Fai voulait pas la poussette aujourd'hui. Bon, en même temps, il commence à être un peu grand pour la poussette quand on va se promener juste au bord du lac.

Je l'ai bien habillé quand même. Il fait pas si chaud, et non trésor, c'est pas parce que Papa se balade en veste en cuir ouverte que tu as le droit de pas mettre de manteau. Déjà, parce que ta mère me truciderais et ensuite parce que moi aussi je tiens à ta santé. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Quand tu seras assez grand pour contrôler tes flammèches, tu auras le droit de sortir sans manteau en plein mois de Février. Pas avant.

Bref. Mon petit monstre boude parce que je l'ai obligé à mettre son manteau mais il voulait quand même aller se promener. Donc on se promène. Mais il boude. Ce qui veut dire qu'il regarde partout sauf vers moi et qu'il grommelle dans son mélange de japonais et de langage bébé qu'il utilise quand il veut pas me parler. Je te comprends quand même, petit malin. C'est pas parce que tu parles pas anglais que je sais pas ce que tu dis. Mon fils est mal élevé, quelle vie.

En attendant, je le trouve trop mignon quand il est comme ça donc je le prend en photo dès qu'il tourne la tête pour vérifier que je suis encore là.

Il aperçois quelqu'un en train de dessiner sur ses genoux au bord du lac et pousse un petit cri tout excité avant de débouler vers la personne. Il demande même pas et commence à grimper sur ses genoux pour voir le carnet et je soupire.

— Fai, descend ! On grimpe pas sur les gens qu'on connait pas comme ça.

Je grimace et attrape le petit monstre dans mes bras en espérant qu'il a pas ruiné le dessin.

— Vraiment désolé, j'espère qu'il t'a pas fait bouger.

Fai grommelle et gigote pour que je le repose. Je resserre un peu ma prise et le force à me regarder.

— Excuse toi, jeune homme. C'est pas poli de sauter sur les gens quand ils font déjà quelque chose.
— Pardon, il grogne, plein de mauvaise volonté. Veux voir dessin !

Après une nuit agitée, je me réveillai avec une envie de dessiner pire qu'une plaque d’eczéma. Bon gré mal gré, je me tire du lit avec un grognement. Une petite douche plus tard, j'ai monté mes cheveux en chignon et j'enfile un jean large lilas avec des renforts aux genoux et les poches jaune poussin. C'est un pantalon déjà tâché de peinture, avec des traces indélébiles d'herbe aux fesses. Bref il est déjà pourri donc je ne risque pas grand chose avec. Pour compléter, j'enfile un t-shirt à manches courtes blanc. Et bien sûr par dessus, ma veste en jean pastel multicolore. Ma paire de converses défoncées enfilée, j'attrape ma sacoche et me mets en chemin.

En marchant j'essaie donc de me décider sur l'endroit où je vais peindre... Et j'opte pour le lac. Un paysage paisible me permettra de me débarrasser de ce sentiment de danger imminent et d'angoisse qui m'enserre la poitrine à cause de la nuit. Ça faisait longtemps que je n'avais plus rêvé des traitements que m'infligeait mon père... Plus depuis mon arrivée à Terrae en fait. Pourquoi ça refaisait surface maintenant ? Bonne question. Je n'ai même pas pensé à manger un bout avant de partir. Enfin, ce n'est pas la fin du monde vu que 50% du contenu de ma besace est constitué de snacks divers et variés.

J'arrive enfin au lac. L'eau est lisse et le paysage est juste ce qu'il me faut pour m'apaiser. Je sens déjà que je respire un peu mieux. Le ciel est magnifique, avec de gros nuages tout en courbes semblables à de la barbe à papa. Je me pose donc à genoux dans l'herbe et sors un grand carnet. Je crois que pour une fois je vais rester aux crayons de couleur et aux pastels secs. Ça me fera un entraînement. Ni une ni deux j'étale mes boîtes dans l'herbe et commence à dessiner.

Je ne sais pas combien de temps je passe assis ici en changeant parfois de position, mais je suis soudain tiré de ma transe artistique par une petite bouille qui me grimpe littéralement sur les genoux. Une voix masculine le réprimande et soudain, l'enfant s'envole de mes jambes à mon plus grand regret. Le père, enfin je pense que ça doit être lui, s'excuse. Et après quelques mots, le petit s'excuse aussi, et réclame de voir mon dessin. Adorable, je fonds...

