__–Ça commence à faire beaucoup de changements d’un coup au bar, alors ça vaudrait le coup d’une petite mise à jour. Quelque chose me dit que ça servira à plusieurs occasions, cette description.
__–Déjà le truc évident, c’est qu’il a toujours pas de nom. Mais maintenant, on a une image de marque. Alors j’ai décidé de capitaliser dessus. J’ai donc acheté un gros néon qui dit LE bar. Et quand je dis gros, c’est parce que c’est marqué en portugais, en anglais, en japonais et en arabe. Ça donne du coup un truc comme ça :


__–Avec un-dessous un plus petit panneau, toujours en néon, qui dit, mais là que en anglais et japonais qu’on sert de la chicha et la Bière Terrae. Quand elle existera. Et franchement, ça fait classe, moi j’dis.
__–J’ai commencé les travaux pour agrandir les locaux, aussi. Pour l’instant ça ressemble juste à des tas de matériaux sous des bâches et un trou dans un des murs de la salle, lui aussi couvert par une bâche, mais ! Ça progresse. À son rythme.
__–Et pendant ce temps, le service continue, hein. Si vous entrez, voilà à quoi ça ressemble : déjà on a deux terrasses couvertes par des parasols de part et d’autre de l’entrée. Une est tout à fait ouverte, les gens consomment tranquille sur des petites tables rondes normales et profitent du soleil. Sur l’autre, on a des paravents un peu hauts et des tables basses, où les narguilés sont disposés.
__–Deux portes en verre triple vitrage qui font sas plus tard, on change pas mal d’ambiance. En hiver il faut chaud, en été… il faut chaud aussi, mais humide en plus. Hé ouais. Tous les murs sont recouverts de plantes grimpantes, y’a des pots couverts de fleurs suspendus un peu partout, des arbustes à chaque coin et contre les quatre colonnes principales et des pots de cactus, orchidées ou autres plantes d’ornement sur chaque table. C’est la jungle. Une jungle très organisée. Y’a quasiment que des essences amazoniennes, que je maintiens en vie déjà par l’espèce de micro-climat, mais aussi par l’injection quasi quotidienne de magie.
__–Et on a le comptoir, avec un beau cuivre, tellement bien lustré qu’on peut s’y voir dedans. Les robinets à bière pression bien sûr, derrière un mur de bouteilles avec toutes nos liqueurs, nos rhums arrangés, nos bières européennes importées qui me coûtent un bras… Et deux tableaux. Sur l’un, des photos de la serre à chicha du bar de Noël où on avait reconstruit une petite serre pour qu’elle se remplisse de la fumée des narguilés, ou de tous les différents événements auxquels on a participé. La photo officielle du président Lula, aussi, parce que quand on a une Brésilienne en patronne c’est obligé. Enfin non, mais quand on a moi comme Brésilienne en patronne c’est obligé. Le badge de la Seconde Guerre mondiale de papy qui j’ai porté lors de l’Opération Thémis, aussi. Des souvenirs, quoi. Et sur l’autre tableau, deux colonnes : les indésirables, interdits de service (pour leur propre bien…) et les clients privilégiés, qui consomment à l’œil. Pour l’instant y’a que trois noms : Ipiu Raspberry dans la première, son fils Aylan Raspberry et Camil Andrews dans la seconde.
__–Et moi au comptoir, sur ma chaise de gamer. Ben ouais, c’est ça le problème quand on a pris une balle dans la jambe, la station debout c’est plus trop trop mon truc.

Après avoir exploré une partie de Terrae en compagnie d'Agate et d'Aéna, Svea ressentait une vive curiosité quant aux autres recoins que cet endroit avait à lui offrir. Parmi ceux-ci, un lieu semblait particulièrement susciter l'intérêt des habitants : LE bar.

En temps normal, Svea ne fréquentait pas vraiment ce genre d'établissement. Non pas qu'elle n'appréciait pas les bars, mais elle ne s'était jamais réellement accordé le temps de s'y détendre. Bien sûr, elle avait déjà rejoint des amis pour quelques verres de temps à autre, avant de quitter prématurément la soirée sous prétexte qu'elle avait des travaux universitaires à terminer.

