Pour le meilleur et pour le pire ~ [Solo]

Le jour n’était pas encore totalement levé sur Terrae. A l’horizon, un timide soleil pointait le bout de son nez, baignant dans une lumière bleuté la cime des arbres et le haut des immeubles. Ci et là, des nappes de brouillard recouvraient les ruelles les plus étroites et les abords du lac, enveloppant tout ce qui se trouvait sur leur passage d’une couche cotonneuse et humide.

Devant les grilles de l’institut, une silhouette emitouflée dans un épais manteau noir frissonnait sous les assaults du vent encore frais. Elisha - car c’était elle bien sûr - n’était pas encore remise du vol de nuit qu’elle avait pris pour rejoindre le Japon. Entre les heures d’avion coincée entre deux voyageurs particulièrement malodorants, et un décalage horaire quand même assez vénère, la fatigue engourdissait ses sens. Elle aurait tout donné pour une bonne nuit de sommeil, bien au chaud sous ses couvertures.

Mais avant de pouvoir réintégrer l’institut - et par conséquent les dortoirs où un bon lit douillet l'accueillerait probablement -, il lui fallait d’abord passer par les démarches administratives. D’accord, comparé à la plupart des établissements, il n’y avait pas beaucoup de paperasse à remplir. Mais c’était surtout le regard et les sermons d’Hideko Honda, la directrice de Terrae, qui l’enthousiasmaient si peu. Après tout, on ne pouvait pas dire qu’elle avait été une élève modèle ici. Et son départ, aussi brutal qu'inattendu, n’avait probablement pas arrangé l’opinion que la directrice pouvait avoir à son égard.

Un frisson parcourut le dos d’Elisha, et cette fois ce n’était pas à cause de la fraîcheur de la matinée. Elle n’avait cessé de penser à la façon dont elle était partie. Ou plutôt, dont elle avait fuit. Car c’était bien ce qu’elle avait fait, après tout : à peine ses pouvoirs avaient-ils été désactivés qu’elle s’était ruée dans le premier avion venu en direction de l’Algérie, sans un regard en arrière ni pour ses amis, ni pour Tiago, ni pour .. Elle. Comme à chaque fois qu’elle pensait à sa fille, Elisha sentit une boule se former dans sa gorge. D’un battement de cils, elle effaça les larmes qui avaient recouvert ses iris l’espace d’une seconde tandis que les souvenirs des événements passés lui revenaient à l’esprit.

*Tac*. *Tac*. *Tac*.

La branche frappait le carreau dans un rythme parfaitement régulier.

*Tac*. *Tac*. *Tac*.

Et pour la deuxième fois de sa vie, Elisha l’ignorait.

*Tac*. *Tac*. *Tac*.

Comme un compte à rebours, un décompte, une sommation.

*Tac*. *Tac*. *Tac*.

L’impression que se dressaient autour d’elle les murs d’une prison.

Les yeux rivés sur le bout de plastique qu’elle tenait entre ses mains tremblantes, Elisha fixait avec effroi la barre bleue qui se détachait peu à peu sur la surface blanche. Pourquoi la situation était-elle aussi semblable à la première fois ? Pourquoi est-ce qu’il fallait que ça lui arrive une seconde fois ? Pourquoi elle n’arrivait toujours pas à gérer l’angoisse qui obstruait sa gorge et l’empêchait de respirer ?

Incapable de contenir la crise qui menaçait d’exploser, elle ramena ses genoux contre sa poitrine et enfoui sa tête dans ses bras. Les larmes coulaient sur ses joues sans qu’elle essaie de les retenir, et sa respiration se faisait de plus en plus haletante, incontrôlée. Une plainte douloureuse s’échappait de sa gorge à chaque bouffée d’air qui remplissait péniblement ses poumons. Malgré ça, l’oxygène lui manquait, et son cerveau n’arrivait plus à traiter la moindre information. À cet instant précis, elle pensait qu’elle allait mourir. Et à dire vrai, une partie d'elle-même l’espérait.

Mais elle ne s'effondra pas sur le carrelage gris de sa salle de bain. Après de pénibles minutes qui lui parurent durer une éternité, elle finit par reprendre le dessus. Sa respiration s’apaisait peu à peu, les tremblements s’estompaient. La crise était passée. À présent que son cerveau était à nouveau irrigué correctement, elle pouvait réfléchir. Il fallait qu’elle en parle à quelqu’un. Mais qui ? Ses parents ? Hors de question, elle vivait parfaitement sans eux depuis des années, ce n’était pas maintenant qu’elle allait faire un pas vers eux. Tiago ? Impossible. Pas tout de suite. Pas si elle n’était pas obligée. Elfie ? Oui probablement … Mais pas avant d’en savoir plus. Il fallait qu’elle fasse un examen, pour voir où elle en était. Alors sans hésiter une seconde de plus, elle attrapa son téléphone à la recherche du premier cabinet de gynéco qui lui tomberait sous la main.

Le docteur Tanaka faisait glisser avec application le petit boîtier qui permettait d’obtenir les images sur le moniteur. Les yeux rivés sur l’écran, elle semblait parfaitement comprendre ce qui s’y passait. Du point de vue d’Elisha, cette superposition de tâches grises et noires n’avait vraiment aucun sens. Quand elle pensait reconnaître une forme particulière, la forme se transformait l’instant d’après en une toute autre chose. Peut-être que ce n’était pas une mauvaise chose qu’elle n’ait jamais pu faire médecine finalement …

- Bien, s’exclama le docteur en orientant le boîtier de sorte que l’image ressemblait à peu près à un humain miniature. Votre fille va bien, mademoiselle. Vous voulez emporter les clichés de l’échographie ?

La Tonnerre ne répondit pas. Tout devenait tellement concret … Ce qui au départ n’était qu’une petite tâche informe ressemblait de plus en plus à un bébé. Elle aurait sûrement dû ressentir une joie intense à cet instant. Mais alors qu’elle s’attendait à être envahie de joie à l’idée que son bébé allait bien, elle était au contraire terrorisée. Si seulement Elfie avait pu être là …

Heureusement qu’elle était arrivée dans sa vie, un soir, au bord du lac. Parce qu’Elisha n’avait aucune idée de ce qu’elle serait devenue sans elle, avec tout ce qui avait chamboulé sa vie dernièrement. C’était à elle qu’elle avait appris en premier sa grossesse. Elle qui l’avait ramassée en miette le jour de l’échographie, quand la gynécologue avait révélé qu’elle en était déjà à 5 semaines. Elle encore qui lui avait donné le courage de parler à Tiago. Et quand ce dernier avait réagi comme à son habitude, c'est-à-dire en gueulant et en enfermant ses émotions à double tour pour ne laisser parler que sa rage, c’était Elfie qui l’avait consolée. Même si, bien sûr, Elisha n’avait jamais avoué à quel point la réaction du Feu l’avait blessée, et à quel point elle se sentait mal.

