J'en ai un peu assez.
Je sais bien que la perte de contrôle des pouvoirs rend tout le monde moins responsable de ses actes, mais il est clair que certains en profitent. Je ne reviendrai pas sur l'incident de la première phase au couloir des eaux, ce n'était que la première goutte de cet enfer de réparation. Mais après réflexion, il est évident que j'ai besoin d'aide. Alors oui, j'aurais pu -j'aurais dû- faire ça bien. J'aurais dû remplir des papiers pour demander l'autorisation d'embaucher une personne en plus, afin de me libérer un peu. Mais je n'ai pas le temps de remplir des papiers, et en ces temps troubles j'en connais peu qui assurent encore le service complet. De plus, il me faudrait une personne avec des compétences de gestion en qui les Masters ont suffisamment confiance pour ne pas avoir à revérifier chaque feuille de compte ou arrivage de matériel.

J'ai donc trouvé une autre technique.
Moins éthique peut-être, plus efficace, et surtout plus amusante. Au lieu de me rendre en salle des Masters pour remplir mes feuilles d'arrivage, j'emmène avec moi mon dossier dans un couloir choisis au pif (bon d'accord, le couloir de sortie des feux, parce qu'ils sont titans en ce moment il y aura forcément plus de dégâts), je me poste à l'entrée et ferme les yeux, doucement, afin de me rendre invisible.

Au moins une bonne nouvelle, l'invisibilité ne me pose pas trop de problème. Si le feu a été un certain challenge au début, je l'ai conservé dans cette phrase, ce qui m'habitue à sa présence. Quand à l'affiliation, autant dire que c'est un jeu d'enfant, car je retrouve à peu près les mêmes mécaniques que pour mon titanisme. Je n'ai donc aucun mal à répartir mon énergie sur mes vêtements, jusqu'à englober mon dossier, mon stylo et mon fauteuil roulant.

Je commence ensuite à remplir mes dossiers, cachée, attendant qu'un élève un peu trop zélé de fasse une bêtise pour laquelle je pourrais lui imposer quelques travaux d'intérêt général...

Senri n'en avait peut-être pas l'air comme ça, de but en blanc, mais il avait une vie des plus organisée. Suivant chaque matin une routine sportive des plus strictes. Qui durait entre une et deux heures. Après quoi il allait prendre son petit-déjeuner à la cafétéria, pour assouvir l'appétit sans fin de ses neuf estomacs.

Et comme aujourd'hui était, un jour, dédié à l'entraînement de ses pouvoirs, il se rendit à proximité du couloir des feux. Il voulait essayer d'exercer son marionnettisme sur lui-même pour rendre ses mouvements plus fluides.

Notamment, lorsqu'il se battait avec une porte. C'était une arme remarquable. Néanmoins, elle était lourde et peu malléable. Pourtant, il avait la conviction qu'avec le marionnettisme il détenait la clé pour mener son art à son paroxysme. C'est pour cela, qu'à pas de loup, il s'était approché de la chambre, non pas de Tiago, mais d'Akira. Le blond qui lui avait explosé les orteils quelques jours avant.

Il colla son oreille à la porte. Toqua une fois. Prit une voix différente de la sienne, qui ne tromperait personne pour lui demandait s'il était là. 

— Akiiiiiiira-sempai, je suis tombée sous le charme lorsque vous vous êtes battu contre les tonnerres, même s'il ne faisait aucun doute que Senri Yamada était plus fort que vous ! 

Pas de réponse. Tout souriant, il se releva et entreprit de déverrouiller la porte d'une manière absolument discrète et adaptée à l'entreprise qu'il menait.

— YAMADA STYLE : LE CHASSÉ BÉLIER DU CAPRICORNE.

Un coup de pied plus tard, la porte s'ouvrait grand sur la chambre d'Akira. Senri l'attrapa et entreprit de la dégonder.

Le tout en sifflotant gaiement. 

