J'savais que j'allais pas beaucoup dormir cette nuit parce que le mariage de Lou et Aaron, j'allais pas fétouiller sur le côté, oh ça non. J'pensais pas que j'allais pas dormir parce que j'ai fait la glissade de ma vie. Si vous saviez comme je M'EN VEUX BORDEL. Je passe sur les festivités, la beauté de leur mariage et comment ça m'a mise en pls émotionnelle et comment je les aime putain ma mif c'est la meilleure j'veux rien savoir (et ce depuis que ma mif c'est Adé ok.) mais y a aussi d'autres gens que j'aime très fort et qui sont ma mif.

Genre au hasard, mon meilleur pote.

A qui j'ai : niqué la soirée. C'est sûr. J'veux dire, j'l'ai pas revu après et j'me suis dit que j'allais faire profil bas jusqu'à ce matin. J'ai niqué sa soirée à lui et à Pando. Que j'adore. Pourquoi j'ai fait ça ? Parce que j'ai pas su gérer. J'ai ressenti un truc fort, j'étais saoule et j'ai juste. J'ai fait une Elwynn mais pas du tout comme il fallait. Et je m'en veux si vous saviez comme je m'en veux bordel.

J'ai super peur qu'ils me détestent, qu'ils veuillent plus jamais me parler. Et franchement, j'comprendrais. On étale pas les sentiments des gens comme ça. Mais j'ai si peur de les perdre. Je me suis préparée ce matin, j'ai des cernes, j'm'en fous, j'ai laissé Jérémy dormir et j'suis partie direction le dortoir des Airs. Je sais pas non plus pourquoi je commence par Pando, peut-être parce que perdre Misao me terrifie plus que je le conçois vraiment, mais faut commencer quelque part de toute façon. J'm'arrête devant sa porte.

T'assumes maintenant El'. T'as fait de la merde. Quand on fait de la merde, on dit pardon et on répare. On laisse pas trainer, on est pas lâche. On prend ses responsabilités. J'ai toujours dit ça. Alors on assume. Je toque à la porte, respire profondément. J'ai foutu tout mon égo de côté, j'suis prête à prendre la rouste de ma vie. Quand elle s'ouvre sur l'Air, je joins mes deux mains devant moi et baisse la tête.

Je suis désolée. Vraiment désolée. Je comprendrais que tu ne veuilles pas entendre mes excuses.

Mais j'ai des choses à dire. Et je suis prête à entendre tout ce que tu as à me dire. Comme je suis prête à te voir fermer la porte sur moi et accepter.

J'ai à peine fermé l'oeil de la nuit. Mais je crois que j'aurais préféré ne pas dormir du tout, à vrai dire, parce que maintenant j'ai l'impression d'avoir rêvé et inventé une bonne partie de la soirée d'hier... Et le voile un peu flou qui recouvre mes souvenirs (à cause du champagne et de l'état de confusion de mon coeur/cerveau) ne fait qu'accentuer cette désagréable impression. J'ai du mal à démêler ce qui est réel de ce qui ne l'est pas ; mais par contre, ce que je ressens avec beaucoup trop de réalisme, ce sont les effets physiques de tout ce bazar - mon estomac qui ne cesse de s'entortiller sur lui-même, au bord des lèvres une minute, lourd comme une pierre celle d'après. Ma poitrine qui se serre en rendant ma respiration difficile. La boule qui me comprime le fond de la gorge. Les pensées qui s'entrechoquent sans relâche en me vrillant le crâne (bon, ok, il y a peut-être un peu de gueule de bois là-dedans aussi).

C'est d'ailleurs le mal de tête qui m'a sortie du lit (sinon j'aurais larvé sous la couette toute la matinée), mais j'avais trop besoin d'un Doliprane là. Une bonne douche et un café plus tard, je ne suis toujours pas super fraîche, mais au moins je n'ai plus l'air d'un cadavre. Juste d'une clocharde, un peu, avec mes cheveux humides qui rebiquent dans tous les sens et mon long sweat-shirt à capuche en guise de robe/pyjama. Je suis assise à la table de la cuisine, mon téléphone entre les mains, une envie très forte d'écrire un message à Misao mais sans oser le faire pour autant - quand on toque à la porte. Pendant une seconde, je crains qu'il ne s'agisse de Kiyo, qui aurait besoin d'un coup de main pour ranger la sono (et même si j'ai envie de caner, je n'oserais pas lui dire non, vu comment je l'ai planté hier soir...). Je me traîne donc vers la porte et l'ouvre, sans l'ombre d'un sourire sur le visage.

Ah bah, alors ça... Si je m'attendais à re-croiser Elwynn aussi vite, ptdr.

Mon premier réflexe est de lui refermer la porte au nez directement - ce que je fais, hein. Et puis je la rouvre, mais juste un peu. Est-ce que je lui en veux ? Oui, bien sûr que oui. Suffisamment pour gâcher une amitié de plusieurs années, et perdre une super prof de self-défense ? Je ne suis pas sûre... Après tout, elle est juste là, elle assume sa connerie et elle s'excuse - et puis elle en a une vraie, d'excuse, justement. Un peu de merde, hein, mais bon - moi aussi, l'alcool me fait faire n'importe quoi parfois. Et puis surtout, je sais que son intervention ne partait vraiment pas d'une mauvaise intention. Super mal réalisée, ça c'est clair, mais pas malveillante.

Finalement, je soupire et ouvre la porte plus grand, m'effaçant sur le côté pour la laisser entrer.

"Café ? T'as encore plus une sale gueule que moi ce matin."

Ok, bon. Il se peut que je sois de mauvaise humeur, mh.

Pandora ne tarde pas à ouvrir. Elle a pas l'air d'avoir giga dormi, mais je baisse la tête trop vite. J'ai à peine le temps de finir qu'elle claque la porte. Je ferme les yeux. Putain de bordel de merde je suis trop con. Je suis vraiment trop con. Je laisse tomber mes bras. Elle rouvre la porte. Mon regard croise le sien. Ses cheveux sont humides comme les miens, qui tombent lisses le long de mes épaules. Elle a l'air fatiguée, elle a sûrement pas dormi.

Quelle. Enorme. Débile. Je suis. Putain.

Elle me fixe un instant, je ne dis rien, et puis elle finit par soupirer. Je baisse la tête de nouveau, honteuse, avant qu'elle ouvre la porte en grand. Elle me propose d'entrer. Allez on y va on recule pas. Je rentre dans la chambre, et elle me propose un café. Elle est gentille, elle peut dire ce qu'elle veut en suivant mais juste, elle m'accueille. Je prends l'attaque avec un sourire nerveux.