Quand elle repensait à cette soirée, la Tonnerre sentait encore son coeur se serrer. Elle aurait tellement aimé qu’il réagisse autrement. Qu’il la serre dans ses bras en lui disant que tout irait bien. Qu’il la rassure, parce qu’au fond elle était totalement terrifiée. Mais Tiago restait Tiago, et elle savait bien qu’il y avait un risque qu’il se mette en colère. Surtout qu’elle s’était pointée sans prévenir, son ventre rebondit à peine caché sous ses vêtements pourtant amples - merci le déni de grossesse. Non, même si elle était profondément blessée à cause de ce qui s’était passé cette nuit-là, elle n’arrivait pas à lui en vouloir. D’une certaine manière, elle l’enviait presque, lui qui n’avait pas le poids de cette nouvelle responsabilité à porter sur ses épaules.

Après quelques secondes à se remémorer ces vieux souvenirs, Elisha finit par revenir à la réalité, et répondit dans un sourire forcé :

- Oui, bien sûr, allez-y.

Lorsqu’Elisha ouvrit les yeux, elle mit quelques minutes à se rappeler où elle était. Le lino gris au sol et la peinture jaune délavée sur les murs ne lui disaient rien du tout. Et puis, c’était quoi ce tuyau qui sortait de son bras ? Suivant l’objet du regard, elle vit qu’il était relié à une perfusion. Ah oui, bien sûr … Hier c’était son accouchement.

Faisant pivoter douloureusement sa tête vers la droite, elle jeta un regard curieux au berceau de plastique qui se trouvait juste à côté d’elle. La petite boule de peau fripée qui y dormait semblait parfaitement paisible, son petit poing serré autour d’un plis du drap. La plupart des mères qu’Elisha avait connues disaient toutes à quel point elles étaient en adoration devant leur nouveau-né après l’accouchement. Mais la jeune fille ne ressentait aucun amour pour le petit être dont elle aurait la charge à présent. Elle la trouvait même franchement laide, se demandant si c’était le cas de tous les bébés ou seulement du sien. Il faudrait qu’elle aille faire un tour dans la maternité pour en avoir le cœur net.

Au fur et à mesure que son corps endormi reprenait possession de ses sens, une douleur sourde envahissait son bas ventre. La Tonnerre souleva le drap, dévoilant dans la foulée la longue blessure boursouflée qui lui barrait l’aine. De ce qu’elle avait compris, sa fille ne s’était pas retournée pendant le dernier mois, et elle avait dû subir une césarienne. Si elle avait été ravie d’éviter un accouchement par voie basse quand elle avait appris la nouvelle, elle se demandait vraiment si elle avait gagné au change vu la douleur que lui laissaient les points.

La nuit avait été si difficile qu’Elisha peinait à garder les yeux ouverts. Elfie lui rendit visite, bien évidemment, et elle l’aida à s’occuper un peu de Shana. C’était vraiment étrange de tenir ce petit être dans ses bras : on aurait dit qu’un coup de vent pouvait la briser en deux. Elle était tellement fragile, tellement dépendante aussi. Et les cris qu’elle poussait quand elle pleurait auraient pu faire vriller n’importe qui. Heureusement, ses pouvoirs de sensitive lui permettaient de comprendre rapidement ce qui tourmentait le nourrisson, ce qui lui donnait un sacré avantage sur la plupart des jeunes mamans.

Quand ce fut au tour de Tiago de passer la porte de la chambre, la Tonnerre n’en crut pas ses yeux. Elle n’aurait jamais imaginé le voir ici. Enfin, c’était assez logique vu qu’il travaillait à l'hôpital. Mais vu les dernières paroles qu’ils s’étaient échangées, et le silence radio qui avait suivi, elle s’était dit que c’était simplement trop gros pour lui. C’était toujours comme ça avec le Feu : il mettait un peu de temps à se rendre compte de ce qu’il ressentait, mais ça finissait toujours par arriver. En l'occurrence, il avait quand même envie de connaître sa fille. Le voir porter Shana comme si c’était un vase en porcelaine fit doucement sourire Elisha. Est-ce que si ça s’était produit à un autre moment, dans un autre contexte, ils auraient pu former une famille parfaite tous les trois ? Impossible à dire, mais la jeune fille se plaisait à imaginer cette vie si loin de ce qu’elle avait traversé ces derniers mois.

Quand Elisha se retrouva à nouveau seule avec Shana dans la chambre, elle s’approcha du berceau de plastique et déposa un bref baiser sur son crâne chevelu, avant de murmurer :

- Ne t’inquiète pas … Je ferai tout ce qu’il faut pour qu’il ne t’arrive jamais rien. Je te le promets.

Puis elle retourna dans son lit et, en silence, elle laissa ses larmes s’écouler.

- Je t’en supplie … Arrête de pleurer … S’il te plait …

Elisha était à bout. Elle n’avait pas dormi plus d’une heure d'affilée ces 5 derniers jours. Quand sa fille commençait à pleurer - et elle pleurait beaucoup - elle devait à la fois gérer ses besoins, et les émotions qu’elle captait et qui l'atteignaient elle aussi. Comment se faisait-il qu’un bébé puisse souffrir autant ? Et pour couronner le tout, cet afflux ininterrompu épuisait deux fois plus vite la jeune maman. Si elle avait trouvé sa capacité de sensitive très pratique les premiers jours, elle avait rapidement déchanté devant l’ampleur des dégâts.

Pourquoi n’arrivait-elle pas à gérer sa fille ? Et pourquoi ne voulait-elle pas cesser de hurler comme ça ? Deux heures de sommeil, c’était vraiment trop demander ? Cela faisait 30 minutes qu’elle parcourait de long en large sa chambre, berçant le nourrisson comme elle pouvait. Si elle restait une seconde de plus avec elle, elle l’enverrait probablement valser contre le mur. Prenant conscience de son état de détresse, Elisha se précipita vers le lit de Shana et y déposa le bébé hurlant en douceur avant de sortir de la pièce en claquant la porte derrière elle.

Une fois la porte d’entrée de l’immeuble franchie à son tour, Elisha s’adossa contre le mur, et se laissa lentement glisser jusqu’à s’asseoir sur le sol. Des sanglots secouaient son corps frêle, alors qu’une nouvelle fois ses joues se trouvaient trempées de larmes. Mais à ce stade, elle était incapable de comprendre ce qui la mettait dans cet état. Etait-ce la fatigue ? La tristesse ? L’impression de tout faire de travers et de mettre sa fille en danger ? Le relâchement de la pression qui faisait déborder toutes ses émotions ? La culpabilité de laisser Shana seule dans sa chambre, et de ne pas être présente s’il y avait un problème ? Le manque qui rongeait chaque jour sa patience et sa détermination ? Son cerveau n’était plus capable de faire la différence entre toutes ces émotions.

