Est-ce que c’est lui ou c’est universel ? Dites franchement, mais y’a pas une espèce de satisfaction à être dans un endroit qu’on sait réservé à certaines personnes et avoir le droit d’y rester ?... C’est comme quand on achète du linge de maison pour la première fois ou qu’on réalise qu’on est arrêté à un feu rouge dans son propre véhicule. Et c’est normal. On se dit merde, je suis un adulte. Pour Nicolas, cette drôle de sensation, il l’a dès qu’il est dans la salle des Masters. Il voit les profs préparer leurs cours, d’autres organiser des missions, y’a une espèce d’agitation tranquille qu’est pas désagréable quand on aime bien travailler avec un bruit de fond. Alors Nico est là et dès qu’il lève la tête de ses dossiers, il se le dit. Merde, je suis un adulte.

Il s’était douté que passer Master allait lui demander pas mal de boulot, et encore il avait de la chance. Comme il était toujours étudiant à la fac de Tokyo, Hideko lui avait dit qu’il pouvait prendre son temps pour faire les choses. Alors c’est ce qu’il faisait. …Si vraiment ! Pour une fois il ne se mettait pas la pression eh, il faut le noter. Aujourd’hui, il mettait de l’ordre dans ses dossiers d’ancien Préfet des Sensitifs, faciliter un peu la tâche d'Elfie qui allait prendre sa place après être devenue Sensitive. Il avait conscience que ses notes ressemblaient à un vieux code indéchiffrable…

…C’était d’abord comme une rumeur lointaine, le bruit au bord de l’horizon gris annonciateur d’orage. Nicolas pouvait reconnaître ce son entre mille. Il leva la tête, plissant ses paupières… Il n’y avait pas grand monde dans la salle et ceux présents fuyaient discrètement -oui, Ashton, il t’a repéré fais pas genre tu vas pisser. Alors il souffle, pas par dépit… Bon un peu. Dans l’acceptance qu’il allait devoir gérer la tempête à venir lui-même. Il se penche à nouveau sur son dossier et patiente. C’est là qu’il s’est dit ; meeeeeeeeeeeerde, je suis un adulte. Féchié.

Un troupeau de buffles évadés du zoo ? Un tank qui s’est perdu sur la route ? Non, juste Senri Yamada qui débarque dans la salle comme une fleur. Une fleur baraquée. Nicolas prend une longue inspiration avant de souffler. :

-Qu’est-ce que je peux faire pour toi Senri ?

Y’a pas de raisons qu’ils se tapent dessus… encore… On croise les doigts.

Vous connaissez le paradoxe du bélier ? Pas le signe astrologique, l'objet. Imaginez de taper dans un bélier avec un autre bélier.

Maintenant remplacez ces béliers par des portes. Enfin, si tant est qu'on considère que cette planche avec une poignet puisse être considérée comme une porte. Toujours est-il que cette plorte (contraction porte et planche) est utilisé comme un bélier par un bélier (mot d'esprit, puisque Senri est effectivement bélier).

La porte de la salle des Master s'ouvrit donc, sur un Senri. En débardeur et caleçon à fleur. Un Senri en pyjama, donc. Le souffle court, qui soulevait ces épaules, à la manière d'un buffle prêt à charger à peu près n'importe quoi.

— J'ai cassé ma port-Nicolas ?!

Senri avait hésité un moment à l'appeler par un titre honorifique. Puisqu'il était Master à présent. Puis le garçon s'était rappelé qu'il bafouait toutes sortes d'autorité et que de toute façon, Nicolas lui avait suffisamment savater le visage pour accepter de se faire appeler par son prénom.

— Woah. T'es master. C'est vrai.

Il entra dans la salle et alla s'asseoir près de Nicolas, posant sa plorte sur la table.

— Mais du coup, t'es plus de préfet sensitif ?

La rumeur courait effectivement que le tonnerre ne pourrait plus assumer ses deux fonctions. Mais comme Senri était un peu bête, il préférait poser la question.

