En ce moment tout le monde est en PLS, et je fais pas exception. Parce que quand ton coloc (accessoirement un de tes meilleurs potes et ton aide soignant) décide de partir en mission contre le Centre, c’est flippant. Quand ton meilleur pote (accessoirement le papa d’une charmante gamine et le père d’une de tes super amie) part en mission contre le Centre, c’est terrifiant surtout quand un de ses mômes l’accompagne. Quand t’as une Ariana qui part en guerre contre le Centre, c’est rassurant, et angoissant. Quand tout se passe bien, l’ordre des choses peut se rétablir… Mais c’est contre le Centre. Quelqu’un a-t-il cru un jour que ça se passerait bien à part Hideko ? LOL. J’ai la haine. Elle envoyait des terraens contre des tueurs. Elle s’attendait à quoi ?

Tout le monde est revenu amoché.

Tout le monde est revenu.

Ça devrait suffire non ?

Non.

Aaron est resté plusieurs jours dans le coma. J’suis certaine qu’il dira que c’est pour m’apprendre ce que ça fait si je l’engueule. Ou qu’il a sauvé des copains, son fils… Il va me sortir pleins de bonnes raisons qui en sont pas.

Lou est en colère, Lou est triste, Lou se donne pas le droit d’être tout ça. Elle m’a demandé si je pouvais l’aider avec mes pouvoirs. PUTAIN. Elle gère tout, et elle s’écroule à l’intérieur. Pour pas être un poids pour elle, j’lui ai demandé de me dire quand je pourrais voir Aaron, et quand je pourrais aider. J’peux pas faire grand-chose de plus. Elle m’a dit qu’il allait bien, en me faisant comprendre que c’était pas tout à fait vrai. J’ai fini par lui proposer de juste prendre une journée, quelques heures avec Lottie et de m’occuper du héros à sa place, elle m’a dit non, puis elle m’a dit oui.

Donc me voilà chez Aaron, pour l’occuper aujourd’hui. Je toque. C’est con, parce qu’autant la dernière fois que j’ai débarqué j’étais stressée… Autant maintenant, j’sais pas. J’sais plus. J’inspire avant de sonner et de pousser la porte sans attendre qu’on vienne m’ouvrir.

« YO POTO ! »

On peut pas dire que c’est la grande forme, mais au moins maintenant je tiens assis, j’arrive à ne pas m’endormir de la journée et je suis rentré à ma MAISON. Et faut pas croire, ça fait beaucoup de bien de retrouver un quotidien serein. Charlotte était super stressée, mais elle fait genre elle le montre pas et vient juste quémander des câlins souvent ; maintenant ça va un peu mieux, ça doit faire quoi, quinze jours que je suis rentré ? Lou a tenu les amis un peu à distance le temps que je me remette, et j’avoue maintenant j’ai surtout hâte d’aller visiter tout le monde à nouveau. Mitsu me manque, les collègues me manquent, MÊME IPIU ME MANQUE.

Enfin, jusqu’à ce qu’elle sonne à la porte et beugle à travers le couloir. J’ai rien dit, elle m’a pas manqué, casse-toi putain.

—Yo potal, tu peux gueuler moins fort ? je beugle (mais moins fort) à travers la baraque.

Je manque d’exercice, voyez-vous. Putain mais mon crâne va exploser mdr. J’fais le malin et en vrai j’ai plus la même sale tronche qu’y a quelques jours, mais punaise j’ai encore l’impression de vivre dans un genre de brouillard permanent, et les sons stridents comme ça… ça va… être mon quotidien pour la prochaine heure, visiblement. Misère.

J’me lève quand même pour accueillir Ipiu ; j’ai mon vieux gilet long moche et mes pantoufles, c’est vraiment le mode vacances hein. Je m’appuie contre le mur.

—Tu rends visite à ton pote en arrêt ? C’est sympa.

Sourire en coin.

—J’te débarrasse de ta veste ? Ca a l’air d’encore cailler dehors.

Ouaiiiis j’suis pas à l’aise en vrai mdr. En plus comme mes pouvoirs sont en grève, j’dois être un vrai livre ouvert face à elle, ça va pas être une partie de plaisir. Chacun son tour de douiller, il semlerait.

J’ai presque l’impression qu’il a tenté de crier plus fort que moi. Vous savez comme ces gosses qui chantent dans une bus « c’est à bâbord qu’on gueule le plus fort » ? Mais spoiler, j’gueule plus fort que lui… je me dirige au son, et pour me prouver qu’il m’est encore supérieur en quelque-chose (d’autre que crier fort), il se lève pour m’accueillir. Quel frimeur.