Ahaha. Facile d'avoir une pire tête que la tienne.

Euh. Ta gueule ? Je soupire à mon tour.

Hm, je veux bien si t'en prends un.

Je me retrouve à pas savoir quoi faire de mes mains, de mes bras. J'aimerais lui dire que je suis prête à entendre si elle a des chose à dire. Je la regarde un moment, cherche son regard. Le mien est sincèrement désolé. Et un peu perdu.

Je, j'voudrais-... Je veux juste te dire. J'suis désolée, je mesure pas... Je mesure sûrement pas ce que j'ai pu te faire. Mais j'ai foiré, tout et euh. J'voudrais te dire que je le referai plus jamais. Genre, vraiment. Pardon.

Ouah eh oh l'élocution, compliqué. Ce que j'essaie de dire mais que je galère à faire sortir, c'est que j'ai peur qu'elle me fasse plus confiance. Alors, j'veux dire, j'l'ai pété donc my bad, mais plus jamais confiance, je veux dire. Si elle est suffisamment gentille, je suis prête à bosser pour la reconstruire. C'est à moi d'assumer. Mais je veux qu'elle sache que je... J'imagine que c'est d'la merde. Et j'veux qu'elle sache que ça n'arrivera plus. Plus jamais. Et c'est moi qui le dit tu piges. J'vais même pas me justifier ça sert à rien, elle peut me demander mais j'ai foiré c'est tout. J'ai voulu bien faire si tu veux mais le résultat est le même, et c'est d'la merde ahaha.

Elwynn entre, la tête baissée, et de la voir aussi abattue me fait quelque chose, quand même. Elle est solide comme un roc, d'habitude, et si ses émotions sont aussi visibles sur son visage en ce moment, c'est qu'elle doit être vraiment mal. Une partie de moi se dit que c'est bien fait, alors que l'autre est vraiment mal à l'aise - mais en tout cas, je ne doute pas un seul instant que ses excuses sont sincères.

Je hausse un sourcil à sa réflexion, avant de pointer vers ses cernes.

"J'parlais plutôt de l'air de déterrée, hein..."

Mais merci pour le compliment, j'imagine, même si j'le dirai pas à voix haute. Quand elle accepte le café, je me dirige mollement vers la Senseo, tirant au passage une chaise près de la table en faisant signe à la rousse de s'installer. On ne va pas le boire debout près de la porte d'entrée, ce fameux café, hein. J'en fais couler deux, bien forts, avant de venir m'installer à table moi aussi, en face d'elle, en posant les tasses entre nous. Je replie un genou sous mes fesses en m'asseyant, pose le coude sur la table, et ma tête dans ma main.

Puis je l'écoute parler, une expression neutre sur le visage. Elwynn se perd un peu dans ses excuses, mais ouais, j'comprends bien qu'elle est très désolée et qu'elle ne refera plus jamais un truc pareil. Je tique un peu quand elle souligne qu'elle ne mesure pas ce que tout ça a bien pu me faire ; non, en effet, j'crois que même Allen mesure pas à quel point je suis totalement démunie face à ce genre de choses (ce genre de choses = les sentiments, lol). Je regarde la fumée s'élever de ma tasse de café pendant quelques instants, avant de soupirer en relevant les yeux vers elle.

"Ca arrive à tout le monde de faire de la merde en étant bourré. Ca m'est déjà arrivé aussi, alors j'peux pas vraiment t'en tenir trop rigueur, hein... Mais ouais, c'était, euh..."

Une déferlante, un ras-de-marée, un fucking TSUNAMI dans ma gueule. Je baisse les yeux à nouveau sur ma tasse, tapotant nerveusement mes doigts sur la porcelaine chaude.

"Certaines choses te semblent peut-être évidentes, mais elles ne le sont pas forcément, pour moi. T'avais raison ; je crois que j'aime beaucoup Misao. Mais j'en avais pas vraiment conscience, en fait... Alors ouais, la claque dans la gueule a été un peu violente."

Mais je m'en remettrai. On s'en remettra. Je crois. J'espère... J'ai vraiment très envie de le voir et qu'il me prenne dans ses bras tout doucement pour chasser les doutes qui flottent dans mon esprit. J'ai de nouveau mal à la tête, c'est malin.

Elle me raille, et franchement c'est bien fait, en pointant son doigt sur mes cernes. Je me frotte mécaniquement le dessous de l'oeil droit. Bah ouais, j'ai fait la fête puis j'ai pas dormi parce que je culpabilisais comme jamais, forcément j'ai une giga sale tête... Fallait s'y attendre. Elle me propose un café et me tire une chaise sur laquelle je vais sagement m'asseoir. Les mains sur les cuisses, je la regarde lancer sa machine, et je tourne un peu ce que je veux dire dans ma tête. Elle s'installe en me posant la tasse presque comme si on allait discuter entre copines et ça me perd encore plus, mais j'essaie de rester calme. De pas paniquer. De pas me dire que j'ai vraiment tout ruiner, bon ok j'me le dis mais j'essaie de rattraper les choses alors c'est difficile.

Et alors que je m'excuse et que je sais pas où me mettre ni trop quoi dire, à part essayer de sortir ce que je ressens, Pandora... soupire, et me réponds que ça arrive. Je ne cache pas un air de surprise quelques instants. Je ne comprends pas qu'elle prenne avec autant de tranquilité, j'aurais pensé que c'était trop important pour elle, pour juste le prendre... comme un truc tranquille. Oh ça ne m'empêche pas de me sentir encore plus nulle et plus con et de m'en vouloir toujours autant parce que malgré tout, on ne fait pas ce que j'ai fait, point barre, y a pas de discussion. Et sa phrase reste en suspend, alors j'ose, en parlant pas très fort :

Ultra con ? Hm. C'est... c'est gentil de me dire ça, j'apprécie. Mais je sais que ça reste absolument pas ok.

Elle baisse les yeux, et j'ai l'impression que je la gêne d'autant plus. J'attends ce qu'elle a à me dire, attrapant lentement ma tasse à mon tour. Et elle m'explique. Que pour elle, c'était pas évident. Qu'elle aime beaucoup Misao. Qu'elle en avait pas conscience avant. Et effectivement, je touche un peu mieux du doigt ce qu'elle peut ressentir. Je hoche la tête lentement. Je ne suis pas du tout gênée par ce qu'elle me dit, simplement je me trouve toujours aussi con et je me sens vraiment triste d'avoir piétiné une situation qui aurait pu leur être bien plus douce. D'avoir mis les pieds dans quelque chose qui ne m'appartient pas. D'avoir fait un tâcle à la place d'une passe comme l'a dit Roman.