Après quelques minutes de relâchement, Elisha sécha ses yeux. Ces derniers mois, elle ne comptait même plus le nombre de fois où elle avait fini dans cet état. Etait-ce vraiment cela qu’elle était venue chercher à Terrae ? Elle n’était pas certaine de ce qu’elle comptait trouver en venant ici, mais cette situation ne faisait qu’empirer son état mental. Que se passerait-il, alors, si elle n’était plus en état de s’occuper de Shana ? Et s’il lui arrivait malheur par sa simple négligeance, parce qu’elle était une mauvaise mère, accro à toutes les pires saloperies possibles, incapable de faire quoi que ce soit de bien dans sa vie ? Un frisson parcourut son échine. Elle lui avait promis de tout faire pour qu’il ne lui arrive rien … Elle refusait que ce petit être innocent paye pour son incompétence.

Suivant le fil de ses pensées, une idée germa dans sa tête. Si elle ne pouvait pas s’en occuper, même avec l’aide d’une assistante sociale … C’est qu’il valait mieux la laisser à quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui saurait faire en sorte qu’elle grandisse en sécurité. Elisha n’avait pas besoin d’y réfléchir plus longtemps. Sa décision était prise. Il fallait qu’elle confie Shana aux services sociaux. Elle pouvait bien essayer de se rassurer en se disant que c’était pour le bien de sa fille, la vérité, c’était qu’elle n’avait pas les épaules pour assumer tout ça. Elle ne les avait jamais eues. Et si elle voulait confier sa fille, c’était surtout pour se débarrasser de ce fardeau.

Elisha remonta dans son appartement, et prépara les affaires de Shana. Elle fourra tout ce qu’elle pu dans deux sacs de voyages. Puis elle alla chercher sa fille, qu’elle déposa dans sa poussette. Puisant dans ses dernières ressources, elle usa de son pouvoir pour apaiser le bébé, qui cessa de pleurer pour s’endormir doucement. Alors elle prit la direction du bureau de l’assistante sociale, déterminée à aller jusqu’au bout.

Le vieil autobus avançait à une allure modérée, ralenti par les énormes nids de poule qui secouaient tout l’habitacle à chaque fois qu’un pneu se prenait dedans. Affalée sur un siège au fond de l’allée, Elisha jeta un œil inquiet à sa montre. Elle était censée arriver à 19h, mais vu la vitesse à laquelle ils progressaient, elle devrait peut être prévenir qu’elle aurait un peu de retard.

Après avoir pianoté un texto rapide sur son écran de téléphone, elle posa sa tête contre la vitre poussiéreuse, contemplant le paysage qui défilait devant ses yeux depuis une bonne heure déjà. Le soleil couchant baignait la savane dans une douce lueur orangée. Elle pouvait presque sentir l’odeur du sable brûlant chatouiller ses narines. Cela faisait si longtemps qu’elle n’était pas revenue en Algérie … Si elle passait tous ses étés ici quand elle était petite, le temps avait éloigné les deux familles, et elle n’avait plus rendu visite à ses grand-parents depuis ses 12 ans. Autant dire depuis une éternité.

C’était pourtant le premier endroit auquel elle avait pensé quand elle avait pris la décision de partir de Terrae. Après avoir abandonné son rôle de mère, elle ne parvenait pas à assumer le poids de la culpabilité. Elle était partie moins de deux semaines après, demandant à la directrice de désactiver ses pouvoirs. Elle n’avait même pas pris le temps de dire adieu à ses amis, parce qu’elle savait qu’en les voyant, sa volonté flancherait. Alors elle s’était contentée de mettre ses affaires dans un sac à dos, et de prendre la route de l'aéroport. Même si, en atterrissant à Alger, elle avait tenu à expliquer sa décision dans un message qu’elle avait envoyé à ses plus proches amis.

Finalement, l'autobus s’arrêta dans un petit village de campagne. La nuit était tombée depuis longtemps, et la route n’était éclairée que par la lueur de la lune, heureusement pleine ce soir-là. Pourquoi fallait-il que sa grand-mère habite au fin fond de la campagne Algérienne ? Vu la galère que ça avait été pour arriver jusqu’ici … Enfin, vivre un peu loin de l’agitation ne pourrait que lui faire du bien. Ajustant son sac à dos sur ses épaules, elle se mit en route.

Elisha frappa trois coups sur la porte. Aussitôt, une petite voix fluette s’éleva de l’autre côté, se faisant de plus en plus forte à mesure que la personne qui en était à l’origine s’approchait pour ouvrir.

- Oh, ma chérie ! Te revoilà !

Une petite femme se jeta au coup de la jeune fille, serrant dans ses bras puissant son corps frêle, et couvrant de baiser son visage.

- Mon dieu, tu es encore plus maigre qu’avant ! Tu n’as rien mangé pendant ton tour du monde ou quoi ? Allez entre, je vais te servir un de mes bons petits plats.

Elisha sourit et suivit sa grand-mère sans protester, sachant bien que résister était vain. Une fois dans la cuisine, elle s’assit sur une petite chaise en paille tandis que la petite femme s’affairait avec ses casseroles.

- Alors ma fille, est-ce que tu as trouvé ce que tu cherchais ?

- Pas vraiment, Henna … soupira la jeune fille. Je pensais que ça me ferait du bien mais … Je me sentais aussi mal où que je sois.

Elle s’attendait à cette question, bien sûr. Quand elle avait annoncé à sa grand-mère qu’elle partait, deux ans auparavant, c’était avec la perspective de se découvrir. De tourner la page. D’oublier ces angoisses qui hantaient ses nuits quoi qu’elle puisse faire. Malheureusement, elle n’avait rien trouvé de tout ça. Tout ce qu’elle avait gagné, c’était un compte en banque à zéro. Bien sûr elle en avait profité pour découvrir d’autres cultures, elle avait travaillé pour prendre des cours dans des studios de danse prestigieux aux quatre coins de la planète, et elle avait beaucoup amélioré ses langues étrangères. Mais ça n’était pas suffisant pour elle.

- A quoi ça a servi, tout ça, alors ? demanda sèchement la grand-mère en posant avec fracas une assiette devant Elisha. Tu étais censée arrêter de broyer du noir. Et regarde comment je te retrouve ! Tu n’as que la peau sur les os.

- Je suis désolée, Henna … Je pensais vraiment que ça m’aiderait … murmura Elisha en baissant la tête.

Aussitôt, la vieille femme se radoucit.

- Oh ma chérie … Je m’inquiète juste pour toi, c’est tout. Je vois bien que ça ne va toujours pas. Il est temps de se poser les bonnes questions. Tu as besoin de voir quelqu’un.

- Voir quelqu’un ? s’interrogea la brune.