« Ouai, j’viens me plaindre, Ashton a essayé de me refiler ta classe pour une heure d’étude supervisée à la bibliothèque. T’imagines ? J’ai accepté, parce qu’ils ont juste le temps de faire l’aller-retour ils restent pas longtemps tu voies… Mais du coup ils sèchent tous… »

J’en rajoute volontairement, franchement personne de sain d’esprit me confierait une classe. Il a une sale gueule, mais moins que ce que je pensais. Lou était pas, enfin, elle était pas très optimiste sur l’état d’Aaron. Elle disait qu’il allait bien, mais elle était tellement pas bien que la crédibilité n’était pas dans son camp.

« A peine j’arrive que direct tu me déshabilles, franchement t’as perdu tes bonnes manières ! »

Ouai, alors ok, les blagues douteuses c’est ma manière de communiquer, parce que j’sais pas quoi dire. Lui faire des reproches ? J’suis pas sa reum, j’suis pas sa go, et il en a assez en réserve pour me faire fermer ma gueule. Alors autant reprendre les bonnes vieilles habitudes de dire de la merde et de voir où ça nous porte. Après tout, on est des sensitifs, dire ce qu’on ressent c’est surfait. J’lui tends ma veste.

Un bonjour à la Ipiu, quoi. Ca devrait être interdit d’avoir un tel débit de paroles, surtout quand ton pote sort d’hospitalisation. Oui, c’est littéralement l’hôpital qui se fout de la charité, mais elle sait qu’elle peut pas me faire de remarques parce que je peux lui renvoyer plus salé dans la tronche.

Par contre, quelqu’un m’explique pourquoi et dans quel monde Ashton, le mec le plus psychorigide de la terre, s’est dit que c’était une bonne idée de refiler ma classe à Ipiu ? Ouais, ouais, je sais, même pour une pauvre heure d’étude, c’est pareil, ça veut juste dire qu’Ashton a pas envie de se taper mon boulot, mais il le fait quand même visiblement, donc ça veut dire qu’il s’est pas suffisamment fait blesser pendant la mission ce bâtard. Pourquoi il est pas blessé plus que ça ? Il peut pas arrêter d’être mister-parfait-et-mes-missions-sont-parfaites, une fois ? ENFIN. Il est pas si parfait, vu qu’avec son move, les élèves sèchent mes cours. Bouh. Nul.

—Mais quel nul. Personne a envie d’aller faire un aller-retour jusqu’au village ; il les parque dans une salle de classe vide avec des exercices et basta ; je fais ça tout le temps avec les élèves chiants.

On appelle juste ça une retenue, du coup……….. non mais je fais aussi ça avec les élèves à la traîne, et ça, ça s’appelle vraiment des heures de soutien mdr.

Woah mais elle me fatigue. Je lui lance un sourire fatigué et goguenard en même temps.

—C’est parce que ça fait tellement longtemps que je t’ai pas vue à poils, je pouvais pas m’empêcher d’admirer voyons.

Allez donne ta veste ptn. Je l’accroche au porte-manteau et me traîne jusqu’au salon. J’ai encore la bouche un peu pâteuse.

—Tu veux un truc à boire, tant que je suis encore debout ?

Message : si je m’assois t’auras qu’à te lever toi pour aller le chercher ensuite. Tu peux pas ? Mais démerdes-toi ptn.

—T’as vachement meilleure mine en tout cas, le traitement a l’air d’aider un peu nan ?

J’tends le bâton pour me faire fracasser la gueule, là.

Ou alors on admets que quinze jours de classe en moins c’est ok pour tout l’monde… On n’a pas idée d’être aussi psychorigide. Enfin, c’est pas comme si les gens avaient la tête à ça. J’lui tends mon super manteau, en souriant.

« Ralala, les bonnes habitudes se perdent, j’vais voir Blobby j’reviens ! Et je veux bien un thé tant que tu y es ! »

Nan, mais pas toutes les mauvaises habitudes hein.

