Ça y est, Oscar prenait petit à petit ses marques. Le dortoir n'était pas tout à fait l'endroit le plus tranquille, alors il avait regardé le panneau avec le plan de la ville pour "explorer" à sa façon. Il avait donc découvert qu'il existait dans cet étrange village dans Tokyo une bibliothèque. Intéressant pour le garçon qui avalait des dizaines de livres par mois. Mais il était également ravi d'avoir découvert l'existence d'un café-manga (encore des livres !!) du côté de Terrae Village. Le seul inconvénient était qu'il devait sortir du bâtiment dans lequel il se trouvait. Casanier de nature, il n'était pas très enthousiasmé à l'idée de devoir sortir de cet endroit sécurisant pour lui. Ça voulait dire du bruit, des gens et plein de trucs auxquels il devrait faire attention.

Mais l'attrait des livres était trop fort aux yeux d'Oscar, et il finit par craquer. Il enfila son sweat préféré, celui à l'effigie de Pikachu, avec la queue derrière et les oreilles sur la capuche. Il avait aussi le mérite d'être chaud, même si le froid ne le dérangeait pas vraiment. Il n'avait pas vraiment remarqué de différence au niveau des températures entre ici et la France. Peut-être plus dans l'humidité ? Dans tous les cas, voici notre petit héro prêt à affronter la marche pour aller à la recherche de livres. Sa famille d'accueil avait été assez sympa pour lui faire un compte avec assez d'argent pour être tranquille plusieurs mois, à condition de ne pas tout dépenser tout de suite. Oscar regarda ce qu'il lui restait dans son porte-monnaie. Assez pour un livre et peut-être une boisson ! Parfait.

Il enfila ses chaussures rouges (les mêmes que Deku dans My Hero Academia !) et sortit en soufflant par la bouche pour regarder la buée s'élever. Il avait ses appareils dans sa poche, pour se préserver du bruit jusqu'au café. Heureusement qu'il n'y avait pas trop de voitures ni de vélos dans le coin. Grâce à ça, Oscar arriva en un seul morceau devant le café-manga. Avec son corps chétif, il dut s'arrêter un moment pour reprendre sa respiration... Il avait surestimé ses capacités de marche... Il en profita pour glisser ses appareils auditifs dans ses oreilles et les cacher avec sa tignasse épaisse. Il regarda la devanture... C'était éclairé à l'intérieur, mais il ne voyait personne... Est-ce que c'était ouvert..? Le garçon se retrouva devant la porte, la main posée sur la poignée, sans savoir si il devait entrer.

Après l’été, l’automne. A Terrae, l’automne ne se manifeste pas qu’avec la chute du soleil dans le ciel, mais aussi par les couleurs rougeoyantes qui parsèment à présent les arbres. Le soleil se greffe dans les arbres, s’est un jour dit Lola ; comme pour compenser son absence progressive, et le temps venteux, humide et frais qui s’installe.

Pour ceux qui la connaissent, il est évident que Lola aime la pluie ; malheureusement, c’est un temps qu’exècre son petit Air, et si elle passe la majorité de son temps auprès de lui, il y a un appel du dehors qui l’amène toujours à lui faire un bisou sur la joue et le quitter pour glisser les orteils à l’extérieur, bien à l’abri dans ses bottes. Elle aimerait bien pouvoir lui montrer que la pluie peut être apaisante, malgré les tempêtes, mais elle sait aussi qu’il n’y est pas tout à fait préparé. Alors, tout ce qu’elle peut faire, c’est lui montrer qu’elle, elle n’en a pas peur ; et qu’elle attendra qu’il se sente en capacité de faire au saut dehors.