- Oui. Un docteur … comment dit-on déjà … Un psychologue. Et puis que tu arrêtes toutes tes bêtises là. Ne me regarde pas avec ces yeux là, tu sais très bien de quoi je parle ! L’alcool, la drogue, c’est n’importe quoi. Quand est-ce que tu vas grandir un peu ?

Ses sourcils froncés adressaient un message clair : aucune contestation n’était possible. Pourtant Elisha répondit :

- Henna, je suis pas sûre d’y arriver …

- Oh si tu vas y arriver, s’empourpra sa grand-mère. Tu crois que c’est en restant les bras ballants que tu vas pouvoir revoir ta fille ? Tu crois qu’ils te reprendront, là bas, si tu restes une loque comme ça toute ta vie ? Il est temps que tu fasses des efforts. Et ça commence par finir ton assiette !

Obéissant aux ordres, la jeune fille enfourna une première fourchette dans sa bouche. Elle n’avait que très peu parlé de Shana avec elle. Mais apparemment, la vieille femme la connaissait peut-être mieux qu’elle ne se connaissait elle même. Parce que dès l’instant où l’espoir de revoir sa fille avait été évoqué, elle avait ressenti un pincement au cœur. Et du courage aussi. C’était peut-être possible, oui, de tout réparer. Elle avait changé depuis qu’elle était partie. Elle avait mûri. Mais Henna avait raison : si elle comptait y retourner, il fallait qu’elle fasse les choses bien.

- D’accord, Henna. Je ferai de mon mieux.

- Je dois avouer que vos progrès ont été remarquables, mademoiselle Frost. Quand vous êtes arrivée ici, je n’aurais pas parié sur de si bons résultats.

Elisha sourit au psychologue qui lui faisait face de toutes ses dents. Bien sûr qu’elle avait fait des efforts. C’était vital pour elle. Il fallait qu’elle aille mieux pour pouvoir retourner à Terrae et formuler sa requête. Car sans ça, elle serait refusée direct. Cependant, si ces résultats étaient si remarquables, c’était probablement parce qu’elle avait compris ce qui était attendu d’elle, et qu’elle répétait des phrases apprises par coeur.

- Merci monsieur. Je suis déterminée. Et je pense que je suis en bonne voie pour affronter la vie dehors.

Cela faisait 12 semaines qu’elle était dans ce centre de désintoxication. Et cela avait pris plusieurs mois de rendez-vous chez le psy pour obtenir cette place. Maintenant, tout ce dont elle avait besoin, c’était un bout de papier qui attestait des efforts qu’elle avait fourni. Bien sûr, ce séjour lui avait fait beaucoup de bien. Mais au fond d’elle même, elle savait que sa rémission totale aurait nécessité plus de temps. Seulement du temps, elle en avait déjà trop abusé.

- Je suis de cet avis aussi. Comment appréhendez-vous le fait d’être soumise à la tentation dehors ?

Elle était totalement stressée, bien évidemment. La jeune fille avait vraiment envie d’éviter de replonger. Elle avait vraiment envie d’améliorer sa qualité de vie. Mais le manque sommeillait toujours en elle, prêt à surgir dans un moment de faiblesse. Il lui faudrait beaucoup de courage et de détermination pour continuer sur cette voie. En était-elle seulement capable ?

- Je suis sereine, monsieur. Bien sûr, il y aura des moments difficiles, j’y suis préparée. Et les séances que nous avons faites ici, ainsi que les séances réalisées avec mon ancienne psychologue m’ont fait beaucoup de bien. Je me sens apaisée.

Elle ponctua sa tirade d’un second sourire forcé, ayant pris soin de réfléchir à chaque mot qu’elle allait prononcer.

- En tout cas, je vous suis très reconnaissante de m’avoir permis de dépasser mes faiblesses, et de devenir plus forte. Merci docteur.

Vu le rictus qu’il esquissa, il était évident que ce genre de discours le satisfaisait pleinement. Tant mieux.

- Et bien mademoiselle, c’est avec plaisir que j’achève ces douze semaines de travail. Vous pourrez rentrer chez vous dès demain.

Chez elle … Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas trouvé un endroit qui méritait cette appellation. Même chez sa grand-mère, ce n’était pas tout à fait chez elle. Ce qu’elle espérait par dessus tout, c’était qu’à Terrae, ce sentiment redeviendrait familier.

Le cheminement complet de ces deux dernières années s’acheva dans l’esprit d’Elisha. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle avait réussi tout ça. Réussi à surmonter sa peur, à découvrir ce qu’elle souhaitait vraiment. Réussi à vaincre ses addictions et à tout mettre en oeuvre pour se trouver devant cette grille familière. Avec un certain sentiment de fierté, elle actionna la poignée et entrebailla la porte.

Elle avait placé tant d’espoirs dans ce moment. Elle ferait tout pour ne pas gâcher sa chance. Tout pour pouvoir connaître sa fille, et la serrer dans ses bras. Et tout pour récupérer sa garde, quoi qu’il puisse lui en coûter. Mais juste avant de faire un pas dans l’enceinte de Terrae, elle saisit son téléphone pour envoyer un dernier message.

“Je suis rentrée.”

Pour le meilleur. Et pour le pire …

	## Jeu 29 Juin 2023 - 23:52
Personnage ~ ► Âge : 20 ans ► Doubles-comptes ? : Elizabeth ► Rencontres ♫♪ : • Amis : • Ennemis : Elisha Frost Messages : 451 Date d'inscription : 11/11/2018 Age : 25 Emploi/loisirs : En recherche d'emploi	Le jour n’était pas encore totalement levé sur Terrae. A l’horizon, un timide soleil pointait le bout de son nez, baignant dans une lumière bleuté la cime des arbres et le haut des immeubles. Ci et là, des nappes de brouillard recouvraient les ruelles les plus étroites et les abords du lac, enveloppant tout ce qui se trouvait sur leur passage d’une couche cotonneuse et humide. Devant les grilles de l’institut, une silhouette emitouflée dans un épais manteau noir frissonnait sous les assaults du vent encore frais. Elisha - car c’était elle bien sûr - n’était pas encore remise du vol de nuit qu’elle avait pris pour rejoindre le Japon. Entre les heures d’avion coincée entre deux voyageurs particulièrement malodorants, et un décalage horaire quand même assez vénère, la fatigue engourdissait ses sens. Elle aurait tout donné pour une bonne nuit de sommeil, bien au chaud sous ses couvertures. Mais avant de pouvoir réintégrer l’institut - et par conséquent les dortoirs où un bon lit douillet l'accueillerait probablement -, il lui fallait d’abord passer par les démarches administratives. D’accord, comparé à la plupart des établissements, il n’y avait pas beaucoup de paperasse à remplir. Mais c’était surtout le regard et les sermons d’Hideko Honda, la directrice de Terrae, qui l’enthousiasmaient si peu. Après tout, on ne pouvait pas dire qu’elle avait été une élève modèle ici. Et son départ, aussi brutal qu'inattendu, n’avait probablement pas arrangé l’opinion que la directrice pouvait avoir à son égard. Un frisson parcourut le dos d’Elisha, et cette fois ce n’était pas à cause de la fraîcheur de la matinée. Elle n’avait cessé de penser à la façon dont elle était partie. Ou plutôt, dont elle avait fuit. Car c’était bien ce qu’elle avait fait, après tout : à peine ses pouvoirs avaient-ils été désactivés qu’elle s’était ruée dans le premier avion venu en direction de l’Algérie, sans un regard en arrière ni pour ses amis, ni pour Tiago, ni pour .. Elle. Comme à chaque fois qu’elle pensait à sa fille, Elisha sentit une boule se former dans sa gorge. D’un battement de cils, elle effaça les larmes qui avaient recouvert ses iris l’espace d’une seconde tandis que les souvenirs des événements passés lui revenaient à l’esprit. L'important dans la vie, c'est de participer Dernière édition par Elisha Frost le Jeu 29 Juin 2023 - 23:55, édité 1 fois

