Il fait un temps magnifique depuis quelques jours, il y a comme une odeur d'été qui flotte dans l'air, et je compte bien profiter du soleil dès que j'ai un instant de libre - j'ai tellement attendu son retour ! C'est peut-être étrange pour une russe habituée à la neige et aux températures polaires, mais je suis définitivement une fille de l'été moi ! Ce qui manque cruellement à Terrae d'ailleurs, c'est une vraie belle plage - parce que bon, les abords du lac, c'est pas très paradisiaque quand même...

J'ai décidé de décaler mes rendez-vous de l'après-midi pour m'aménager un peu de temps pour moi - on n'a que le bien qu'on se fait, et il faut bien profiter des avantages d'être son propre patron hein ! Je troque ma tenue de travail pour une jolie robe à fines bretelles, imprimée de fleurs colorées, et remplis un grand sac de plage avec tout ce qui peut être nécessaire à une après-midi de détente ; tapis de plage, coussin gonflable, livre, snacks, boisson... Et crème solaire, évidemment, il ne s'agit pas de laisser ma peau laiteuse brûler au soleil !

J'enfile une paire de sandales à talons compensés, un chapeau beige à larges bords et mes lunettes de soleil, avant de quitter l'institut d'un pas guilleret, direction le champ de fleurs. Il est absolument magnifique en cette saison - et il y a moins de monde qu'au parc ! J'ai beau adorer les enfants, les jeux et cris qui résonnent généralement là-bas ne correspondent pas trop à mon idée d'une après-midi relaxante ! Lorsque j'arrive, l'endroit est vide, excepté une jeune femme brune qui se promène avec son petit garçon.

Je me pose non loin d'un bosquet, histoire de pouvoir chercher de l'ombre si je commence à avoir trop chaud. J'étends mon tapis de sol, enlève mes chaussures et entreprends de m'enduire de crème - c'est dans ces moments-là qu'avoir un copain serait bien utile, parce qu'avec mes petits bras, je galère à m'en mettre dans le dos ! Soufflant ensuite dans mon coussin pour le gonfler, cachée par mes lunettes de soleil et mon grand chapeau, j'observe du coin de l'oeil la maman et son petit bout de chou - il est adorable, il doit avoir quoi... Un an et demi, deux ans ? Mon coeur se serre à cette pensée - c'est l'âge qu'aurait dû avoir mon petit bonhomme également...

Sentant les larmes me monter aux yeux, je cligne rapidement des paupières pour les chasser, et une soudaine distraction s'offre à moi ; le petit garçon a laissé tomber son doudou parmi les fleurs, sans que sa mère ne s'en aperçoive. Ils continuent tous deux d'avancer, la peluche gisant abandonnée au sol - ce qui promet une grosse crise de larmes un peu plus tard, un doudou c'est sacré !

"Attendez !"

Je les interpelle et me lève ensuite, trottinant vers la peluche, pieds nus. Je la ramasse puis comble les quelques mètres qui me séparent de la petite famille.

"Vous avez fait tomber ça ! J'imagine que c'est à toi ?"

Un sourire sur les lèvres, je m'adresse d'abord à la mère, ensuite à l'enfant, me baissant légèrement pour lui tendre son doudou.

Le petit avait insisté pour sortir se promener et la mère avait fini par céder. Aujourd'hui, elle sentait bien que la journée serait difficile, que le Vide qu'elle ressentait se creusait et qu'elle avait mal. Pourtant, à aucun moment elle n'aurait pu refuser une promenade aux immenses yeux chocolat qui la regardait avec tout l'amour du monde. Elle avait hoché la tête, l'avait changé pour mettre une tenue adaptée à la chaleur, un petit t-shirt facile à enlever, un short et elle-même mis sa robe traditionnelle la plus légère, une belle robe couleur rouge de terre. Un petit sac avec des bouteilles d'eau congelée, de quoi changer le petit s'ils ne trouvaient pas de toilettes toutes proches et son écharpe de portage pliée soigneusement pour quand le petit Eric serait fatigué de marcher et le détonnant duo quitta le dortoir.