Senri a l’air surpris de voir Nicolas. Nicolas est surpris par le morceau de bois dans la main de Senri -et un peu son allure aussi. …Faudra qu’il demande à Athéna combien de fois ils ont dû réparer la porte du plus bourrin des Sensitifs parce que ça lui échappe : trop de fois pour que justement, il s’embête à retenir le nombre exact. Il serait tenté de proposer qu’on remplace le bois par quelque chose de plus solide, mais ce serait oublier que Senri a aussi cette mauvaise habitude de se servir des portes comme d’armes. Finalement c’était devenu quelque chose d’attendu pour Nicolas, en tant que Préfet. Il recevait un message par un Tonnerre qui passait devant la chambre de Senri, ou bien il croisait un Master avant la réunion hebdomadaire pour le prévenir que ça avait déjà été réglé, ou mieux encore il constatait les dégâts par lui-même en faisant un tour par le couloir des Tonnerres pour voir si quelqu’un avait besoin de lui…

Il se remémorait tout ça alors que Senri vint s’installer à côté de lui, clairement à l’aise d’être dans la salle des Masters en pyjama, qu’il est quelque chose à y faire ou non. Il fixa le morceau de porte posé négligemment entre eux avant de réagir à ce que lui disait l’Étoile. :

-Ch’uis Master. murmure-t-il en le réalisant à nouveau.

Il frotta machinalement d’une main le tatouage de sa Greffe dans sa nuque. Parmi tous les changements du corps de Nicolas, celui-là était sans doute l’un des plus visibles… ça et sa myriade de cicatrices devenues moins marquées, comme soignées, blanches presque invisibles sur sa peau pâle. Il fallait y prêter attention pour remarquer qu’elles étaient toujours bien là. Choc quasi quotidien pour Nicolas quand il voyait son reflet dans le miroir en constatant ça.

Mais là, c’est la question de Senri qui l’interpelle… Il se demande un instant ce qu’il cherche à savoir, au-delà de cette interrogation qui pourrait paraître anodine. C’est qu’après tout ce temps, Nicolas admettait qu’il ne comprenait toujours pas son camarade Sensitif, au point qu’il se dise un jour qu’il ne devait pas vraiment le considérer comme Master -il n’avait pas donné un seul coup dans l’Arène après tout, et la force semblait être une chose importante pour lui. C’est donc en ne sachant pas du tout à quoi s’attendre qu’il répondît en refermant le dossier face à lui, accordant toute son attention à Senri. :

-Ouais. C’est Elfie qui va prendre ma place, comme elle est devenue Sensitive après l’Éclipse… Elle a déjà de l’expérience alors je m’en fais pas pour vous.

Ce qui n’était qu’à moitié vrai… Gérer des Sensitifs, c’est tout une histoire quand on a ses propres pouvoirs à réapprendre. Il se rassurait en disant qu’il serait là en soutien quoi qu’il arrive. Il prit la porte… ‘fin, ce qu’il en restait, d’une main, l’examinant du regard, un sourcil levé. :

-Qu’est-ce qu’est arrivé cette fois ?

Lorsque Senri entendit qu'Elfie reprendrait la place de Nicolas en tant que préfete des sensitifs, Senri grimaça. Il grimaça tellement fort qu'il détourna même le regard en lâchant un simple "Tch", qui décrivait toute la joie qu'il éprouvait suite à cette information.

En revanche, il ne s'attendait pas à l'autre question. Il regarda Nicolas prendre le bout de porte et l'observer.

— J'ai...

C'était assez gênant à dire.

— Je.

En soit, casser sa porte n'était pas inhabituel, mais Nicolas allait forcément lui demander "pourquoi".

— J'ai essayé de fusionner des cristaux.

Oui, voilà. Là, c'était fini. Nicolas allait forcément lui poser un tas de questions. Donc, Senri prit un peu d'avance.

— En fait, j'ai pris un cristal de sensitif, puis un cristal de tonnerre, et j'ai balancé un éclair dessus, ça a ricoché et, y avait plus de porte. Et ça a mis le feu à mon pantalon. Et j'ai oublié d'en remettre un, du coup.