	## Jeu 29 Juin 2023 - 23:55
Personnage ~ ► Âge : 20 ans ► Doubles-comptes ? : Elizabeth ► Rencontres ♫♪ : • Amis : • Ennemis : Elisha Frost Messages : 451 Date d'inscription : 11/11/2018 Age : 25 Emploi/loisirs : En recherche d'emploi	Tac. Tac. Tac. La branche frappait le carreau dans un rythme parfaitement régulier. Tac. Tac. Tac. Et pour la deuxième fois de sa vie, Elisha l’ignorait. Tac. Tac. Tac. Comme un compte à rebours, un décompte, une sommation. Tac. Tac. Tac. L’impression que se dressaient autour d’elle les murs d’une prison. Les yeux rivés sur le bout de plastique qu’elle tenait entre ses mains tremblantes, Elisha fixait avec effroi la barre bleue qui se détachait peu à peu sur la surface blanche. Pourquoi la situation était-elle aussi semblable à la première fois ? Pourquoi est-ce qu’il fallait que ça lui arrive une seconde fois ? Pourquoi elle n’arrivait toujours pas à gérer l’angoisse qui obstruait sa gorge et l’empêchait de respirer ? Incapable de contenir la crise qui menaçait d’exploser, elle ramena ses genoux contre sa poitrine et enfoui sa tête dans ses bras. Les larmes coulaient sur ses joues sans qu’elle essaie de les retenir, et sa respiration se faisait de plus en plus haletante, incontrôlée. Une plainte douloureuse s’échappait de sa gorge à chaque bouffée d’air qui remplissait péniblement ses poumons. Malgré ça, l’oxygène lui manquait, et son cerveau n’arrivait plus à traiter la moindre information. À cet instant précis, elle pensait qu’elle allait mourir. Et à dire vrai, une partie d'elle-même l’espérait. Mais elle ne s'effondra pas sur le carrelage gris de sa salle de bain. Après de pénibles minutes qui lui parurent durer une éternité, elle finit par reprendre le dessus. Sa respiration s’apaisait peu à peu, les tremblements s’estompaient. La crise était passée. À présent que son cerveau était à nouveau irrigué correctement, elle pouvait réfléchir. Il fallait qu’elle en parle à quelqu’un. Mais qui ? Ses parents ? Hors de question, elle vivait parfaitement sans eux depuis des années, ce n’était pas maintenant qu’elle allait faire un pas vers eux. Tiago ? Impossible. Pas tout de suite. Pas si elle n’était pas obligée. Elfie ? Oui probablement … Mais pas avant d’en savoir plus. Il fallait qu’elle fasse un examen, pour voir où elle en était. Alors sans hésiter une seconde de plus, elle attrapa son téléphone à la recherche du premier cabinet de gynéco qui lui tomberait sous la main. L'important dans la vie, c'est de participer

	## Jeu 29 Juin 2023 - 23:59
Personnage ~ ► Âge : 20 ans ► Doubles-comptes ? : Elizabeth ► Rencontres ♫♪ : • Amis : • Ennemis : Elisha Frost Messages : 451 Date d'inscription : 11/11/2018 Age : 25 Emploi/loisirs : En recherche d'emploi	Le docteur Tanaka faisait glisser avec application le petit boîtier qui permettait d’obtenir les images sur le moniteur. Les yeux rivés sur l’écran, elle semblait parfaitement comprendre ce qui s’y passait. Du point de vue d’Elisha, cette superposition de tâches grises et noires n’avait vraiment aucun sens. Quand elle pensait reconnaître une forme particulière, la forme se transformait l’instant d’après en une toute autre chose. Peut-être que ce n’était pas une mauvaise chose qu’elle n’ait jamais pu faire médecine finalement … - Bien, s’exclama le docteur en orientant le boîtier de sorte que l’image ressemblait à peu près à un humain miniature. Votre fille va bien, mademoiselle. Vous voulez emporter les clichés de l’échographie ? La Tonnerre ne répondit pas. Tout devenait tellement concret … Ce qui au départ n’était qu’une petite tâche informe ressemblait de plus en plus à un bébé. Elle aurait sûrement dû ressentir une joie intense à cet instant. Mais alors qu’elle s’attendait à être envahie de joie à l’idée que son bébé allait bien, elle était au contraire terrorisée. Si seulement Elfie avait pu être là … Heureusement qu’elle était arrivée dans sa vie, un soir, au bord du lac. Parce qu’Elisha n’avait aucune idée de ce qu’elle serait devenue sans elle, avec tout ce qui avait chamboulé sa vie dernièrement. C’était à elle qu’elle avait appris en premier sa grossesse. Elle qui l’avait ramassée en miette le jour de l’échographie, quand la gynécologue avait révélé qu’elle en était déjà à 5 semaines. Elle encore qui lui avait donné le courage de parler à Tiago. Et quand ce dernier avait réagi comme à son habitude, c'est-à-dire en gueulant et en enfermant ses émotions à double tour pour ne laisser parler que sa rage, c’était Elfie qui l’avait consolée. Même si, bien sûr, Elisha n’avait jamais avoué à quel point la réaction du Feu l’avait blessée, et à quel point elle se sentait mal. Quand elle repensait à cette soirée, la Tonnerre sentait encore son coeur se serrer. Elle aurait tellement aimé qu’il réagisse autrement. Qu’il la serre dans ses bras en lui disant que tout irait bien. Qu’il la rassure, parce qu’au fond elle était totalement terrifiée. Mais Tiago restait Tiago, et elle savait bien qu’il y avait un risque qu’il se mette en colère. Surtout qu’elle s’était pointée sans prévenir, son ventre rebondit à peine caché sous ses vêtements pourtant amples - merci le déni de grossesse. Non, même si elle était profondément blessée à cause de ce qui s’était passé cette nuit-là, elle n’arrivait pas à lui en vouloir. D’une certaine manière, elle l’enviait presque, lui qui n’avait pas le poids de cette nouvelle responsabilité à porter sur ses épaules. Après quelques secondes à se remémorer ces vieux souvenirs, Elisha finit par revenir à la réalité, et répondit dans un sourire forcé : - Oui, bien sûr, allez-y. L'important dans la vie, c'est de participer