J'imagine. Je... J'suis vraiment désolée, je fais que m'excuser mais c'est vrai. Je ne sais pas trop quoi faire pour... Pour réparer. J'ai voulu bien faire, et j'ai pas du tout, du tout mesuré... Bah quoi que ce soit, en fait. Je ne voulais pas vous blesser ni l'un ni l'autre. Ni abîmer ce qu'il y a entre vous. Qu'importe ce que c'est ça me regarde absolument pas. J'ai voulu être là pour vous et j'ai juste. Je sais pas trop comment faire non plus je crois, et je sais pas. C'était n'importe quoi.

Je baisse moi aussi les yeux vers ma tasse. Oh putain Misao va me buter. Je relève la tête vers Pandora, cherche de nouveau son regard. Un léger, très léger sourire timide traverse mes lèvres.

Merci, d'accepter de me parler, et me.. Dire ça.

En fait, c'est déjà beaucoup. Enorme. J'essaie de trouver autre chose que des excuses mais punaise c'est pas évident. Je soupire, et retourne à la tasse de café, honteuse. Je bois une gorgée trop chaude mais pas tout à fait brûlante. J'ai envie de me frapper la tête je suis vraiment TROP BETE.

Elwynn a l'air... Presque surprise de ma réaction - j'imagine qu'elle s'attendait à ce que je m'énerve, l'engueule peut-être ? Ca aurait pu, hein, mais je suis juste fatiguée, confuse, et j'ai franchement la tête et le coeur à tout autre chose que de la colère. Je hausse une épaule quand elle souligne que ce qu'elle a fait n'était pas ok.

"Plus maladroit que con. C'est pas comme si je t'avais confié un secret et que t'avais été le gueuler sur tous les toits... T'as juste, j'sais pas, tiré des conclusions de tes observations, j'imagine, et t'as cru bon de nous en informer. Je t'en aurais pas voulu de les garder pour toi, hein, clairement, mais bon voilà. On reviendra pas en arrière, et m'énerver sur toi n'arrangerait rien non plus."

Surtout mon mal de crâne, ahah. De toute façon, même si j'apprécie qu'elle soit venue me présenter ses excuses, ce n'est pas non plus comme si on était des amies très proches et qu'elle avait brisé ma confiance ; je l'aurais bien plus mal pris de la part d'Allen, par exemple. Ce qui me fait penser que Misao risque de lui en vouloir bien plus que moi je ne lui en veux... Est-ce qu'elle est déjà allée le voir, ou je suis la première étape ? Mh.

Je lui explique ensuite un peu comment j'ai vécu la chose (la bombe, soyons honnête) de mon côté, et la jeune femme repart dans une nouvelle vague d'excuses. Je hoche lentement la tête en buvant une gorgée de mon café, avant de répondre d'une voix hésitante ;

"T'en fais pas, y'a rien à réparer, ça m'a bien secouée - pas que moi, d'ailleurs - mais t'as rien... Cassé. Enfin. Je crois pas. ... Je sais pas. J'espère."

Je me passe une main sur le visage, ça y est, je commence à m'embrouiller et à paniquer un peu. Non, respire, ça va, y'a rien de cassé. Je repense au contact des mains de Misao dans mon dos, son nez dans mes cheveux, son souffle, ses mots. C'est juste différent, maintenant, mais pas cassé. Je me racle un peu la gorge avant de reprendre ;

"Juste. Je te demande de plus t'en mêler, même si t'essayes de bien faire... Peut-être bien qu'on est lent et con et qu'on a aucune idée de ce qu'on fait, mais... Si ça doit arriver, ça arrivera. Comment et quand on l'aura décidé, juste lui et moi. C'est déjà suffisamment compliqué et terrifiant, et j'ai pas envie de parler pour lui, mais moi en tout cas j'ai vraiment pas besoin d'avis ou de coup de pouce extérieur, ça me met juste encore plus la pression."

Bon, bien sûr que je vais en parler avec Allen hein, parce que j'ai besoin de vider mon sac - mais je sais qu'il ne se permettra ni de juger, ni de me conseiller si je ne lui ai pas demandé.  Il a ce talent de savoir juste m'écouter et me rassurer sans avoir besoin de mots ; c'est pas pour rien que c'est mon meilleur ami, hein. Finalement, je réponds au sourire timide d'Elwynn.

"Y'a pas de quoi. Je suis... Pas vraiment fâchée. Juste un peu confuse... Beaucoup, confuse. Mais peut-être que c'est un mal pour un bien et que j'avais besoin de cette claque, au final."

C'est vrai quoi, dans pas si longtemps j'aurai 30 ans, et je suis toujours pas foutue de le comprendre par moi-même quand quelqu'un me plaît. Il est temps que je me réveille, si je ne veux pas reproduire exactement les mêmes erreurs que j'ai faites par le passé.

Pandora tempère, elle tempère ce que je viens de dire, ses propres émotions aussi sûrement. Elle m'explique qu'effectivement, c'est pas si grave pour elle parce que j'ai pas gâché un secret. Mais ouais on est d'accord j'peux garder les choses pour moi. Et tout à coup je réalise, quand elle le dit. Sur le coup, je n'ai pas pensé qu'ils n'étaient pas au courant. Pour l'autre, mais surtout pas pour leurs propres sentiments. Pour moi, c'était évident. Je ne me suis même pas posé la question. Mon ventre se tord, j'étais juste pas du tout capable, à ce moment-là, de me mettre à leur place. Et je m'en veux terriblement, mais ça, je ne le tais, et je la remercie de nouveau, tout doucement, de me dire ça. Elle essaie de me rassurer je crois, et elle devrait pas ?

J'espère pas non plus.

J'espère que rien n'est pété. Vraiment. Je peux pas en avoir une garanti, mais vraiment. J'espère. J'ai de nouveau envie de pleurer, mais j'attrape ma tasse et bois une nouvelle gorgée pour ravaler mes larmes avec. Elle a l'air épuisée, plus mentalement que physiquement. Je me rends compte que ça a l'air vraiment compliqué dans sa tête. Lorsqu'elle me demande de ne plus m'en mêler je hoche la tête. Je prends une inspiration, ne parle pas tout de suite. Je baisse une seconde les yeux avant de croiser les siens. Le ton de ma voix me ressemble déjà beaucoup plus. Il est assuré, y a aucun doute dans ce que je dis.

Que ce soit bien clair, je ne recommencerai pas. J'espère que tu peux me faire confiance pour ça. Je te l'assure en tout cas. Et non, vous êtes ni con ni lents. Aucun de vous.

Je suis un peu plus embêtée pour la suite, je ne sais pas trop comment formuler ce que je veux dire. Au final, c'est pas si évident de prendre des pincettes.