Il y avait eu une grosse averse, tout à l’heure, qui l’avait forcée à se réfugier dans un des bâtiments du village. Elle a choisi le café BD pour plusieurs raisons ; la principale étant parce qu’elle apprécie les lattés qu’on y prépare et qu’Ariana et Erik lui en offrent toujours avec un sourire. Et puis, elle apprécie de plus en plus leur présence, quand la Morphe ne trouve pas génial de la harceler de questions et de mots et juste de blablater. Lola s’est vite rendue compte qu’elle supportait mieux sa mère biologique lorsqu’elle avait son casque sur les oreilles et qu’elle pouvait faire fi de sa voix rapide, souvent en proie au rire. Parfois, le rire perçait la barrière du casque et de sa musique, et Lola souriait un peu.

Pour l’instant, les tenanciers du café étaient occupés en cuisine, il n’y avait pas grand-monde ; beaucoup de gens travaillent, et peu aiment sortir quand le temps est aussi catastrophique. De son côté, elle s’est enfoncée dans les poufs situés dans un coin pour lire une BD qui parle du carnet d’aventure d’une enfant dénommée Cerise. Un peu gnan-gnan, mais pas désagréable ; elle parle d’une aventure au zoo. Lorsqu’elle se lève pour la ranger et reprendre la revue de biologie qu’elle a empruntée à la bibliothèque, et qu’elle aperçoit la tignasse claire devant la porte transparente du magasin, la petite Lola cligne des yeux et y trottine pour l’ouvrir, curieuse. Elle dégage son casque d’une oreille, ses cheveux bouclés arrivant maintenant à ses épaules et tirés derrière ses oreilles :

—Aylan ?

Sa présence le surprend, mais elle constate d’abord deux choses : 1) il ne pleut plus, donc c’est logique ; 2) ce n’est pas lui. Sa gorge se serre, comme si soudain elle ne voulait plus parler.

—... Désolée. Je t’ai confondu avec Aylan. … Tu fais quoi au juste ?

Alors qu'il hésitait encore à entrer, la porte s'ouvrit. Par réflexe, Oscar la lâcha et recula, pensant que quelqu'un voulait sortir. Mais non, une voix plutôt jeune et féminine l'interpela. Enfin, il supposa que c'était lui qu'on interpelait, parce que quand il se tourna pour chercher autour, il n'y avait personne. Du coup, il leva les yeux vers la jeune fille, d'à peu près son âge, aux jolis cheveux bouclés, qui le regardait l'air un peu perplexe. Et puis, son expression changea, mais impossible pour le petit albinos de l'interpréter. Elle ne faisait pas partie du répertoire qu'il avait enregistré au cours de ses années de vie. Elle s'adressa à nouveau à lui, et Oscar fut bien obligé de répondre.

- Désolé, je suis pas Aylan... J'm'appelle Oscar.

Qui était ce "Aylan" de toute façon ? Enfin après tout, ce n'était pas comme si il avait rencontré beaucoup de monde depuis son arrivée. Mais si elle avait confondu Oscar avec ce Aylan, ça voulait dire qu'il y avait un autre albinos dans l'institut ? D'un seul coup, la curiosité du garçon fut piquée. Pourtant il n'osa pas poser de question. Ce serait déplacé, alors qu'il ne sait même pas qui est cette fille.

- Euh, j'voulais rentrer. J'connais pas encore bien ici, mais y parait qu'y a des livres ? Dit Oscar.

Il eut comme une illumination et sortit son porte-feuille, où était attaché un grelot.

- J'peux payer, hein ! J'ai d'sous !

Je ne pense pas qu'elle en doute, Oscar... Mais merci de préciser. Sa diction est un peu maladroite parce qu'il doit parler à quelqu'un qu'il ne connaît pas... Mais finalement, il se glisse à l'intérieur. L'endroit est cosy, il y a des poufs dans un coin, plein de BD partout, et le comptoir est maintenant occupé par deux nouvelles têtes. Ça fait beaucoup pour Oscar, qui d'un seul coup regrette d'avoir quitté le bâtiment où il commençait à avoir quelques repères. Il se retrouva tout figé sur le pas de la porte, sans trop oser s'approcher. Par réflexe, il lâcha tout de même :

- B'jour...