« Comment tu vas mon Blobynou ? Rooooh, attends je t’ai ramené ton cadeau de noël, regarde c’est une super statue à mon effigie ! J’te raconte pas la tête de Nath quand j’lui ai demandé, mais il a accepté parce qu’il sait que je t’aime d’amour fou ! Et puis j’ai demandé à un feu de la faire cuire pour qu’elle se délite pas l’eau… Mais comme ça il y a rien qui pourrait te faire du mal ! »

Est-ce que la mini-moi pour une cape et un S sur sa poitrine ? Ouai, bien entendu. Est-ce que je suis d’autant plus fière parce que c’est kitch et que ça va piquer les yeux d’Aaron ? Ouai. De ouf. Je laisse le merveilleux cadeau tomber dans l’aquarium, du côté opposé à Blobby… Il ne faudrait pas blesser mon doudou d’amour et j’vais pas demander la permission à Ronron quand même. Les mauvaises habitudes tout ça. On reparle de l’attaque des rideaux ? Pardon, du cadeau ? Bref. Après une dernière grimace à Blobby j’retourne voir son FAUX père.

« Ouai, t’es vachement efficace quand t’es pas dans l’comas. Le bracelet marche plutôt bien. »

Oui moi aussi je t’aime.

« Bon. Sinon, t’as fait de beaux rêves ou pas ? »

Si t’as des trucs à raconter, c’est quand même mieux.

Alors qu’elle me fout un vent et s’éloigne vers le poisson le plus swag de la terre, je contiens un soupir amusé et lâche :

—Ca marche, je te fais ça.

Pendant qu’elle cause toute seule, je me dirige vers la cuisine pour mettre de l’eau à chauffer et lui préparer un thé à la menthe, je sais qu’elle aime bien ça. Et on a toujours de quoi, avec les lubies culinaires de Jérémy. Mes oreilles sifflent quand j’entends le mot “cadeau” et je plisse les yeux, passe la tête par la porte de la cuisine pour mater ce que Piu fait… putain mais elle vient de mettre quoi dans l’aquarium… Encore une connerie, à tous les coups. Woah, elle me fatigue mais elle m’a manqué alors je vais pas trop râler, hein ! Ca fait des mois que j’l’ai pas vue aussi casse-couilles. Et donc aussi en forme, faut suivre un peu.

Bientôt, je reviens avec deux tasses ; son thé à la menthe pour moi, et une tisane de mon côté. Ouais, le café je vais éviter, après une tasse par jour ça me donne des migraines ces derniers temps. Je les pose sur la table basse et m’approche de l’aquarium de Blobby pour regarder dedans, nez presque collé à la vitre.

—Rah mais t’es sérieuse, j’ai pas envie d’avoir ta tronche qui me regarde toute la journée. Si Lou aime pas, je te préviens, ça dégage !

Je hausse un sourcil, mais j’peux pas m’empêcher de sourire en coin. (Je sais que Lou va pas le dégager, elle aime trop faire alliance avec Ipiu pour me pourrir la vie. Et en vrai elle est chouette la p’tite statuette, juste : putain Ipiu.)

Puis on revient sur mes exploits techniques… et un p’tit tacle sur mon coma. Mérité, ok, mais venant d’elle c’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité. Je me laisse tomber sur le canapé et hausse à nouveau un sourcil.

—Tant mieux alors. Je vois que t’as retrouvé suffisamment la pêche pour me tacler, c’est bon signe. J’essaierai d’éviter de crever la prochaine fois pour continuer à faire profiter le monde de mon talent.

Et je prends ma tasse pour souffler sur l’infusion… ouais, ok, j’avoue j’arrive pas à savoir si j’ai l’énergie d’être cynique, du coup le ton était mi sérieux mi “aha oui trop drôle”. Mais j’ai un sourire un peu tordu derrière ma tasse.

—Bof, c’était pas que ma Greffe cette fois, j’ai pris un gros coup sur la tête aussi, donc là c’était plus “jour-nuit”, si tu vois ce que je veux dire. Les rêves psychédéliques c’est quand c’est ma Greffe qui s’auto-détruit, sinon c’est pas drôle.

Y a un désolé qui reste coincé dans ma gorge, j’ai pas envie de le prononcer pour tout un tas de raison. Déjà parce que j’pense que j’ai fait ce qu’il fallait, mais que j’fais que ça depuis que je suis réveillé : m’excuser, tout le temps.

—C’est marrant, quand on s’était rencontrés — enfin, la vraie rencontre, pas celle en salle de cours ; celle où on est allé picoler au bar le jour de mon anniv, tu te souviens ? Bref, c’était après ce fameux épisode avec ma Greffe justement.