	## Ven 30 Juin 2023 - 19:14
Personnage ~ ► Âge : 20 ans ► Doubles-comptes ? : Elizabeth ► Rencontres ♫♪ : • Amis : • Ennemis : Elisha Frost Messages : 451 Date d'inscription : 11/11/2018 Age : 25 Emploi/loisirs : En recherche d'emploi	Lorsqu’Elisha ouvrit les yeux, elle mit quelques minutes à se rappeler où elle était. Le lino gris au sol et la peinture jaune délavée sur les murs ne lui disaient rien du tout. Et puis, c’était quoi ce tuyau qui sortait de son bras ? Suivant l’objet du regard, elle vit qu’il était relié à une perfusion. Ah oui, bien sûr … Hier c’était son accouchement. Faisant pivoter douloureusement sa tête vers la droite, elle jeta un regard curieux au berceau de plastique qui se trouvait juste à côté d’elle. La petite boule de peau fripée qui y dormait semblait parfaitement paisible, son petit poing serré autour d’un plis du drap. La plupart des mères qu’Elisha avait connues disaient toutes à quel point elles étaient en adoration devant leur nouveau-né après l’accouchement. Mais la jeune fille ne ressentait aucun amour pour le petit être dont elle aurait la charge à présent. Elle la trouvait même franchement laide, se demandant si c’était le cas de tous les bébés ou seulement du sien. Il faudrait qu’elle aille faire un tour dans la maternité pour en avoir le cœur net. Au fur et à mesure que son corps endormi reprenait possession de ses sens, une douleur sourde envahissait son bas ventre. La Tonnerre souleva le drap, dévoilant dans la foulée la longue blessure boursouflée qui lui barrait l’aine. De ce qu’elle avait compris, sa fille ne s’était pas retournée pendant le dernier mois, et elle avait dû subir une césarienne. Si elle avait été ravie d’éviter un accouchement par voie basse quand elle avait appris la nouvelle, elle se demandait vraiment si elle avait gagné au change vu la douleur que lui laissaient les points. La nuit avait été si difficile qu’Elisha peinait à garder les yeux ouverts. Elfie lui rendit visite, bien évidemment, et elle l’aida à s’occuper un peu de Shana. C’était vraiment étrange de tenir ce petit être dans ses bras : on aurait dit qu’un coup de vent pouvait la briser en deux. Elle était tellement fragile, tellement dépendante aussi. Et les cris qu’elle poussait quand elle pleurait auraient pu faire vriller n’importe qui. Heureusement, ses pouvoirs de sensitive lui permettaient de comprendre rapidement ce qui tourmentait le nourrisson, ce qui lui donnait un sacré avantage sur la plupart des jeunes mamans. Quand ce fut au tour de Tiago de passer la porte de la chambre, la Tonnerre n’en crut pas ses yeux. Elle n’aurait jamais imaginé le voir ici. Enfin, c’était assez logique vu qu’il travaillait à l'hôpital. Mais vu les dernières paroles qu’ils s’étaient échangées, et le silence radio qui avait suivi, elle s’était dit que c’était simplement trop gros pour lui. C’était toujours comme ça avec le Feu : il mettait un peu de temps à se rendre compte de ce qu’il ressentait, mais ça finissait toujours par arriver. En l'occurrence, il avait quand même envie de connaître sa fille. Le voir porter Shana comme si c’était un vase en porcelaine fit doucement sourire Elisha. Est-ce que si ça s’était produit à un autre moment, dans un autre contexte, ils auraient pu former une famille parfaite tous les trois ? Impossible à dire, mais la jeune fille se plaisait à imaginer cette vie si loin de ce qu’elle avait traversé ces derniers mois. Quand Elisha se retrouva à nouveau seule avec Shana dans la chambre, elle s’approcha du berceau de plastique et déposa un bref baiser sur son crâne chevelu, avant de murmurer : - Ne t’inquiète pas … Je ferai tout ce qu’il faut pour qu’il ne t’arrive jamais rien. Je te le promets. Puis elle retourna dans son lit et, en silence, elle laissa ses larmes s’écouler. L'important dans la vie, c'est de participer Dernière édition par Elisha Frost le Lun 3 Juil 2023 - 9:52, édité 2 fois