- Y'a pas de mal, vous en faites pas ! Tiens bonhomme, regarde.

Je me lève et tends mon carnet pour que le petit puisse voir. Le dessin est bien avancé, les nuages paraissent presque bouger sur le papier. Il ne manque que quelques reflets sur le lac et j'en serais satisfait.

- Comment tu t'appelles ? Moi c'est Camil !

J'engage la conversation avec le bout de chou sans pression, mais je souris au père pour lui montrer que je ne le snobe pas pour autant.

Je souris un peu au gars qui est toujours assis dans l'herbe avec tout son attirail étalé autour de lui. Je vois des crayons de couleur et des pastels. Il a une bonne dégaine d'artiste avec son jean taché et ses cheveux longs.

Fai gigote encore dans mes bras et je roule des yeux. Crapule, va. Il se lève pour montrer son dessin à Fai qui agite les mains comme s'il voulait attraper le papier. Je souris en coin et le recale un peu dans mes bras.

— Joli ! Papa, joli !
— Oui, c'est un beau dessin.

Fai acquiesce vigoureusement. C'est vrai que c'est un beau dessin, il a du talent, ce gars. Il se présente en s'adressant à Fai et je souris. En voilà un qui sait y faire avec les gosses. Fai lui fait un grand sourire et pose sa petite main sur sa poitrine.

— Fai ! Mon Papa c'est Huo !

Pas timide pour un sou, hein. P'tit charmeur, va. Il est encore à l'âge où on lui passe tout parce qu'il est trop mignon. Il va être une terreur quand il commencera l'école, je le sais.

— Tu viens souvent dessiner ici ? Je crois pas qu'on se soit déjà croisés.

Ouais, j'suis curieux. On se balade souvent vers le lac depuis que monsieur est tout petit et qu'il mettait le feu à ses fringues de façon spontanée. Si vous aviez idée du budget fringues qui passe dans un bébé avec un parent Master Feu, croyez moi vous aussi vous seriez content d'avoir une famille étendue qui vous offre trop de trucs pour le bébé.

Je détaille un peu plus Camil et fronce les sourcils. Sa tête me dit un truc, j'ai dû le voir récemment. Peut-être pour son Initiation. Son énergie me dit qu'il est Tonnerre, et pas depuis longtemps.

— Tu es à Terrae depuis longtemps ?

Le petit bout et son papa complimentent mon dessin, et j'avoue que ça me fait très plaisir. En fait, depuis qu'ils sont arrivés, je me sens mieux. Les enfants ont cet effet sur moi ! J'attrape un pastel sec et trace rapidement les reflets sur l'eau de mon dessin, puis les estompe avec mon doigt. Je n'ai pas mon spray fixateur sur moi, mais ce n'est pas bien grave. Le petit se présente, et me présente son papa. Fai et Huo, donc. Puis Huo enchaîne en me posant une question.

- J'ai tendance à vagabonder dans le coin, entre la forêt, le champs de fleurs et ici. Je réponds poliment.

J'ai une vague impression de déjà-vu en regardant le visage aux yeux bleus de l'homme. Il est à peu près de la même taille que moi d'ailleurs. Plutôt pratique pour discuter.

- Non, c'est encore assez récent, je suis arrivé vers octobre, il me semble. C'était un peu sur un coup de tête, mais je ne regrette pas.

C'est une réponse honnête. Je suis vraiment content d'être venu. Ma mère me manque un peu et j'ai parfois peur qu'elle ne s'en sortes pas seule sans moi, mais à chaque appel elle me rassure et c'est reparti. Résultat, je suis toujours là et j'ai hérité de pouvoirs que je me refuse encore d'utiliser à part en cas d'obligation, pour éviter des blessures idiotes. Je souris en voyant l'enfant s'agiter dans les bras de son père.

- Tiens Fai. Je te donne mon dessin. Tu en prendras soin ? Je dis en lui tendant mon œuvre.