Le petit bonhomme n’a pas l’air super à l’aise, face à Lola. Comme surpris, un peu terrifié, pris sur le fait. Lola, qui est elle-même vaguement déçue, parvient néanmoins à dire une phrase, au moins. Les deux gamins du malaise, bonjour. Il se présent sous le nom d’Oscar…

—J’ai bien vu, oui. Moi c’est Lola.

Pas d’animosité, simplement un souffle, une affirmation dépitée. Ca lui aurait fait plaisir qu’il sorte, mais il faut croire que ça ne sera pas encore pour aujourd’hui. Elle veut lui laisser tout le temps du monde, mais parfois elle a envie de le tirer à suite, elle aussi. Dans tous les cas, elle s’écarte en lui tenant la porte, toujours droite. Le grelot tinte à ses oreilles un peu étrangement, elle n’aime pas vraiment le son, mais ce n’est pas grave. Elle ne fait même pas trop attention à la prononciation d’Oscar, mettant sa maladresse sur une simple difficulté de diction, comme elle avait déjà pu le rencontrer quand elle était petite. Et puis, au moins, il ne bégayait pas en continu, alors ça le rendait compréhensible.

—C’est des BD et des mangas, on peut les emprunter sans payer, essaie-t-elle de le rassurer tranquillement. Mais c’est mieux de consommer. Les boissons sont bonnes ici.

Rien à voir, mais il a l’air tout perdu sur la marche à suivre, alors dans le doute, elle explique comment faire. Aylan a bien dû lui expliquer comment ça marchait aussi à son arrivée, après tout — enfin, pas que Lola paie la moindre de ses consommations ici, cela étant.

Comme il est entré, elle referme derrière lui, faisant tinter la clochette en haut de la porte. Elle la déteste, cette clochette, elle annonce toujours la fin de sa tranquillité et, surtout, lui vrille les tympans. Presque autant qu’Ariana quand elle salue le petit gars en trottinant vers lui, tout sourire :

—Bonjouuuuuur !! Oh comme t’es choupi, c’est la première fois que tu viens non ?! Moi, c'est Aria et le grand dadais derrière c'est Erik ! On peut te servir quelque chose ? Fais comme chez toi hein !

Lola réprime un sourire et se dirige à nouveau vers les poufs, pour s’y réinstaller avec sa revue sur les insectes. L’article qu’elle ouvre est sur le vol des insectes et l’anatomie de leur aile, mais en français. Elle ne comprend pas tout, mais ça lui fait travailler. Elle sait qu’elle peut utiliser son téléphone pour chercher les traductions des mots compliqués. Elle n’a pas encore eu le temps de replacer son casque qu’elle se refait interpeller :

—Lola, je te ressers un truc ?

La Terre acquiesce et signe juste : “La même chose, merci.” (Elle avait pris un chocolat chaud au lait et aux épices.)

—Okeeeey ça marche !

La jeune fille se présenta en tant que Lola. Oscar fit un vague bonjour de la main avant d'entrer timidement à l'intérieur. Il aimait l'endroit, c'était joli et il n'y avait pas trop de bruit, mais... mais il y avait d'autres personnes ! Oh, Oscar n'était pas timide, mais il avait du mal à rencontrer d'autres gens. Une personne, ça allait, mais plusieurs, ça faisait beaucoup pour le garçon. Enfin, il était poli... Aussi salua-t-il les deux adultes derrière le comptoir. Lola, heureusement, ne le laissa pas (tout de suite) en plan et lui expliqua un peu le principe de l'endroit. Des BD, qu'on peut emprunter sans payer ! C'était juste fou pour Oscar, qu'un endroit comme ça existe.

