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[Centre] A cobra fumou
##   Ven 10 Mar 2023 - 23:00
Luna Vasconcelos

Personnage ~
► Âge : 26 ans
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► Rencontres ♫♪ :
Luna Vasconcelos
Etoile Terre Lunaire
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Date d'inscription : 14/06/2020
Emploi/loisirs : Gérante du bar

__–Okay, vous allez rire. Enfin non carrément pas, mais. Ouais. Ouais non, carrément pas.
__–Nan mais si attendez, je vous raconte.
__–Donc, j’arrive à l’hôpital. Pas toute seule hein, je tiens déjà plus grand-chose avec que cinq doigts, en plus là je tenais plus debout, donc genre sur un brancard. Y’avait un de ses bruit… Je sais pas si ça me rassure ou pas du tout de m’dire que je suis pas la seule à avoir pris super cher. Enfin, enfin non, ça me rassure pas. Y’a une meuf qui me parle, j’crois j’suis juste trop éclatée pour répondre proprement un autre truc que, euh… « Elle a récup’ sa gosse Ariana ? » Ou quelque chose du genre.
__–J’ai même pas compris ce qu’on m’a répondu. En tout cas je sais ce qu’une partie de moi a répondu à… bah moi, quelque chose du genre, héo Luna, espèce de bouffonne, elle te demande où t’as mal, réponds à sa question.
__–Alors, par où commencer.
__–Ouais non j’déconne, je crois pas qu’elle me posait une question. Elle devait surtout dire un truc comme « putain de merde je déteste les gilets pare-balles, y’a une attache qui s’est pétée et impossible à ouvrir, où on va trouver des ciseaux qui découpent ça. »
__–Sans déconner c’est dingue, ça me rappelle la précédente fois où j’étais à l’hosto. Sans le côté éparpillée un peu partout. Même pas drôle.
__–J’ai pas des souvenirs ultra précis du moment où on m’a ouvert comme une boîte de conserve pour dégager mes protections, pour accéder à toutes les parties de mon corps qui étaient salement niquées. J’en ai pas masse non plus de l’opération d’urgence, j’étais sous anesthésie générale, quoi. Ou alors, je suis tombée dans un coma à un moment où un autre, je sais plus trop.
__–Par contre, ce que je sais, c’est qu’à mon réveil, j’avais comme qui dirait la pire gueule le bois de toute l’histoire de l’alcool et de la défonce, que j’étais sur le ventre – les joies de pas avoir beaucoup de poitrine –, que je sentais plus trop ma jambe, plus trop mon dos, plus trop plus grand-chose, mais que je savais que ça faisait mal partout, que j’étais absolument éclatée et qu’il y avait des trucs qui faisaient bip.
__–Un membre du personnel est passé à un moment pour m’expliquer le bordel et faire une prise de sang. Donc, j’ai eu le droit à : Une opération de la cuisse, vu que la balle a traversé mais explosé mon fémur au passage, sympa. Des bandages sur tout le dos, vu que, brûlure au troisième degré quoi. Des pansements et autres un peu partout, bien sûr, avec toutes les coupures et les bleus. Et aussi, parce que j’ai été empoisonnée et que les infos sur ce qu’il y avait dans la seringue qui m’a atteinte étaient en cours de traitement, dans le doute, dialyse. Alors ça, ça m’a fasciné. Y’avait deux tuyaux tout rouges, avec mon sang qui sortait de l’un, passait par une machine pour l’assainir, allait dans l’autre et retour dans mon corps. Genre, tout mon sang, quoi. Oh, j’ai déjà vu des parties de mon corps exposées à l’air libre alors qu’elles n’auraient jamais dû, comme par exemple l’intérieur de mon radius et mon ulna, mais tout mon sang, de la première à la dernière goutte, ça jamais. Méga délire, j’ai vraiment voulu me marrer mais je crevais tellement de soif c’était horrible, j’ai dû lâcher un commentaire stupidement cynique… ou cyniquement stupide à la personne de garde et rester là dans mon lit à rien glander.
__–Et après quelques jours passés sur le dos à bouffer de la compote et de la soupe parce que j’avais même plus l’énergie pour mâcher ou juste me relever, il fallait que des gens me soulèvent pour que la gravité puisse faire son taf dans mon œsophage, à chier et pisser dans des tubes, quelques passages de guérisseurs et ouais, on a pu me retirer les bandages.
__–Mais les gens, j’étais tellement déchirée. Vous imaginez, quoi, une semaine pratiquement, à pouvoir que mater des vidéos Youtube à travers un trou dans son écran et à pas en comprendre la moitié parce que j’étais. Tellement. Épuisée.
__–Et puis, une semaine à voir presque personne, parce que chambre stérile, gros risque d’infection vu la taille mastoc de mes blessures et qu’avec tous les traitements là, je suis clairement beaucoup trop fragile pour avoir quelque résistance que ce soit. Bref, une semaine comme ça c’est vite fait chiant. Après, personne est mort, y’a des blessés mais je garde le monopole des blagues sur les membres perdus, les gamins ont été retrouvés, victoire totale, youpi quoi.
__–Ouais. Apparemment, demain je serai en un état assez correct pour me remettre sur le dos, manger de la vraie bouffe et voir des gens. Techniquement, j’aurais pu déjà en voir, hein. Mais, je sais pas. Comme quand j’ai perdu mon bras, je veux pas. Pas tout de suite. Vous savez ? Être seule avec ce qui reste de soi, un peu. Vérifier que tout est bien là.