Oui, bon ça arrive à tout le monde.

Senri ne cacha rien de ce qu’il pensait d’Elfie. Nicolas leva un sourcil à sa réaction ; il n’était pas étonné qu’ils se connaissent, mais plutôt qu’il n’ait pas l’air de l’apprécier. Il avait bien sûr eu l’occasion de discuter avec elle, de trucs de Préfets, elle n’avait pas l’air désagréable. Après, c’est différent de connaître quelqu’un dans le quotidien que de le côtoyer dans un environnement plus… aller… à défaut d’autre mot il va dire « professionnel ». :

-Un problème avec Elfie ? Tu sais que si tu as un soucis et que tu ne veux pas la voir, tu auras toujours Aaron et les autres Masters… ou moi, je ne suis plus Préfet mais je suis toujours Sensitif.

Et Nicolas n’allait pas pouvoir changer de trop ses habitudes de toute façon à cause de ses autres obligations d’étudiant. Puis les Préfets avaient été pensé pour être des médiateurs, quoi qu’il arrive les Masters étaient toujours là pour les terraens. Nicolas lui lança alors un petit sourire ; parce que oui, il était toujours là.

Quant à savoir pourquoi la porte de Senri avait encore souffert, c’était simple. Après quelques bafouillements gênés, il avoua qu’il avait tenté de fusionner des cristaux. Nicolas ferma les yeux en inspirant profondément, recevant l’information. Senri expliqua plus précisément son projet et Nico se demanda si c’était du génie ou de la bêtise pure. Au moins, il n’a pas eu besoin de lui tirer les vers du nez, il lui a tout balancé. :

-Okay. lâche-t-il en rouvrant les yeux et en se levant.

Nicolas rangea son dossier dans son sac et se dirigea vers un casier fermé qui renfermait une petite réserve de cristaux Terre… De quoi réparer la porte de Senri si un Master n’est pas dans le coin pour le faire. Il en prend un avant de faire signe au « destructureur del porte » -à dire en roulant les R- de le suivre. :

-Viens, on va réparer ça maintenant comme ça tu seras tranquille… et tu pourras mettre un pantalon.


...Nico en fait il est pas passé Master Sensitif, mais Master Zen.

Quand le nouveau master questionna Senri, ce dernier bomba le torse comme piqué au vif.

– J’ai jamais de problème moi !!!

Senri, être en caleçon avec un bout de porte dans la salle des MasterCard un matin, c’est vraiment avoir des problèmes dans la vie. Dans tous les cas, l’adolescent regarda avec son air mi-ahuri, mi-coléreux/constipé le master se lever après qu’il lui ait raconté la façon dont sa porte avait fini dans ce triste état. Nicolas récupéra ce qui semblait être un cristal, à la vue de sa couleur terne, les yeux de Senri s’illuminèrent.

– C’est un cristal titan ???

D’aucun direz qu’il y avait beaucoup trop d’enthousiasme dans la voix de Senri. Mais, cela eut l’avantage de le faire acquiescer immédiatement à la proposition de Nicolas.

– DIS DIS JE POURRAIS L’ESSAYER ???

Il avait tellement hâte !!! Si bien qu’en un rien de temps, ils furent devant sa non-Porte. Senri rentra dans la chambre, dont le sol portait encore les stigmates de l’expérience, il poussa les lambeaux de porte. Pour un adolescent aussi chaotique que Senri, la chambre était plutôt bien rangée. Mise à part les haltères posaient en vrac au fond de la pièce. Senri ne les rangeaient jamais car dès qu’il avait un peu de temps, il soulevait de la fonte.

Un coup d’œil aguerri permettrait de voir que, certaines haltère étaient dans des endroits inadéquats ; sur une étagère pleine de shojo, sur le plan de travail de la cuisine, sur la cuvette des toilettes et, évidemment une sur la table de chevet.

Senri fit soudain volte face vers Nicolas. Le rouge aux joues et la mine renfrognée.

– Si tu fais un commentaire sur la déco, eh bah on va voir comment fusionne un master avec des cristaux !!