	## Sam 1 Juil 2023 - 22:42
Personnage ~ ► Âge : 20 ans ► Doubles-comptes ? : Elizabeth ► Rencontres ♫♪ : • Amis : • Ennemis : Elisha Frost Messages : 451 Date d'inscription : 11/11/2018 Age : 25 Emploi/loisirs : En recherche d'emploi	- Je t’en supplie … Arrête de pleurer … S’il te plait … Elisha était à bout. Elle n’avait pas dormi plus d’une heure d'affilée ces 5 derniers jours. Quand sa fille commençait à pleurer - et elle pleurait beaucoup - elle devait à la fois gérer ses besoins, et les émotions qu’elle captait et qui l'atteignaient elle aussi. Comment se faisait-il qu’un bébé puisse souffrir autant ? Et pour couronner le tout, cet afflux ininterrompu épuisait deux fois plus vite la jeune maman. Si elle avait trouvé sa capacité de sensitive très pratique les premiers jours, elle avait rapidement déchanté devant l’ampleur des dégâts. Pourquoi n’arrivait-elle pas à gérer sa fille ? Et pourquoi ne voulait-elle pas cesser de hurler comme ça ? Deux heures de sommeil, c’était vraiment trop demander ? Cela faisait 30 minutes qu’elle parcourait de long en large sa chambre, berçant le nourrisson comme elle pouvait. Si elle restait une seconde de plus avec elle, elle l’enverrait probablement valser contre le mur. Prenant conscience de son état de détresse, Elisha se précipita vers le lit de Shana et y déposa le bébé hurlant en douceur avant de sortir de la pièce en claquant la porte derrière elle. Une fois la porte d’entrée de l’immeuble franchie à son tour, Elisha s’adossa contre le mur, et se laissa lentement glisser jusqu’à s’asseoir sur le sol. Des sanglots secouaient son corps frêle, alors qu’une nouvelle fois ses joues se trouvaient trempées de larmes. Mais à ce stade, elle était incapable de comprendre ce qui la mettait dans cet état. Etait-ce la fatigue ? La tristesse ? L’impression de tout faire de travers et de mettre sa fille en danger ? Le relâchement de la pression qui faisait déborder toutes ses émotions ? La culpabilité de laisser Shana seule dans sa chambre, et de ne pas être présente s’il y avait un problème ? Le manque qui rongeait chaque jour sa patience et sa détermination ? Son cerveau n’était plus capable de faire la différence entre toutes ces émotions. Après quelques minutes de relâchement, Elisha sécha ses yeux. Ces derniers mois, elle ne comptait même plus le nombre de fois où elle avait fini dans cet état. Etait-ce vraiment cela qu’elle était venue chercher à Terrae ? Elle n’était pas certaine de ce qu’elle comptait trouver en venant ici, mais cette situation ne faisait qu’empirer son état mental. Que se passerait-il, alors, si elle n’était plus en état de s’occuper de Shana ? Et s’il lui arrivait malheur par sa simple négligeance, parce qu’elle était une mauvaise mère, accro à toutes les pires saloperies possibles, incapable de faire quoi que ce soit de bien dans sa vie ? Un frisson parcourut son échine. Elle lui avait promis de tout faire pour qu’il ne lui arrive rien … Elle refusait que ce petit être innocent paye pour son incompétence. Suivant le fil de ses pensées, une idée germa dans sa tête. Si elle ne pouvait pas s’en occuper, même avec l’aide d’une assistante sociale … C’est qu’il valait mieux la laisser à quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui saurait faire en sorte qu’elle grandisse en sécurité. Elisha n’avait pas besoin d’y réfléchir plus longtemps. Sa décision était prise. Il fallait qu’elle confie Shana aux services sociaux. Elle pouvait bien essayer de se rassurer en se disant que c’était pour le bien de sa fille, la vérité, c’était qu’elle n’avait pas les épaules pour assumer tout ça. Elle ne les avait jamais eues. Et si elle voulait confier sa fille, c’était surtout pour se débarrasser de ce fardeau. Elisha remonta dans son appartement, et prépara les affaires de Shana. Elle fourra tout ce qu’elle pu dans deux sacs de voyages. Puis elle alla chercher sa fille, qu’elle déposa dans sa poussette. Puisant dans ses dernières ressources, elle usa de son pouvoir pour apaiser le bébé, qui cessa de pleurer pour s’endormir doucement. Alors elle prit la direction du bureau de l’assistante sociale, déterminée à aller jusqu’au bout. L'important dans la vie, c'est de participer

	## Dim 2 Juil 2023 - 21:07
Personnage ~ ► Âge : 20 ans ► Doubles-comptes ? : Elizabeth ► Rencontres ♫♪ : • Amis : • Ennemis : Elisha Frost Messages : 451 Date d'inscription : 11/11/2018 Age : 25 Emploi/loisirs : En recherche d'emploi	Le vieil autobus avançait à une allure modérée, ralenti par les énormes nids de poule qui secouaient tout l’habitacle à chaque fois qu’un pneu se prenait dedans. Affalée sur un siège au fond de l’allée, Elisha jeta un œil inquiet à sa montre. Elle était censée arriver à 19h, mais vu la vitesse à laquelle ils progressaient, elle devrait peut être prévenir qu’elle aurait un peu de retard. Après avoir pianoté un texto rapide sur son écran de téléphone, elle posa sa tête contre la vitre poussiéreuse, contemplant le paysage qui défilait devant ses yeux depuis une bonne heure déjà. Le soleil couchant baignait la savane dans une douce lueur orangée. Elle pouvait presque sentir l’odeur du sable brûlant chatouiller ses narines. Cela faisait si longtemps qu’elle n’était pas revenue en Algérie … Si elle passait tous ses étés ici quand elle était petite, le temps avait éloigné les deux familles, et elle n’avait plus rendu visite à ses grand-parents depuis ses 12 ans. Autant dire depuis une éternité. C’était pourtant le premier endroit auquel elle avait pensé quand elle avait pris la décision de partir de Terrae. Après avoir abandonné son rôle de mère, elle ne parvenait pas à assumer le poids de la culpabilité. Elle était partie moins de deux semaines après, demandant à la directrice de désactiver ses pouvoirs. Elle n’avait même pas pris le temps de dire adieu à ses amis, parce qu’elle savait qu’en les voyant, sa volonté flancherait. Alors elle s’était contentée de mettre ses affaires dans un sac à dos, et de prendre la route de l'aéroport. Même si, en atterrissant à Alger, elle avait tenu à expliquer sa décision dans un message qu’elle avait envoyé à ses plus proches amis. Finalement, l'autobus s’arrêta dans un petit village de campagne. La nuit était tombée depuis longtemps, et la route n’était éclairée que par la lueur de la lune, heureusement pleine ce soir-là. Pourquoi fallait-il que sa grand-mère habite au fin fond de la campagne Algérienne ? Vu la galère que ça avait été pour arriver jusqu’ici … Enfin, vivre un peu loin de l’agitation ne pourrait que lui faire du bien. Ajustant son sac à dos sur ses épaules, elle se mit en route. L'important dans la vie, c'est de participer