C'est à Blobby que ça doit plaire,  tu oserais le priver de son cadeau de Noël ? Fais ça et je n'offre plus que des jouets musicaux à Lottie jusqu'à sa majorité... Enfin, je pense que ce n'est pas le moment pour te menacer, quand tu iras bien et que tu ne seras plus obligé de lister les choses que tu dois faire avant de t'assoir par peur de ne pas réussir à te relever... Parce quoi que tu dises si moi j'ai de l'énergie toi je t'ai rarement vu avec les batteries aussi bas.

"Elle a l'air tellement fun ta greffe... "

Oui j"me souviens, j'ai un peu l'impression que depuis qu'on se connait on alterne les rôles sans arrêt. C'est chiant. On n'est vraiment pas des exemples, faites ce que je dis pas ce que je fais...

"Tu crois qu'un jour on arrivera à suivre nos propres conseils ?"

ça m'a échappé. Putain. J'aime pas ce genre de conversations sincères, et c'est pas ce genre de dialogue qu'on a avec Aaron. On s'envoie des fions, et en sous texte on comprend qu'on s'aime. Sans doute, un peu, dans le fond... Si ce n'était pas le cas, est-ce qu'on perdrait autant d'énergie à se dire de la merde ou est-ce qu'on s'ignorerait ? Je ne sais pas trop.

"T'as prévu quoi pour la suite ?"

J'tâte le terrain, c'est vague je sais, mais j'veux voir à quel termes sont ses projets. Si c'est bientôt c'est qu'il ne va pas si mal.

—J’te rassure, elle s’auto-détruit que quand un connard de Master explose dedans. J’suis étonné que ça ait pas fait la même la fois avec Ys, je rajoute, cynique, la voix toujours un peu basse pour éviter que tout ne résonne dans mon crâne. Le reste du temps, ça va. Cette fois, c’est celle de Mitsu qui a déconné. Pour changer. Puis t’as vu la tienne, comme elle t’épuise ? Eh.

On m’a expliqué, même si j’ai pas eu droit à tous les détails. Pour pas m’inquiéter. J’crois que si j’avais eu le détail de toutes les blessures de tout le monde, j’aurais juste plus voulu sortir de ma chambre avant un moment. Mais ça va, j’suis là, je bouge avec mon allure de papi, j’survis. Tout va bien. Etonnamment, quand je vois l’impact que ça a eu sur tout le monde, émotionnellement, je crois que je m’en tire bien.

La question de Piu, qui n’en est pas vraiment une hein, soyons honnête, m’oblige à la fixer longuement par dessus ma tasse. Je hausse une épaule, pas vraiment saoulé, ni désintéressé. C’est pas vraiment ça, c’est juste que c’est difficile d’y répondre.

—On est en bonne voie pour, tu trouves pas ? Y a du mieux, quand même. Y a quelques années, tu m’as trouvé au sol, là je suis dans mon canapé, au moins.

Et je lui souris, tranquille, malgré tout, avant de retrouver une expression plus neutre, les yeux posés sur le sol, un peu plus loin.

—Je sais que ça t’a inquiétée, tout le monde m’a déjà bien fait la morale à ce sujet si ça peut t’rassurer. (Pause. Ma voix se baisse un peu.) J’avais pas le choix que de me pousser, tout le monde était HS dans mon équipe. Et celle de Mitsu venait de se prendre une explosion dans la gueule, et elle pouvait plus les téléporter. Je sais pas trop ce que j’étais censé faire d’autre, si on voulait tous rentrer.

Puis, je me suis sacrément cogné la tête, aussi. C’était sûrement un coup de trop, et j’aurais dû anticiper. J’ai les images qui me traversent en continu. Nana qui s’Etoilise, Senri qui protège avec tout son corps les données. Est-ce que ça valait le coup ?

Et puis… Pour la suite ? Quelle suite ?

—Comment ça ?

Non mais, c’est vague, je sais pas.

—Pour le moment, c’est repos, j’ai pas trop le choix. Après j’verrai si j’arrive à reprendre les cours, je suppose. Puis après faut organiser le mariage de Jérem et El…

Hmmm je sens la migraine poindre. Je souffle du nez.

—Enfin voilà, c’est déjà pas mal nan ? Ou alors tu parlais pas de ça ?

J’ai pas compris, mais j’essaie fort.

Je n’ai jamais réussi à savoir si ma greffe m’épuisait ou si je n’avais juste pas assez d’énergie pour l’utiliser. Je veux dire, j’ai littéralement la peau sur les os, alors j’ai rien à revendre pour réussir à l’utiliser. Un peu comme une bagnole sans carburant, c’est pas la bagnole qui est merdique, juste… bref. Je hausse les étoiles, j’crois que nos greffes elles sont là pour nous rappeler qu’on ne sera jamais des dieux.