Ce "j'ai jamais de problème moi !" fait doucement serrer les dents de Nicolas... Est-ce qu'il l'a pas déjà dit ? Nan sans déconner, il a sans doute déjà sorti une phrase du genre... Oui hein ? Nan mais on s'entend mentalement, vous avez pas besoin de répondre, on le sent. Il connaît à moitié la semi-bonne réponse à cette phrase... Même si bon, elle est plutôt basique et elle marche pas sur certains -dont lui-, mais il préfère se répéter. :

-Ok. Et si tu en as un jour, on pourra toujours en discuter.

Nico avait récupéré le cristal dans le casier et il ne s'attendait pas à la réaction de Senri. Enfin si, à moitié, si le gamin est capable d'exploser sa porte juste pour faire des tests sur les cristaux il fallait s'attendre à ce que ça l'intéresse un peu quand même. Sur le chemin menant à la chambre du Senrisitif, il prend donc le temps d'expliquer. :

-C'est-... C'est un cristal Terre seulement. Il n'y a pas besoin de plus pour réparer le bois. Mais si tu veux essayer de le faire toi-même, pourquoi pas ?... Il y a assez d'énergie dans ce cristal pour que je t'aide s'il faut.

Eh mais c'est vrai ça... On sait que Senri peut casser des trucs, est-ce qu'on lui a déjà donné l'occasion de les réparer lui-même au lieu de faire des travaux d'intérêt général en punition ?... Il était encore en train de méditer là-dessus quand Senri fait un commentaire sur l'état de sa chambre. Nicolas lâche un "Keuwah ?" perdu avant de jeter un œil au delà des dégâts matériels. :

-Pfft. Mec, ta chambre est rangée à côté de la mienne kesturaconte ?! T'as aucune idée du bordel que je fous quand je rentre de la fac.

C'est qu'entre ses hobbys et ses travaux... et sa tendance à ranger uniquement lorsqu'il doit faire le ménage -tout le contraire de Jérémy ce qui le rend fou... beh les livres s'entassent un peu partout, souvent grands ouverts sur des pages particulières, ses outils scientifiques se retrouvant parfois sur son lit qu'il fait rarement et sa guitare et son télescope qu'il ne pose jamais au même endroit ; c'est Bagdad en fin de semaine.

Mais il allait pas lui raconter ça, à la place il lui tend le cristal. :

-Fais plutôt voir ce que tu peux faire pour cette pauvre porte. C'est ça qui m'intéresse.

Senri grogna légèrement quand Nicolas lui dit que si jamais, il avait des problèmes, ils pourraient en parler. Il regagna bien vite son enthousiasme face au cristal. Bien qu’il ne s’agisse que d’un fragment de pouvoir élémentaire, il était quand même impatient de l’utiliser. Il acquiesça avec plus d’énergie.

Dans la chambre de Senri, Nicolas ne sembla choqué outre mesure de la décoration. L’adolescent se retourna au milieu de sa chambre, les bras croisés. Entre temps, il avait enfilé un pantalon.

– Ah oui. Je range souvent. Vu que tout a tendance à se péter à mon contact... bin, si c’est ranger, c’est plus facile de ranger quand c’est dérangé.

C’était une logique qu’il avait apprise auprès de sa grand-mère quand il venait chouiner qu’il cassait ses jouets.

En parlant de jouet, Senri eut plus ou moins la même réaction que lui enfant si on lui avait tendu son t-rex télécommandé la veille de Noël, quand Nicolas lui tendit le cristal. Il l’attrapa avec des étoiles dans les yeux. Le fit glisser entre ses doigts pour l’observer avec une certaine fascination.

Il releva la tête.

– Euh. En fait, comment je fais du bois avec la terre ?

Pour sa défense il avait rarement eut des cristaux aussi puissant entre les mains. Et pour lui, le bois, c’était dans les arbres!