Aujourd'hui aussi, elle avait hésité à venir. Mais, à sa grande surprise, elle avait terminé une dissertation plus rapidement que prévu et se retrouvait, fait rarissime, avec du temps libre à sa disposition. Beaucoup de temps libre.

En outre, ce bar n'était pas comme les autres. Selon les rumeurs qui circulaient, c'était un lieu envahi de plantes en tout genre, où régnait un climat de jungle artificiel, créé par la propriétaire des lieux. Cette perspective l'excitait beaucoup.

En arrivant sur place, Svea réalisa que le lieu surpassait toutes ses attentes. C'était une véritable jungle. Pas seulement un essai maladroit ou une prétention sans substance simplement parce qu'il y avait quelques plantes dispersées. Pas non plus comme ces boutiques à la mode qui tentaient de se distinguer en garnissant leur intérieur de plantes exotiques sans avoir la moindre idée de leur entretien, de leur nutrition ou du climat approprié.

Non, la personne qui avait conçu cela l'avait fait avec un soin et une compétence indéniables.

Svea avança à travers le bar, admirant la variété des plantes qui encombraient l'espace, mais sans jamais le rendre étouffant. Des lianes tombaient du plafond, des fougères et des buissons luxuriants poussaient à partir du sol, et une multitude de fleurs aux couleurs vives parsemaient l'endroit, leur parfum subtil se mêlant à l'odeur fraîche et humide de la terre.

Avec les yeux brillants, elle s'approcha du comptoir derrière lequel se trouvait la barmaid (et, d'après la description qu'on lui en avait donnée, créatrice de ce merveilleux lieu).

“C’est vraiment magnifique ici”

Elle avait hésité quelques secondes, consciente qu'elle se trouvait dans un bar et non perdue au milieu de la nature et qu'il lui fallait commander quelque chose. Cependant, elle n'était pas très connaisseuse en matière d'alcool et n'avait pas l'habitude d'en consommer. Habituellement, elle se contentait de commander la même chose que ses camarades.

"Je prendrais... euh...," elle commença, avant de se taire, ses yeux dérivant sur les rangées de bouteilles derrière le comptoir. Elle se sentit un peu dépassée par la variété des choix.

"En fait, je ne suis pas vraiment sûre," admit-elle finalement. "Aurais-tu quelque chose à me recommander ?"

__–Ah tiens, une cliente.
__–Enfin, normal dans un bar, ça va ça vient, mais si je la remarque elle en particulier, c’est pour deux raisons. Déjà parce que sinon, y’a pas de RP, ensuite parce qu’elle a l’air plus intéressée par les plantes partout que par boire un coup. Aussi parce que j’ai jamais vu sa tête, alors que tout Terrae passe devant mon cuivre un moment ou un autre.
__–Ok, trois raisons : elle va me parler directement.
__–« Merci, ça fait plaisir de rencontrer une admiratrice. »
__–Et yep, elle est clairement pas là pour le doré de mes bières, plutôt pour le vert de mes plantes.
__–« Hm, laisse-moi réfléchir… »
__–Je la regarde, à moitié distraitement, à moitié avec grand intérêt. C’est le moment pour de la psycholuna de comptoir. Européenne ça c’est sûr, elle a un accent et une tête en général qui fait pas mal nord. Allemande, peut-être ? Quoi qu’il en soit, si elle est du nord, elle a eu de la bière dès le biberon, y’a des chances. Vu son âge, début de vingtaine, et ses manières, son maintien, ses sapes, tout ça, étudiante, jeune cadre peut-être ? En tout cas, habituée à un certain niveau, quoi. Et vu qu’elle hésite, sait pas quoi prendre alors que y’a la carte en gros et en plusieurs langues sous ses yeux, pas une habituée des bars. Mais commande et demande pas un sans alcool direct, donc peut boire sans problèmes.
__–« Hm, écoute, si tu veux rester dans le thème, y’a nos rhums arrangés maison. À part la canne à sucre, j’ai tout fait pousser moi-même. »
__–Je lui montre une étagère derrière moi, couverte de bouteilles sans marques, colorées, avec à l’intérieur des tranches de fruit, des fleurs, des herbes… Ça c’est typiquement le genre de boissons qui se vend un peu hors de prix dans un bar normal, mais ce sont mes fiertés, j’ai envie que tout le monde les goûte, pas de faire un max de profit avec. Ils sont assez abordables.
__–« Après j’ai une belle collec’ de bières européennes. Voilà notre sélection du moment. »
__–Pour garantir de la variété mais parce que quand on en importe les prix sont dégressifs, à part celles qui partent le plus, je fais des rotations. Basiquement, j’achète une cargaison d’une dizaine de différentes, qui dure en général un mois, puis quand elle est épuisée j’en prends des marques différentes.
__–« J’ai aussi du vin, mais comme il part moins, j’ai une carte moins fournie. »
__–En même temps, le cœur de cible de cette boissons, à savoir les femmes mariées blanches entre quarante et cinquante ans qui vivent en banlieue et sont femmes au foyer ou ont un taf soit à l’hôpital soit dans une animalerie, et les Français, on en a pas tant que ça, à Terrae.
__–« Et puis bien sûr, tous les alcools plus costauds, les liqueurs, les digestifs, puis tout le sans alcool… T’sais quoi, comme je sens que t’as pleiiiiin de questions à m’poser sur mon écosystème là, si tu prends un rhum je te rejoins. »