Lorsque je vois la fameuse tête chauve de Senri Yamada, je me sens blasée d'avance.
On parle bien ici du petit cas arrivé récemment, qui a pour passe-temps de défoncer toutes les portes en le faisant exprès et d'étaler le peu de sang présent dans sa boîte crânienne contre les murs dans un objectif qui m'est encore inconnu. Je ne le connais pas que de nom, j'ai vu les photos de ses œuvres à côté de je ne sais combien de dossiers pour des réparations ou des commandes de matériel. A lui tout seul il comptabilisait déjà presque la moitié des dégâts dont j'avais à m'occuper avant l'Eclipse.

Récemment il a vandalisé la chambre de Houston et écopé de travaux d'intérêt généraux, mais heureusement je n'ai pas été sur cette affaire, puisqu'il s'agissait plus de lui donner une leçon que de réellement le mettre au travail. Bon, on aurait pas eu tant de mal à remettre la chambre en état si le geek n'était pas si parano et n'avait pas voulu dégager tous ses meubles pour les remplacer (à ses frais, merci bien).

Alors oui, quand je vois Senri Yamada entrer dans le couloir des feux, je trouve ça presque trop facile. Est ce qu'il va encore s'en prendre à la chambre de Tiago ? Comme ça serait original. Quoique son côté prévisible est presque décevant, mais bon, j'ai ce que je suis venue chercher, c'est l'essentiel !

Je m'approche, toujours invisible, alors que le jeune garçon prend le temps de dégonder la porte -mais qu'est ce qu'elles lui ont donc fait ces foutues portes- avec un hurlement que je trouve plutôt original, pour le coup. Qui ne fais pas grand sens, mais original. J'attends qu'il soit entré pour me poster de façon à bloquer la sortie, et croise les bras, sourcils levés, avant d'enlever mon invisibilité.

_ Yamada, Senri, je suppose, je dis, simplement. Est ce qu'on peut savoir ce que tu es en train de faire, au juste ?

Je laisse passer le silence de la réalisation. Parce que monsieur est un récidiviste, il doit bien savoir que je n'attends pas particulièrement de réponse.

_ Je viens de te prendre sur le fait, à dégonder cette porte, et je ne sais pas ce qu'elle t'a fait, mais ça doit être un malentendu parce qu'elle ne peut pas t'avoir fait quelque chose. Par contre toi, tu viens de me rajouter du boulot.

Et normalement c'est après que je suis censée enchaîner avec le "maintenant, voilà ce qu'il va se passer", mais j'avoue que je suis un peu curieuse de sa défense.

Alors que Senri degondait tranquillement la porte d'Akira, une voix attira son attention. Il passa la tête de l'autre côté de la porte pour découvrir un femme en fauteuil roulant. Elle lui disait vaguement quelque chose mais surtout, elle dégageait ce quelque chose propre aux Master. Senri fit donc un effort pour être courtois.

— Ah, euh je vais m'entraîner à-

La femme ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase, elle enchaîna directement. Au fur et à mesure qu'elle parlait, Senri comprit qu'il y avait un quiproquo !

— Ah non, mais, j'vais la remettre après hein ! Je voulais juste m'entraîner avec. Je voulais prendre la mienne mais elle est trop cassée du coup, elle est pas assez lourde.

Il avait dit ça de la manière la plus détachée du monde, avec un sérieux à faire peur. Parce que oui, il était complètement sérieux et dévisageait la Master avec de grands yeux.

Je crois que mon regard reste complètement inexpressif alors qu'il me répond.
Je- Que. Quoi. Est ce que les gens sont au courant qu'il suffit pas d'avoir l'air super fier et sûr de soit pour avoir raison ? Je sais bien que c'est une des premières techniques pour perturber la personne en face de soit (avoir l'air sûr de soi et faire semblant de connaître parfaitement son domaine), mais ça ne fonctionne pas avec moi. Parce que je suis bien plus certaine encore que j'ai raison, et pour une bonne raison, sa réponse est complètement absurde.

Je croise les bras en prenant place bien confortablement au fond de mon fauteuil.

_ Tu vas la remettre après, je répète, avec un air un peu sévère. Et tu espères qu'elle tiendra après que tu l'aies cognée partout et que tu l'aies maltraitée. Dans ce cas laisse moi t'apprendre quelque chose, Senri Yamada.