- "Tu voudrais aller te promener où mon chéri ? Dans la forêt comme la dernière fois ?"

- "Nion !"

Je réfléchis un instant et regardait la carte de Terrae dans le hall afin de choisir une autre destination. Avec cette chaleur, le parc était exclu, il y aurait un monde fou et je ne voulais pas voir trop de monde, j'avais envie de retourner me coucher. Finalement, je me décidais pour le champs de fleur. Être connectée à la nature serait sans doute ce qui serait le moins difficile, pour lui comme pour moi dans tous les cas.

Une fois dans le champ, je sentais bien que les choses n'allaient pas mieux. Je voyais bien que mon petit Peter était ravis de courir partout, de sentit les fleurs. Il me les montrait avec excitation et j'aurais voulu lui répondre avec mon sourire habituel, mais j'étais rongée de l'intérieur par cette... chose, ce qui nous faisait du mal et nous amenait ici. Je marchais, la main de Peter dans la mienne quand une jeune femme nous interpella pour lui rendre son doudou. Je n'avais même pas remarqué qu'il était tombé. J'étais tellement ailleurs, concentrée sur cette douleur que j'essayais de faire disparaître que je n'avais pas vu que son jouet favori était tombé.

- "'Arci Ma'am ! Man ! Doudou !"

Alors que le petit garçon tendait sa poupée de chiffon fièrement vers sa mère, cette dernière ne put retenir un sanglot et le souleva de terre pour le serrer contre elle. Une embrassade teintée du regret d'une mère dont le coeur était absent. Elle embrassa son fils plusieurs fois, le faisant rire aux éclats, elle l'imaginait inconscient de son mal-être quand il lui caressa la joue, souriant de plus belle en montrant ses quatre petites dents de devant. Finalement, l'enfant se tourna vers la sauveuse de doudou pour lui envoyer un baiser volant. Nyree la regarda, décelant les traces d'un chagrin vite étouffé dans le ciel de ses yeux et s'inclina pour la remercier.

- "Je vous remercie, je n'avais pas vu le doudou tomber. Je me nomme Nyree et voici mon fils, Peter."

Faire la conversation n'avait jamais été mon fort et pourtant, je n'imaginais pas laisser cette jeune femme seule après ce qu'elle avait fait pour mon petit. Hésitante, je lui proposais de se rafraîchir avec nous, sortant une bouteilles congelée de mon sac. Si elle souhaitait être seule, elle trouverait sans doute une façon polie de décliner et si elle ne le voulait pas, peut-être que je pourrais me faire une nouvelle amie et me sentir moins seule en cette terre étrangère.

[HRP : désolée pour l'attente, j'ai oublié de te prévenir mais j'étais en vacances !    ]


Le petit bonhomme tend le bras pour récupérer son doudou, un large sourire sur le visage, tout en me remerciant avec des mots adorablement maladroits. Je sens mon coeur se serrer à nouveau et détourne le regard du bout de chou, me redressant pour sourire à sa mère.

La jeune femme, en revanche, ne sourit pas du tout - au contraire, elle laisse échapper un sanglot en prenant son fils dans ses bras, le serrant fort et le couvrant de baisers, comme pour s'excuser de son inattention. Perdre sa peluche aurait été fâcheux, mais ce n'est pas non plus si dramatique... Quelque chose me dit que cette tristesse n'est pas seulement le fruit de la perte du doudou. Je me sens gênée d'assister à cette scène et détourne légèrement les yeux, donnant le temps à la brune de recouvrer son calme.

"Oh, il n'y a pas de souci ! Enchantée, moi c'est Alyona. Coucou Peter !"

Joignant le geste à la parole, j'agite ma main doucement devant moi avec un sourire. Après quelques secondes de silence, Nyree me propose de passer un peu de temps en leur compagnie, sortant une bouteille de son sac. Souriant toujours, je hoche la tête pour accepter.

"Avec plaisir ! Je suis installée juste là, près du bosquet. J'ai des snacks et des boissons aussi !"

