Bien entendu il faut que je vous explique ce que je fais là, tout simple, j’ai passé la nuit chez Nath dans le dortoir des terres. C’est parfois plus facile quand je sais qu’Erik travaillera tard de rester ici. Oui, j’aurais pu le prendre dans l’esprit « ouai j’ai passé une bête de soirée avec mon mec tout ça. » C’est pas le cas, je dis pas que passer du temps ensemble ne nous fait pas plaisir, loin de là, juste… Bah. Là c’était vraiment à visée pratique, il a passé son temps dans ses bouquins, moi dans les miens, puis on est allé dormir. C’était très bien mais pas le truc le plus romantique du monde. Ce matin, il m’a aidé à m’laver sommairement, à m’habiller, à me mettre dans mon fauteuil puis il a du filer.

J’suis restée un peu plus longtemps, pour me forcer à ingurgiter une tartine de beure au nutella et un café au lait trop sucré. Je mange hyper calorique en ce moment, il parait qu’il me faut de l’énergie pour aller mieux. Moi j’trouve ça juste écœurant, enfin au moins ça enrobe les médicaments… J’ai pas envie d’entamer ma journée. J’dois aller faire un tour en salle master, on a une énième réunion post Centre, et j’me retiens de tout faire péter à chaque fois. J’préférais les cachetons d’avant ils me permettaient de déphaser plus… Non je déconne. Bien sûr que je déconne.

Enfin prête et motivée à partir, en checkant que mon agenda j’me suis rendue compte qu’il me restait plusieurs heures avant le début de la réunion. J’avais pas envie de rester plus longtems dans la chambre de mon amoureux sans mon amoureux. Du coup j’me suis dit que j’allais aller réveiller Baxter et Ram pour leur parler du bon vieu temps (ou au moins les faire chier…) mais j’suis là dans le dortoir des tonnerres à avoir des remords, est-ce que toquer à leur porte à cette heure c’est pas juste être chiante ?

Une nouvelle journée s’annonçait dans de bonnes conditions. Du moins, la nuit fut bonne jusqu’à ce que mon réveil ne sonne pas. Oui, je suis de mauvaise foi, je ne l’ai pas entendu. Je m’étais, pour une fois, préparer un planning afin de me faire une journée de bien-être pour mon mental et vider un peu le surplus de pensées qui traîne dans les neurones. Rien d’énorme hein, un petit jogging matinal avant mon rendez-vous aux thermes, puis petite séance de cinéma avant de me préparer à travailler à la boîte de nuit.

Parce que oui, je ne l’ai pas mentionné plus tôt, mais j’ai été engagée en tant que videuse/serveuse en fonction des shifts de mes collègues. Ma santé physique s’améliorait de mieux en mieux donc je pouvais me permettre de bosser et puis pour le moment, je n’avais pas eut besoin d’être physique pour virer le monde.

Bon ce soir, pas de videuse, je m’occupais de shift d’une de mes collègues qui est malade, je serais donc serveuse. J’appréciais cet emploi, d’avoir un retour à la normalité plutôt doux et à la fois vivace.

L’univers (mon cerveau) en a décidé autrement en me faisant me lever… pas à l’heure. À la vision de l’heure, je panique. Je peux dire au revoir au jogging, mais peut-être que je peux arriver à l’heure aux thermes ? De long aller-retour se font dans ma chambre, j’attrape les premiers vêtements de la pile se tenant en équilibre sur ma chaise de bureau : soit un vieux pull bleu marin bien trop large et un pantalon cargo noir. Je glisse à peine le peigne dans mes cheveux, lâchant quelques jurons devant le miroir. Merde alors.

Après avoir fini de me débarbouiller et tout le tintouin, je prends l’essentiel à mettre dans mes poches et sors en furie de ma chambre. C’est pas la première fois que j’arrive en retard à mon rendez-vous aux thermes, bon après je sais que Senri y travaille mais … la meuf des rendez-vous va finir par me bannir si je ne fais que venir en retard…

La porte claquée, je me retourne pour vouloir partir en direction de l’ascenceur mais- je me retrouve nez-à-nez avec une inconnue en fauteuil roulant, je ne l’ai jamais vu. Enfin quoi que, euh, non en fait je ne l’ai jamais vu dans le coin.

