Athéna prit son sac, qu'elle fit doucement basculer sur son dos malgré son poids certain.
Un dernier regard dans le miroir lui renvoya l'image d'une femme d'un quart de siècle, le regard perçant, des cheveux blancs tombant en cascade sur ses épaules musclées, une taille forte entourée d'un bras tatoué, des jambes d'un savant mélange de terres et de fer. Elle passa une main abstraite sur les cicatrices de son front, la raison de sa venue ici. Un doux sourire orna ses lèvres alors qu'elle pensait à tout ce que le miroir ne pouvait renvoyer d'elle.

La demi-déesse – parce que c'est ce qu'elle se sentait être – jeta un dernier regard à son atelier. Elle ne se souvenait pas d'un jour où il fut si bien rangé ; peut-être à son arrivée. Chaque objet à sa place, chacun leur utilité. Elle huma l'air en une profonde inspiration, un rituel qu'elle connaissait bien, avant de sortir de chez elle. Elle caressa du bout des doigts une herbe folle laissée libre dans son petit jardin avant de se diriger vers l'Institut, prête.
Le froid du petit matin la saisie, mais elle prit plaisir à profiter des toutes premières lueurs du jour.

Aujourd'hui n'était pas un jour plus spécial qu'un autre.
Cette mission n'était pas plus spéciale qu'une autre – pas plus spéciale que la dernière pour sûr.
Mais chaque départ sonnait comme un au revoir.
Non, celle ci en était vraiment un.

Les amis d'internet de Houston (dans un anglais approximatif) :

De petits coups furent apposés contre la porte avant que celle ci ne s'ouvre.
Houston se retourna sachant déjà qui se trouvait de l'autre côté. Il reconnaîtrait cette présence entre toutes. Ce n'était pas une question d'énergie magique ou quoi que ce soit, c'était juste... Zola. Le voyant avait appris à tout connaître sur lui : son pas léger malgré la montagne de muscles qu'il était, sa façon de froisser l'air, ses mouvements expressifs et calculés, son odeur, sa joie de vivre... Oui, il était dedans jusqu'au cou, mais il le savait, et il avait appris à l'accepter.

_ Tout se passe bien ? Demanda le terre dans un murmure avant de se glisser dans la pièce.

Houston hocha la tête, montrant son écran d'une main vague tandis que Zola vint se pencher au dessus de son fauteuil, prenant une place qu'il connaissait bien autour de ses épaules pour voir ce qu'il se passait sur la discussion mouvementée.

_ Tout va bien jusqu'ici, NarkN est un peu sous le coup je pense même si j'avais discuté avec elle de cette possibilité, elle comprendra. Gil... Gil est jeune et bien entouré. Ils viennent de demander si tu savais

Les amis d'internet de Houston (dans un anglais approximatif) partie 2:

_ Attends remonte, c'est ça le message que tu leurs a laissé ?!

Le titan rigola légèrement et le son flotta directement dans les oreilles du hacker, qui laissa un sourire lui échapper malgré la frustration qui pointait son nez.

_ C'est pas bien ?
_ C'est... Court. On ne sait pas si on pourra communiquer avec eux, peut-être qu'on pourra pas leur donner de nouvelles pendant des mois, essaye quand même d'y mettre un peu plus de...
_ D'humanité ?
_ Oui voilà. Comme dans tes lettres.

L'ancien informaticien grogna mais fut conforté dans sa procédure par de douces lèvres sur sa joue.

_ Bon j'y retourne, confia le titan. Tu me rejoins dès que tu es prêt ? J'ai commencé la valise mais il faut encore que je te fasse choisir entre deux tenues...

Houston n'entendit pas la suite, perdue dans le couloir au départ du terre, déjà concentré sur les tâches suivantes.

Les amis d'internet de Houston (dans un anglais approximatif) partie 3:

Le voyant vit les messages de ses amis défiler, jusqu'à ce que ses yeux se remplissent d'un liquide qu'il ne pouvait pas contrôler.
Il fut un temps où dire au revoir n'était pas si dur, où il n'y avait personne à laisser derrière soi.
Houston se considérait comme chanceux d'être aussi bien entouré. Que ce soit à Terrae ou en ligne, tous ceux qui n'avaient pas posé de questions, tous ceux qui avaient cru en lui. Ce n'était pas une décision qui était facile à prendre, il sentait déjà tout son être se déchirer à l'idée des dernières fois. La dernière fois derrière ce bureau. La dernière fois dans sa chambre, dans celle de Zola. Leurs derniers visages.