C'est plus facile de ranger quand c'est dérangé. ...Nicolas n'a pas compris. Non mais ça doit avoir du sens pour Senri, il sait déjà qu'ils fonctionnent un peu pareil mais pas du tout de la même manière -si, c'est logique-, jusque là rien de choquant. Il préféra se concentrer sur le fait qu'il était très extatique à l'idée d'utiliser un cristal, maintenant qu'il avait un pantalon. :

-Tu peux faire du bois parce que les Terres peuvent maîtriser les plantes... et les arbres... le bois des arbres du coup. Bon là c'est de la porte, du bois mort et traité, donc ce sera pas bien compliqué...

Il attrape sa main pour lui coller le cristal dedans avant de pointer ce qu'il reste de porte. :

-Touche le bois, tu vas juste relier les morceaux entres eux, imagine que tu les colles. T'as pas besoin de toute l'énergie du cristal pour ça, donc vas-y mollo.

Oui il vient de dire à Senri Yamada d'y aller doucement. Non, il n'a peur de rien. Il allait d'abord voir comment il se dérouillait, et agir au besoin. Mais même si c'est un cristal Master, si Senri a l'habitude d'utiliser d'autres cristaux, il n'y a pas de raison qu'il y ait une catastrophe... au pire, il y aura deux portes au lieu d'une c'qu'est pas un mal. ...Une porte de secours sera toujours utile pour le Warrior Tonnerre.

- Bin, ce serait justement pas plus facile sur du vrai bois ? Genre, le bois des arbres ?

Enfin, après, Senri n'était pas menuisier et ignorait les subtilité du traitement du bois. Ses maigres connaissances en la matière venaient de la journée de travaux généraux qu'il avait fait avec Athéna. Et en fait, il s'était surtout concentré sur l'aspect "soulever plein de trucs lourds pour avoir plein de muscles". Bon, Athéna avait quand même réussi à lui apprendre quelques petites choses. Mais Senri étant Senri, apprendre était une chose, comprendre une autre.

C'est un peu la même chose pour sa maîtrise des cristaux finalement.

Il acquiesça vivement face à Nicolas qui venait de lui mettre le cristal dans les mains. Il referma son poing dessus et s'approcha de la porte en morceau. D'un geste expert, mais d'une expertise davantage forgée à l'habitude qu'à la technique, Senri dégonda le reste de porte pour la coucher par terre. Reconstruisant comme une espèce de puzzle avec les bout restant. Quelques uns étaient carbonisés, alors, ça n'allait sûrement pas aidé.

Il posa son poing contenant le cristal contre le bois, et ferma les yeux. Senri fit affluer l'énergie dans son bras, imaginant le trajet de l'énergie, comme celui de ses éclairs, aidés par le dispositif de Mitsuki. Et, il activa la consommation du cristal. Il fallait donc, recoller le bois. Facile. Il fallait juste les coller.

Et après ça, il irait faire un peu de boxe. Avec ses gants.

Une sensation étrange fit ouvrir les yeux au jeune garçon. Il avait "recollé" les morceaux. Mais alors, bien recollé. Le bois s'était reconstruit, pour former un boule difforme de bois emprisonnant son poing. Senri releva les yeux vers Nicolas.

- Non mais, j'ai juste pensé à la boxe, deux secondes.

Nicolas ne méritait clairement pas sa matinée.

-Tu penses que créer ou manipuler quelque chose de vivant, c'est plus facile ?... en y repensant cette phrase fait très sarcastique alors qu'il lui demande sincèrement ce qu'il en pense... Nicolas reprend en précisant sa pensée. Moi je trouve ça plus dur... Après je te demande pas de faire un truc de parfait, de fini, y'a que quelqu'un qui s'y connaît en bois pour faire ça. Là faut juste... cacher la misère, comme on dit.

Nicolas n'était donc pas parti du principe que Senri allait échouer, il avait toutes ses chances. Mais comme il est réaliste, voir le bois se contorsionner, se mouvoir en tout sauf une porte, ça ne l'étonnait pas. Que le bois entoure son poing était un mystère jusqu'à ce qu'il précise qu'il pensait à la boxe. Nicolas, poing sous le menton, fronce les sourcils. :

-Aaah c'est bien ça...