Je dessine tellement que la plupart finissent soit à la poubelle, soit ne revoient jamais la lumière du jour, rangés dans des pochettes. Au moins celui-ci fera un heureux.

- Et vous, vous êtes là depuis longtemps ? Je demande ensuite à Huo.

Il a l'air plus âgé que moi, alors j'ai naturellement adopté le vouvoiement. Et dire qu'il y a encore quelques mois je tutoyais mes élèves... C'est le désavantage d'avoir le même âge qu'eux, on fait ami-ami rapidement. Mais j'ai été élevé pour respecter les aînés, et les vouvoyer automatiquement. Donc à moins qu'il me dise de le tutoyer, je lui sers du "vous".

J'incline la tête en l'écoutant pour essayer de remettre sa bouille mais ça revient pas. En même temps on voit passer tellement de monde en salle des Masters et je fais pas toutes les initiations. Ou alors je l'ai déjà croisé vers ici sans faire attention.

— Oh, ouais récent alors. C'est cool que tu te plaises à Terrae.

Au moins il a l'air pas trop paumé. Moins que moi quand je suis arrivé c'est sur. Je devais avoir environ son âge maintenant que j'y pense. Ça me fait bizarre d'y repenser.

Je repose Fai par terre et il couine de joie quand Camil lui tend son dessin. Il le prend et le serre contre lui et je grimace. Il va se mettre du pastel partout sur son manteau. Je m'accroupis et prend les poignets de mon fils pour les éloigner un peu et regarder le dessin. Et évaluer les dégâts. Bon bah le manteau fera un tour dans la machine ce soir, hein. Il a l'habitude.

— On dit quoi, trésor ?
— Merci !

Au moins il est poli, mon fils. J'acquiesce avec un sourire et Fai trébuche un peu vers Camil pour faire un câlin à ses jambes. Je rigole et ébouriffe la tignasse rousse de Fai.

— Ohla, tu peux me tutoyer quand même. J'suis pas si vieux. Et je suis là depuis… Tu sais quoi, je pense que ça doit faire plus de dix ans maintenant.

Dix ans… Putain, je les ai pas vu passer. Un jour vous êtes une tête brûlée qui essaye de mettre du sens dans sa vie et le lendemain vous êtes Master avec des responsabilités, une fiancée et un fils de 2 ans.

— Oh, j'ai pas précisé que j'étais Master. J'oublie toujours que des fois les nouveaux nous connaissent pas tous.
— Papa il est fort !

Je rigole et attrape Fai pour le faire sauter dans mes bras et il crie de joie en serrant son dessin dans ses mains pour pas le laisser tomber.

— Plus fort que toi, p'tit monstre, c'est sur. Si tu as des questions sur tes pouvoirs, hésite pas à t'adresser en salle des Masters d'ailleurs. J'suis Feu mais y a toujours quelqu'un pour aider.

Aïe, je n'avais pas prévu que Fai serre le dessin contre lui... Ses vêtements sont tout tâchés. Heureusement que c'est du pastel sec. Ça s'enlève assez facilement à l'eau. Je craque complètement quand l'enfant me dit merci et roucoule un "de rien p'tit bout" digne d'une tourterelle. Et le voilà qui s'accroche à ma jambe. Je lui fais une grand sourire tout fondu, tout attendri. Argh, je veux le kidnapper. Enfin, non, pas le kidnapper. Je suis pas ce genre de personne. Mais si on me demande, j'en veux quinze dans la même gamme !

Ah bon bah voilà, je peux le tutoyer. Par contre dix ans ! Je ne pensais même pas que Terrae existait depuis aussi longtemps. C'est impressionnant, mais d'un autre côté j'ai en face de moi un homme qui doit avoir la trentaine, avec un enfant. Et c'est un Master. Ok, je comprends mieux les dix ans d'ancienneté. C'est peut-être pour ça que j'ai une vague impression de le connaître. Ou alors c'est juste une impression. Fai rajoute avec fierté que son papa est fort. Je le regarde rire quand Huo le prend dans ses bras et le fait voler. Un sourire fleurit sur mon visage. C'est adorable de les voir comme ça.

- Ah bah ça chouchou, pour être fort, il est fort ton papa. Je dis au petit, en prenant un ton faussement bourru.