Je ris. Certes il y a du progrès, mais à quel prix ? Sans doute pas le prix fort, faut avouer, personne n’est mort. C’est déjà pas mal. Faut se satisfaire de petites victoires. Est-ce que je lui dis qu’un jour personne ne rentrera parce qu’il aura voulu forcer ? Que jouer aux héros ne paie que jusqu’à ce que l’on devienne un martyr ? Non. Je ris. C’est… pas la peine d’en rajouter une couche. Il sait. Ça se voit dans son regard fatigué.

Du coup ses plans, on marie El et Jerem ? Ouai, mais dans les derniers bails c’était pas avant quelques mois, ouai donc les projets à court terme c’est de se la couler douce. Donc il ne va pas encore assez bien pour avoir des projets à court terme… Et j’avoue qu’il y en a un, j’ai envie d’en entendre parler.

« Tu l’épouses quand Lou ? »

Non parce que ce projet là il va urger si on veut mon avis. Elle endosse déjà tout comme si elle était sa femme, et franchement l’anneau au doigt ça fait toute la diff. Pas qu'on la foutrait dehors s'il mourait en héros, surtout maintenant... Mais, ça ferait la diff.

Finalement, je parle, je parle mais Ipiu me répond avec ses yeux. On a pas toujours besoin de dire à voix hautes les vacheries qu’on pense l’un de l’autre, sauf que là j’aurais préféré que ce soit des vacheries et pas juste “aha t’as merdé frère, pour de vrai, refais plus ça”. C’est plus simple quand c’est moi qui lui renvoie ce regard, mais bon, au moins elle voit ce que ça fait que d’être entouré de cassos incompétents dans le skill pourtant simple qui est : prendre soin de sa santé physique et ne pas mourir.

Evidemment, je repense à tout ça en continu. Au fait que j’aurais aimé l’y voir, qu’elle aurait fait exactement pareil à ma place si elle l’avait pu. Parce que j’ai pu ramener tout le monde, et tout le monde a pu être pris en charge, sans trop de douleur. C’est allé vite, pour eux. S’il fallait le refaire, c’est con, mais je le referai. Mais ce qui a merdé, c’est pas ces allers-retours là, c’est autre chose, c’est la manière que j’ai de pas réussir à déléguer, et j’le sais.

Puis là elle me pose sa question de merde et je lui lance un regard en biais, d’abord silencieux. Quand est-ce que je l’épouse, hein ? Quand on arrêtera de délayer, sûrement.

—On avait prévu ce printemps, mais après Elwynn et Jérém on prévu leur truc… on s’est dit que ça ferait trop de stress de tout organiser coup sur coup, et on a décidé de reporter. Enfin, pour reporter, il aurait fallu qu’on décide vraiment d’une date autre que “mars avril, c’est cool non ???”.

Ouais, je sais. C’est même pas qu’on veut pas s’engager, mais à côté on essaie déjà d’avoir un bébé, après les deux ont sorti leur date là, et juste on s’est regardé et on a fait “ouais flemme”. Puis là j’ai failli crever, et j’ai bien cru que Lou allait me quitter aussi. Enfin bon, est-ce que c’est vraiment le moment de la redemander en mariage, là aujourd’hui ? Je sais pas. Mais quand je serai sur pattes, ouais. Faut d’abord qu’on parle, éventuellement qu’on aille voir le psy ensemble. Que j’ose redemander. Hmng.

—J’en ai vraiment envie, tu sais. Et là, elle… enfin, maintenant elle est initiée, et c’est à cause de moi qu’elle a ressenti tout ça. Je sais pas si elle en aurait encore envie, je crois qu’il faut qu’on reconstruise un truc ensemble avant qu’on en reparle vraiment. J’ai pas envie qu’elle prenne la décision parce qu’elle pense ne pas avoir le choix après tout ça.

Et en même temps, elle a déjà décidé de rester, c’est ça qui fait vraiment la différence. Peut-être que j’ai juste peur qu’elle capte que je suis trop con pour elle et qu’elle mérite mieux ptdrrrrr.

… Est-ce qu’Ipiu était au courant que j’avais demandé Lou en mariage y a mille ans, en fait ??? Ptn je sais plus, je suis vraiment un ami de merde.

—Je lui redemanderai, j’assure finalement à Piu. Mais je veux faire ça bien. Genre pas quand je ressemble à papi Williams quoi.