«Oh, pardon, dis-je en me grattant l’arrière de la tête.»

Pourquoi je dis pardon moi ?
Je regarde à gauche et droite, mais ne vois personne, un léger sourire pincé se dépose sur mes lèvres.

«Est-ce que... je peux t'aider ?»

Alors la réponse logique serait que non. Elle ne peut pas décider à ma place si réveiller Ramiel et Baxter en faisant démarrer leurs baffles sur la danse de canard est une idée acceptable. Il n'y a que moi qui puisse décider quand je serais suffisamment vengée pour le vol de mon fauteuil roulant... Ok, c'était il y a un moment et j'leur en ai déjà fait bavé... Mais est-ce que c'est assez ? D'un côté comme je m'emmerde et que j'ai du temps à perdre, j'ai envie de dire oui... Mais c'est un choix que je ne ferais pas peser sur ses épaules.

"Euh... Ouai."

Oui. Même dans mon état actuel je suis ce genre de personnes à faire iech pour le plaisir. Mais du coup elle a pas l'air de me connaitre, ça doit être une nouvelle initiée. Ca fait un petit moment que je suis sage. A comprendre, un petit moment que j'ai pas fait de prank à la bleusaille...

Il est tellement loin le temps où j'faisais croire aux jeunes recrues qu'ils tenaient leurs pouvoirs de Blobby, le blobfish d'Aaron...

"Est-ce que tu as déjà entendu parlé de notre seigneur Jésus Christ ?"

Je m'arme de mon plus grand sourire de témoins de jéhova. Ok, ma décision est prise. Je sais quelle connerie  je vais faire. C'est bon, je suis ok avec moi-même. Aujourd'hui Bax et Ramiel seront saufs. Sauf si la blondinette n'est pas divertissante. On verra.

« Euh- »

Mais. Qui est cette personne ?

Les traits de mon visage se tordent d’incompréhension. Qu’est-ce que.

Non mais j’ai pas le temps pour ses conneries hein.

Ne me dis pas qu’en fait je suis dans un rêve lucide et que je ne m’en rends pas compte ce qui veut dire que je vais finir ma nuit sur une paralysie du sommeil ? Non mais regardez moi ce sourire. J’ai déjà réussi à m’enfuir des bras d’une mamie qui voulait me convertir en scientologie… Une meuf en chaise-roulante… Je peux faire. Ou alors elle se fout de moi ? Imagine c’est vrai, elle va me poursuivre avec son crucifix si je lui demande si c’est une blague. Mais d'où est-ce qu'elle sort ? Elle est nouvelle ?

Faut que j’improvise un peu sinon-

«Non, mais je connais Jesus, le mexicain qui habite au fond du couloir.»

Je veux juste aller me relaxer… C’est trop demandé ?

Pas besoin d'être sensitive pour comprendre l'incompréhension sur son visage, ni d'être télépathe pour entendre le "fait chier" qui traverse ses pensées. A sa place j' crois que j'me serais même pas répondu. Elle rassemble ses neurones pour me répondre. Je prends un air horrifié, pour m'empêcher d'éclater de rire. Sérieux, elle a du répondant la petiote, voyons ce qu'elle a dans le ventre.

"Quel blasphème ! Amenez-moi donc à lui ! Il vit dans le péché, il faut le prévenir."

Sérieux ? J'me désespère. J'essaie de me repasser les discussions que j'ai pu avoir avec des témoins de Jehova, les interview des scientistes et autres joyeusetés pour m'imprégner du personnage. J'imagine même pas la gueule d'allumée que je dois avoir. Je regrette de ne pas porter une chemise blanche avec un petit col rond accompagné d'une cravate. Mon pull vert est presque trop coloré pour servir mon interprétation. Heureusement, il a délavé avec le temps...

Mais non… Tu rigoles là ?