Svea adressa un sourire sincère à Luna tout en écoutant attentivement les suggestions de boissons. Le choix était vaste, et même si elle connaissait le nom de bon nombre d'entre elles, la pratique en matière de dégustation lui faisait défaut.

Elle n'était pas quelqu'un de particulièrement exigeant lorsqu'il s'agissait de nourriture ou de boisson, mais elle avait certaines préférences et quelques réticences. Elle évitait généralement les boissons trop sucrée, car elles avaient tendance à aggraver ses maux de tête occasionnels.

La bière, par exemple, avait souvent une saveur amère, ce qui n'était pas nécessairement un problème pour elle. Cependant, les boisson à bulles n'étaient pas sa tasse de thé, et elle avait entendu dire que cette boisson avait souvent pour effet de solliciter fréquemment la vessie.

Le rhum arrangé lui était relativement inconnu. Elle se souvenait avoir goûté du rhum uniquement dans des cocktails, donc son goût pur restait un mystère. C'était une boisson appréciée de beaucoup, et cela éveillait sa curiosité.

Quant au vin, même sa simple évocation suffisait à lui faire tourner la tête. Elle n'avait jamais vraiment apprécié le vin, et rien que son odeur avait tendance à la mettre mal à l'aise. Elle fit un signe de refus discret à Luna lorsque cette dernière mentionna le vin, indiquant clairement que ce n'était pas une option pour elle.

Svea, poussée par la curiosité et la recommandation de Luna, se décida enfin. Son choix s'arrêta sur une bouteille intrigante parmi les nombreux rhums arrangés alignés derrière le bar. "Je vais essayer un de tes rhums maison alors, celui-ci m'attire", dit-elle en pointant une bouteille aux teintes chatoyantes, dans laquelle flottaient diverses baies.

Elle ne pouvait pas distinguer toutes les ingrédients à l'intérieur, mais quelque chose dans la manière dont les couleurs se mariaient et dans la promesse d'une saveur unique l'attirait. Les baies, de diverses tailles et teintes, étaient suspendues dans le liquide ambré, créant un spectacle captivant. C'était comme une potion magique prête à dévoiler ses secrets.

Alors que Luna s'affairait à préparer les boissons, le regard de Svea fut capturé par une plante insolite qui s'étalait depuis une poutre en surplomb. Ses feuilles pendantes d'un vert luxuriant s'étendaient avec une étonnante élégance, se balançant doucement avec le léger mouvement de l'air du bar. La plante, clairement exotique, n'était pas originaire de la région, ce qui piquait d'autant plus la curiosité de Svea.