Puis il secoue la tête réalisant ce qu'il venait de dire. :

-Enfin, non, mais oui... HM- En fait- Ce que j'veux dire... Bon.

Il s'accroupit et saisit le poignet de Senri, juste sous l'immense "gant" de bois qui l'emprisonne. :

-Tu utilises bien ton énergie, tu visualises où elle va et tu la modules. C'est bien, tant que tu restes concentré...

C'est marrant, parce qu'il lui avait déjà dit ça... mais à propos du combat. Dingue hein ?! :

-Recommence. Si tu me permets, j'te tiens... Je te laisse maîtriser ton énergie. Je t'aide à ce que tu focus, rien de plus.

Bien que la remarque puisse paraître sarcastique, comme il fallait s'y attendre, Senri était la personne avec qui on pouvait se tromper.

- Oui, je trouve. On utilise une base d'énergie. Puisque c'est vivant.

Vous savez, je dis souvent que Senri est bête. Mais c'est peut-être parce qu'en fait, il est tout à fait bienveillant - quand il ne se bagarre pas pour un oui ou pour un non et qu'il n'envoie pas des mecs à l'hôpital - et ne comprends que très vaguement le concept de sarcasme. J'entends là qu'il le comprends sur le papier, mais dans la pratique, le fait de dire le contraire de ce que l'on pense pour rabaisser autrui, il s'agit de quelque chose de trop alambiqué.

À la réflexion, nul doute que s'il comprenait, il se mettrait dans une colère noire.

Durant le temps de cette divergence narrative, Nicolas avait prit soin d'orienter Senri vers une nouvelle manière de faire pour, libérer son bras et "camoufler la misère". Le gant de bois entre les mains du Master, Senri ferma les yeux et commença à se concentrer. D'abord, en tentant de percevoir l'énergie.

Comme il l'avait mentionné plus tôt dès qu'il y avait quelque chose de vivant, c'était beaucoup plus simple. Il se focalisa dans un premier temps sur l'énergie - conséquente voir colossale - de Nicolas. Il fit passer sa concentration sur le bois, et doucement, le bois commença à remuer pour libérer le poings de Senri.

Le gant s'était tordu sur lui-même, mais avait fini par s'élargir et tomber sur le sol dans un bruit sonore.

- AHAH T'AS VU J'AI RÉUSSI COMMENT JE SUIS UN GÉNIE EN FAIT !

Après, dans quel monde, par quel moyen, ce bout de bois allait pouvoir être utilisé, c'était toute la question.

Nicolas fixe longuement Senri sans rien dire... Son point de vue tient debout. Plus que sa porte en tout cas. Et c'est fascinant de voir que, pour quelqu'un qui n'aime pas être Sensitif, il arrive mieux à travailler avec une énergie déjà présente. Nicolas a répondu d'un simple "C'est vrai." en souriant, tellement ça l'a un peu déboussolé.

En ce qui concerne le reste, Nicolas aide brièvement Senri à se libérer de sa prison de bois. Dès qu'il a apporté un peu de concentration et stabilisé l'énergie, finalement, ça s'est montré assez simple. Le hurlement de Senri lui a vrillé le tympan. :

-J'te rappelle que tu t'es coincé la main en essayant tout seul hein, p'tit génie.

Poings sur les hanches, Nicolas tapote du bout du pied la boule de bois. :

-Mmmm'kay, ça risque d'être compliqué... Passe-moi le cristal.

Une fois dans sa main, il s'accroupit et touche de sa main libre le semblant de porte. L'énergie de la Terre ne lui est pas étrangère... Il a l'habitude de s'entraîner avec Alice. Étant Étoile, il lui arrivait encore de déverser son énergie dans le sol même quand il n'en avait plus vraiment besoin. C'est un peu rapide de dire que le contraire des Tonnerres sont les Terres... Nicolas pense plutôt qu'ils se complètent. Le bois et l'électricité sont vivants quelque part, d'une manière différente, mais vivant. Comme l'a dit Senri...