Je... Je crois que j'ai agis comme ça parce que, je n'ai jamais vécu... ce que vous vivez. Enfin c'est évident je suis pas vous. Mais j'veux dire. Je n'ai jamais vécu ces situations. J'ai jamais... J'ai pas eu de relations normales dans ma vie, avant Jérémy. Et du coup, je trouve pas ça effrayant. Ou compliqué. En quelques sortes, j'ai attendu sans le savoir qu'on m'aime et que j'aime en retour toute ma vie sans jamais que ça arrive. Et quand c'est arrivé, c'était juste... magnifique.

Je parle quasiment pas de ma relation avec Jérémy aux autres. Pas autant, pas tout ce que ça a pu me faire. C'est difficile de trouver les mots, mais je sais où je vais, je sais ce que je ressens. J'essaie tant bien que mal de lui dire que je suis désolée parce que j'ai vécu des trucs chelou et que je gère pas bien ça.

Je vais encore m'excuser ahaha, mais je voulais pas rendre quelque chose qui est... compliqué pour toi apparemment, encore plus compliqué. Je ne referais plus ça promis. Mais si jamais euh. Si jamais... j'sais pas comment font les gens pour parler de ça, si y a des codes ou quoi, mais si jamais t'as... envie d'en parler, euh. J'suis là.

Je hausse les épaules, portant de nouveau le café à mes lèvres.

Je suis pas la plus douée pour les sentiments mais des fois, je sais que c'est cool de partager comment c'est galère.

Et c'est ça que j'ai raté, hier soir. On peut pas être là pour ses potes en les brusquant. Et je me doute qu'elle aura sûrement pas envie de m'en parler à moi, après ce que j'ai fait. Mais euh. Bah ça coûte rien d'être sympa et de dire que je suis dispo pour en parler. En fait.

Mes yeux s'embuent un peu quand Elwynn répète mes mots ; qu'elle espère elle aussi que rien n'est cassé. J'essaye de m'en convaincre, mais la vérité c'est que je suis morte de trouille. Et si Misao ne voulait plus me voir, maintenant qu'on est sobre tous les deux, et qu'il a eu le temps de réfléchir à ce qu'on s'est dit, à ce qui s'est passé ? Et s'il trouvait que c'était trop, et surtout trop tôt ? Parce que c'est exactement ce que je suis en train de penser, moi ; mais malgré tout, je n'ai aucune envie de laisser tomber, de baisser les bras et laisser tout ça juste... Disparaître. Au contraire ; j'ai encore plus envie de le voir qu'avant. Mon estomac se contracte douloureusement, et je bois une gorgée de café pour me cacher le visage et reprendre un semblant de contenance.

La rousse reprend la parole, d'un ton bien plus assuré qu'avant, en me promettant qu'elle ne refera plus jamais quelque chose comme ça. Je hoche la tête lentement, je la crois, c'est le genre d'erreur qu'on fait une fois mais pas deux. En tout cas, c'est le genre d'erreur qu'on pardonne une fois mais pas deux ; et je pense qu'elle le sait. J'ai un petit rire étranglé quand elle dit qu'on est loin d'être con, Misao et moi - pour lui, c'est vrai. Pour moi, en revanche... J'en suis moins sûre. C'est sans doute de l'inexpérience plus que de la bêtise, je suppose.

"Bien sûr que si, on est lent. Mais c'est très bien comme ça ; pour moi, en tout cas. J'ai besoin de ça. Sinon je m'enfuis, et, euh... J'ai pas envie. Pas cette fois."

Faire taire ses peurs et ses doutes, c'est un peu comme apprivoiser un animal sauvage ; c'est compliqué et ça demande beaucoup de patience. Petit pas après petit pas. Et parfois ça fonctionne, mais parfois non - et c'est sûrement ça le plus dur, d'accepter que même si on essaye très fort, il n'y a aucune garantie de succès. En bout de course, il n'y aura peut-être que de la déception, et de la douleur. Mais comme Misao l'a dit lui-même, parfois il faut se lancer, parce que ça en vaut la peine si ça marche...

Elwynn s'ouvre ensuite un peu plus, au sujet de sa propre expérience, de sa relation avec l'homme qui est aujourd'hui son mari. Et ça me fait sourire, parce que ça ne m'étonne pas vraiment d'elle de ne pas avoir peur, même des sentiments ; et aussi parce que ça se voit à quel point elle l'aime quand elle en parle.

"C'est beau, ce que tu dis... Moi non plus, j'ai jamais eu de relation normale, tu sais. A vrai dire, j'ai jamais eu de relation tout court, rien qui dépasse juste une nuit en tout cas. Je suis tombée amoureuse une seule fois dans ma vie, et j'ai rien vu, rien compris. Enfin, si, j'ai compris quand il est parti et que c'était trop tard."

Et c'était d'autant plus douloureux que c'était réciproque, et qu'on est complètement passé à côté de quelque chose qui aurait pu être tellement beau. Je me perds un peu dans les souvenirs, portant une nouvelle fois ma tasse à mes lèvres pour me cacher derrière. Je relève finalement les yeux vers elle quand elle me dit qu'elle est là pour en parler, si j'en ai envie. Mh. Envie, je ne sais pas, mais besoin... Peut-être.

"Y'a pas tellement à dire, c'est même pas que c'est compliqué dans le fond, c'est juste moi qui rend les choses compliquées... J'ai peur de m'attacher. Et je parle pas juste d'amour mais de n'importe quel type de relation, c'est pour ça que j'ai beaucoup de potes mais quasiment aucun ami. Juste un seul, en fait. Je sais un peu trop bien ce que ça fait de perdre quelqu'un qu'on aime, alors juste, je me l'autorise plus vraiment... C'est plus facile comme ça."

Et peut-être que ça m'empêche d'être pleinement heureuse, mais aussi, surtout, ça m'évite d'être pleinement malheureuse. Et pendant toutes ces années, ça m'a suffi ; mais aujourd'hui, je ne sais plus. Ou plutôt, je sais que ça ne me suffit plus, mais ça ne rend pas la peur et l'envie de fuir moins présentes, au contraire.