En vrai, si il est encore là, qu'il a pu faire sa vie et qu'il la vit pleinement... Je lève les yeux vers Huo.

- C'est gentil, merci du conseil. Je n'ai pas vraiment de question, j'ai plutôt l'impression d'être tombé sur le pire pouvoir qu'on puisse m'attribuer. Je dis sur le ton de la plaisanterie.

C'est vrai, autant le côté tonnerre, je comprends. Avec la description que m'en avait fait Luna et les infos que j'ai accumulé, ça me correspond. Depuis petit, on me compare souvent à un golden retriever : hyperactif, naïf, avec le temps d'attention d'un moucheron. Même si je soupçonne ces personnes d'exagérer. Mais la téléportation... Une fois m'avait suffi. Maintenant je suis parti pour vivre le reste de ma vie avec. Et vu à quel point je suis maladroit avec, je sais pas si ladite vie sera très longue.

- Bah, je suis peut-être un peu pessimiste. C'est que le début, je sais que ça va s'améliorer. En fait, c'est comme pour la peinture, tout n'est pas parfait dès le début. C'est juste un peu frustrant à accepter.

Et c'est aussi difficile de se défaire de tout ce que l'éducation de mon père m'a enfoncé dans la tête. Mais changeons de sujet.

- Enfin bref ! Assez râlé. Je voulais demander, si c'est pas indiscret : il a quel âge ton petit bout ? Je demande avec entrain.

Camil a l'air absolument conquis par Fai et ça me fait bien sourire. Il sait très bien faire le gamin adorable quand il veut, il a déjà oublié qu'il boudait. Je vais pas m'en plaindre, en vrai, il est mignon.

Je repose le petit par terre et il acquiesce vivement à la remarque de Camil. Je rigole doucement. Je profite en vrai, un jour Fai se rendra compte que son papa est pas un être surhumain malgré le fait que je suis Master avec une Greffe qui peut le faire penser.

— On se dit tous ça au début. C'est normal de galérer quand tu maîtrise pas bien. Faut juste pas te décourager.

Fai agite une main pour capter notre attention. Il fronce les sourcils dans une moue concentrée et je réalise qu'il a très bien compris de quoi je parlais avec Camil et qu'il essaye de donner son opinion. Je m'accroupis et lui fait un sourire alors que Camil continue sur mon point précédent et le fait de s'entraîner.

— Maman dit pas grave si je gagne pas toujours, il explique lentement à Camil d'un air concentré.
— C'est un peu ça, trésor. Papa aussi n'arrive pas à tout faire bien du premier coup et ce n'est pas grave.

Pour le moment Fai n'a pas encore fixé totalement son Affinité mais vu comment ça évolue, on est quasi certains qu'il sera Feu. C'est plutôt pratique parce que ça veut dire que je pourrais l'aider. D'un autre côté, on essaye aussi de pas le stresser avec son niveau de contrôle. Il se maîtrise plutôt bien en dehors de quand il s'enflamme parce qu'il est frustré ou fatigué en vrai.

— Fai a deux ans et demi maintenant. Il ira à l'école l'an prochain.

Fai fait la moue et grommelle en fourrant son visage contre mon bras et je rigole doucement.

— Qu'est-ce que tu dis, trésor ?
— Pas école !

Je rigole et secoue la tête doucement. Il a encore le temps de se faire à l'idée d'ici septembre.

Fai acquiesce avec enthousiasme à ce que je lui dit, ce qui me donne instantanément envie de couiner. Mais bon, je suis en présence d'un adulte, son père qui plus est. Donc je me contente d'un grand sourire. Huo m'encourage et je sens que mon sourire se fait un peu moins enthousiaste. Mais le petit bout n'en a pas fini avec moi et attire notre attention. Puis il se concentre et je peux voir les rouages tourner dans sa tête. Adorable...

- Vous avez raison tous les deux ! Merci Fai, tu parles déjà comme un grand. Je complimente le petit.

C'est vrai ça... Peu importe ce que mon père m'a enfoncé dans le crâne. Il ne peut plus rien dire maintenant. Qu'il aille au diable ! Si mon m'avait dit que c'est un papa et son bout de chou qui me feraient réaliser ça, j'aurais bien ri.

