HRP : Initiation demandée en privée.

Alors que tout le monde terminait d'enfiler sa cape, Ryu utilisa son pouvoir de Sonore pour lancer son appel dans l'Institut. La jeune Karen était attendue... Et ce qui était plutôt positif, c'était qu'il n'y avait qu'elle à initier ce soir. Cela étant, les initiations reprenaient plus activement, mais nous avions eu une longue pause pendant et suite à l'Eclipse.

Nous terminâmes de nous installer en cercle pour recevoir Karen et je fermai les yeux quelques instants, faisant le vide dans ma tête pour me libérer des fardeaux de la journée.

Une dure journée passée à tâcher de retrouver la place dans la hiérarchie scolaire touchait à sa fin, pour Karen. Comme toutes les autres depuis son arrivée, elle était un mélange de frustration, désespoir, mal du pays et difficultés à s'adapter qui, si elles allaient en décroissant, ne le faisaient pas à un rythme assez soutenu pour être perceptible.

Cela faisait un peu plus de trois mois qu'elle était arrivée. Le seul contact qu'elle avait repris avec son ancienne vie était bien indirect ; par le biais d'une recherche sur le site Internet de la police de Fayetteville, ce qui avait révélé, comme elle s'y attendait, qu'un avis de recherche avait été déposé. Sa famille, ses amis devaient être morts d'inquiétude. Toutefois, chaque tentative de réunir assez de courage était aussitôt anéantie par tous les signaux que lui envoyaient son corps et qui étaient constitutifs de sa grossesse.

Autre problème qui commençait à devenir majeur : la vie en dortoir. C'était bien peu adapté à son tempérament de reine du lycée. Sans palais, elle ne pouvait pas prétendre à quelque autre élément de la royauté. Pas que les Terraens manquassent particulièrement de compréhension sur les conditions matérielles, mais elle-même savait très bien à quel point elle méprisait les pauvres et pensait donc, tout naturellement, que le sentiment était universel.

Et voilà que ce qui aurait dû être une fin d'après-midi passée à maugréer, ruminer, déprimer et lutter contre l'ennui fut interrompue par un appel.

Ce n'était pas la première fois que Karen constatait la puissance de la magie des masters, mais elle n'en avait jamais été l'objet.

Sans hésiter, elle se rendit aussitôt en salle des masters.

Cela ne lui ressemblait certes pas d'être si obéissante... aussi, à la vue de l'assemblée ici réunie, ne put-elle pas s'empêcher de sortir ce qu'on avait déjà dû déclarer ici maintes et maintes fois :

"C'est Star Wars ici c'est ça ?"

Un fin sourire étira le coin de mes lèvres à la question de la jeune femme. Si j'avais vu les films, j'aurais probablement pu rebondir dessus, et Misao aurait d'ailleurs probablement adoré le clin d'oeil. Mais malheureusement, je ne les avais pas vus... Et je n'étais donc pas capable de comprendre la comparaison.

Aussi, je me contentai de secouer négativement la tête avant de reprendre la parole.

-Bonsoir Karen. Si nous t'avons convoquée ici ce soir, c'est pour te faire passer l'initiation, et te permettre ainsi de découvrir les pouvoirs qui sommeillent en toi depuis que tu as déclenché le Vide.

Je lui offris un sourire avant de poursuivre :

-Avant que je t'indique la démarche, est-ce que tu as des questions que tu veux me poser ?

__–« Ah ben c’est pas trop tôt. »
__–Karen entra, non sans faire état de son impatience ; fruit de tous les sentiments négatifs qui l’habitaient. Leur histoire de Vide lui paraissait en outre peu convaincante : elle allait très bien et ce n’allait pas être une bande d’émigrés au Japon qui allait lui dire le contraire.
__–« Bon et alors, ce sera quoi ? J’veux un truc stylé hein. »
__–Enfin, tout de même, son assurance n’était pas vouée à aller bien loin :
__–« Et euh, ouais, attendez, c’est pas, genre… dangereux ? Sa main se porta instinctivement sur son ventre. Si les marques de la grossesse n’étaient pas encore tout à fait visibles, un œil averti aurait pu voir les signes tout de suite sans difficulté. Et puis… ça va pas… me dézinguer la tête un peu ? Non parce que j’ai regardé tous les gens qu’y a ici et, euh… ben ils sont pas trop trop normaux quoi… »
__–C’était la manière la plus polie qu’elle avait de dire qu’ils étaient gays.