Mais comme une porte ne l'est pas il n'a aucun remord à y aller franco. Dans un craquement, la boule s'éclate, se tord et s'étend à nouveau... Les planches se reforment, jusqu'à la moindre écharde et à chaque étape, Nicolas consolide. En dernière étape, il retrouve et place la poignée qui se fixe au bois qui l'enserre, chaque gond bien engoncé à l'intérieur,... Une fois finit, Nicolas se relève en soufflant. :

-Là ! ...Ça sert à rien que je te dise d'aller faire tes expériences dans la salle d'entraînement la prochaine fois, hein ?

Dans ses rêves les plus fous, Senri le fait aussi quand il n'y a personne à blesser à l'intérieur. Mais il va demander par étape...

- J'ai pas bloqué ma main, je l'ai renforcé !

Le garçon s'était défendu comme si le Master avait attaqué verbalement toute sa généalogie. Il accepta néanmoins de céder le cristal qui lui avait été prêté par le master. En un instant seulement, la porte se reforma tandis que l'énergie du cristal était consommé par le Master. Senri resta bouche-bée par une telle maîtrise. Il sortit de son admiration pour le master et son incroyable travail de menuiserie quelques instants après, en secouant la tête et soupirant un : "Pff, trop facile". Alors qu'il avait littéralement des étoiles dans les yeux.

Il reposa un regard circonspect sur Nicolas quand ce dernier lui parla de la salle d'entraînement.

- Bin, c'est justement parce qu'elle était fermé que je l'ai fais ici. D'AILLEURS JE DEVAIS FAIRE DES COURSES CHU EN RETARD.

Ni une, ni deux, le garçon se leva pour plonger dans son dressing et enfiler un pantalon et jeter sur son dos un caddie. Il resta un moment figé devant Nicolas, attendant que celui-ci se décale.

- Je dois passer à la supérette. J'ai plus de conserve de légumes. On a fini ?

Comment allait-il cuisinier ses quatorze escalopes de dinde hebdomadaire sans ces merveilleux petit pois carottes baignant dans un liquide saturé de sels et d'additifs ?

A la mauvaise foi de Senri, il haussa un sourcil. Et non il ne va faire aucun commentaire.

Senri avait... quoi ? 20 ans ?... Nicolas n'en savait rien. Toujours est-il qu'il avait les réactions d'un gosse. Un sale gosse quand il parlait, un bon gamin quand il observait son regard pétillant et sentait un peu de son admiration dedans... Ce n'est qu'une porte ? Tu sais, on balisait sur les pouvoirs Morphes à notre arrivée. Certes, certes... Mais du coup je me demande ce qu'il a pensé de notre combat Master, ça me rend curieux. Nicolas ne sait pas s'il veut vraiment savoir de son côté. Il est très fier de ce qu'il a accompli hein, me faites pas dire ce qu'il n'a pas dit, mais connaissant le loustique il se demande ce qu'il a pensé d'un combat, faut pas se mentir, qui était plus mental que physique.

Il n'a pas le temps de poser l'ombre d'une question que Senri s'agite à la mode Tonnerre, pour annoncer qu'il a des courses à faire. Il le regarde se préparer et se planter devant lui, pour lui demander s'il a fini. Techniquement, oui. Mais le cerveau de Nico est parti dans sa liste des choses à faire aujourd'hui et pour toute réponse il balance un... :

-PUTAIN OUI LES COURSES !

...en mode Tonnerre donc. Ce n'est pas parce que les Williams ont un potager qu'ils ont tous les légumes de saison chez eux. Au grand damne de Jérémy... EN MÊME TEMPS ce petit con a souvent besoin d'ingrédients qu'il sort tellement de nulle part que, des fois, Nicolas se demande s'il ne se fout pas un peu de sa gueule -il se fout totalement de sa gueule. :

-Tu permets j't'accompagne ?... On pourra parler autre chose que de baston ou de portes.

Pour changer. Ils avaient beau se croiser souvent c'est vrai que leurs conversations tournaient surtout autour de ces deux sujets. Ils vont jamais vers l'autre pour parler salades mais qui sait ? Nico aimait bien ce p'tit con.