Je suis tombée vraiment sur une pratiquante ? Oh là… Je suis dans le jus. Si je regarde ma montre… clairement elle va encore plus me saouler. Faut que je continue un peu. Je- Hein ? Mais ce mec il existe pas… Tu veux que je te le fasse rencontrer comment ?

Il est où Senri quand j’ai besoin de lui là. Une porte arrachée c’est réglé. Puis merde, qu’est-ce que je fais à lui répondre à cette meuf ? J’avoue que… bah… ‘fin-

Elle est en fauteuil roulant. Je me sens un peu mal de juste l’ignorer comme ça.

«Hein ? Bah non, il est pêcheur. »

Je transpire un peu de l'intérieur. Si je cours, elle pourra pas me rattraper de toute façon si c'est une Initiée.

Hein ? Non. Ok, elle a panique impro. D'accord, je sais dealer avec-çà.

"JUSTEMENT ! Il faut l'aider à rejoindre la voie de notre seigneur, le pauvre. Il faut que nous sauvions son âme !!!"

Surtout ne pas rire.

J'suis quasi certaine que ce Jésus il existe pas, mais j'suis curieuse de voir dans quoi elle va s'embarquer...

Non mais là… Que quelqu’un sorte de sa chambre et vienne me sortir de ce bourbier… J’AI PAS LE TEMPS. Jésus est le dernier de mes soucis.

« Bah ils ont le même prénom, et il a été sauvé par Terrae. C’est une histoire réglée ! En plus c’est un pêcheur mais son signe astro, c’est même pas Poisson. La honte.»

Je-

Bref.

Bon. Ok là c’est beaucoup trop pour moi, j’exploses de rire en la voyant partir en cacahuète dans sa tête. C’est clairement pas la reine de l’improvisation. Elle est pas très vive comme tonnerre… On en fait rarement des comme-ça.

« Tu verrais ta tête ! »

Non sérieux. Même sans être sensitive, tu le vois qu’elle est perdue. J’adore !

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Je suis en train de perdre ma place aux thermes pour une meuf en fauteuil roulant qui se fout de ma tête ?

«Quoi- Mais, t’es qui au juste ? »

"Aaron Williams, enchanté. tout se passe bien dans ta vie ?"

Non, mais c'est juste drôle de pas donner mon nom. Puis si elle cherche Aaron, le trouve, il lui expliquera et j'aurais emmerdé deux personnes pour le prix d'une !

«Très drôle, je suis une élève d'Aaron, t'aurais pu faire mieux en mangeant ton clown ce matin, dis-je en roulant des yeux.»

Qu'est-ce que c'est que ce délire ? Comment elle connaît Aaron ? Je ferais mieux de partir sérieux... Je suis tombée sur la timbrée de service.

Ah, j'avais négligé cette possibilité... En même temps c'est logique Aaron recueille tout l'monde à Terrae. C'est un peu la S.P.A. des tonnerres... C'était logique, mince. Bon comment on rattrape ça ? Est-ce que si je dis que c'est mon secrétaire très privé ça sera suffisamment mal interprété pour lui casser les burnes ? Oui, sauf que maintenant ça n'implique pas seulement sa réputation à lui mais aussi celle de Lou... C'est chiant.

"Oh zut, démasquée, mais tu t'es pas présentée d'abord, alors j'vois pas pourquoi j'me présenterais !"

... Ok. Là c'était nul.

Évident.

« Bah- Parce que tu m'as trollé ? Qu'est-ce qui me prouve, en plus, que tu vas pas encore te foutre de ma tête ? En plus, je t'ai jamais croisé de ma vie. »

On serait dans un dessin animé, il y aurait plus d'un million de points d'interrogations autour de mon crâne.

"Et ? C'est pas une raison valable pour pas se présenter, euh... "

Je plisse les yeux pour essayer de lire ce qu'il est écrit sur la porte de sa chambre.

"IPIU RASPBERRY !"

Non, mais si je sais que c'est pas son nom mais le mien. J'suis pas teubée. Par contre... J'avais même pas réalisé qu'on était devant mon ancienne chambre... Trop drôle !