• Prénom : Minoru (実 )
• Nom : Saikawa (犀川)
• Âge : 16 ans. (anniversaire le 12 décembre)
• Affinité et pouvoir : Eau si possible, et plutôt lunaire

« Plutôt… standard. »
« Normal, quoi. Y'a rien qui ressort particulièrement. »
« Peut-être un peu petit, mais sinon, je sais pas. »
« Il a 16 ans comme nous, c'est ça ? Il fait plus jeune, en fait, je dirais. »
« Depuis tout à l'heure, il a la tête penchée vers le bas. Ça donne un côté lugubre. »
« Il est timide, non ? »
« Timide, c'est peut-être pas le terme… Il a pas l'air de fuir les gens. »
« Peut-être qu'il a des problèmes, dans sa famille ou quoi. »
« Ou qu'il est occupé, non ? Je le vois toujours en train de relire son cours, de ranger ses affaires, de réfléchir à quelque chose… »

Laissez-le au fond d'une salle de classe, attendez - quelques jours seulement - qu'il se fonde dans le décor, puis interrogez quelques lycéens pour recueillir leurs impressions. Il en ressortira une description physique très brève, sur laquelle il faudra insister pour obtenir le moindre détail, tant elle tient sur un timbre poste. Cheveux noirs et raides, yeux noirs en amande, peau pâle, un ado comme la classe en regroupe déjà des dizaines. L'ensemble paraîtra un peu juvénile, un peu petit, un peu frêle, mais rien de si frappant en réalité. Très vite alors, la discussion s'orientera vers des interprétations, à partir des quelques attitudes qu'on pourra lire dans le regard, la voix, la démarche. Quel que soit le degré d'interaction, le portrait obtenu sera cohérent. Réservé, solitaire, lugubre, nerveux, grignoté par la fatigue ; vous y verrez la figure tout aussi standard de l'ado introverti pas très bien intégré à la société. Les raisons de cette distance, en revanche, sembleront bien floues, à vos interlocuteurs autant qu'à vous. Il ne vous semblera pas y avoir le dédain qui caractérise ceux qui méprisent leur entourage, ni la peur qui étreint ceux qui sont trop effrayés pour engager la conversation. Vous en aurez la confirmation, lorsque vous le verrez interpeller un camarade pour lui demander des informations, puis le remercier poliment.
N'ayant plus rien à demander, vous repartirez. Sitôt votre présence éclipsée, les lycéens recommenceront à parler du dernier jeu à la mode ou à se plaindre des cours. Vous réaliserez peut-être qu'ils ne connaissaient pas son prénom, et vous non plus.

Si le caractère est ce qui distingue, individualise, singularise, la personnalité de Minoru se trouve à l'opposé. Pour autant qu'elle s'exprime, elle a davantage la forme d'une goutte d'eau perdue dans un verre. Effacée. Noyée. Collective. Banale. Presque trop pour être saisissable.
Il serait pourtant faux de croire qu'elle a quoi que ce soit de fluide. Elle l'était, sans doute, il y a seize ans, avant d'être jetée dans les mécaniques froides et impitoyables de la société japonaise. Ce qu'il en ressort, après le moule, est bien un individu aux contours fermés et pourtant peu distinguable d'un autre. On peut certes en donner les traits de construction.