Il passa une main tremblante sur les lettres. Il se savait lâche. Mais il ne voulait pas avoir à se souvenir de leurs expressions. Leur déception, leurs larmes peut-être. Leurs sourires déchirés peut-être, aussi. Il n'y avait pas de bonne décision, cette fois. Pas de choix meilleur qu'un autre, mais n'est ce pas ce que sont justement les bons choix qui sont si durs à prendre ?

Il secoua la tête avant de se lever pour rejoindre Zola.
Il n'était pas seul.
Tout ce qui était dur à partir de maintenant, ils le feraient ensemble.

ça n'intéresse personne maiiiiis... :

_ Salut Chris.

Sa voix était posée, apaisante comme celle de tous les Masters.
Le gardien de l'entrée ne lui accorda même pas un regard, ses muscles se tendant à l'entente de cette voix sur laquelle il pensait pouvoir se reposer. Plus maintenant.
Mais malgré son voeux de rester silencieux, il laissa des mots traites franchir ses lèvres.

_ C'est aujourd'hui ?

Un sourire triste orna les lèvres de la Master tandis qu'elle posait son sac au sol.

_ Cette nuit, répondit-elle simplement.

Il tourna son visage vers elle, elle put y voir la tristesse qu'il refusait de montrer. Sa gorge se serra, elle aussi.

_ Est ce que ça aurait changé quelque chose si...
_ Non, le coupa-t-elle. Je ne serais pas restée, j'ai... J'ai fait tout ce que j'avais à accomplir dans cet Institut. J'ai même prévu pour diverses scénarios à venir, et... Ce n'est pas nous le problème, je voulais juste que tu le sâches.
_ Je le sais. Mais ça ne suffit pas quand même.

Elle prit une respiration.

_ Terrae ne suffit pas. Je suis Master, je vais là où on a besoin de moi.
_ Tu es aussi une humaine bon sang ! Tu-
_ Vraiment ?

Sa voix n'avait rien d'agressif, rien de violent, elle sapprocha pour saisir avec la plus grande délicatesse possible les mains abimées du gardien.

_ Vraiment, Chris ? Nous sommes des êtres magiques qui auront l'apparence de jeunes personnes jusqu'à notre mort. Mort qui, soit dit en passant, est dure à provoquer. Je sais que nous avons nos faiblesses, mais je ne compte pas mourir de ci-tôt, crois moi. Je veux juste... Proposer une alternative viable. Tu es toujours resté en dehors des conflits internes de cette école en en gardant l'entrée, mais je ne peux pas les ignorer. Je veux pouvoir proposer autre chose. Ça ne veut pas dire que c'est facile.

Un front se posa sur le sien et elle ferma les yeux pour continuer.

_ Ma vie a toujours été en mouvement, toujours. Je voudrais que tu me suives, mais je sais que tu ne pourras pas t'empêcher de regretter si je te donne le choix, quelle que soit ta réponse. Alors je n'ai pas demandé. Mais tu seras toujours le bienvenue chez moi, où que soit ma demeure.

Les mains qu'elle tenaient serrèrent les siennes.

_ J'ai peur qu'il t'arrive quelque chose. Je n'ai pas confiance en... Elle.
_ Je n'y vais pas pour elle, j'y vais pour les Appelés. Je ferais attention. Je...

Elle hésita.

_ Je t'écrirais ? Je sais que ce n'est pas facile pour toi mais...

Une larme coula sur sa joue, qu'il essuya même si lui en avait peut-être plus.

_ Je ne te promets rien. Je suis encore en colère.
_ Justifié, dit-elle avec un léger rire amer.

_ Est ce que tu as compris, Adam ?

Le jeune garçon, le visage fermé sous le coup de la douleur, secoua la tête négativement.
Le visage du voyant se fendit d'un sourire crispé, voyant le petit Air en face de lui chercher des mots, des choses à dire, sans y arriver.

_ Prends ton temps mon grand, souffla Houston.

Et les mots furent.

_ Tu m'abandonnes. Comme maman.

A cela les larmes explosèrent sur le visage d'Adam, mais dans ses yeux persistaient l'adversité, la colère qu'il ressentait. Malgré cela, Houston ne put empêcher une pointe de fierté arriver en même temps que la douleur que cela provoquait.

_ Tu n'as pas tout à fait tord. Mais c'est plus que je ne peux pas t'emmener. Sinon je serais accusé de kidnapping. Même si crois moi ce n'est pas l'envie qui m'en manque, vraiment.

Le garçon secoua à nouveau la tête, plus fortement, serrant les poings.

