiment ouvertes à toute heure — du moment qu’elles sont dedans. Mais là ! Une coloc ! C’est si plaisant à imaginer…

—Ouiii trop bien ! Noté alors hihi. Et tu aimes boire quoi, comme boisson chaude ? Moi j’aime bien le chocolat chaud. Avec de la chantilly et des marshmallow, c’est super en hiver !

Elle aime surtout le faire avec du bon chocolat fondu, mais c’est souvent assez lourd sur l’estomac donc elle préfère le thé au quotidien… Oh mais si Tina aime les plantes, elle doit s’y connaître en tisane et thé !! Elle lui demandera… Mais pas maintenant, elle l’a assez harcelée de questions et de “OH ET PUIS, ET PUIS”…

Soudain, Aria sourit et soupire un peu, toute contente, s’appuyant à la rembarde. Elle observe Tina par le côté, un mélange de joie et de curiosité. C’est bizarre, quand les gens acceptent comme ça qu’elle s’agite, qu’elle… existe, en fait. Alors elle profite du moment, de l’air tout en haut du monde. (Enfin, ce n’est pas si haut, finalement…)

Un peu de temps s’écoule. Quand elle commence à avoir la bougeotte, elle se tourne vers Tina, la voix plus basse que précédemment :

—Tu as envie d’aller faire un tour, ou bien que je te montre où est ma chambre ? Enfin, si tu préfères, on peut aussi aller chercher tes affaires, sauf si tu as besoin d’un peu de temps ! J’ai pas envie d’être lourde.

-Avec la chantilly, le chocolat c'est toujours mieux ! Oh mais j'aime beaucoup le thé aussi... Je te ferais goûter les mélanges que je fais moi-même, si tu aimes bien aussi !

Elle a même un mélange exprès pour les douleurs menstruelles, c'est dire si Justine en savait un minimum pour faire ses propres thés.

Un silence s'installe après cette discussion. Justine a le temps de s'imprégner de tout ce qu'il l'entoure, de l'horizon au-delà de Terrae, où se dessine les gratte-ciels de Tokyo. Elle est à l'autre bout du monde, elle qui n'a quitté son petit village que pour un voyage scolaire dans la région d'à côté, visiter des grottes préhistoriques dont elle n'a pas retenu le nom.

Elle se tourne vers Aria quand elle lui demande si elle veut faire un tour. Justine penche un peu la tête, son sourire ne s'arquant que d'un côté. Pourtant sa réponse est sincère, elle y a réfléchit un peu, puisqu'elle n'a pas le courage d'aller au-delà de la cour, mais qu'elle sent bien que la Préfète veut bouger. Elle trouve un compromis. :

-On peut faire le tour du bâtiment si tu veux ? J'ai pas vu toutes les entrées et les sorties.

...Bon. Un mélange de compromis et d'instinct de survie donc. :

-Oh ! Mais- si tu as besoin de temps pour ranger... Enfin il n'y a rien de pressé hein, mais si tu veux que j'aide pour ranger maintenant, ça me dérange pas non plus ! Je me disais juste... Bouger avec toi... c'est bien aussi.

Oh puis flûte.

—Mais ouiiiiii complètement ! s’exclame-t-elle à propos de la chantilly, avant de la laisser continuer. Oh woah, trop bien !! J’adorerais les goûter si tu es d’accord ! Comment tu les assemble ? C’est vraiment en fonction du goût, ou c’est parce qu’ils ont des vertus particulières ?

Ariana s’étale un peu plus sur la rambarde, joue sur ses bras, pour observer Tina, tout sourire. De plus en plus, elle se rend compte que les rencontres à Terrae sont d’une simplicité — enfin, parfois bizarres on ne va pas se mentir — déconcertante. C’est souvent très honnête, du moins c’est ainsi qu’elle perçoit la plupart de ses relations ; elle ressent de moins en moins le besoin de jouer un rôle, de faire semblant. C’est peut-être aussi ça qui lui fait dire qu’elle va mieux : être en capacité d’être elle-même, de s’autoriser, même si parfois elle tente de se contenir. Et elle aime le lien avec les autres, la connexion, plus que tout au monde. Cette discussion sur le toit, pourtant toute simple, lui amène plein de perspectives et de fraîcheur.

Heureusement, Tina se montre compréhensive de son envie de bouger — elle sent qu’elle va commencer à s’agiter, devenir nerveuse, et si elle se laisse entraîner, parlera d’autant plus vite et fort. Et ce sera aussi inconfortable pour elle, parce qu’après elle ne sait plus s’arrêter. Alors elle sourit comme une enfant et retient un “MOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH trop mignoooooooonnnnnn”.

—Haaannn nan mais t’inquiète pas c’est pas pressé !!! Viens, on peut faire le tour, comme ça tu peux voir par où on entre et sort !

Elle ne se dit pas que c’est bizarre, son meilleur ami c’est Nicolas, et il était aussi méfiant comme ça à son arrivée. Avec du recul, ça aurait peut-être dû lui mettre la puce à l’oreille, mais c’est pas grave ! Rayonnante, la rouquine fait signe à la gentille novice de la suivre.

—On fera le rangement plus tard, ranger c’est fatiguant et c’est nul ! Et puis t’inquiète pas, je vais juste empiler les choses dans un coin pour que ça prenne moins de place…

Elle lui tient la porte menant aux escaliers en sautillant sur place.