Le bruit de clochette de la porte le fait tressaillir. Trop fort. Enfin non, pas trop fort tout court, trop fort "pour lui". Puis un des adultes, la femme, s'approcha à petits pas et commença à lui parler beaucoup. Il comprit néanmoins le principal : elle s'appelait Aria, l'autre adulte s'appelait Erik, il pouvait commander, et s'installer si il voulait. Oscar hésitait. Il savait qu'il était un peu jeune mais il avait vite pris le goût du café quand il était arrivé dans sa famille d'accueil. Quoi qu'un chocolat chaud lui faisait beaucoup envie aussi... Il décida de trancher au milieu.

- Je peux avoir un mocha, s'il vous plaît madame ? Demanda-t-il en faisant un effort sur sa prononciation.

Apparemment, Lola était une habituée, parce qu'elle repartit s'asseoir là où elle était avant. Aria lui demanda ce qu'elle voulait aussi et Oscar eut la surprise de la voir signer. Alors, entre ça et la revue sur les insectes, il ne put s'empêcher de s'approcher.

"Tu sais signer ? C'est super de trouver quelqu'un qui signe ici. Je m'appelle O-S-C-A-R. Signa-t-il en épelant son nom.

Il signa ensuite un petit chapeau de sorcier.

" "Oscar". C'est comme ça que ça se signe.

Le garçon se sentait plus à l'aise maintenant qu'il n'avait pas besoin de parler à voix haute. Et Aria semblait comprendre la langue des signes aussi. Finalement, peut-être serait-il bien ici. En plus Lola lisait une revue sur les insectes !! Il adorait les insectes. Tous les animaux d'ailleurs, vertébrés ou invertébrés. Il faudrait qu'il pense à proposer à Lola de lui emprunter son encyclopédie. En plus elle semblait lire un article en Français ! Oscar effleura la manche de Lola pour attirer de nouveau son attention.

"Si tu as besoin d'aide avec le vocabulaire, tu peux me demander, je t'expliquerais. Je suis français. Signa-t-il avec un petit sourire.

Puis il laissa de l'espace à la jeune fille et alla s'installer un peu plus loin, un Blacksad dans les mains.

—Oh bah, tu bois déjà du café à ton âge ?! Je te fais ça tout de suite !! baragouine Ariana, avant de disparaître derrière le comptoir.

Evidemment, il faut qu’elle fasse le plus de bruit possible. Lola roule des yeux et essaie de se reconcentrer sur sa revue une fois sa commande passée… enfin, jusqu’à ce que le petit nouveau, Oscar, donc, se glisse devant elle. Elle lève un regard vers lui, à mi-chemin entre le “qu’est-ce que tu veux ?” et une réelle curiosité, et ouvre plus grands les yeux, surprise, lorsqu’il lui parle en signant. Woah !

Soulagée de ne pas avoir à se forcer, elle acquiesce et penche la tête sur le côté, reposant la revue sur ses cuisses.

“Pourquoi [un chapeau] ?” signe-t-elle en retour, dans son propre mix d’ASL, BSL et LSF. “Moi c’est L-O-L-A.” Puis elle signe les boucles de ses cheveux (”curly” en ASL) de sa main, doigts écartés, comme pour tracer des petits cercles dans les airs. Elle ne s’attendait pas à rencontrer ici quelqu’un qui saurait communiquer de cette manière ! Ce n’est pas qu’elle déteste encore utiliser sa voix, mais parfois, c’est bien plus simple…

“Tu es sourd ?” demande-t-elle de la même manière, sans trop de tact.

Et comme il semble intéressé par la revue, Lola la lui tend, pour qu’il puisse la regarder de plus près. Avant qu’elle ne sourie en retour, contente.

“Merci. Je viendrai.”

C’est vrai. Lola ne s’embarrasse pas de toutes les politesses, si on lui dit que c’est bon, alors c’est bon. Sauf quand elle hésite vraiment trop, ou qu’elle remarque que l’autre n’y croit pas vraiment. Ca n’a pas l’air d’être le cas pour ce garçon, dont le visage est tout calme et ouvert, malgré sa timidité apparente, depuis qu’il l’a vue signer.