Je souffle une seconde, un peu excédée. Un peu de reconnaissance de mon travail ne ferait pas de mal de temps en temps.

_ Les portes ne sont pas du matériel d'entrainement, peu importe leur poids. Elles servent à protéger un espace privé, et elles coûtent bien plus cher à réparer, sans compter que ça prend bien plus de temps. Donc, on ne dégonde pas les portes, surtout pas pour s'entraîner avec, merci.

Ses portes font parti de mon chef d'oeuvre ok, surtout celles des feux. Du bois ignifuge, ça coûte une fortune en peintures et en vernis, c'est pas pour que le premier venu décide de les repeindre avec du sang ou de les maltraiter. En plus ça veut dire qu'il faudra que je change aussi les gonds maintenant, génial.

En voyant l'air sévère de la jeune femme, Senri eut un frisson. Une goutte de sueur froide coula entre ses omoplates alors qu'il déglutissait.

— Euh. Je vais pas trop l'abîmer... Et ça peut servir de bouclier c'trop pratique !

Senri se ramassa quand Athéna poursuivit ses remontrances.

— Bon, OK j'la remet.

Tout penaud le garçon s'executa. Une fois la porte remise dans ses gonds, il la referma et se tourna vers la Master.

— Euh, ben. J'imagine que vous allez pas me laisser partir ?

Alors.
Croyez moi ou non, sur l'instant je rêverai d'être encore titan, de foutre un gros coup de poing dans cette foutue porte, qu'elle se brise, juste pour pouvoir lui dire "OU TU VOIS UN BOUCLIER" mais. Je suis une Master responsable qui n'appréhende pas du tout le fait qu'on va tous devoir se taper probablement six mois de pouvoirs aléatoires. Noooon, je suis la reine du chill, la personne raisonnable. Alors je fais juste un sourire courtois mais un peu crispé quand il me dit qu'il la remet.

Le problème, tu te doutes bien que ça n'est pas de la remettre, mais de ne pas en prendre d'autre. Je souffle profondément quand il me demande si je vais le laisser partir. Là, mon sourire se fait beaucoup plus sournois, dire que j'en avais presque oublié mon objectif ! Holala, c'est par-fait.

_ Certainement pas, je lance d'un ton enjoué. Etant donné que tu as été pris en flagrant délit de dégradation de matériel, tu deviens mon homme à tout faire pour la journée. Direction l'atelier.

Et voilà, de la main d'oeuvre gratuite ! Si le gamin a assez de force pour soulever des portes, il doit forcément en avoir suffisamment pour soulever les futures planches de la bibliothèque.

- Votre homme à tout… ?

Senri n’avait pas bien compris la nature de la punition qui se dessinait à l’horizon. Ou plutôt, il ne voulait pas comprendre. Il avait un entraînement à mener, lui ! Il reporta son regard sur la jeune femme, un air dévasté sur le visage.

- Mais c’est pas possible !! Je dois m’entraîner !! J’ai séché les cours juste pou-

Oh la boulette. Senri plaqua ses mains contre sa bouche, avant de laisser ses bras retomber contre ses jambes, le regard fuyant, en tripotant ses mains nerveusement.

- Si je vous aide… vous pouvez ne rien dire à m’sieur Williams ? Et aux autres profs… J’ai dit que j’étais malade… Mais surtout m’sieur Williams. ET PROMIS JE VOUS AIDERAIS À CHAQUE FOIS QUE VOUS EN AUREZ BESOIN !! Même au milieu de la nuit !!

Il s’était tendu sur place, comme une espèce de javelot. Le regard jeté vers l’horizon et une expression qui se voulait solennelle, mais qui laissait transparaître toute son angoisse. Il avait l’impression d’avoir tiré un trait sur le peu de temps libre qui lui restait.