Je pointe en direction de mes affaires, indiquant le tapis de sol sur lequel on peut facilement s'installer à trois - c'est une couverture de pique-nique familiale, à la base ! J'avais dans l'idée de rester ici toute l'après-midi, donc je me suis armée pour une potentielle fringale, il y a largement de quoi partager.

"Ca fait longtemps que vous êtes ici, tous les deux ? Je ne me rappelle pas vous avoir déjà croisés... Je m'en serais sans doute souvenue, on ne croise pas tellement d'enfants en bas âge par ici en fait !"

A part les enfants de couples formés à Terrae... Ou aussi, visiblement, les enfants de résidents arrivés à l'institut après être devenu parents. En même temps, j'imagine mal une mère accepter de venir ici en laissant son fils seul ! Surtout un enfant aussi jeune...

La délicatesse et la discrétion de la jeune femme blonde permis à la maorie de calmer ses angoisses. Nyree avait la sensation d'être un fardeau dans sa propre vie et quand elle s'installa près du bosquet avec Alyona, elle sentit une chappe de plomb lui écraser les épaules.
La mère regardait son fils qui continuait de parler aux fleurs avec excitation, parfois il se tournait vers les deux femmes et leur en montrait une particulièrement jolie. La mère était fière qu'il ne cueille pas les fleurs sans permissions.
Elle sourit pauvrement à Alyona, heureuse de voir qu'elle engageait la conversation avec facilité.  

- "Non ça ne fait pas très longtemps... On est arrivé il y a quelques jours je crois... Peut-être une semaine, mais pas beaucoup plus. Et toi ? Tu vis ici depuis longtemps ?"

Ce qu'elle avait dit sur les enfants avait fait écho en moi. Je n'en avais pas vu beaucoup non plus et je me demandais si Peter ne souffrirait pas de solitude à ce train-là. Alors que j'allais poser une autre question à Alyona, Peter se mit à crier, surexcité après avoir vu des spores de pissenlits s'envoler alors qu'il avait malencontreusement marché sur la fleur.

- "Il est très énergique aujourd'hui, je ne serais pas surprise qu'il finisse par nous demander de jouer avec lui. "

J'ouvris mon sac et en sortit un petit gâteau emballés dans un essuie propre et en proposait une part à Alyona. Cela n'échappa pas à mon petit Peter qui avait sans doute un odorat surdéveloppé pour avoir sentit le cake encore chaud de là où il était.

- "Petite tempête dans 3, 2, 1..."

- "MAM !! DU CAKE TO PLAÎT !!"

Il avait couru et s'était pratiquement jeter par terre à côté d'Alyona, riant comme un fou.
Nyree secoua la tête, avec un sourire en coin et coupa une tranche de gâteau qu'elle posa sur une petite serviette pour la tendre à son fils. Le petit bonhomme regarda la part avec gourmandise, mais la tendit à la jolie blonde avec un grand sourire.

- "A'yona ! Tiens on partage !"

La mère ne put s'empêcher de sourire avec douceur face à son enfant et son envie de partage. Le petit posa le morceau de gâteau sur les genoux d'Alyona, la pauvre jeune femme n'allait pas avoir le choix de manger ou non le gâteau au yaourt et au citron, Peter avait décidé qu'il en serait ainsi et apparemment, rien n'y changerait plus rien.

Hrp:

Une fois assises à nouveau sur le tapis de sol, j'engage la conversation avec Nyree, toutes deux l'oeil attentif aux mouvements de Peter - il semble assez énergique comme petit, peut-être une explication aux traits tirés de la jeune femme ? En tout cas, il semble vraiment attiré par les fleurs, ce ne serait pas étonnant d'y voir là un petit Terre en devenir !

"Oh, je vois ! Vous êtes logés dans les dortoirs ? Ce n'est pas trop difficile avec le petit ? Moi je suis là depuis... Mh, un an et demi, quelque chose comme ça ? Le temps passe tellement vite !"