Je crois que Pandora est déstabilisée un peu. J'veux dire, qu'elle a l'air triste mais pas que. Est-ce qu'elle a peur, elle aussi ? Si j'étais pas au fond du sceau j'serais capable de me vénère mais contre quoi j'sais pas, juste la vie, soit claire et aide nous plus merde. Si elle a peur qu'un truc soit pété c'est horrible. Mais je dis rien, j'y réfléchis un peu plus parce que t'façon j'arriverai pas à me mettre en colère sur autre chose que ma gueule. Si elle pense que c'est pas cassé, c'est que c'est du côté de Misao l'inconnue. Et si j'ai aussi peur de l'affronter... c'est que c'est lui que je connais le mieux. Et que je pense pas me planter en disant que, j'crois que ça va aller. Entre eux. Mdr. Pour moi, c'est une autre histoire mais bref on verra ça plus tard hein on va pas commencer à chialer de nouveau TU GARDES. TES LARMES.

Pandora hoche la tête quand je parle d'abord, avant de me répondre que si. Ils sont lents. Je secoue la tête lentement. Elle m'avoue avoir besoin de ça. Sinon elle fuit. De nouveau, j'ai une mine un peu surprise. Je crois que je ne l'imagine pas s'enfuir. Pandora renvoie souvent l'idée qu'elle sait ce qu'elle veut, qu'elle va bosser pour y arriver. Je ne l'imagine pas fuir. Mais encore une fois, les relations humaines, c'est pas évident pour tout le monde hein.

C'est pour ça que ça veut rien dire, être lent. Y a des gens qui seraient même pas capable de comprendre ça. T'avances à ton rythme. Vous. Vous avancez comme vous voulez, comme vous pouvez.

C'est tout. On fait comme on peut eh la vie c'est compliqué. C'est moi qui dit ça mdr. Non mais oui si c'est vrai en fait. L'Air me sourit quand je parle un peu plus de Jérémy, de pourquoi ça pas dû me paraître compliqué. Je lui souris en retour, doucement, et hausse un peu les épaules. J'sais pas si c'est beau ce que je dis. C'que je vis par contre, c'est pas mal. Et j'le dis souvent. Mais j'le souhaite à tout le monde. Vraiment. A elle comprise. Elle s'ouvre à son tour, et de nouveau, je suis toute attentive. Elle m'explique n'avoir jamais eu de relation. Et que la seule fois où elle a été amoureuse, elle n'a pas compris assez tôt. Je hoche la tête lentement à mon tour. J'aurai fait quoi, si j'avais pas compris que j'étais amoureuse de Jérémy ? J'suis bien allée demander de l'aide. Parce que j'voulais être sûre de ce que je ressentais. Mais si j'l'avais pas fait hein ? Je sais pas. Franchement, je sais pas.

Ca a pas dû être simple. Est-ce que... Est-ce que tu regrettes ça beaucoup ?

Je sais pas trop si j'ai le droit de lui poser la question en fait, mais en même temps j'aimerais savoir, et qu'elle puisse me le dire aussi. Des fois le partager aux gens ça aide. Comme j'viens de dire. Ouais voilà quoi oskour. Elle me regarde un instant quand je lui dis que je suis là pour écouter. C'est marrant hein on a déjà discuté avec Pando, justement du fait qu'elle était ok d'être seule y a quelques années de ça, on se croise et on échange sur nos relations régulièrement, mais jamais vraiment... Jamais vraiment en cherchant à savoir comment c'est profondément pour l'autre. Et je crois que, quelque part, ça me fait plaisir qu'on le fasse là, même un peu. Alors euh, j'm'en rends un peu compte mais je réaliserai plus tard parce que là ahahahahhaa j'suis trop peu stable pour absorber tout ça correctement d'un coup. Elle m'explique qu'elle rend les choses compliquées parce qu'elle a peur de s'attacher. Je l'écoute jusqu'au bout, boit un peu de mon café de nouveau.

Ah ouais, tu trouves ça plus simple ?

C'est une vraie question. Parce que j'sais aussi ce que ça fait. De perdre des gens, notamment quand y en a peu. Et que c'est pas plus simple du tout pour moi. Alors j'veux comprendre, pourquoi c'est plus simple pour elle.

Puis tu sais. J'crois pas que tu rendes ça compliqué, juste toi hein. J'veux dire. Si t'as peur, c'est comme ça, tu fais rien, activement, pour que ça foire. Est-ce que, t'as déjà essayé, depuis... depuis que t'as perdu quelqu'un. De t'attacher de nouveau ?

Je lui souris, de nouveau un sourire doux. Je veux qu'elle se sente à l'aise pour ne pas répondre si elle n'en a pas envie.

J'esquisse un léger sourire dépité à la remarque d'Elwynn ; ouais, on fait plutôt comme on PEUT que comme on veut, hein... Si déjà je savais exactement ce que je veux, ce serait beaucoup plus simple. Ou plutôt, si je m'autorisais à l'accepter...

Elle me parle ensuite de sa relation avec Jérémy, et moi, de la relation que je n'ai jamais eue avec Renji. A sa question, je hausse une épaule en réfléchissant quelques instants avant de répondre ;

"Je l'ai beaucoup regretté, oui. C'est jamais facile de tourner la page sur une histoire terminée, mais quand elle reste comme ça en suspens, inachevée... Je crois que c'est pire. Je ne sais même pas si ça aurait pu fonctionner, avec Renji - mais c'est bien ça le souci, je n'aurai jamais de réponse à cette question. Alors malgré tout, une part de moi y pense encore un peu, parfois."

Même en sachant que ça ne sert strictement à rien, c'est difficile de ne pas se retourner le cerveau avec des "et si", de ne pas imaginer ce qui aurait pu être. Après ça, je me suis fait la promesse de ne plus ignorer mes sentiments ; pour ne plus revivre cette horrible sensation d'être une spectatrice impuissante dans ma propre vie. Mais c'est une promesse que je n'ai pas su tenir - parce que fuir et me fermer comme une huître, c'est la seule réponse que j'arrive à avoir, quand je ne comprends pas une situation et qu'elle me fait peur. C'est ancré bien trop profondément en moi, depuis bien trop longtemps.

J'avoue donc à Elwynn que si tout est si compliqué, c'est à cause de moi, de ma peur de m'attacher - plutôt de ma peur d'être abandonnée, si je m'attache. C'est arrivé tellement souvent ; trop souvent. Je souris tristement quand elle me demande si je trouve ça vraiment plus simple, de garder les gens à distance. A ce stade, c'est carrément devenu instinctif de dresser un mur entre moi et le reste du monde.

"Apprécier les gens sans s'autoriser à les aimer vraiment, ça veut aussi dire que ça fait moins mal quand ils s'en vont..."

Et c'est bien ça mon problème - partir du principe que si j'aime quelqu'un, il ou elle finira forcément par s'en aller. Je travaille beaucoup là-dessus avec ma psy, mais vu mes antécédents, c'est un sujet très compliqué. J'ai accepté que ce n'est pas de ma faute si les gens partent, et déjà ça, c'était un grand pas en avant. Mais ça n'enlève en rien le fait que j'ai vraiment pas eu beaucoup de chance avec ça, jusqu'à présent, et que je ne vois aucune raison pour que la longue suite d'abandons s'arrête là. Alors finalement ; je soupire.