Elle observa attentivement la richesse des détails : les feuilles, d'une teinte de vert lumineuse, présentaient des bords légèrement dentelés. Leurs surfaces étaient veinées d'un motif délicat qui semblait danser sous la lumière tamisée du bar. La façon dont les feuilles étaient agencées sur la tige, alternant en spirale, rappelait certains motifs qu'elle avait déjà vus, mais elle ne parvenait pas à mettre un nom sur cette espèce particulière.

Immergée dans ses réflexions, Svea caressa doucement l'une des feuilles, en prenant soin de ne pas l'endommager. Elle essayait de faire correspondre l'apparence de la plante avec les nombreuses images mémorisées de ses lectures passées. Chaque détail, chaque nuance de couleur, chaque texture l'incitait à plonger profondément dans sa mémoire à la recherche d'une correspondance, d'une identification.

"C’est vraiment beau ce que tu as fait ici. Comment t'y es-tu prise? Tout est fait manuellement ou... ?" Svea s'aventurait sur un terrain qui lui était encore inconnu. Elle n'était pas vraiment à l'aise avec la manière de discuter des dons de ceux qui résidaient à Terrae. Elle marqua une hésitation, cherchant les mots appropriés, craignant d'en dire trop ou pas assez. Elle laissa sa phrase en suspens, un regard légèrement incertain, espérant que son interlocutrice puisse lui offrir  une ouverture pour éclairer son ignorance.

__–« Alleeeez, deux rhums fraise des bois, avec juste quelques groseilles, pour l’acidité. Excellent choix. »
__–Je sors deux verres, attrape la bouteille et nous sers. Puis tchin, hein.
__–Enfin, c’est si elle arrive à se concentrer sur le verre ! Là, son attention est plutôt… sur le vert. Hm. Oh, qu’on se méprenne pas, j’aime beaucoup la voir aussi attentive et intéressée.
__–« Ben écoute t’sais quoi, j’vais te faire la visite. Comme ça, je pourrai répondre à toutes tes questions et te faire culpabiliser de faire marcher une pauvre petite infirme. »
__–Nan ça va, je déconne. 1m70 c’est pas petit.
__–« Au fait, je m’appelle Luna. Et toi ? »
__–Sur ce, je me lève, attrape ma canne, mon verre et c’est parti pour le p’tit tour.
__–« Alors, celle-là, qui a attiré ton attention, c’est une yagé. Une petite, hein. Les Amérindiens s’en servent pour faire d’ayahuasca, je sais pas si tu connais ? Super défonce, ce truc. Mieux que le LSD et vaaaachement moins nocif. »
__–Hm, quelque chose me dit qu’elle est pas là pour parler de quoi faire avec ces plantes.
__–« Après, c’est… J’imagine que, pour une biologiste, c’est compliqué à comprendre parce que, basiquement, c’est magique. J’veux dire, je suis des cours de bio par correspondance, mais y’a certains trucs qui s’appliquent pas forcément. Manuellement, ouais, si on veut. Bah tiens, tu sais quoi, je vais te montrer, ce sera encore le plus simple. Tiens-moi ça steup. »
__–Je bois une gorgée de mon verre et lui passe, puis m’approche d’une orchidée que j’ai repérée de loin comme un peu fatiguée. Je la frôle avec mes doigts en métal, constate son état. Boh. Ça va, quoi. Alors, je fais passer un peu de magie dans mon bras, qui remonte le long des plantes qui me servent de muscles et finit par toucher la petite fleur. Elle se redresse, ses feuilles redeviennent bien droites et fermes, de nouveaux pétales poussent.
__–« Voilà à quoi ça ressemble, basiquement. Mais attends, ’faut que t’aies le droit à toute la démo. Hm… »
__–Je cherche dans mes poches… Ah ouais, celui-là, parfait. Je sors quatre noyaux de litchi et les lui montre. Ils se recouvrent d’un film transparent, fin, qui s’épaissit, jusqu’à devenir une belle chair, puis qui se recouvre de son enveloppe bien rose. J’en file deux à Svea.
__–« Tiens, ils devraient être pas mal. »

Svea prit une inspiration profonde, laissant le parfum de son verre chatouiller ses narines. C'était agréable, bien que légèrement fort. Elle s'accorda une brève dégustation, trempant à peine ses lèvres dans le liquide.