L'essence de Minoru est d'être ce qu'on attend de lui. De là, les attentes qui pèsent sur un jeune fils de cadre sont simples et limpides : réussir. Intégrer une bonne école élémentaire, puis un bon collège, un bon lycée, une bonne université, et enfin une bonne entreprise. Autour du travail, seulement, se noueraient le couple et une vie de famille dont il serait le bon mari rapportant l'argent à la maison. Pour y répondre, il devint - ou plutôt on le fit devenir - ce qui serait le plus à même de les réaliser. D'abord, un personnage de travailleur méticuleux dont la description pourrait illustrer le mot "scolaire" dans le dictionnaire, aussi bien pour les qualités d'élève modèle que le concept suggère que pour la soumission et le confirmise qu'il dénonce. Assez réservé pour se consacrer pleinement aux études, assez ouvert vers autrui pour en être doux et agréable, Minoru est quelqu'un qu'on aime bien, mais qu'on oublie vite. Quelqu'un qui ne se fait pas d'ennemi, mais pas vraiment d'ami non plus. Ce n'est pourtant pas tant qu'il n'aime pas les gens ou qu'il les ignore, bien au contraire - il a simplement manqué de temps pour apprendre la bonne façon de leur montrer. Et quand il essaie quand même, c'est un peu maladroit.

Son égo, bien que relativement écrasé derrière un vernis de modestie, n'a en réalité de stable que les apparences, puisqu'il est habité par un esprit de compétition souvent plus blessant que productif. Pour quelqu'un qui n'a de valeur que s'il a de bons résultats et est validé par le système qui l'a élevé, l'échec est un pieu planté dans le poumon, une douleur si vive qu'elle peut facilement faire éclater tout ce qui se trouve par-dessus. Rarement dans la violence qu'on verra. Bien plus souvent dans celle qui implose silencieusement, et qui ne laisse derrière elle que des miettes. Ainsi Minoru a-t-il, derrière un calme apparent, toujours vécu sur un fil ténu qu'il s'est évertué à ne pas voir, en surinvestissant d'autant plus cela même qui alimentait sa névrose. Tant que les classements ne le désavouaient pas, l'égo pouvait fuir en avant et s'oublier lui-même.

Et puis un Vide béant s'est ouvert sous ses pieds.

Les goûts d'un adolescent se confondent souvent avec ceux des gens autour de lui. Ses parents, d'abord, qui lui apprendront le bien et le mal, par la punition et la récompense. Ses pairs ensuite, qui lui apprendront ce qui est cool, ce qui est ringard, ce qui est drôle et ce qui est ennuyeux. Au-dessus d'eux, ce sera l'école, qui lui apprendra ce qui est vrai et faux et ce qu'est une vie réussite ou échouée. En transversal, il y aura le légal, le légitime et bien d'autres valeurs encore, qui donneront chacune à leur tour un ensemble de choses à détester et à aimer. Au gré de la construction de soi, chacun de ces cadres est susceptible d'amener à rejeter, ou au contraire embrasser, l'un des autres. Certains se distinguent par des goûts d'autant plus riches qu'ils sont contradictoires, d'autres paraissent être si conformes qu'ils sont parfaitement indissociables du référentiel qu'ils ont choisi d'embrasser.

Tous les goûts que Minoru pourrait avoir, il les as appris. Il sait les réciter, mais pas leur insuffler la passion qui permettrait de croire qu'il y a porté une quelconque réflexion. Ainsi, il aime ses parents, parce qu'un enfant aime ses parents. Il aime l'école, parce que ses parents aiment l'école. Il aime les sciences, parce que l'école valorise les sciences. Il aime les mathématiques, parce que les scientifiques valorisent les mathématiques. Il aime le sucre comme un enfant, les robots comme un garçon et la loi comme un citoyen.
Il se trouve malgré tout une particularité. Du fait de son rapport avec l'école, Minoru n'est absolument pas au fait des goûts de l'adolescent japonais moyen. Il n'a presque jamais regardé d'anime. N'est sur aucun réseau social. N'utilise internet que pour faire des cherches personnelles et envoyer des mails. N'a que quelques numéros sur son téléphone à clapet. Ne faisant pas non plus de sport, ni n'ayant de loisir particulier, il est souvent assez étranger aux discussions qui se tiennent autour de lui, et tentera tant bien que mal de combler cet écart en se renseignant discrètement dans son coin entre deux discussions, de sorte à pouvoir se sentir en phase, au moins un peu. Ce sera un effort souvent bien vain, mais qui pourra parfois générer de la sympathie, lorsqu'il aura retenu ce que chacun aime autour de lui et y glissera une référence.