HRP :

J'arquai un sourcil quand sa main se porta sur son ventre après sa question. La question suivante me tira un sourire amusé, et je secouai une nouvelle fois la tête en signe de négation.

-Ce n'est pas dangereux ; et c'est précisément pour cette raison que nous sommes si nombreux à être réunis pour toi ce soir : en libérant tes pouvoirs, nous allons les sceller pour que tu puisses prendre le temps de te les approprier. Lorsque ton corps te jugera apte à passer un cap, tu libéreras de toi-même ton potentiel d'Etoile.

Je souris délicatement.

-Et non, ça ne va pas... te dézinguer. Acquérir des pouvoirs ne change pas la personnalité de qui que ce soit.

Je posai mes mains sur mes hanches.

-Si perdre connaissance et laisser ton corps léviter pendant que tes pouvoirs s'imprègne en toi est stylé à tes yeux, alors oui, ça le sera. Ca te convient ?

__–Mouais.
__–Il allait sans dire que Karen ne portait que peu de crédit en les paroles de la petite Japonaise qui lui parlait comme on le ferait avec un enfant. D’autant plus que l’idée de perdre connaissance dans une salle pleine d’inconnus et de léviter, donc quitter le sol, donc sans l’assurance d’un retour sur la terre ferme en douceur, était très loin d’être encourageant.
__–« Bah j’sais pas, j’ai le choix ? Après c’est ça qu’il faut pour avoir un appart’ dans votre… euh… enfin votre truc de hippies là quoi ? »
__–Allez savoir par que miracle, Karen s’était souvenue que le mot « secte » n’était pas tout à fait approprié. La question de savoir s’il avait été remplacé par quelque chose de préférable reste à décider.

"Votre truc de hippie là quoi". Cette réflexion me tira un nouveau sourire en coin. Visiblement, l'adaptation ici semblait difficile pour la jeune femme qui me faisait face.

Pour ne pas changer, je secouai à nouveau négativement la tête.

-Bien sûr que tu as le choix. Et c'était précisément la prochaine question que j'allais te poser.

Je marquai une légère pause.

-En acceptant tes pouvoirs, tu acceptes donc de vivre ici et de participer à la vie à Terrae. En revanche, il t'est également possible de les refuser : auquel cas nous te reconduirons là où nous sommes venus te chercher, et tu pourras reprendre la vie que tu menais avant d'arriver ici. Sache toutefois que si tu choisis de partir, un Master Télépathe devra rendre flou certains de tes souvenirs d'ici, tes souvenirs concernant notamment les lieux, afin de te protéger des personnes qui cherchent à nuire à Terrae et qui pourraient essayer d'obtenir des informations par ton biais, s'ils venaient à découvrir que tu as passé plusieurs mois ici avant de repartir. Rassure-toi, ta mémoire ne sera pas supprimée, et tu te souviendras de ce que tu as vécu ici. Disons simplement qu'elle sera... censurée pour les personnes extérieures à Terrae.

__–« … auquel cas nous te reconduirons là où nous sommes venus te chercher », Karen s’empressa de couper la parole de Hideko au moment où elle entendit ces mots.
__–« Nan ça va c’est bon ! On fait votre truc, là, allez. »

Je hochai enfin la tête suite à la prise de parole de Karen. Au moins, ce serait rapide, et efficace.

D'une voix calme, je lui indiquai de se placer au centre de la salle pour que l'initiation puisse commencer. Lorsqu'elle fut placée, les énergies de tous les Masters présents entrèrent en résonnance, et le corps de la jeune femme commença à s'élever dans les airs alors qu'elle perdait connaissance. Quelques instants plus tard, une vive lumière dorée s'échappait de son corps pour venir recouvrir les murs de la salle d'or. Le rayonnement de son corps perdit progressivement en intensité alors que nous venions de sceller ses pouvoirs. Elle regagna délicatement le sol, et nous rompîmes le contact qui nous liait tous jusqu'alors.