	## Lun 3 Juil 2023 - 16:54
Personnage ~ ► Âge : 20 ans ► Doubles-comptes ? : Elizabeth ► Rencontres ♫♪ : • Amis : • Ennemis : Elisha Frost Messages : 451 Date d'inscription : 11/11/2018 Age : 25 Emploi/loisirs : En recherche d'emploi	Elisha frappa trois coups sur la porte. Aussitôt, une petite voix fluette s’éleva de l’autre côté, se faisant de plus en plus forte à mesure que la personne qui en était à l’origine s’approchait pour ouvrir. - Oh, ma chérie ! Te revoilà ! Une petite femme se jeta au coup de la jeune fille, serrant dans ses bras puissant son corps frêle, et couvrant de baiser son visage. - Mon dieu, tu es encore plus maigre qu’avant ! Tu n’as rien mangé pendant ton tour du monde ou quoi ? Allez entre, je vais te servir un de mes bons petits plats. Elisha sourit et suivit sa grand-mère sans protester, sachant bien que résister était vain. Une fois dans la cuisine, elle s’assit sur une petite chaise en paille tandis que la petite femme s’affairait avec ses casseroles. - Alors ma fille, est-ce que tu as trouvé ce que tu cherchais ? - Pas vraiment, Henna … soupira la jeune fille. Je pensais que ça me ferait du bien mais … Je me sentais aussi mal où que je sois. Elle s’attendait à cette question, bien sûr. Quand elle avait annoncé à sa grand-mère qu’elle partait, deux ans auparavant, c’était avec la perspective de se découvrir. De tourner la page. D’oublier ces angoisses qui hantaient ses nuits quoi qu’elle puisse faire. Malheureusement, elle n’avait rien trouvé de tout ça. Tout ce qu’elle avait gagné, c’était un compte en banque à zéro. Bien sûr elle en avait profité pour découvrir d’autres cultures, elle avait travaillé pour prendre des cours dans des studios de danse prestigieux aux quatre coins de la planète, et elle avait beaucoup amélioré ses langues étrangères. Mais ça n’était pas suffisant pour elle. - A quoi ça a servi, tout ça, alors ? demanda sèchement la grand-mère en posant avec fracas une assiette devant Elisha. Tu étais censée arrêter de broyer du noir. Et regarde comment je te retrouve ! Tu n’as que la peau sur les os. - Je suis désolée, Henna … Je pensais vraiment que ça m’aiderait … murmura Elisha en baissant la tête. Aussitôt, la vieille femme se radoucit. - Oh ma chérie … Je m’inquiète juste pour toi, c’est tout. Je vois bien que ça ne va toujours pas. Il est temps de se poser les bonnes questions. Tu as besoin de voir quelqu’un. - Voir quelqu’un ? s’interrogea la brune. - Oui. Un docteur … comment dit-on déjà … Un psychologue. Et puis que tu arrêtes toutes tes bêtises là. Ne me regarde pas avec ces yeux là, tu sais très bien de quoi je parle ! L’alcool, la drogue, c’est n’importe quoi. Quand est-ce que tu vas grandir un peu ? Ses sourcils froncés adressaient un message clair : aucune contestation n’était possible. Pourtant Elisha répondit : - Henna, je suis pas sûre d’y arriver … - Oh si tu vas y arriver, s’empourpra sa grand-mère. Tu crois que c’est en restant les bras ballants que tu vas pouvoir revoir ta fille ? Tu crois qu’ils te reprendront, là bas, si tu restes une loque comme ça toute ta vie ? Il est temps que tu fasses des efforts. Et ça commence par finir ton assiette ! Obéissant aux ordres, la jeune fille enfourna une première fourchette dans sa bouche. Elle n’avait que très peu parlé de Shana avec elle. Mais apparemment, la vieille femme la connaissait peut-être mieux qu’elle ne se connaissait elle même. Parce que dès l’instant où l’espoir de revoir sa fille avait été évoqué, elle avait ressenti un pincement au cœur. Et du courage aussi. C’était peut-être possible, oui, de tout réparer. Elle avait changé depuis qu’elle était partie. Elle avait mûri. Mais Henna avait raison : si elle comptait y retourner, il fallait qu’elle fasse les choses bien. - D’accord, Henna. Je ferai de mon mieux. L'important dans la vie, c'est de participer

	## Lun 3 Juil 2023 - 22:17
Personnage ~ ► Âge : 20 ans ► Doubles-comptes ? : Elizabeth ► Rencontres ♫♪ : • Amis : • Ennemis : Elisha Frost Messages : 451 Date d'inscription : 11/11/2018 Age : 25 Emploi/loisirs : En recherche d'emploi	- Je dois avouer que vos progrès ont été remarquables, mademoiselle Frost. Quand vous êtes arrivée ici, je n’aurais pas parié sur de si bons résultats. Elisha sourit au psychologue qui lui faisait face de toutes ses dents. Bien sûr qu’elle avait fait des efforts. C’était vital pour elle. Il fallait qu’elle aille mieux pour pouvoir retourner à Terrae et formuler sa requête. Car sans ça, elle serait refusée direct. Cependant, si ces résultats étaient si remarquables, c’était probablement parce qu’elle avait compris ce qui était attendu d’elle, et qu’elle répétait des phrases apprises par coeur. - Merci monsieur. Je suis déterminée. Et je pense que je suis en bonne voie pour affronter la vie dehors. Cela faisait 12 semaines qu’elle était dans ce centre de désintoxication. Et cela avait pris plusieurs mois de rendez-vous chez le psy pour obtenir cette place. Maintenant, tout ce dont elle avait besoin, c’était un bout de papier qui attestait des efforts qu’elle avait fourni. Bien sûr, ce séjour lui avait fait beaucoup de bien. Mais au fond d’elle même, elle savait que sa rémission totale aurait nécessité plus de temps. Seulement du temps, elle en avait déjà trop abusé. - Je suis de cet avis aussi. Comment appréhendez-vous le fait d’être soumise à la tentation dehors ? Elle était totalement stressée, bien évidemment. La jeune fille avait vraiment envie d’éviter de replonger. Elle avait vraiment envie d’améliorer sa qualité de vie. Mais le manque sommeillait toujours en elle, prêt à surgir dans un moment de faiblesse. Il lui faudrait beaucoup de courage et de détermination pour continuer sur cette voie. En était-elle seulement capable ? - Je suis sereine, monsieur. Bien sûr, il y aura des moments difficiles, j’y suis préparée. Et les séances que nous avons faites ici, ainsi que les séances réalisées avec mon ancienne psychologue m’ont fait beaucoup de bien. Je me sens apaisée. Elle ponctua sa tirade d’un second sourire forcé, ayant pris soin de réfléchir à chaque mot qu’elle allait prononcer. - En tout cas, je vous suis très reconnaissante de m’avoir permis de dépasser mes faiblesses, et de devenir plus forte. Merci docteur. Vu le rictus qu’il esquissa, il était évident que ce genre de discours le satisfaisait pleinement. Tant mieux. - Et bien mademoiselle, c’est avec plaisir que j’achève ces douze semaines de travail. Vous pourrez rentrer chez vous dès demain. Chez elle … Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas trouvé un endroit qui méritait cette appellation. Même chez sa grand-mère, ce n’était pas tout à fait chez elle. Ce qu’elle espérait par dessus tout, c’était qu’à Terrae, ce sentiment redeviendrait familier. L'important dans la vie, c'est de participer

	## Lun 3 Juil 2023 - 23:13
Personnage ~ ► Âge : 20 ans ► Doubles-comptes ? : Elizabeth ► Rencontres ♫♪ : • Amis : • Ennemis : Elisha Frost Messages : 451 Date d'inscription : 11/11/2018 Age : 25 Emploi/loisirs : En recherche d'emploi	Le cheminement complet de ces deux dernières années s’acheva dans l’esprit d’Elisha. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle avait réussi tout ça. Réussi à surmonter sa peur, à découvrir ce qu’elle souhaitait vraiment. Réussi à vaincre ses addictions et à tout mettre en oeuvre pour se trouver devant cette grille familière. Avec un certain sentiment de fierté, elle actionna la poignée et entrebailla la porte. Elle avait placé tant d’espoirs dans ce moment. Elle ferait tout pour ne pas gâcher sa chance. Tout pour pouvoir connaître sa fille, et la serrer dans ses bras. Et tout pour récupérer sa garde, quoi qu’il puisse lui en coûter. Mais juste avant de faire un pas dans l’enceinte de Terrae, elle saisit son téléphone pour envoyer un dernier message. “Je suis rentrée.” Pour le meilleur. Et pour le pire … L'important dans la vie, c'est de participer

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