L'histoire de Minoru est simple. C'est une belle ligne droite qui part d'un début habituel, vers une fin qu'on pouvait déjà prévoir. C'est une anecdote, même pas un fait divers, qui quand on la raconte, sonne comme une répétition. "Encore un", dira-t-on. Encore un enfant qui passe sa vie dans le train de la réussite scolaire. Encore un enfant qu'on surinvestit, et qui finit par s'investir tout seul, d'espoirs de réussite et de bonheur. Encore un qui enchaîne les cours de soutien et les écoles préparatoires. Encore un qui ne peut souffler que s'il est dans les premiers de sa classe. Encore un qui se couche tard et mange peu.  
Encore un qui voit s'écrouler tous ses efforts. Encore un qui craque.

Le jour où il apprit qu'il avait échoué à intégré le lycée privé pour lequel il se préparait depuis tant d'années, il eut pour la première fois honte de rentrer chez lui. Pour la première fois de sa vie, il osa penser qu'étudier n'avait aucun sens. Première fissure.

Ses parents étaient déçus. Il le savait. Et plus que déçus, ils étaient endettés. Des centaines d'euros par mois, pendant des années, pour au final un choix par défaut - un choix médiocre. Pourtant, ils l'avaient enlacé et dit que tout irait bien. Assuré que le lycée ne faisait pas tout, et qu'il restait possible d'intégrer une université prestigieuse en redoublant d'effort. Il avait essayé de les croire. Essayé de croire qu'ils l'aimaient encore. Essayé de croire que rien n'avait changé, dans leurs regards parés de pitié. Deuxième fissure.

Avril était passé. La rentrée aussi. Sa déception était restée. Il avait malgré tout repris les cours privés. Le décalage n'en fut que plus violent. De jour, ses performances n'apportaient plus aucune joie, tant elles signaient son échec bien plus que son mérite. De soir, lorsqu'il cotoyait les élèves d'autres lycées plus brillants que le sien, il voyait l'écart se creuser, entre son niveau et le leur. Troisième fissure.

Une nuit d'insomnie, il se demanda ce qu'il deviendrait, s'il échouait les concours d'université. S'il perdait sa dernière chance. L'impossibilité d'y répondre le laissa terrifié. Quatrième fissure.

Premier gros examen. Tous les élèves de première année sur un même tableau. Son nom, quelques lignes plus bas. Quelques lignes trop bas. Cinquième fissure.

Le lendemain, la terreur l'étouffa au pas de la porte. Il prétexta un coup de froid. Soucieux, ses parents le laissèrent se reposer quelques jours. Quelques jours durant lesquels il tomba, tête la première, dans l'abîme qui sommeillait au fond de lui et dont il venait de percer le plafond. Quelques jours de culpabilité, de douleur et d'aliénation. Quelques jours où il ne sut plus ce qui avait du sens..

Il fallut une voix sibylline pour le sortir de sa torpeur. Saisi par cette douceur dont il ne pouvait même plus rêver, il ouvra timidement sa porte à cet envoyé venu lui promettre un espoir. Une nouvelle chance. Une chance de quoi ? Une chance de vivre ? Si c'était une école à Tokyo… peut-être. Peut-être qu'il pourrait y croire.
Ses parents étaient perdus et confus. Mais heureux, peut-être. Alors lui aussi. Il quémanda du regard leur approbation, cette fois encore. L'obtint. Les serra comme il ne l'avait probablement jamais fait avant.

L'histoire de Minoru est simple. C'est celle d'un gamin paumé qui fuit un mal qu'il ne comprend pas, qui est parti à Terrae pour faire plaisir à ceux qui l'entouraient, avec pour seul espoir de redevenir cela même qui l'a conduit à sa propre chute. Une belle ligne droite qui part d'un début habituel. Vers une fin qu'on ne sait plus prévoir.