"Oh... Je ne m'attendais pas vraiment à...", commença-t-elle, la rougeur envahissant ses joues.

Heureusement, Luna semblait trop occupée pour remarquer son embarras. "Je m'appelle Svea. C'est un très joli prénom, Luna."

Tout en suivant la barmaid, Svea tentait de saisir tout ce qu'elle lui racontait. Ayahu... comment déjà ? Bien qu'elle fût familière avec les terminologies botaniques complexes, elle n'avait jamais vraiment expérimenté les propriétés "médicinales" des plantes.

"Oh, j’ai le droit à une démonstration ?!"

Ce qui suivit l'émerveilla. Une fleur qui retrouvait sa vigueur, des noyaux de litchi qui se reformaient... Elle ne put s'empêcher de prendre les litchis nouvellement formés dans ses mains, les examinant avec admiration. Elle en goûta un, les yeux brillants de surprise.

"C'est incroyable, on dirait vraiment un vrai," s'exclama-t-elle. Puis, réalisant l'ambiguïté de ses propos, elle ajouta précipitamment, "Je veux dire, comme ceux que l'on trouve à l'état sauvage. C'est... c'est vraiment fascinant. J'aimerais tant pouvoir faire quelque chose comme ça."

Cherchant à détourner l'attention de son malaise, elle décida de boire une gorgée de son verre. La force du breuvage la fit tousser, mais elle se reprit rapidement. "C'est vraiment délicieux, même si c'est un peu fort."

Svea avait le regard pétillant, chaque parole de Luna ouvrait la porte à une multitude d'autres interrogations. La démonstration qu'elle venait de voir avait encore renforcé sa curiosité.

"Ce que tu fais avec tes mains, est-ce que c’est compliqué ?", commença-t-elle, cherchant les mots justes, "Ou ça vient naturellement ?"

__–C’est joli comme prénom. Hm. Je sais pas si c’est légal de dire des trucs comme ça et de ne pas partir du principe qu’on drague. ’faudrait que je vérifie. Nan mais, sinon… Oh, quoi, je vais me tenir, mais si, je vous assure. Je vais essayer. Essayer très très fort.
__–« J’peux te faire la démo de plein de trucs, ouais. »
__–Bon au moins ça reste suffisamment peu clair pour que je ne passe pas pour une grosse dégénérée tout de suite.
__–Hihihi c’est trop bien de voir cet émerveillement dans les yeux des novices, par contre. Je m’en lasse jamais.
__–« Hé, tu pourrais bien. Si t’es pas Terre, je pourrai te filer des cristaux et t’apprendre à maîtriser mon affinité. Des trucs comme ça. »
__–Je sors une pile marron, translucide, de ma poche et lui montre.
__–« C’est un de mes cristaux. Tu peux le toucher, tu sauras pas l’activer, t’façons. C’est, grosso-modo, de la magie solide. Plutôt pratique. Et contente que t’aimes bien. »
__–Le litchi, la démo, la boisson, le bar, ma gueule, j’en sais rien, mis ça s’applique à ce qu’elle veut, dans tous les cas ça marche.
__–« Mes mains… Ouais non on va pas faire le coup du bras robot, la pauvre, p’têtre attendre la deuxième fois qu’on se voit avant de la mettre mal à l’aise avec mes blagues d’infirme de merde. En soi, projeter sa magie, nan, c’est pas compliqué, surtout à mon niveau, je commence à avoir pas mal de bouteille. Puis là, ce que je t’ai montré, ça me demande pas tellement de concentration, ce sont des trucs que je fais tout le temps, c’est comme conduire, tu fais même plus attention, ce sont des automatismes. Mais bon, ’faut pas mal de pratique pour en arriver là et j’essaie toujours de me surprendre, de faire des trucs différents. Quand tu seras initiée, tu vas vite capter que, bah, t’as juste à le vouloir pour que ta magie s’active. Ce qui va être vraiment emmerdant, c’est le contrôle. Mais ça dépend pas mal du pouvoir. S’tu veux, je suis Terre titanide, ça veut dire super force et tout, quoi. Au début, si je me laissais aller, ça devenait vite le sbeul… »
__–Je repense un instant à ces fois où je m’endormais à côté de mes plantes parce que j’étais une méga clodo de ses morts et que au réveil, je devais tailler les herbes qui m’étaient poussé tout autour. Depuis, j’ai réappris le concept de la douche, vous en faites pas.
__–« Mais ça peut toujours être pire. Les télépathes, par exemple, pour eux c’est chaud, ils doivent apprendre à couper leur pouvoir, mais il se coupe jamais vraiment. Ou les téléporteurs, qui contrôlent pas toujours où lis arrivent. »