__–Vous y croyez, vous, que c’était la première fois que je butais des gens ?
__–Je pensais pas que ce serait aussi facile.
__–Vous savez, je suis dans un état un peu bizarre. Je me dis que je devrais ressentir quelque chose de particulier, vous voyez ? Que j’ai commis des trucs. Que, les poncifs habituels. Mais, je sais pas. Ça marche pas. J’arrive pas à savoir si je ressens des choses parce que j’en ressens effectivement, ou parce que si j’en ressens pas, je suis un putain de monstre en fait et du coup il faut que je le fasse. Il faut que je sois triste, et brisée, et que ça me foute mal, et que ça me fasse chialer, et que ça me fasse regarder la pluie ruisseler sur la fenêtre avec un air contemplatif et que j’écrive au stylo à plume des trucs sur un cahier que je ne montrerai à personne, si possible en vers ou en phrases non verbales. Vous voyez, ce genre de trucs, qui sont honteux, mais en même temps considérés comme normaux et socialement acceptables justement parce qu’ils sont honteux.
__–Mais non.
__–Huh.
__–Ouais, j’y penserai plus tard. Comme disait papy, déjà se concentrer sur les vivants, on verra si on a le luxe de pleurer les morts. Surtout si les morts, ce sont des flics, des fascistes, des terroristes enleveurs d’enfants, des milices privées de grands propriétaires, ou pire… des prefeitos.

__–Les vivants, donc. C’est bizarre. Quand j’ai perdu mon bras, j’ai pas eu envie d’en parler.
__–J’irais pas jusqu’à dire que c’était plus douloureux encore que de perdre ce putain de bras que de devoir expliquer à mes parents, à la famille, à mes amis, à tout le monde pourquoi j’allais tout déchirer à Halloween avec mon costume de Capitaine Crochet, comment je l’avais perdu, ce que je ressentais, que oui oui je gardais le courage et le moral et que j’allais m’en remettre et pas me laisser abattre et patati et patata. Enfin, d’un certaine façon, c’était pire, si. C’était pire, parce que quand je suis passée sous ce camion, j’ai eu tellement mal, mais c’était un truc de dingue, et j’étais terrorisée, j’ai cru que j’allais crever, puis j’ai vu un gros bout de moi qui traînait là sur la rue et moi couverte de mon sang, puis je l’ai attrapé, j’sais pas, pour pas le laisser là, puis j’ai été récupérée par les secours peu après, ben en fait, y’avait quand-même cette idée que, au moment où j’entendrai les gyrophares, serai foutue dans une ambulance, emmenée à l’hosto, c’est bon quoi, je serai en sécurité, ce serait fini, ça irait mieux.
__–Après, quand je devais parler à tous ces gens, je devenais un disque rayé et la torture de devoir dire tout le temps la même chose, les mêmes platitudes, de devoir rassurer les autres parce que ouais c’est clair c’était dur et tout mais je garde le moral et j’ai de l’espoir et ça va aller… C’était encore pire, parce que j’en voyais pas la fin. Parce qu’à partir de là, jusqu’à ma mort, j’allais être une infirme qui a vécu des trucs douloureux et pas faciles et la pauvre, foutez-lui la paix à Luna Vasconcelos da Cunha, elle a quand-même perdu un bras parce qu’elle était trop conne.
__–Flemme de revivre ça.
__–Flemme que mes meilleurs potes me fassent revivre ça.
__–Donc ouais, pas de visites. Quand l’aide-soignante m’a dit que je pourrai recevoir demain, j’ai rien dit. Allez voir ceux qui sont pas trop amochés, passer par le rituel habituel de oh là là comment tu vas, oui je suis la cinquantième personne de la journée qui te pose la question alors que t’es blessée et traumatisée et ça ce voit vu ta gueule, donc je connais un peu la réponse mais je veux que tu me dises que ça va aller, parce que c’est toi qui t’es pris des balles mais moi aussi j’ai mal d’accord.
__–Une fois que je serai prête à affronter ça, ok, là des visites. Une épreuve après l’autre s’il vous plaît, je dois déjà récupérer de mes blessures, après il faudra que je récupère d’être considérée comme une petite chose blessée.