Je rêve ou il a paniqué- ok non il a totalement paniqué d'un coup.
Il doit s'entraîner ?! Il y a des temps pour tout jeune homme, et il n'y en a aucun où une porte sert à s'entraîner, mais passons. J'aimerai bien avoir autant de temps libre- oh mais attendez. Il vient de plaquer ses mains sur sa bouche, encore plus nerveux. Hm. Il doit être en train de sécher les cours vu son âge... Bingo. Et il me donne de lui même mes éléments de chantage, j'ai de la chance ! Aaron a un lien avec lui ? Amusant, j'avais l'impression qu'il cherchait à se poser et se décharger d'une partie de ses responsabilités, étrange qu'il ait pris Senri comme élève. On aura tout de même une discussion, il faut que ça cesse cette histoire de porte.

Je lève un sourcil à peine surprise quand il me supplie de ne rien dire en échange d'une loyauté totale. Si l'excès devait avoir une incarnation je pense qu'il la représenterait parfaitement.
Je souffle, reculant mon fauteuil pour sortir de la chambre d'Akira.

_ La nuit je dors, et tu me feras le plaisir de faire la même chose, je pose doucement. Je ne dirais rien à Aaron si tu es mon serviteur pour trois jours, je te ferai une lettre d'excuse. Même si tu auras à suivre des cours du soir, il est hors de question que tu prennes du retard.

Je me rends bien compte que ça ne va pas le motiver alors il faut que je trouve une autre approche, même si devoir le pousser me fait me dire que ça risque d'atténuer sa sanction.

_ Et crois moi, si c'est travailler tes muscles que tu veux j'ai le job parfait. Crois moi, réparer demande plus de force que de casser. Allez, suis moi.

Je commence à me déplacer jusqu'à l’ascenseur en poussant mon fauteuil.

_ On va aller chez moi. J'ai des planches à vernir pour la librairie et la bibliothèque, elles sont trop lourdes pour moi avec ma mobilité réduite.

Et qu'il commence pas à se comporter comme un chevalier servant sinon ça me saouler rapidement...

Senri se retint de dire que de toute façon il avait déjà une année de retard et se contenta d'acquiescer poliment et de suivre la jeune femme. Il entrouvrit légèrement la bouche quand la Master ouvrit la bouche.

— Compris !! Alors je vais tout réparer !! Et je vous remercie pour la lettre d'excuse !! 

Assimiler la réparation de Terrae à un entraînement l'avait motivé. S'il n'était pas enchanté de prendre des cours du soir et d'avoir ses journées occupées, le tout cumulé avec ses premières punitions et son emploi, l'optique de découvrir une nouvelle manière de s'entraîner, était vraiment motivante pour le jeune garçon. Qui plus est, il allait participer à la vie commune de Terrae ! 

C'est donc en tentant de se motiver au maximum qu'il entra dans l'ascenseur avec la Master. Lorsqu'elle lui parla de ce qu'il allait devoir faire, il bomba son torse et leva son biceps pour le contracter. 

— Z'inquiétez pas !! Je vais tout porter d'un coup !! Je peux même vous porter vous !! 

Au moins il a l'air de comprendre vite, même si je ne suis pas sûre de ce qu'il comprend exactement. Il me remercie pour la lettre d'excuse et je hausse les épaules, ça n'est pas grand chose et puis si il peut m'aider je pense que Aaron comprendra. Bon par contre, "tout réparer" ? Encore dans l'excès hein...

Je suis juste contente de savoir que mon idée a marché pour le motiver. Il ne peut pas s'empêcher de crâner quand il me dit qu'il va tout porter d'un seul coup, et je lève un sourcil. Je ne vais pas lui faire remarquer que ce n'est pas bien pratique de tout porter d'un seul coup si je veux arriver à les vernir, mais je crois que c'est plus pour le principe de le dire. Il veut même me porter moi, et là c'est à mon tour d'être complètement blasée.

_ Me porter tu évites tant que je ne te l'ai pas demandé.

Histoire d'être claire. Si je n'ai plus de mal à demander de l'aide, supporter les regards de pitié ne me mets pas particulièrement en joie. Et avec la fatigue qui commence petit à petit à s'accumuler ça n'est pas facile. La preuve, je me sens moi même beaucoup plus froide qu'avant, moins tolérante... Enfin, on est dans un cas exceptionnel.

Je me dirige vers ma maison, et profitant du court trajet, je le questionne.