J'apprends que Fai a donc deux ans et demi, bientôt sa première école, sa première rentrée... Encore tout plein de première fois. J'espère que ça se passera bien. Fai n'a pas vraiment l'air enthousiaste, le pauvre. Le revoilà collé à son père, à protester qu'il ne veut pas aller à l'école. Même si je sais que ce n'est pas forcément censé être mignon, ils me font craquer tous les deux. Je m'accroupis à la hauteur du petit garçon et souris.

- Tu sais, en vrai l'école c'est super chouette. Tu vois plein d'autres personnes, tu peux dessiner, colorier, faire des découpages... Il y a plein de choses amusantes à faire là-bas !

Je n'ai personnellement pas vraiment vu les choses de cette façon à la maternelle et à la primaire, mais mon but étant de rassurer l'enfant et peut-être un peu son papa aussi, je garde ça sous silence et présente les choses sous un angle excitant et intéressant. Bon je ne vais pas non plus lui parler des récréations parce que je ne sais pas trop comment ça se passe ici. Peut-être que les choses sont différentes, et je ne voudrais pas qu'il soit déçu par la réalité de son école.

- Et puis, les maîtres et maîtresses sont super gentils. Tu vas vite t'y habituer. Je continue de le rassurer.

Fai fait un grand sourire à Camil. Il a l'air tellement content d'avoir réussi à se faire comprendre que ça me tire un sourire attendri. On le pousse jamais à aller plus vite où à faire mieux. En tout cas, on essaye d'être encourageant sans lui mettre la pression et je trouve qu'il parle déjà vraiment bien pour un gamin de son âge. Et puis il donne de bons conseils.

— Merchi, il babille.

Tain, le faux-jeton. Il est poli comme ça que quand il fait son petit numéro de séduction. Vous allez voir que dans dix minutes il essaye d'enlever son manteau l'air de rien.

Je m'assieds dans l'herbe et le tire sur mes genoux pour me mettre plus confortable. Il gigote un peu mais finit par se caler entre mes jambes croisées avec son dessin dans les mains. Le papier commence à se froisser un peu là où il l'agrippe mais c'est pas grave. Je le lisserai en rentrant.

— C'est aussi ce qu'on lui dit. Tu vois que c'est vrai si Camil en parle aussi. En plus, tu connais déjà Maria et Tomoe. Ce sera comme ce que tu fais à la maison mais tu pourras te faire des nouveaux copains.

Fai fait la moue et regarde Camil, le nez froncé comme pour juger de sa sincérité. Puis il me regarde et je lui souris gentiment pour le rassurer.

— Comme Lottie ?

J'acquiesce doucement. Fai a pas eu énormément de contacts avec d'autres enfants de son âge. Lottie est plus grande mais il l'aime bien, il la suit comme un petit canard quand on passe du temps avec Aaron.

— Elle sera là aussi. Tu sais qu'elle va déjà à l'école.
— Oui. Comme Camil ?
— Je crois que Camil est un peu grand pour aller à l'école, je rigole.

Fai sourit de toutes ses petite quenottes et je sens mon cœur fondre un petit peu. son "merci" tout poli finit de m'achever et je dois faire un gros effort pour ne pas couiner. Je rejoins Huo dans l'herbe et replie mes jambes sous moi. Fai ne semble pas décidé à lâcher son dessin un jour, ce qui je dois l'avouer me fait très plaisir. Après ce que je lui dis sur l'école, Huo renchérit en confirmant ce que j'ai dit.

En voyant le petit entre les jambes de son père, je me dis que lui ne terrorisera peut-être pas ses instits. Il fait la moue et cherche l'aval de son père qui lui sourit. Ces deux-là sont très proches, je peux le deviner.

- Oooh tu connais Charlotte ? Je dis, en reconnaissant le prénom de la petite d'Aaron. Je l'ai vue à Halloween, elle était déguisée en dragon ! Je me demande comment elle va.

J'ai pensé à voix haute. La petite fille avait l'air tellement adorable dans son costume... Mais je m'égare. Un nouveau sourire fleurit sur mon visage en entendant Fai suggérer que je pourrais encore aller à l'école. Sans que je puisse m'en empêcher, je m'imagine assis dans une de ces toute petites chaises pour enfant qu'on voit dans les salles de classe, et je pouffe de rire.