_ Tu m'abandonnes ! Insista t-il. Tu vas jamais revenir !

Les dents de l'informaticien se serrèrent, avalant avec difficulté. C'est Zola qui vint à sa rescousse – comme souvent.

_ Tu pourras venir nous voir Adam ! Une fois qu'on sera installés, on demandera à la directrice si tu peux venir avec nous pour les vacances ! Comme ça tu auras deux maisons, c'est pas trop cool ?! Et si ça te plaît, tu pourras même rester quand tu seras en âge de décider !

Les yeux du petit soigneur se fixèrent sur Zola, ne sachant pas trop quoi dire après cet élan de bonne humeur du jeune homme.

_ C'est pas cool.

Le garçon continua de secouer la tête, mais le doute semblait s'installer dans ses yeux, ce qui donna du courage à Houston pour reprendre la main.

_ Et puis tu as toujours un moyen de me contacter, toujours. On va t'écrire. Tu as toujours le cristal que je t'ai donné ? Tu peux l'utiliser quand tu veux, pour voir comment on va ou autre, je t'en renverrais quand tu en sentiras le besoin. Et si tu as besoin de nous, on viendra. C'est...

Il saisit la main du petit garçon, ayant besoin d'une ancre pour ce qu'il s'apprêtait à dire.

_ C'est une promesse. Et je ne fais jamais de promesses que je ne peux pas tenir.

Ses yeux furent scrutés jusqu'à ce que la peine prenne le dessus, et Houston sentit la chaleur des larmes sur son torse, où se blotissait le petit corps tremblant d'Adam. Zola posa une main sur son dos et, n'étant jamais contre un câlin collectif lui même, les rejoints pleins de mots rassurants.

Leurs affaires prêtes dans leur chambre, ils passèrent la journée avec le garçon, réalisant tout un tas de petites infractions au règlement pour amuser l'enfant (et faire tourner en bourrique une dernière fois les autorités locales).
C'était comme ça que Houston avait commencé, c'est comme ça qu'il partirait.

Au moment pour Adam de rentrer au dortoir, ils lui confièrent la mission de distribuer les lettres. Les choses qui ne se disent pas en face, les mots d'amour, d'amitié, les mots que l'on ne peut coucher que sur papier.
Certains seraient probablement en colère, Houston le savait. Il n'avait pas pu dire au revoir à tout le monde en face. Mais les au revoir sont terrifiants. Les mots sont parfois plus faciles, quelle ironie.
Et il n'y avait pas d'adieu. Il pourrait payer sa lâcheté plus tard.

Les portes de Terrae se hissaient malgré tout.
Malgré les yeux des curieux et des haineux, malgré les événements arrivés ici même, malgré les missions périlleuses à l'autre bout de la planète. Elles s'ouvraient pour laisser entrer les nouveaux arrivants, en recherche d'aide, en recherche de quelque chose de nouveau, de quoi combler leur Vide. Mais les portes ne s'ouvraient pas souvent pour faire sortir des élèves, parce qu'une fois qu'on connaît l'existence de la téléportation il y a quand même des choses qui sont foutrement plus simples.

Athéna regardait la grille avec une nostalgie nouvelle, un sentiment auquel elle devrait s'habituer, une main dans celle du gardien de ces portes. L'obscurité les enveloppait ainsi que l'air doux des nuits d'été. Aucun mot ne fut échangé jusqu'à ce que des pas approchent. Athéna pouvait facilement reconnaître le pas assuré et l'aura de titan du plus grand, et facilement en déduire à qui appartenait le pied léger, presque fuyant, de son accolyte. Sa main quitta celle de Chris avec un dernier regard.

_ Prêts les garçons ?

Houston hocha la tête en silence, Zola avec anthousiasme. Elle pouvait voir que le premier avait les yeux rouges, elle n'était pas surprise. Une pointe d'adrénaline passa dans ses veines à l'idée des dernières fois, encore une fois.

_ Vous avez déjà testé la téléportation je suppose ?

Un nouvel hochement de tête accompagna ses paroles.

_ Notre mission cette fois est spéciale, puisque ce n'en est pas vraiment une. Je dois vous le demander une dernière fois : est ce que vous êtes sûrs de vouloir me suivre ?

Ils échangèrent un regard, déterminé, au milieu de la nuit, qui n'appartenait qu'à eux.

_ Aussi sûrs que tu l'es, sonna la voix rauque du voyant.
_ Paré pour de nouvelles aventures, compléta la voix douce du titan.

Elle ne put s'empêcher de sourire.