Svea tendit doucement la main vers le cristal, intriguée et un peu hésitante. Elle avait entendu parler de la magie sous forme solide, mais l'idée lui paraissait encore abstraite, presque irréelle. Le cristal devant elle ne ressemblait à rien de ce qu'elle connaissait.

“Alors, grâce à ceci, n'importe qui pourrait utiliser le même type de magie que toi, même s'ils n'ont pas la bonne, euh... affinité, c'est bien cela ?” demanda-t-elle, sa curiosité piquée.

Les yeux de Svea s'illuminèrent d'un éclat nouveau. Depuis qu'elle avait appris qu'elle pourrait posséder des pouvoirs liés à un élément, elle appréhendait ce moment. L'idée de manipuler le feu ou l'électricité lui était particulièrement redoutable. Ces éléments, dans son esprit, étaient synonymes de destruction, à l'opposé de ce qu'elle souhaitait incarner.

“Mais est-il possible pour quelqu'un sans cette affinité d'utiliser cette magie régulièrement, de ne se servir que de cela ? Est-ce compliqué à fabriquer ?” s'enquit-elle, envisageant les implications d'une telle capacité.

La perspective de maîtriser la magie semblait presque irréelle pour Svea. Elle peinait à croire qu'elle pourrait un jour y parvenir, sans parler de la maîtriser. Mais si, comme Luna le suggérait, il s'agissait d'une question de pratique et d'entraînement, alors Svea était prête à relever le défi. Elle avait toujours eu cette capacité à se concentrer pendant des heures sur une tâche, à répéter inlassablement un exercice jusqu'à ce qu'elle l'exécute à la perfection.

Svea comprenait bien que l'apprentissage et la maîtrise de n'importe quelle compétence ne se faisaient pas en un jour. Peu importe le nombre d'heures investies, il fallait du temps, de la patience et une grande rigueur. Pour elle, qui aimait avoir le contrôle, l'idée que les pouvoirs puissent être instables au début représentait un défi de taille.

“Alors, cela signifie que je pourrais... blesser quelqu'un accidentellement au début ? Est-ce qu'il serait prudent de m'isoler pour être sûre de ne faire de mal à personne ?” s'inquiéta-t-elle.

L'idée de vivre à proximité des autres tout en risquant de les blesser, voire pire, lui était insupportable. Elle se demandait s'il existait des espaces dédiés à ceux qui découvraient leur magie, des lieux où ils pourraient s'exercer sans danger pour eux-mêmes ou pour autrui.

Peut-être, pensait-elle, l'institut Terrae offrait-il de telles zones, des espaces spécialement conçus pour que les novices puissent explorer et maîtriser leurs pouvoirs en toute sécurité. Elle espérait qu'il y aurait des mesures de sécurité en place, des guides ou des mentors pour accompagner les étudiants dans cette phase cruciale d'apprentissage.

Svea, consciente de l'avalanche de questions qu'elle avait posées, se tourna vers son interlocuteur avec une expression empreinte de remords. "Je suis désolée, je te pose beaucoup de questions que je pourrais poser à un professeur. Tu n'es pas là pour ça. J'espère que je ne te dérange pas." s'excusa-t-elle poliment en finissant son verre avec une légère grimace.