"J'ai essayé, oui, jusqu'à la fois de trop, j'imagine... On s'habitue pas à ça, au contraire, ça devient de plus en plus douloureux et difficile de voir quelqu'un partir. Et je suis pas sûre de pouvoir le supporter encore une fois, alors je fuis parce que c'est la seule chose que j'arrive à faire."

Je sens mes yeux me piquer et baisse un peu la tête. Woah, cette conversation remue beaucoup trop de choses à l'intérieur de moi, alors que c'est déjà un bordel monstrueux dans ma tête, dans mon coeur. Je baisse les yeux vers ma tasse vide en tapotant la porcelaine distraitement, avant de reprendre plus doucement ;

"Mais je sais aussi que je serai jamais heureuse si je continue comme ça. Et pendant tout un temps, ça m'a suffi - tu sais, de pas être spécialement heureuse, mais pas malheureuse non plus. Mais ça me suffit plus, je crois. J'ai envie de plus. Mais j'ai pas moins peur d'essayer pour autant..."

Ouais, un beau bordel, comme je le disais...

Sa relation avec Renji, si je comprends bien, qui n'a rien donné, a eu l'air de vraiment la faire souffrir. Je savais pas qu'elle avait autant galéré de ce côté là à Terrae. Je crois que ça me peine, de pas avoir pu être là pour elle, mais comme elle l'a dit, elle laisse pas forcément les gens s'approcher. Ca permet pas d'être là facilement, et moi j'apprends encore ça, j'apprends encore à comment être là de la bonne façon pour les autres. Je hoche la tête doucement.

J'crois que c'est normal, que t'y penses encore. C'est le genre de choses qui restent même des années après.

C'est pas forcément rassurant mais au moins, je comprends. C'est aussi ça que je veux dire. Dis-le.

J'comprends, je sais que c'est pas super agréable.

Voilà. Elle répond à ma question très honnêtement. J'ai un sourire triste. Je hoche la tête, trop rapidement pour que ça soit pas du vécu pour moi. Ouais hein, je connais ça, foutre une distance épaisse comme un mur en béton armé pour pas que les gens rentrent, pour que les gens puissent pas m'atteindre. C'était pas que pour me protéger des attaques, mais aussi de l'abandon. La perte je la connais trop bien, mais les départs ils sont... Ils sont moins évident, plus difficile à identifier chez moi. Et pourtant, ma première relation s'est terminée comme ça ahahaha. Et j'parle de ma connasse de mère ouais.

J'imagine que pour elle, c'est encore plus sensible. Elle a l'air de pas en avoir vécu qu'un, et puis des énervés. Je vois ses yeux, sa posture, je vois que ça la touche fort. Je vois pas clairement si y a des larmes dans ses yeux mais quand elle s'arrête un peu, je tends mon bras sur le côté de la table, doucement. J'ouvre ma main vers elle, doucement, l'invitant de façon pas trop évidente à la prendre si elle a besoin. C'est pas trop prêt non plus, si jamais elle veut pas, c'est juste un mouvement dans son sens. Vers elle, pour elle. Je suis là. Je comprends, enfin j'essaie au max. Et j'comprends que ouais j'ai bien merdé. Mais que quelque part, ça l'empêche de fuir aussi.

Hm, j'suis pas une pro de tout ce qui est... Ressentir, tout ça. J'expérimente ça depuis pas longtemps. Mais je sais que c'est déjà courageux de se dire qu'on a envie d'essayer. Et de faire face à ce qui y a dans nous. Si t'arrives à te dire que ça te va plus d'être comme ça, c'est beaucoup. Et puis euh. Je sais pas si t'en as déjà parlé à d'autres gens avant. Mais ce que tu me dis là, c'est... Clair. J'veux dire, les gens qui tiennent à toi un minimum peuvent le comprendre. Et essayer de t'aider si t'en as envie, je pense.

Mon regard cherche un peu dans le vide, trouver les bons mots.

J'crois que c'est toujours bien d'en parler si ça joue un rôle important dans tes relations aux autres. Si t'as envie d'enlever de la distance quoi. Et c'est normal d'avoir peur ahaha.

Ne pleure paaaaaaaaas ne pleure pas. Je frotte mon nez, toujours un sourire un peu triste aux lèvres.

Bien d'la merde de ressentir des trucs des fois ahaha. C'est flippant de ouf. Mais euh, pour avoir testé pas mal de trucs euh. C'est aussi le truc qui vaut le plus la peine d'être vécu.

Je hausse les épaules, un peu maladroite, renifle un peu et cligne des yeux fort pour pas que ça coule. Mais là, même si ça coule, je me sens plus solide. Je sais qu'elle peut se poser sur moi si y a besoin. Ca va l'faire.

Alors euh ouais. En tant que potentielle amie volontaire, haha, je te souhaite de ressentir tout ce qui te rendra heureuse Pando. Et si jamais, t'as besoin d'aide ou euh, j'sais pas de soutien juste. Je suis là.

Petit silence.

Je jure que j'peux être meilleure qu'hier soir vraiment.

Petit rire un peu gêné un peu gentil bon hein j'm'en veux toujours comme pas possible.

Je hoche doucement la tête à la remarque d'Elwynn ; ça me rassure un peu, dans le fond, qu'elle trouve ça normal qu'une part de moi n'ait jamais vraiment réussi à tourner la page sur cette histoire. Ca fait, quoi... 5 ans maintenant, mine de rien. C'est long. Mais parfois, je ne peux m'empêcher de penser à lui, de me demander si lui aussi, il pense encore à moi. Il ne me manque plus, ma poitrine ne se serre plus douloureusement quand je me remémore les moments passés ensemble - mais malgré tout, certaines questions restent. Je soupire en laissant mon regard se perdre dans le vide, derrière la rousse, par la fenêtre.

"Ouais. Au moins c'est plus douloureux, c'est déjà ça."

Et puis, je m'ouvre un peu. Ou beaucoup, peut-être. Je pourrais ne pas répondre aux questions qu'Elwynn me pose, mais je suis fatiguée et ça me fait baisser ma garde ; et étrangement, c'est facile de lui parler. Je vois à ses réactions qu'elle comprend - pas juste qu'elle essaye de comprendre de façon superficielle, mais qu'elle comprend parce qu'elle a traversé le même genre de merdes dans sa vie. Aussi quand elle tend la main vers moi de façon un peu timide, je n'hésite pas trop avant de poser la mienne dessus et serrer doucement ses doigts. Le contact est léger mais réconfortant ; c'est ce genre de geste assez mesuré que je préfère, de toute façon. Les étreintes me mettent mal à l'aise, il faut vraiment que je sois au bout du rouleau pour accepter qu'on m'enlace vraiment.