Je ne serais même plus capable de dire à quel moment je suis arrivée exactement... A l'hiver de l'année dernière je crois, il faisait froid. Il m'a fallu du temps avant de sortir de ma dépression et vraiment commencer à m'intéresser à nouveau au monde autour de moi.

La brune sort ensuite un gateau de son sac, et comme si une alerte invisible avait été lancée, son fils accourt vers nous à toute vitesse (enfin, aussi vite qu'un bambin de son âge parvient à se dandiner), et se jette à nos côtés sur le tapis de sol. En voilà un qui n'a pas peur de trébucher et s'écorcher les genoux en tout cas ! Nyree lui tend une part de gateau, mais au lieu de se jeter dessus pour la dévorer, le bonhomme me tend la serviette et la pose sur mes genoux avec un grand sourire.

"Oh ! C'est adorable, merci Peter."

Je lui rends son sourire et croque dans la gateau avec une expression complice sur le visage, avant de lever le pouce en l'air dans un geste d'approbation.

"Mmh, c'est très bon ! Tu as aidé ta maman à le préparer ?"

J'imagine sans mal qu'un bambin de cet âge en cuisine équivaudrait à un carnage, mais en même temps, je suis sûre qu'il serait adorable avec un petit tablier et de la farine sur les joues. Curieuse, je me tourne vers la mère.

"Ils ont installé une cuisine dans les dortoirs ? Quand je suis arrivée... C'était littéralement la jungle, en fait ! J'ai dormi dans un hamac jusqu'à avoir ma propre chambre..."

Inattendu ? Clairement - mais pour autant, je ne regrette pas du tout mes soirées "camping" avec Luna !

Alyona ne semblant pas être allergique, ou ne semblant pas s'en préoccuper pour le moins, Nyree fut touchée qu'elle accepte le morceau de gâteau avec un tel enthousiasme. Il était certain qu'elle savait s'y prendre avec les enfants et Peter semblait être suffisamment en confiance pour lui laisser la première part de gâteau, ce qui n'étais pas rien. Le petit bout n'avait pas pour habitude de laisser passer les sucreries sous son nez sans en prendre un morceau pour lui-même. La mère maorie coupa un deuxième morceau qu'elle tandis à son fils avec un sourire.

- "Et bien, Alyona est déjà une bonne amie à ce que je vois ! Tu lui donnes déjà du gâteau ?"

Elle lui demandait même s'il l'avait aidée à le préparer, elle avait décidément une fibre maternelle très développée. Je cachais l'ombre d'un sourire derrière mes cheveux et rangeait le reste de gâteau dans mon sac. Je n'avais pas très faim aujourd'hui et, heureusement Alyona était là pour partager ce moment avec Peter qui semblait parfaitement heureux.

- "A'yona ? Tu vas jouer a'ec moi ?"

La jeune mère haussa un sourcil, étonnée qu'il ne lui pose pas la question à elle en priorité. Même si son fils avait un caractère très ouvert, demander à une presqu'inconnue de partager ses jeux paraissait étrange à la maorie. Ce n'était pas dans les habitudes du petit garçon de laisser sa mère de côté pour profiter des autres. Il avait plutôt tendance à l'inclure dans tous les événements de sa vie et Nyree sentit une larme se loger au coin de son oeil. Les pensées tourbillonnaient dans son esprit, elle se voyait déjà comme la pire mère au monde, incapable d'aimer son enfant à 100% tout le temps. Comme si la mère parfaite qu'elle cherchait à être n'existait que de son imagination et que vouloir atteindre cette perfection, c'était assurément se vouer à échouer.

- "Comme ça, maman elle se repose un peu oui ?"

Et là ce fut trop. La cerise sur le gâteau, la goutte d'eau qui faisait déborder le vase, le pompon le plus complet. Un gémissement plaintif de louve s'échappa de la gorge de la maorie et elle éclata en sanglots. La tête enfoncée dans ses genoux et ses bras, elle ne parvenait pas à calmer ses angoisses de la journée et la sensation que son fils était déjà bien trop mature pour son jeune âge et qu'il ne devrait, normalement, pas voir que sa maman était triste ou fatiguée. Elle avait échoué. Elle n'était pas une mère parfaite, elle n'était même pas de bonne compagnie pour la pauvre Alyona. Elle émergea du creux de son coude pour jeter un oeil vers la jolie bonde et se remit à pleurer comme un veau.