Elle le laisse s’en aller et l’observe longuement, constatant les petits appareils dans ses oreilles. Hmhm, ceci explique. Reste à savoir pourquoi il signe un mix de LSF et d’ASL s’il est français ; au moins, même si elle hésite sur les mots des fois, ils peuvent se comprendre. Lola s’enfonce donc dans le pouf, jetant parfois un oeil par-dessus sa revue vers Oscar, notamment lorsqu’Ariana lui apporte son mocha.

—Et voilàààà !! J’espère que tu aimeras, si jamais on a aussi des jus de fruit pressés maison et plein de thés différents ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, dis-le nous d’accord ? On a aussi des cookies !

On dirait qu’elle a fait une petite décoration sur la mousse de lait — pas quelque chose de très élaboré, juste un petit chat avec des moustaches, devine-t-elle à la forme lointaine. Elle rentre la tête dans ses épaules, comme prise sur le fait, quand la Morphe s’approche d’elle pour lui poser sa propre boisson sur une des petites tables du coin lecture.

“Ca va ?” sourit Ariana, utilisant maladroitement les signes dans le mauvais ordre.

Lola souffle et agite la main, répète dans le bon ordre.

—Comme ça.

Ariana la fixe.

“Ca va.”

Sourire de la Morphe avant qu’elle ne fasse demi tour. C’est un peu chaud dans sa poitrine, mais elle préfère revenir sur ses insectes plutôt que s’y attarder, les mains autour de sa tasse, qu’elle tient fermement contre elle au risque de se brûler. Sur sa mousse de lait, il y a des fleurs dessinées à la poudre de cacao.

Quand elle bute sur la 3e phrase d’affilée, parce qu’elle ne comprend pas plusieurs mots, elle souffle et relève les yeux vers l’autre adolescent. Peut-être que… … elle se lève, s’approche à pas feutrés de lui, et agite doucement une main dans son champ de vision, sans le toucher, sa tasse dans l’autre et la revue sous le bras.

“Tu peux m’aider ?”



HRP : Du coup quand y a les guillemets + couleur c'est qu'elles signent !
Et la revue on peut se baser sur cette page ahah http://passion-entomologie.fr/revue-insectes-opie/ (au pif)

"À ton âge"... Oscar se doute bien que la gentille serveuse doit le prendre pour moins âgé qu'il ne l'est. À 14 ans, ça se fait de boire du café, non ? ...non ? Soudain Oscar a l'impression d'être déplacé. Mais l'impression est rapidement effacée quand il observe Lola signer. Pas besoin de parler, tant mieux ! Il n'avait pas envie de se forcer. Il s'approcha donc et se présenta en signant. Lola aussi signait avec un mix de langues des signes... Il comprenait la plupart de ce qu'elle lui dit et pouvait deviner le reste. Elle se présenta à son tour et Oscar imita son signe, celui qui montrait les boucles de ses cheveux. C'était mignon comme nom !

"À cause du Magicien d'Oz." Signa Oscar. "Parce que Oscar se diminue en Oz."

Il espérait être clair, c'était plus facile à expliquer à voix haute... Lola lui posa une autre question, à savoir si il était sourd. Oscar appréciait sa franchise, c'était agréable. Il acquiesça simplement d'un signe de tête et montra ses appareils auditifs.

"Mais je t'entends quand même." Signa-t-il comme explication.

Il proposa ensuite à Lola de lui demander de l'aide si elle avait besoin avec sa revue. Ne voulant pas lui mettre la pression, il s'éloigna pour regarder les BD.