_ Très bien. Une fois arrivée là bas, je ne serais pas votre... Cheffe de mission ou quoi que ce soit, nous serons égaux en statuts, mais pour le temps du trajet je veux quand même que vous écoutiez mes instructions, on ne sait jamais. Houston, je te veux en constante recherche de potentiels dangers sur le chemin, Zola et moi essayerons de garder au maximum notre vigilance sur le sol, mais on va essayer de ne pas se montrer trop agressifs quand on approchera du point de rendez vous avec notre contact. Une fois là bas, nous écouterons toutes les instructions qu'il ou elle nous donnera, et nous en discuterons entre nous, voir si les termes nous conviennent. Si vous avez un seul petit doute avant qu'on arrive là bas ou après le contact, je vous ramène ici en vitesse, compris ?

Elle se détendit pour la suite, sachant très bien que ses instructions seraient suivies. Ce n'est pas pour rien qu'elle s'entendait bien avec les deux hommes.

_ Nous savons que notre présence ne sera pas appréciée au début, donc je vous demande un comportement exemplaire. Mais je sais que ça ne sera pas un problème avec vous. On y va pour aider mais on doit d'abord voir et apprendre leur manière de procéder pour voir dans quelle mesure notre aide peut leur faciliter les choses. Aussi...

Un sourire sincère se dessina sur son visage.

_ C'est un pas dans l'inconnu, et je n'aurais pas pu rêver d'une meilleure équipe pour le réaliser. Au delà d'une équipe, en fait. Je suis heureuse de pouvoir vous considérer comme des amis.

Cette réplique tira un rire narquois des lèvres du voyant, qui ne put s'empêcher de reprendre son côté taquin.

_ Tu t'écoutes parler des fois Athéna ? C'est quoi cette formulation, t'as quoi, 80 ans ?!
_ Comment tu pourrais le savoir, je suis Master après tout, répondit-elle avec amusement.
_ Oooh c'est donc ça le secret de votre jeunesse, votre cerveau flétrit, ça explique tellement de choses...
_ Tu sais parler aux femmes dis donc~

Un petit silence fit place à une explosion de rires, partagé avec une trace de complicité dans les yeux de Chris. C'était bête. Même pas si drôle. Mais c'était eux.
Athéna tendit la main.
Au milieu, un tout petit cristal jaune pétillant.
Un aller sans retour.
Les mains des garçons se tendirent pour toucher la sienne.

_ Dites « au revoir Terrae », plaisanta la Master avec ce qu'ils ressentaient comme une pointe de regret.
_ A bientôt, souffla Houston.

Et, avec le crépitement des éclairs, ils disparurent dans la nuit, laissant Chris et Terrae endormie derrière eux.

Les lettres

Le contenu des lettres est une longue explication de la démarche entreprise par le petit groupe, une lettre d'amour pour les compétences de chacun.es et des remerciements spécifiques autour de chaque souvenir partagé ensemble. C'est très long, Houston se souvenant de beaucoup de choses (de tout).
La dernière page est remplie d'excuses et de promesses : celles d'être parties, celles d'écrire, celles d'accepter tout ce qu'eux pourraient avoir à lui dire sur son comportement. Celles de toujours considérer Terrae comme une option si tout ne se déroulait pas bien. Celles de les accueillir si leurs chemins devaient se croiser à nouveau.
En attendant, Houston, Zola et Athéna seraient auprès d'Aelita et des Appelés qu'elle a sauvé, pour l'aider à construire une autre communauté, avec d'autres valeurs. Présenter une autre option.

Poème retrouvé avec les lettres envoyées par Houston à Ariana, Alice, Mitsuki, Elwynn, Akihiko.




-                A toutes celles et ceux que j'ai aimé
-                 Il n'y a pas de choix plus dur à faire
-                 Que celui de la paix ou de rester
-                 Rien que d'y penser mon cœur se serre ;

-                 A tous ces moments passés ensemble,
-                 Ma mémoire ne pourra jamais faire honneur
-                 Je chercherai dans tout ce qui vous ressemble
-                 Pour conjurer tout ce qui me fait peur :

-                 A vous qui m'avez appris à être moi
-                 Ma nouvelle route se fera presque seul
-                 C'est terrifiant de faire les premiers pas
-                 Qui ne soient pas par peine ou par deuil ;

-                 A vous que j'aimais, j'aime, j'aimerai
-                 Je n'ai pas assez de mots pour vous remercier
-                 Mes actes sont parfois lâches je le sais
-                 Mais j'espère avoir été à la hauteur de votre amitié

-                 Au moins pour le temps que vous me l'accordez