__–J’ai l’air d’une infecte connasse là, j’imagine, mais j’en veux à personne. Surtout pas à Pricie, surtout pas à mes amis. Eux aussi sont traumatisés. Ils en ont le droit. Ça avait des conséquences, d’aller faire comme si j’avais quelque chose à prouver à l’autre bout du monde alors que j’ai un peu trop de proches qui comptent sur moi pour raisonnablement me dire que ouais, une mission suicide, c’est parti quoi, sans hésiter.
__–En vrai, je les comprendrais même s’ils m’en veulent. Surtout Pricie. J’avais pas trop le droit de lui faire le coup de hé, je deviens une des seules personnes à qui tu peux te raccrocher puis je vais mettre ma vie en jeu, alors que d’autres auraient pu le faire, que ça ne devait pas forcément être moi.
__–Je suis juste. Trop fatiguée pour prendre tout ça sur la gueule. Pour avoir à ressasser mon état, à supporter leurs mal-êtres et de me faire renvoyer le mien en boucle. Je dois déjà m’en occuper, merci, laissez-moi le temps d’avoir une idée d’à quoi j’ai affaire.

__–On en est là. Demain visites, mais je sais pas si je serai d’accord.
__–Comme j’arrive pas à dormir, parce que j’ai trop mal, trop de pensées, j’ai appelé papy. Lui se levait, forcément.
__–« Olá vovô. Estou viva.
__–Minha lua, você ganghou ?
__–Sim.
__–Terá valido a pena ? »
__–J’ai pas su répondre tout de suite.
__–« A cobra fumou ?
__–Sim, a cobra fumou. Ninguém morreu.
__–Muito bem, muito bem… »
__–C’est toujours comme ça, avec papy. On se parle pas beaucoup. On a pas trop besoin. On se dit rien de très intéressant. (C’est pour ça que je vous ferai pas la traduction, démerdez-vous.) On a pas forcément besoin. Je vous passe la suite, on s’est promis de se revoir, bientôt. Je lui ai dit que son badge était intact. Il m’a dit que je pouvais le garder. Que je l’avais mérité.
__–J’avoue, j’ai un peu chialé. J’avais pas versé une larme depuis le début de l’opération. J’ai déjà eu plus mal que ça, la preuve je suis droitière mais dois tenir mon téléphone de la main gauche, j’allais pas pleurer pour juste de la douleur. Il fallait que j’économise ma flotte pour une meilleure occasion.
__–Je lui ai dit merci. Il m’a dit que non. Il m’a dit que lui, il me donnait un vieux bout de tissu. Qu’il était content, parce que j’en ferai quelque chose de plus intéressant que de le laisser reposer dans la vieille boîte à gâteaux en métal où il garde ses vieux souvenirs et ses médailles. Que je devais aller voir mes proches, leur dire merci et écouter leurs remerciements. Il m’a dit aussi un dernier truc. Celui-là, je veux bien vous le traduire.
__–« Tu sais, ma lune, on n’en finit jamais, de tuer des fascistes. J’ai commencé à quinze ans et depuis, j’ai jamais pu m’arrêter… Et il y en avait toujours qui repoussaient, partout. Quand j’ai eu fini de les tuer en Europe, je suis retourné chez moi et il y en avait partout dans le pays. Ceux que tu as tué, tu penses qu’il y en a d’autres ?
__–Oui.
__–Tu penses qu’ils mettent encore en danger ta Terrae ?
__–Oui.
__–Tu penses que c’est fini, que tes amis et ta famille là-bas, ils sont en sécurité ?
__–Non.
__–Prête pour la suite ? »

__–« Prête. »

__–Prête.
__–On est le lendemain. C’est oui pour les visites.

La trad, parce que je suis plus sympa que Luna :


Le bras de Luna :
[Centre] A cobra fumou Xolk
Couleur : #008b8b Merci à Eelis et Néo pour les avatars !
 

[Centre] A cobra fumou

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