Je m'avançais de quelques pas vers elle et m'accroupis à ses côtés.

-Bienvenue à Terrae, Karen, Tonnerre solaire.

Je me redressai et attendis qu'elle se relève.

-Si tu le veux bien, maintenant j'aimerais que tu testes tes pouvoirs afin que nous soyons sûrs que tout s'est correctement passé lors de ton initiation. Je te laisse faire.

__–Aussi Karen avança-t-elle.
__–Comme promis, son corps s’éleva et, fort heureusement, ses sens se brouillèrent, sa conscience s’enfuit, une fatigue surnaturelle la gagna, car s’il n’y avait pas eu tout cela, la terreur qu’elle ressentit alors que ses pieds décollait l’aurait probablement faite hurler. À la place de cela, un faible « C’est quoi c’bordeeeeeel » qui s’éteignit bien vite.
__–Quelques instants plus tard, elle était de retour au sol. C’était… assez peu impressionnant, en fait. Elle ne se sentait pas fondamentalement différente. L’expérience du décollage ne s’était fait que sur une distance très courte. Elle avait certes ressenti plusieurs choses, mais… c’était très confus et surtout, étrange. Comme si un corps inconnu avait pénétré sa psyché même.
__–Et ouais sac à merde, c’est moi.
__–Attendez, quoi ?
__–Ah non mais ça avait été annoncé en plus, ’faut suivre. Alors, pour vous expliquer le micmac là, bonjour, salut, comment ça va, la famille, les amis, tout ça, très bien, je m’présente, je suis le pouvoir sensitif de Karen.
__–Dieu du Ciel, une autre voix de narration qui va encore plus briser le quatrième mur. Qui a bien pu croire que c’était un ajout indispensable.
__–Vos gueules tous les deux.
__–Alors désolée ma grande, contrairement à l’autre peigne-cul, je ne réponds pas quand on me le demande, j’ai au contraire plutôt tendance à faire qu’est-ce que j’veux. Surtout que la madame Honda me demande de l’ouvrir, alors t’en fais pas que je vais pas me priver. Donc là je t’explique. Tonnerre solaire, t’as bossé un poil ce que ça voulait dire, t’es pas trop paumée, ça va ? Okay alors, déjà tu vois cette énorme, cette massive, c’est juste gigantesque source de calme et d’apaisement juste à côté de toi, là ? Gagné, c’est la dirlo. Elle est sympa hein. T’as vu tout autour ? Y’a que des gens calmes. Bon y’en a un peu irrités, genre ils avaient autre chose à foutre de leur emploi du temps, c’est la millième fois qu’ils font ça, ils sont gavés parce que t’es une connasse, on comprends on connaît, hein. Ben eux ce sont les masters. Et là y’a toi qui panique un peu de ouf quand-même, ’faudrait voir à péter un coup.
__–Une petite décharge électrique parcourut d’un coup le corps de Karen, ce qui coupa la voix de cet étrange hurluberlu. Voilà qui régla la question de sa présence momentanément, même si j’ai bien peur que nous allons devoir souffrir sa présence pour quelques temps encore.
__–« Euh ouais j’crois que ça marche. C’est, euh… C’est bizarre wesh. »

Alors que Karen reprenait ses esprits, les traits de son visage semblaient tirés ; stress, frustration, incompréhension, perdition ?

L'instant d'après toutefois, elle sembla plus calme, plus apaisée. Elle m'indiqua que ça "marchait" et j'arquai un sourcil l'espace de quelques secondes, avant de sentir le regard d'un Sensitif dans mon dos qui m'indiqua qu'il avait senti la manifestation de son pouvoir effacer les traits tirés de son visage. Je hochai alors la tête, avant de poursuivre :

-Et penses-tu être capable d'utiliser tes pouvoirs de Tonnerre ?

Je marquai une légère pause. Manipuler l'électricité n'était pas exactement semblable à la maîtrise du Feu, mais les deux éléments avaient le mérite d'être immatériel, contrairement à l'Eau et la Terre (et même l'Air, dans certains cas).