- "Je s... suis... dé.. désolée."

Elle frotta son visage pour en chasser les larmes qui ne cessaient de couler et fit glisser son bandeau, dévoilant une partie de sa peau, brûlée et abîmée.

La jeune mère a l'air aussi surprise qu'attendrie de voir son enfant partager le gâteau avec moi, et je leur souris gentiment alors qu'elle coupe une autre part pour le petit. Nous mangeons en silence pendant quelques instants - du moins Peter et moi, car Nyree ne s'est pas servie.

"Merci beaucoup, il est excellent en tout cas ! J'adore faire des gâteaux, mais ça fait longtemps que je n'ai pas vraiment eu le temps de mettre aux fourneaux..."

Et ça me manque un peu je dois dire, faire de la pâtisserie était un de mes passe-temps favoris avant d'arriver à Terrae ! Peut-être que si j'engage une employée à l'institut pour me dégager du temps, je m'y remettrai...

Le bambin me propose ensuite de jouer avec moi, et je porte mon attention sur lui avec un sourire, sans remarquer le changement qui s'opère sur le visage de sa mère. Je hoche la tête avec enthousiasme tout en lui répondant.

"D'accord ! Tu voudrais jouer à quoi ? Tu as des trésors cachés dans ton sac ?"

Une balle, un frisbee ou un livre peut-être ? Sinon, on pourra toujours faire des mimes simples ou des jeux éducatifs avec les fleurs autour de nous. Je suis plongée dans mes pensées sur les activités à proposer à Peter, quand soudain Nyree se met à pleurer, me prenant totalement au dépourvu. Il me faut quelques secondes pour prendre conscience de la situation, après quoi je m'approche d'elle pour frotter doucement son dos pour l'aider à se calmer - j'espère qu'elle n'a pas de souci avec les contacts physiques.

"Il n'y a pas à s'excuser, ne t'en fais pas. Est-ce que... Je peux faire quelques chose ?"

Je ne vais certainement pas la juger de craquer un peu - tout le monde à Terrae a vécu des galères, et si elle est Novice, ça signifie que son Vide est tout récent, la pauvre. Je tends ensuite la main vers le petit pour serre gentiment son poignet dans un geste rassurant. Il ne doit pas bien comprendre ce qui se passe, à cet âge...

La jeune mère ne parvenant pas à reprendre son calme, c'est finalement le petit Peter qui devient adulte pour quelques minutes et prévient les adultes qu'il va aller cueillir des fleurs pour sa maman, mais qu'il resterait proche et visible. Il leur fait un bisous à chacune et s'éloigne de quelques pas. Nyree le regarde partir cueillir des fleurs et pleure de plus belle malgré elle.

- "Je.. J'ai l'impression d'être la pire mère du monde... Je l'ai arraché à notre terre, notre tribu, notre famille et je n'arrive pas à sourire tout le temps comme je devrais... "

La douleur qui me déchire le coeur est presque insoutenable, presque autant que quand je ressentais le vide et que j'avais la sensation que j'allais m'effacer au yeux du monde. J'essuie mes yeux d'un geste rageur, mais les larmes continuent de couler malgré la caresse dans le dos qu'Alyona me fait. Je me sens soutenue, mais j'ai quand même cette petite voix qui me souffle vicieusement dans l'oreille que je ne suis pas assez bien pour m'occuper de mon propre fils.

- "Je ne comprends pas ce qui m'arrive... Je ne comprends pas pourquoi je ressens toujours cette douleur alors que je devrais aller mieux ici... "

Incapable de se calmer, la mère finit par sortir une bouteille de son sac pour boire un peu et récupérer l'eau perdue et elle renifle avant d'attraper un mouchoir pour y remédier. Peter est toujours là, un peu plus, il continue de jouer dans les fleurs et, de temps en temps, se tourne pour regarder sa mère et sa nouvelle amie. Il fait régulièrement coucoou à Alyona et lui envoie un baiser de loin.

- "Il va grandir beaucoup trop vite si je continue sur cette voie... Il nous a laissé tout à l'heure... Parce que la première fois qu'il a voulu agir comme un enfant et à pleurer avec moi je me suis énervée contre lui... "

Nyree ne voulait pas tout déballer, mais elle sentait qu'Alyona pourrait peut-être comprendre. Son statut de mauvaise mère qui lui collait à la peau, la sensation de solitude ici, loin de sa famille, sa terreur de ne pas s'adapter, l'idée même d'être incapable de devenir un membre utile à cette société qui l'avait accueillie. Tout semblait être douloureux et compliqué, mais la jeune mère vida son sac, entre deux sanglots, entre deux soupirs, entre deux larmes.

- "Je suis désolée... Tu dois me trouver bien impolie de partager comme ça mon fardeau alors qu'on vient à peine de se rencontrer..."

Alors que sa mère pleure doucement, le petit Peter l'embrasse sur la joue et s'éloigne pour lui laisser de l'air. Je suis surprise par tant de maturité venant du garçon, il est si jeune ! Un peu peinée également, j'imagine que ce n'est pas la première fois qu'il assiste à une scène du genre, s'il est capable de gérer de la sorte... La première réaction d'un bambin qui voit pleurer sa mère, serait sans doute de pleurer avec elle.

Je reporte mon attention sur Nyrée, jetant un coup d'oeil de temps à autres à Peter - mais il joue sagement dans les fleurs, attendant sans doute une accalmie pour revenir auprès de nous. Je continue de frotter doucement le dos de la jeune femme dans un geste réconfortant, et elle finit par se confier un peu à moi. Je l'écoute sans interrompre, hochant légèrement la tête pour l'inviter à continuer. Finalement, elle semble avoir vidé une partie de son sac, et se mouche en séchant ses larmes.

"Tu ne devrais pas être si dure avec toi-même... Personne ne sourit tout le temps, être triste et s'énerver, ça fait partie de la vie et ça ne fait pas de toi une mauvaise mère ! Au contraire, je trouve ça plutôt sain d'être honnête avec ton fils au lieu de lui montrer une façade quand ça ne va pas..."

Du moment qu'elle n'est pas déprimée tout le temps, évidemment, et j'espère pour elle que ce n'est pas le cas... Mais je trouve ça plutôt important de montrer aux enfants que les émotions négatives font aussi partie du quotidien, plutôt que de leur mentir et faire bonne figure en toute circonstance. Ce n'est pas gérable pour une mère seule, et puis ça risque de fausser la perception de la réalité et le développement du petit.

"Est-ce que tu as quelqu'un pour t'occuper de Peter de temps en temps ? Je pense qu'il y a un système d'accueil pour les tout petits qui ne vont pas encore à l'école, un peu comme une crèche... C'est important d'avoir des moments rien que pour toi, ça te ferait sans doute du bien de respirer un peu !"

Je souris doucement avant de me relever du tapis de sol, offrant ma main à la jeune femme pour qu'elle se lève également.

"Que dirais-tu de marcher un peu ? Il fait si beau aujourd'hui, ce serait dommage de ne pas en profiter ! Et Peter doit s'ennuyer à jouer tout seul..."

Je laisse la mère récupérer son fils pendant que je rassemble mes affaires, avant de les rejoindre pour une petite promenade agréable. Nous passons un moment à discuter et jouer à chat avec le bambin, Nyrée a l'air d'avoir retrouvé le sourire et le petit Peter également - tant mieux. J'espère que l'avenir sera plus joyeux pour eux deux, et je les embrasse chaleureusement pour leur dire au revoir après ce petit moment partagé, avant de nous séparer pour rentrer chacune de notre côté.