Je cligne des yeux plusieurs fois pour chasser les larmes qui s'étaient accumulées, avant de relever la tête vers elle quand elle reprend la parole. Visiblement, pour elle non plus ce n'est pas facile ni naturel, de "ressentir". Dans le fond, je crois qu'on se ressemble pas mal, toutes les deux ; même si elle est bien plus courageuse que moi. Je finis par hocher la tête doucement.

"C'est pas facile pour moi, de mettre des mots sur tout ça... Encore moins d'être suffisamment à l'aise avec quelqu'un pour en parler. Mais Allen sait. C'est lui qui m'a poussée à commencer une thérapie, d'ailleurs. Y'a encore du travail hein, ahah, mais euh... C'était bien pire avant, ça va mieux."

La preuve ; je lui parle, là. Ca n'aurait jamais été envisageable il y a quelques années de ça. Je hoche une nouvelle fois la tête quand elle souligne que c'est important d'en parler - pour enlever la distance justement, ou au moins, pour l'expliquer. C'est bien plus compliqué de se battre contre quelque chose quand on ne sait pas ce que c'est... Et je sais qu'il faudra bien que je parle de tout ça à Misao, un jour, pour qu'il comprenne pourquoi je suis comme ça. Pourquoi j'ai peur, pourquoi je fuis. Même si je n'en ai pas envie, mais juste parfois c'est plus fort que moi.

Je vois que ça la touche aussi beaucoup, cette conversation, elle a les yeux aussi humides que les miens mais se bat aussi fort que moi pour contenir les larmes. Ca me fait sourire un peu.

"Je le sais bien. Que tout ça vaut la peine, j'veux dire. Mais j'me suis battue contre mes sentiments pendant tellement longtemps que, euh... Ben c'est pas facile de les laisser prendre autant place qu'ils devraient, quoi. J'ai été très seule pendant très longtemps, mais ça non plus, je m'y suis jamais vraiment habituée. Et je veux plus. Mais y'a encore... Du boulot, ahah. Mais j'essaye."

Et c'est déjà pas mal. Et c'est une très bonne chose que Misao soit au moins aussi lent que moi, à ce niveau-là ; c'est moins oppressant, moins effrayant. Ca me rassure sur le fait que je puisse prendre les choses comme elles viennent, à mon rythme et sans pression - je n'aurais même pas eu le courage d'essayer, sinon. Je serre les doigts d'Elwynn un peu plus fort et lui souris en retour, quand elle me dit qu'elle me souhaite d'être heureuse. Je lui retournerais bien le sentiment, mais je crois qu'elle l'est déjà. Oui, elle est bien plus forte que moi, aucun doute là-dessus...

"Merci. Et je sais, que tu peux être meilleure qu'hier soir, j'ai jamais douté de ça. Je sais pas si j'ai besoin de quelque chose, mais je te dirai... Juste parler, ça me fait déjà du bien. Mais, euh, tu... Tu lui diras rien, hein ? Je préfère... Lui parler moi-même, quand je me sentirai prête à le faire."

Je termine ma phrase d'une petite voix timide, en baissant les yeux, les joues rougissantes. Eh bah voilà tiens, le retour de la gêne.

Je hoche la tête. Si c'est plus douloureux, c'est déjà ça, mais le sentiment de manque, il doit toujours être par là quelque part. Je n'ajoute rien, la laisse se perdre un peu dans ses pensées, pas prendre plus de place que je ne devrais.

Je ne sais pas si Pandora me répond parce qu'elle est fatiguée, parce qu'elle me fait confiance, les deux, mais elle le fait. J'accueille ce qu'elle me dit au mieux. Je sais que c'est difficile, je connais pas tout pareil, mais ça ressemble. Je récupère sa main dans la mienne, entoure ses doigts qui serre les miens. Mon pouce passe doucement sur le dos de sa main. Pas beaucoup plus, je ne sais pas si elle serait à l'aise, ni si je le serais en fait. Je la laisse me tenir jusqu'à ce qu'elle ne veuille plus de contact, la laisse maitresse de ça. Encore une fois c'est pas moi qui pleure.

Elle m'explique que c'est difficile pour elle de mettre des mots. Un sourire bref éclaire mon visage, ouais ça, ça je comprends fort. Je hoche la tête doucement tout en l'écoutant, c'est déjà beaucoup si elle a réussi à en parler à un pote puis à aller en thérapie, et ça m'étonne pas qu'elle ait progressé.

J'imagine que ça doit pas être facile encore, mais si tu progresses c'est vraiment chouette. Encore moins si tu n'es pas seule.

Ca pourrait sonner comme une phrase en l'air mai encore une fois, c'est des choses que je vis aussi, trop fort pour faire juste semblant. Ses mots ensuite résonnent fort. Etre seule pendant longtemps, se battre contre ses sentiments. La sensation de ne pas en avoir eu pendant des années, et tout avoir pris dans la gueule un beau matin, se débattre avec tout ça pour essayer d'y voir quelque chose, galérer, paniquer beaucoup, et puis des fois, au milieu du bordel ambiant, capter un truc, une sensation. Comme si c'était des évidences. Ces moments précieux avec les potes, qui sont bien plus précieux qu'on pensait. La chaleur des mains de ceux que j'aime. Les matins brumeux à préparer à manger pour une famille qui devient la tienne. Voir les progrès qu'on fait, ceux des autres.

J'crois qu'on s'y fait jamais, à vivre seul. Et pourtant, on l'est toujours un peu. Avec tout ce qu'on ressent, et franchement j'aime pas ce constat mais... Ouais hein. Quand tu sais juste faire taire ou tes sentiments ou te battre contre, quand ils sont là c'est pas agréable.

On se ressemble plus qu'on le croirait alors. Et c'est marrant parce que, ça me surprend pas tant, en fait. Je lui souris un peu.

J'ai pas de doute, si t'essaies tu finiras forcément par y arriver. Et j'espère que y aura les gens qui comptent pour toi pour le voir. Ou ceux qui compteront à l'avenir.

Sous estimons pas le futur, il amène toujours des gens sympas sur la route. Terrae's lesson. Je retiens un peu mes larmes, et elle serre gentiment mes doigts. Elle sourit de nouveau, et je le lui rends. Je suis contente de voir que j'ai peut-être pas tout gâché, ça me rassure un peu. En tout cas, je suis contente qu'on puisse parler.