_ En tous cas c'est une façon étrange de s'entraîner... Le matériel à disposition ne te convient pas ? Tu prends des cours de sport ou de combat au moins ? Tu as besoin de plus pour te défouler ?

Ce n'était pas rare que les tonnerres soient de véritables hyperactifs, et il leur fallait parfois un emploi du temps spécifique pour ne pas s'agiter dans tous les sens et tenir des relations sociales stables. Je ne veux pas être sa psy, mais au mieux si je peux lui proposer des choses plus adaptées ça pourrait m'éviter de réparer des portes à longueur de journée.

Senri acquiesça avec aplomb, en se tendant comme un piquet, les bras le long du corps quand Athéna le reprit sur sa proposition de la porter. Le jeune garçon adopté auprès de la master, une rigueur presque militaire dans son comportement et sa gestuelle. Il se détendit néanmoins quand la master et lui sortirent de l'institut pour se diriger vers la maison de celle-ci. Il tourna la tête vers la jeune femme quand elle le questionna, avant de détourner le regard, un air pensif sur le visage.

-Euh, non, c'pas vraiment ça... Là, j'ai plus le droit d'aller au club d'Elwynn, mais avant, j'y allais à toutes les séances. Je fais du volley et du foot aussi, puis je m'entraîne après les cours aussi... Mais maintenant avec le ménage que je dois faire, mon travail au terme, je dois m'entraîner en même temps...

Il n'avait pas tellement compris le sens de la question de la master. Ce qui explique pourquoi il s'enfonça encore plus.

-C'est juste qu'une fois je me suis battue contre un feu, quand j'avais pas de pouvoir ! Et j'ai décroché la porte pour me battre a arme égale, quoi ! Et depuis... je sais pas. Quand j'vois une porte, j'ai envie de la dégonder. Mais ça arrive à tout le monde, ça, non ?

La candeur et l'innocence du jeune garçon se lisaient aisément sur son visage figé dans une expression de benêt que n'avait pas vraiment conscience de toute la portée des remontrances qu'on lui faisait et des conséquences que ces actions entraînaient. Pendant que Senri avait répondu de cette manière si étrange qui lui était propre, lui et Athéna était arrivé à proximité des logements des master. Senri reconnut assez vite l'appartement où vivait Akihiko et songea au fait qu'il faudrait qu'il passe lui dire bonjour après tout ça. Il lui emprunterait un nouveau jeu vidéo comme ça !

Je pensais faire une bonne action en lui demandant ce qu'il manquait pour qu'il s’entraîne, mais on dirait que c'est plus compliqué que ça. Comme souvent. Il me dit qu'il n'est plus autorisé à aller au club de combat et je fronce un peu les sourcils. Ah oui, je relie assez rapidement les derniers événements où j'ai vu son nom, même si je ne vois pas bien le lien avec le club, il appelle Elwynn par son prénom alors ça doit être personnel.

Il me dit qu'il fait parti de deux clubs d'activités physiques en plus de celui de combat et qu'il s'entraîne de son côté. Il se perd lui même dans son explication mais j'en conclus quand même qu'il est très... Actif. Hyperactif, clairement. Je me demande s'il suit un accompagnement particulier pour ça, je l'espère. Il semble se recentrer sur ce que je lui ai demandé, et il m'explique l'origine de sa fameuse passion des portes.

_ Hmmmm, donc tu as pris une mesure exceptionnelle pour quelque chose d'acquis. Non, ça n'arrive pas à tout le monde non...

Je me retrouve un instant vide de choses à lui proposer. Je veux dire, je pourrais lui proposer au moins 15 choses à faire autres que de décrocher des portes pour taper sur des trucs, mais il réagit à une pulsion, la raison ne peut pas grand chose contre ça.

Nous arrivons chez moi. J'ouvre la porte qui n'est pratiquement jamais verrouillée et lui révèle mon atelier/cuisine/salon, complètement encombré. Beaucoup de cartons, beaucoup d'outils et de bons de commandes, et surtout, les grandes planches de bois sur l'immense table d'atelier présente au milieu de l'espace. Je m'approche et fais baisser le plan de travail pour qu'il soit à ma hauteur en fauteuil (tous les meubles sont adaptables, si c'est pas beau ça !).