- Haha je ne rentrerais plus dans les chaises ! Mais moi j'ai été à l'école de l'autre côté : j'étais professeur. Ça veut dire que j'apprenais des choses à d'autres gens. Et ma spécialité c'était le dessin !

Le dessin, la peinture, la sculpture, et toute leur histoire. Mais c'est un peu compliqué à expliquer à un enfant de deux ans et demi, alors je reste sur le dessin.

- En tout cas, je te promets que l'école c'est plus drôle que ça en a l'air. Par contre, il faut être gentil avec les maîtresses, parce qu'elles ont beaucoup de choses à faire et beaucoup d'enfants à surveiller. Alors c'est dur pour elle, et si tu es gentil, tu les aides beaucoup. J'explique.

Là, c'est l'expérience qui parle. Bon je ne lui dis pas que si il n'est pas gentil, ou plutôt si il est trop horrible, il sera sûrement puni. Pas question de traumatiser ce petit !

Fai fait un grand sourire à Camil quand il mentionne Charlotte et son déguisement d'Halloween. Il était un peu déçu de ne pas y aller mais ça aurait fait tard pour son heure de coucher ce jour là. On fera ça l'an prochain. Je le déguiserai en un truc cool. Peut-être. Ça dépend s'il veut un costume badass ou pas.

— Lottie c'est copine ! Et. Et ! Moi je fais le dragon mieux !

Je grimace et surveille qu'il commence pas à essayer de cracher des flammes sur Camil. Non parce que je le connais. Après c'est moi qui va me faire engueuler. Comme si je pouvais contrôler mon petit monstre. Bah.

— Oui mais on va pas faire de démonstration, trésor.

Fai acquiesce quand Camil mentionne qu'il était prof de dessin. Le concept lui parle probablement pas des masses parce que bon niveau dessin il est au niveau blob et formes basiques mais apprendre il connait le concept. Enfin je crois. Ou alors c'est juste qu'il aime écouter Camil ou qu'il trouve qu'il est effectivement doué en dessin.

— Je suis gentil.
— Hmhm, on verra en pratique ça, petit monstre.
— Pas monstre !

Je rigole doucement et embrasse Fai sur ses joues rondes quand il fait mine de bouder.

— Bien sur que non. Tu es mon trésor, tu te rappelles ?

Sauf quand il mets le feu à ses fringues pour m'emmerder parce qu'il fait un caprice. Mais j'suis cool, je lui en veux pas. Il acquiesce quand même timidement et je souris.

— Papa aussi apprend.
— Oui, c'est vrai. J'apprends aux initiés à contrôler leurs pouvoirs de temps en temps. Comme tonton Mymy des fois.
— Papa fait dragon !

Je rigole et secoue la tête doucement. Nan, pas avec un nouvel initié, mon cœur. Je veux pas le traumatiser.

Ce petit bout est beaucoup trop adorable. C'est logique que les enfants de Terrae se connaissent entre eux, donc je ne suis pas surpris que Fai connaisse la petite Lottie. Je ne suis pas non plus étonné qu'ils s'entendent bien d'ailleurs, vu leurs caractères respectifs. Je souris en regardant le papa et l'enfant interagir.

- Si il sait faire le dragon je suppose qu'il est Feu ? Je demande à Huo.

Vu ce qu'il vient de dire sur une potentielle démonstration, ça me semble être ça. Puis il a l'air d'en avoir le caractère : l'enfant affirme ensuite qu'il est gentil, quand je lui dis d'aider les maîtresses. Je rigole en entendant son père temporiser. On verra, oui... Mes parents me pensaient gentil aussi, jusqu'à ce que je fasse vivre l'enfer à mes instits.

Enfin bon, les enfants c'est des girouettes c'est bien connu, ce qui empêche la conversation de retomber.

- C'est cool d'aider les initiés. Je suppose que tu t'en tiens aux Feux ? Je demande.