Il repéra la BD Les Royaumes de Feu, les Freaks Squeele... Le fonds était intéressant et il se retrouva happé dans ses recherches. À tel point que lorsqu'Ariana s'approcha il ne l'entendit pas et sursauta en entendant sa voix tout près. Il se ressaisit et prit la tasse brûlante. La chaleur lui piqua les doigts mais il l'ignora.

- Merci madame, j'n'hésiterais pas. Dit-il poliment.

Il baissa les yeux sur sa tasse et découvrit un petit chat dans la mousse de lait. Sans qu'il sache pourquoi, l'attention le toucha beaucoup et un sourire se peignit sur son visage. Il leva les yeux pour observer Aria, qui s'essayait à la langue des signes avec Lola. Il trouva adorable sa façon de mélanger l'ordre des signes. Il détourna le regard pour ne pas être intrusif et reprit son inspection des livres. Il jeta son dévolu sur un comics de Spiderman et s'installa confortablement sur un gros pouf qui faillit l'avaler tout entier tellement il était petit.

Il avait lu quelques pages quand une main apparut devant son visage. Lola s'était approchée en silence et lui demandait de l'aide. Oscar se décala de son mieux et tapota l'espace libre du pouf. Il se pencha sur le magazine et lut rapidement l'article.

"Ça parle de comment les insectes ont commencé à avoir des ailes au fil de l'évolution. D'abord les ailes servaient pas à voler, et puis après ça a changé. C'était plus facile pour trouver de la nourriture, un partenaire et échapper aux prédateurs. Les scientifiques savent pas vraiment d'où ça vient et qu'est-ce qui a changé exactement pour qu'ils en arrivent ici mais la théorie c'est que c'est venu des insectes qui vivaient dans les arbres : ils avaient des espèces de trucs sur leur carapace qui les aidaient à planer et comme c'était utile, ça s'est développé." Expliqua-t-il en utilisant un maximum de signes de l'ASL.

Il relut l'article. Oui, c'était bien résumé. Il avait évité les mots complexes qu'il ne savait pas signer comme "excroissance" ou "exosquelette".

"Ça va, tu as compris ?" Demanda Oscar en regardant Lola.

Voilà donc l’explication (plutôt claire) sur le choix du signe désignant son prénom. Lola n’a pas trop l’habitude de donner des diminutifs aux gens — à part Liz bien sûr, Brad ne comptant évidemment pas dans cette équation — aussi elle n’avait pas immédiatement fait le lien, même une fois qu’il ait signé “magicien d’Oz”. Elle ne se souvient pas avoir lu cette histoire, mais elle en a entendu parler, pas dans le détail ; tout cela appartient à ce qu’elle considère aujourd’hui être un passé qu’elle souhaiterait plus que tout ne pas explorer. Aussi est-elle heureuse lorsqu’il lui répond avec franchise et lui désigne ses appareils auditifs. Elle se rapproche un peu pour les observer, et se contente de hocher la tête une seconde fois, clairement pas bavarde.

Et puis là-dessus, ils se séparent momentanément. C’est sans doute le propre des Terres que de pouvoir passer du temps avec quelqu’un d’autre sans lui adresser la parole. Elle retient un ricanement en entendant l’albinos appeler sa génitrice madame, avant d’être prise sur le fait et qu’Aria ne reporte son attention sur elle. Rien de scandaleux, mais juste le fait d’interagir avec elle met la Titanide peu à l’aise. Surtout quand elle essaie de parler dans cette langue qui lui convient parfois mieux. Ce n’est pas tout à fait une intrusion, mais elle ressent le potentiel derrière — celui de lui donner envie de parler davantage.

Alors à la place, Lola se rapproche d’Oscar et… pose son mug par terre, et s’installe maladroitement mais délicatement sur le pouf à côté de lui. Elle aurait eu trop peur qu’il se fasse éjecter, tout maigre qu’il est, si elle se laissait tomber sur le pouf avec trop de force. Et en même temps, elle essaie de garder ses jambes près d’elle afin de ne pas trop l’envahir. