Elle sourit, mi-moqueuse mi-amusée.

« Vraiment, bois comme dans une bouteille ! »

C’est un conseil simple, même si on n’a pas de goulot auquel se rapprocher, ou d’inclinaison à gérer, l’expérience est assez similaire. Finalement, elle doit ressembler à ce que vivent les astronautes quand ils sont en apesanteur… Est-ce que Camille est déjà allée dans l’espace ? Probablement pas. L’idée glisse sans trouver d’aspérité où se raccrocher dans l’esprit de l’ivoirienne.

Un nouveau compliment. L’envie de prendre la fuite se fait par contre plus pressante. Non mais quelle idée, lui faire des compliments à elle ! Il n’y a qu’une technique pérenne, faire comme si elle n’avait pas réellement compris que c’était un compliment et ne rebondir que sur une partie de la phrase.

« Bien sûr que non tu n’es pas un cas désespéré ! Tu as déjà bien progressé entre le début de ton entrainement et maintenant, le reste viendra avec la pratique ! »

Il faut savoir marcher avant de commencer à courir, comme dirait le sage… Et comme l’oublient nombre d’enfants…

« Oui, je veux bien! »

Elle se sait beaucoup plus en forme que la Camille et pourtant la laisse se lever, elle sait que cela ne se fait pas de toucher aux affaire des autres. Encore une fois elle range l’eau excédentaire rejoint le syphon prévu à cet effet. On ne dit pas non à une barre chocolatée, jamais. Il faut savoir profiter des bonnes choses, et puis reprendre un peu d’énergie avant de déplacer les matelas te semble être une bonne idée !

Les encouragements d'Afya me font chaud au coeur. Je lui offre un grand sourire chaleureux.

- Héhé, je vais faire de mon mieux !

Je vais ensuite chercher de quoi nous sustenter et reprendre des forces dans mon cas. Je lui propose donc une barre chocolatée, un Mars ou un Snickers, comme semble indiquer l'emballage noir. En croquant dedans, le caramel emplit ma bouche. Des Mars donc. Bonne pioche. J'ai aussi des Twix, des Milky Way et même un Bounty au fond de mon sac. Je dois être le seul Brit' qui aime ça. Ils ont même banni les Bounty des mix Célébrations du Royaume-Uni, qu'on peut acheter à Pâques. J'avoue avoir halluciné en voyant ça dans les news sur les réseaux sociaux. Genre, les gars les Bounty c'est trop bon avec la noix de coco et tout ! Mais je digresse.

Une fois le Mars englouti, le sucre me donne un regain d'énergie. C'est le moment d'en profiter, parce qu'après je pense que je vais retourner à ma chambre faire la plus belle et longue sieste de ma vie. Je me lève donc et fourre le papier dans ma poche.

- On range ? Je propose.

Puis je me mets à l'oeuvre. Si les matelas m'avaient semblé lourds avant l'entraînement, ils me semble peser un éléphant mort maintenant. Je traîne le premier jusqu'au coin où je les avais trouvés avant de revenir vers Afya.

- En tout cas, vraiment merci d'avoir pris du temps pour discuter avec moi et m'aider.

D'après l'idée que je me fais de la jeune femme, les interactions sociales sont pas son fort et ça a dû lui demander de l'énergie de prendre autant de temps pour moi. Alors je lui en suis vraiment reconnaissant.

De la même manière que Camille, Afya engloutit une barre de chocolat sucrée. Elle ne fait pas la différence entre toutes, elle reste fidèle à la première qu’elle a découverte : les snickers. Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Elle n’a pas besoin de shoot de sucre, mais la gourmandise la pousse à en prendre tout de même un.

« Oui, bien sûr ! » dit-elle en se redressant.

Elle froisse l’emballage de la barre qu’elle vient d’engloutir et la glisse dans la poche arrière de son jean. Oui, Afya porte des jeans. Déjà parce que c’est pas cher, ensuite parce que c’est increvable ces tissus. Elle l’a depuis qu’elle est arrivée à Terrae celui-là, et franchement, il a pas bougé !

Voilà donc les deux femmes qui tirent de toutes leurs forces sur les matelas pour qu’il se déplace… Il est rare qu’elle souhaite être d’une autre affinité, mais finalement : être titan en cet instant précis lui serait d’une grande aide… Elles doivent s’y reprendre en plusieurs fois pour tirer les maudits matelas, et quand elles y arrivent enfin, l’ivoirienne n’en est pas peu fière.

Camille la remercie, et elle se reprend avant de répondre que c’est normal. Non, ce n’est pas normal, elle n’aime pas les gens. Faire de nouvelles rencontres est souvent un calvaire pour elle. En réalité, ce n’est pas tellement qu’elle n’aime pas les gens, c’est qu’elle les craint, eux et leurs regards. Leurs paroles déplacées, leurs… Il y a tellement de choses qu’elle craint chez les autres.

« Je crois que ça m’a aussi fait du bien de discuter avec toi. Merci. »

Elle lui sourit, s’étire, avant de lui dire :

« Du coup à une prochaine ! »

Afya me vient en aide et je lui adresse un sourire reconnaissant. Je n'ai plus qu'une chose en tête :  mon lit, dans ma chambre. Des draps propres, changés la veille, un vieux t-shirt comme pyjama et un oreiller moelleux à souhait. Mais d'abord, on range les matelas à la force de nos petits bras.

L'entraînement est terminé et il va être l'heure de se séparer. Alors naturellement, je remercie une dernière fois la jeune femme pour son aide, ce à quoi je m'attendais à un "c'est normal" ou à un "de rien". Mais à la place, elle me remercie à son tour. D'abord un peu pris au dépourvu, sa phrase me fait quand même plaisir. Alors je souris.

- Y'a pas de quoi, tu es la bienvenue quand tu veux ! Tu sais où me trouver. Je dis.

Dans l'aile des Tonnerres, quoi. Afya s'étire et je récupère ma sacoche puis lui fais un signe de la main.

- Yes, à bientôt !

Et je sors de la salle de bonne humeur, direction : mon lit.