Je le vois mal aider des Terres ou même des Tonnerres... Surtout des Tonnerres. Le pauvre perdrait vite patience. Même moi j'aimerais pas apprendre aux Tonnerres à maîtriser leurs pouvoirs. Déjà que je galère avec moi-même... Je plains celui qui se portera volontaire pour m'aider. Fai me tire de mes pensées en demandant à son père de faire le dragon, et ça pique mon intérêt.

- Je serais pas contre une démonstration ! Niveau pouvoirs, Luna m'avait bien briefé... Puis j'ai encore pas vu d'autre Terraen utiliser ses pouvoirs alors je suis un peu curieux. J'avoue.

On va omettre ce qu'elle avait dit sur les Feux et les Tonnerres hein... C'est un peu vexant. Heureusement que je savais pas encore que je serais Tonnerre sinon... Enfin là on n'est pas là pour parler de ça ! Moi je veux voir du feu ! Alleeeeez M'sieur Huo, fais le dragon steuplé !!

Je roule un peu des yeux parce que, si Aoi son truc c'est l'avion et que Fai s'en lassera surement jamais, moi mon truc c'est les papillons de flamme et cracher du feu. Donc papa est un dragon. Et donc Fai est aussi un dragon. Mais pas un chevalier dragon, ça c'est Charlotte.

— Hm, pas exactement. Fai est le fils de deux Masters donc son affinité est un peu plus compliquée que ça. Pour le moment il est Feu et Air. Mais surtout Feu.

Fai fait un grand sourire à Camil et hoche la tête d'un air très fier. Mon fils est un démon manipulateur. C'est ça, fait le joli cœur avec ton nouveau copain, il verra bientôt ton vrai visage.

— Oh, en général oui. On essaye d'organiser des sessions d'entraînements par affinité avec des Master disponibles de façon plus ou moins régulière. J'ai pas toujours le temps d'y participer mais c'est cool quand je peux.

Après, c'est souvent par affinité de caractère qu'on se trouve des élèves. Ou par rencontre random. D'un autre côté c'est aussi enrichissant de s'entraîner avec d'autres affinités. J'aurais surement pas autant progressé aussi vite si on s'était pas autant tapé dessus avec Aoi au début.

— Et en vrai, si tu veux qu'on s'entraîne une fois, j'ai pas de souci à aider quelqu'un d'une affinité différente. Juste mes méthodes seront pas forcément adaptées pour tout.

D'un autre côté ma méthode en général c'est : teste et si ça te pète à la gueule c'est que t'as pas fait ça correctement… Peut-être que je devrais pas être prof, en fait...

— Oh oui ! Aller Papa ! Le dragon !

Je souris en coin et pousse gentiment Fai vers Camil pour le faire asseoir bien près de lui. Et je les pointe du doigt d'un air sérieux.

— Je rappelle les règles, Fai. Quand Papa fait le dragon, on reste assis et on ne bouge pas, d'accord ?

Fai acquiesce et je me lève, m'étire lentement, avant de faire quelque pas en arrière. Hm, un dragon, hein ? On doit pouvoir faire quelque chose dans ce cas.

Je prend une inspiration lente et fronce les sourcils en concentration. Une nuée de papillons de flammes apparait devant moi et s'envole dans un bruissement crépitant. Les flammes se muent en un long dragon chinois qui vole dans un cercle au dessus de nos têtes avant d'exploser dans une gerbe d'étincelles. Fai pousse un petit cri de joie. Il adore quand ça explose. Je ris doucement et fais disparaître les dernières flammes et étincelles.

— Un dernier ?

Je n'imagine pas ce que ça a dû être, ces premières années avec Fai ! Un bébé avec deux affinités, surtout Air et Feu, ça ne doit pas être de tout repos... J'ai une nouvelle admiration pour Huo en sachant ça. Et le petit bout qui me fait un grand sourire l'air très fier de lui. Mouais je ne doute pas qu'il en ait fait voir de toutes les couleurs à ses parents. J'ébouriffe les cheveux du petit avec un sourire.

- Ouais ça a dû être mouvementé. Et du coup je suppose qu'à un moment ça va se stabiliser ? Je questionne Huo.