__–« N’importe qui, hm… »
__–Alors. Non, parce que seules les personnes qui ont déjà de la magie en eux peuvent. Mais oui, parce que le Centre est en train de développer des technos pour transformer les cristaux en armes. Donc…
__–« Pas tout à fait. Enfin, en principe, il faut un lien spécial avec la personne qui a fait le cristal. Si tu veux, c’est comme… Ah bah tiens. Ceux qui alimentent mon bras, là. »
__–Les trois bonnes grosses barres jaunes qu’on voit dedans.
__–« Ça, ce sont des cristaux Tonnerre, faits par un pote, qu’il a fait pour moi, avec une intention spéciale, tu vois ? Du coup, en principe… je crois… en fait j’en sais trop rien c’est pas clair, n’importe qui peut les utiliser, mais, euh… »
__–Ouais non mais, c’est trop le bordel ces histoires de cristaux, on y comprend rien.
__–« Bon, j’vais faire simple : c’est compliqué. »
__–Ouaouh.
__–« Tu demanderas à la dirlo quand tu seras initiée. »
__–Et question suivante. On ne va pas lui mentir, hein :
__–« Tu pourrais complètement. Après, on te placera un sceau de contrôle, du coup, tu ne pourras pas non plus faire des dégâts trop gros. Et ta puissance magique est directement liée à ton contrôle. Donc ouais, mettons t’es Feu, au début tu fais un peu nimp, mais au pire quoi, t’es un briquet sur pattes, pas un lance-flammes, donc c’est gérable. Puis, quand tu pourras effectivement balancer des énormes flammes de la mort, ben là, tu pourras les arrêter quand tu veux. »
__–Et effectivement, elle pourrait complètement les poser à un master. Pas tellement parce que ça me fait chier de lui répondre… mais parce que ce serait pas mal qu’elle ait des réponses qui lui servent à quelque chose !
__–« Naaaan, t’inquiètes. T’sais, y’a tout l’Institut qui passe devant mon comptoir un moment où un autre, donc tous les novices. J’ai l’habitude d’être le premier contact de pas mal d’entre eux. ’faudrait que je distribue genre… des guides à l’usage des nouveaux… Hm. À réfléchir. Bref. Je te montre autre chose ? »

Submergée par le flot d'informations échangées, Svea ne fit qu'acquiescer poliment aux réponses de Luna. Elle brûlait d'envie de poser encore des centaines de questions, curieuse de tout ce que Luna pouvait lui apprendre, mais elle craignait de paraître trop insistante lors de leur première rencontre. Après tout, Luna semblait sympathique et abordable, et Svea ne voulait pas risquer de la repousser par un excès de zèle. C'était crucial pour elle de bien démarrer cette nouvelle étape de sa vie à Terrae; elle devait apprendre à socialiser, à s'intéresser aux gens pour ce qu'ils étaient et non juste pour les informations qu'ils pouvaient fournir.

Toutefois, pour vraiment se détendre et peut-être s'ouvrir davantage, elle ressentait le besoin d'un petit coup de pouce.

“Euh... et bien, je prendrais bien un autre verre,” dit-elle d'une voix légèrement hésitante.

Ce n'était pas dans ses habitudes de se laisser aller à l'imprudence — ce type de comportement était rare chez elle. Mais elle se disait que, parfois, de petites folies étaient nécessaires pour embrasser pleinement une nouvelle vie et toutes les découvertes qu'elle comportait. Un autre verre pourrait l'aider à se libérer un peu plus, à abaisser les barrières qu'elle avait habituellement en place, et à véritablement connecter avec Luna.

"Et, j'aimerais savoir, ça s'est passé comment pour toi quand tu as commencé à avoir ta magie ?"

Cette interrogation servait un double objectif. D'une part, elle satisferait la soif de connaissances qui était si caractéristique de Svea ; elle était toujours avide d'en apprendre plus. D'autre part, et peut-être plus crucial, cela lui donnerait un aperçu plus intime de la vie de Luna. Svea avait compris que les gens apprécient généralement de parler d'eux-mêmes, et elle savait que l'écoute était une clé pour renforcer les relations. En invitant Luna à partager ses propres expériences, elle espérait non seulement enrichir sa compréhension mais aussi démontrer son intérêt et son respect