-Je te conseille de fermer les yeux pour essayer de sentir cette nouvelle énergie qui sommeille en toi à présent. Tu devrais la percevoir comme une sorte de liquide, au départ ça donne l'impression d'avoir un corps étranger à l'intérieur de toi. Tu dois essayer de la manipuler... Soit en la dirigeant à un endroit précis de ton corps pour l'expulser sous la forme de ton choix, soit en la stabilisant sur quelque chose de déjà existant, comme les lampes dans la pièce. Si tu parviens à ressentir l'électricité qui passe dans les fils, tu pourras y mêler ton énergie pour imposer ta volonté et faire tienne cette autre énergie, ce qui te donnera le contrôle sur cet objet.

S'entraîner quotidiennement avec des cristaux des autres affinités avait ses avantages...

__–Karen regarda la directrice avec un air d’incompréhension. Qu’est-ce que c’était que cette espèce de baratin pseudo-mystique ? Certes, elle sentait bien la présence d’un corps étranger en elle – ça c’est moiiii ! –, hélas, mais la manipuler ? L’expulser ? C’était à la fois trop concret et trop abstrait. Allez savoir ce que redoutait le plus Karen. Cette nouvelle puissance inconnue et quelque peu terrifiante, la question de savoir si tout cela était bien chrétien, ou si elle allait devoir passer pour une freak boutonneuse et tendre la main comme un super-héros de comics, pour utiliser sa magie.
__–Enfin, s’il fallait s’y soustraire.
__–Non mais sinon tu peux juste arrêter d’être conne et faire comme t’as fait avec moi. Tu te relâches, tu prêtes attention à ton environnement – ça te changera tiens – et tu fais un truc. Tu pourrais aussi en avoir un peu plus à foutre de ce qu’elle te raconte la madame Honda en plus là, fais ce qu’elle te dit.
__–Et quoi encore ? Regarder les lampes de la salle pour comprendre leur position dans l’espace, fermer les yeux, se souvenir de leur position, faire, le vide, imaginer l’électricité qui circule, et… Ah ben oui en fait.
__–… Ou pas. Rien ne se passa.
__–Bon ben au moins t’auras essayé.
__–« Ça marche pas votre truc là ! Vous vous êtes pas foirés vous êtes sûrs ? »

Je sentis l'énergie de Karen affluer en elle après qu'elle ait passé le stade "Je suis sceptique, j'ai pas envie d'essayer". L'instant d'après, elle rouvrit les yeux, visiblement lasse du "flop" qu'elle venait d'essuyer. Je lui offris un léger sourire.

-C'est le début, c'est normal de ne pas réussir à utiliser correctement ses pouvoirs. Tu vas devoir vivre quelques échecs avant de parvenir à les maîtriser vraiment.

D'où l'importance de ce sceau, qui nous a tant posé problème lors de l'Eclipse...

-Si tu veux, tu peux réessayer. Sinon, je peux te laisser repartir. J'ai senti ton énergie alors tout est ok.

__–Karen réessaya, timidement. Mais, entre ses doutes initiaux, la vague de nouvelles sensations qu’elle devait gérer, des inquiétudes diverses, le sentiment très étrange, presque irréel que lui provoquait toute la scène, autant dire qu’elle n’était pas dans les meilleures dispositions.
__–Elle avait à la fois envie de rester, d’y arriver, de prouver – moins à eux qu’à elle-même – qu’elle en était capable, n’avait aucune envie de retourner dans les dortoirs même pour prendre ses affaires, mais avait aussi hâte de quitter cette réunion de gens bizarres pour découvrir son nouvel appartement.
__–Ouais alors ’faudra qu’on t’explique que c’est pas immédiat hein.
__–« Mouais ok mais du coup ça y est j’ai mon appart’ genre ? »

Face à l'impatience de Karen, je souris avec amusement, penchant légèrement la tête sur le côté.

-Ouais, "genre".

Je me départis de mon sourire tout en replaçant correctement ma cape.

-Une chambre t'a été attitrée et n'attend plus que toi dans la partie Tonnerre de l'Institut. Nous te laissons t'installer dans les prochains jours. Est-ce qu'il te reste des questions avant de partir ?