Je roule de long en large en marmonant avant de m'adresser à mon nouvel esclave.

_ Bon, voilà ce qu'on va faire. J'avais prévu de te faire fabriquer une porte, mais il me manque une partie du matériel. Par contre ce qu'on peut faire, c'est préparer les planches pour la librairie. Tu vois ces planches ? Elles sont brutes. On va les couper, les polir et passer la première couche de vernis si on a le temps. Ça te tente ?

Bon c'est pas comme si il avait le choix en fait...

-Euh, bah... Je... Oui. Je crois que c'est ça.

Il ne savait pas vraiment quoi répondre d'autre à la dame face à son commentaire sur l'origine de sa « passion », si l'on pouvait dire, pour les portes. Le reste du trajet, Senri ressentit un certain malaise, comme s'il avait été pris en flagrant délit en train de dégonder une porte.

Lorsqu'Athéna révéla son atelier, il fut impressionné par le désordre ambiant. Il ne put s'empêcher de se dire qu'on aurait dit sa chambre après une petite colère. Il s'arrêta sur le pas de la porte. Il n'y avait pas d'entrée à proprement parler... Il ne savait pas s'il devait se déchausser ou pas. Il reprit ses esprits quand la master lui parla des planches à couper et à polir. Il acquiesça vivement, en se déchaussant et en posant ses chaussures l'une sur l'autre, collées contre le mur pour qu'elles prennent le moins de place possible.

-Oui ! Ça me va parfaitement !

Sur ces mots, il alla directement vers les planches, il empila plusieurs tas et le souleva avec ses deux bras. C'était beaucoup plus lourd que ce à quoi il s'attendait, mais rien d'insurmontable pour l'homme le plus fort de Terrae !!

-Vous voulez que je les pose où ? J'SUIS REMONTE A BLO...

Une planche mal calée glissa du tas et vint écrabouiller son petit orteil, son visage se déforma de douleur, mais il resta parfaitement silencieux. Avant de parler, d'une petite voix étouffée.

-A bloc. J'suis a bloc. Ouais, ouais, ouais.

Lorsque Senri commence immédiatement à empiler les planches pour les soulever, je lève un sourcil. Il compte vraiment commencer comme ça ? Il faut sérieusement que quelqu'un revoie sa façon de s’entraîner, parce que là il va juste réussir à finir dans le même état que moi. Comme prévu, sa piètre tentative se solda par un échec dont son pied se souviendra encore pendant un moment. Je le vois faire comme si de rien n'était mais sa voix ne me trompe pas. Je le regarde quelques instants, en silence... Avant de rigoler clairement.

_ Je vois ça. Bon, pose moi tout ça, on va faire à ma manière d'accord ? En fait c'est pas une question, tu vas suivre mes ordres parce que si tu casses une planche je vais me mettre en colère.

J'ai aucune envie qu'on ait plus de casse aujourd'hui, c'est mort.
Je m'approche avec mon fauteuil et en profite pour lui taper doucement sur la tête.

_ Tu veux du muscle et être fort sans te casser le dos et finir en fauteuil ? Alors suis mes instructions. Tu prends trois de ces planches et tu les poses sur la table délicatement. Tu les emmènes du sol jusqu'au bureau dans un mouvement ample, les bras près du corps, les avants-bras en assiette. Tu te places bien au milieu pour avoir un équilibre parfait. Si le poids te paraît trop léger, t'inquiète, au bout de ta troisième ou quatrième fois tu commenceras à sentir tes muscles se tendre. On va travailler toute l'après-midi alors ce que j'attends de toi, c'est de l'endurance et aucune goutte de sang ni une visite à l'hôpital en sortant, est ce que je suis claire ?

J'ai cru comprendre que c'était sa spécialité après tout.
Ceci dit, je me retourne vers la table, enfile des gants en caoutchouc épais et en lance sur Senri.

_ Pour les échardes. Allez, trois planches, sur cette table !

J'ai hâte de voir ce que son mental de détraqué va penser du ponçage, je l'avoue...