Non parce que clairement, un jeune avec deux affinités c'est beaucoup trop cheaté. Et je dis pas ça en mode "ouah je suis jaloux". J'ai assez à faire avec une affinité.
La discussion dérive sur les entraînements. Alors comme ça il y a parfois des sessions d'entraînement avec des Masters ? Il faudra que j'aille y faire un tour un de ces quatre... Enfin, plus qu'un tour si je veux m'améliorer.

- J'irai me renseigner sur d'éventuelles sessions pour les téléporteurs alors ! Puis tu sais, ma seule méthode actuellement, c'est d'essayer. Et pour l'instant ça marche pas très bien : je me suis pris quelques murs et une porte.

Je passerais sur l'épisode "téléportation sous le bureau d'un prof en plein cours", pas besoin que ça se sache plus. Allez hop, diversion ! J'encourage donc Huo à faire une démonstration de ses pouvoirs, appuyé par Fai qui a l'air tout à fait enthousiasmé par l'idée. Heureusement, le papa est facile à convaincre. J'attrape Fai et m'assieds en tailleurs avant de le poser entre dans le creux de mes jambes. Le rappel des règles fait, le Master se relève et s'étire puis se concentre.

Je sais pas pourquoi, le suspens me rend presque nerveux. La seule démonstration de pouvoir me vient de Luna, qui a fait pousser une pomme à partir de pépins. Dommage, j'ai mangé la pomme, du coup j'ai pas de souvenirs. Je reviens au présent quand une nuée de papillons de flammes s'élèvent, avant de s'agglutiner pour former un dragon de feu. Quand celui-ci se change en feu d'artifice, je laisse échapper une exclamation impressionnée, les yeux brillants. Et forcément, quand Huo demande si il en refait un, je m'empresse de l'encourager.

- Oh ouais !! Carrément ! C'était trop bien !!

Je hausse une épaule à Camil. Mouvementé… Ouais on va partir là dessus, je suppose que c'est assez proche.

— Ça devrait se fixer une fois que son caractère sera stabilisé, vers trois ans environ. Mais pour le moment il utilise de plus en plus le Feu donc on se dit que ce sera surement ça et il a pas manifesté d'autre affinité donc...

En vrai je sais pas si j'espère qu'il sera vraiment Feu ou pas… Parce que ça veut dire qu'il sera Invisible ou Marionnettiste. Un gamin de cinq ans qui aime faire tourner ses parents en bourrique Marionnettiste déjà c'est chaud mais Invisible ? Je vous laisse imaginer...

— Oh… Ouais il parait que la téléportation c'est dur au début. J'avoue que pour ce pouvoir là je pourrais difficilement aider.

Et il a pas l'air du tout du genre à aimer se battre donc je vais pas lui proposer cette méthode là, hein. Je préfère qu'il pense que le Feu peut servir à faire des super feux d'artifice et pas juste à cramer des gens.

Le dragon en vrai c'est classe puis les papillons aussi. J'ai de la pratique pour ça mais quitte à frimer un peu, je peux faire un truc un peu plus impressionnant peut-être.

Je mets mes mains en coupe devant moi et inspire lentement. Je souffle une longue gerbe de flammes qui vient s'enrouler en une boule compact dans mes mains. Je souris, les flammes tournoient avant de se déployer en une fleur de lotus qui s'ouvre puis se referme en un bouton. Le bouton s'ouvre de nouveau et une libellule de feu s'en échappe. Elle vient voleter vers Camil et Fai avant de s'élever plus haut. Je frappe dans mes mains et elle explose dans une gerbe d'étincelles.

Fai crie d'excitation et je ris. Il regarde vers moi et j'acquiesce pour confirmer que j'ai fini et qu'il peut se lever. Il court vers moi et je l'attrape avec un rire. Il babille vite et fort, pas très compréhensible mais je le laisse faire. Il agite une main et je sens son énergie se concentrer.

— Non, Fai.
— Mais ! Moi aussi dragon.

Je soupire et prends sa main gentiment. J'suis faible.

— Hmhm, seulement une luciole alors. Tu te souviens comment on fait, trésor ?

Il hoche la tête et fronce les sourcils. Je l'aide à modeler son énergie en y melant la mienne dans sa main pour créer une petite boule de flamme qui se met à flotter en air un instant puis disparait. J'embrasse sa tempe avec un sourire.

— Bravo, mon cœur.