Sens-toi libre de m'en parler si t'en as envie. Si ça vient quoi.

Je crois que ça me ferait plaisir en fait, moi je l'aime bien, Pandora. Ca me ferait plaisir de la compter parmis mes amies proches. Et quand elle ajoute tout doucement, je secoue ma main libre, serre un peu ses doigts à mon tour.

Olah non. Ca me regarde pas. Ce que tu me dis là, c'est toi qui le gère. Si t'as besoin d'aide tu me dis, mais non je dirai rien à Misao, ni à personne en fait.

Je lui souris doucement. J'ai envie d'ajouter que je sais qu'elle sera écoutée parce que je le connais et que je l'aime fort, mais je me dis qu'elle le sait déjà, je me sentirais un peu déplacée de dire ça. Surtout que je sais pas comment il est, à l'heure actuelle. Ahaha. Tiens super j'ai de nouveau la pression qui monte.

Je hoche la tête avec un sourire aux paroles d'Elwynn ; oui, la thérapie m'a fait beaucoup de bien, même s'il m'a fallu des années pour me décider à en commencer une. Et heureusement qu'Allen est là pour littéralement me servir de béquille émotionnelle à chaque épreuve que je traverse, parce que sans lui je ne sais pas ce que je serais devenue...

"C'est sûrement parce que j'ai attendu bien trop longtemps avant de me décider à affronter tout ça, donc y'a beaucoup à démêler et c'est long... Mais ouais, je progresse lentement mais sûrement. J'finirai bien par voir le bout du tunnel, eh !"

Allez, un peu d'espoir. Même si, globalement, je me sens beaucoup mieux dans ma vie qu'il y a quelques années. J'ai des petites périodes de rechute, évidemment - surtout quand il se passe des trucs comme hier, hm hm - mais je crois que j'ai atteint un genre de... Vitesse de croisière, en quelque sorte. Mes émotions sont plus ou moins gérables et ne me tirent plus vers l'arrière ni vers le bas, et c'est déjà bien.

Je hausse un peu les épaules quand Elwynn me dit qu'on ne s'y fait jamais vraiment, à la solitude. Je ne suis pas totalement d'accord ; quand la solitude est choisie, ce n'est pas vraiment un problème. Il y a des gens qui sont réellement bien comme ça, après tout... C'est plutôt quand on a besoin ou envie de se tourner vers quelqu'un et qu'il n'y a personne, c'est là que ça fait mal. Mais ouais, là où on est bien d'accord, c'est que ce n'est clairement pas agréable de passer son temps à se battre contre ses sentiments et essayer de les refouler...

"C'est... Ouais, c'est tellement fatigant, surtout ! C'est une lutte sans fin et y'a pas grand chose à y gagner, au final. Mais bon, laisser ses sentiments prendre de la place, c'est pas facile pour autant non plus, des fois j'ai l'impression que ça va m'engloutir. Mais j'essaye, j'apprends, et j'espère que t'as raison et que j'finirai par... Réussir à lâcher vraiment prise, j'imagine."

Ou au moins, trouver des personnes avec qui j'arrive à m'ouvrir pleinement, en qui j'ai suffisamment confiance pour me raccrocher à eux quand je perds pied, au lieu d'essayer de tout contenir toute seule. J'ai cru pendant longtemps que c'était ça, être forte ; mais en fait non. Être forte, c'est aussi accepter quand on a besoin d'aide, hein. Savoir s'entourer de gens qui nous rendent forte.

Je hoche ensuite la tête avec un sourire soulagé quand le rousse me promet qu'elle ne dira rien de cette conversation - ni à Misao, ni à personne d'autre. Pas que j'en ai vraiment douté, mais je crois que j'avais besoin de l'entendre de vive voix.

"Merci. Et je te le dirai si j'ai besoin... D'en parler, ou je sais pas. Juste me plaindre peut-être, ahah. J'suis contente que tu sois venue me voir, merci d'avoir fait l'effort... Par contre, j'veux pas te mettre à la porte, mais... J'suis vraiment épuisée."

Je l'étais déjà avant, mais cette conversation m'a vraiment éreintée - même si elle a été plutôt positive, au final. J'ai même l'impression que ça m'a suffisamment démêlé les noeuds que j'avais au cerveau pour réussir à dormir un peu.

Je hausse les épaules à sa phrase, en gardant un léger sourire.

J'imagine que ça dépend des gens, mais tant que tu avances, que tu te sens progresser, c'est le principal. Le reste ça viendra plus ou moins vite. En général pour ça c'est pas nous qui décidons à quel point on va vite ou pas, et ça dépend des moments, pour pas rendre le truc plus simple ahaha.

Ca sent le vécu hein ? Pareil que pour la fatigue du combat contre soi-même. C'est épuisant, vraiment, je sais, je sais si bien. C'est giga dur, et je lui souris doucement, et je rajoute en posant mes yeux dans le vague un instant, pensant à celles et ceux dont je parle.

J'espère vraiment que tu y arriveras comme t'as envie, avec les gens qui t'entourent et avec qui tu te sens bien. Ca aussi c'est un des trucs qui m'a le plus aidé haha. Les potes. Au final heureusement qu'ils sont là.

Pandora a l'air fatiguée après cette discussion, encore plus qu'au début, et moi je dois pas être bien mieux tu m'diras. Mais je suis contente d'être venue. Je m'en veux encore, mais ça c'est mon struggle. Et au final, je suis vraiment contente d'avoir pu discuter avec elle, et d'un peu mieux la comprendre, la connaître. Je hoche la tête quand elle me dit qu'elle viendra, comme pour l'encourager, lui dire que c'est ok si elle vient pas, c'est juste que c'est chouette si elle a quelqu'un à qui parler. Je ris à sa blague.

Normalement j'suis pas trop nulle pour aider à se plaindre. A ton aise. Merci à toi, merci d'avoir accepté qu'on discute. Bein sûr.

Je me lève dès qu'elle me le demande, incline la tête pour la remercier par réflexe plus qu'autre chose. Je me dirige vers la porte, et me retourne pour lui adresser un petit sourire.

Repose-toi bien.

Et sur ce, je la laisse tranquille, on va pas en demander plus non plus. Je pousse un soupir de soulagement en remontant le couloir. Et puis arrivée aux escaliers, la boule au ventre reviens au galop. Maintenant on descend à l'étage des Feux. J'pensais pas que ça serait si dur de l'affronter, ma connerie, mais là j'ai p't'être perdu un pote, donc ouais ça tape. Je me dirige vers la chambre de Misao, me répétant que ça va aller. Que ça ira. J'espère.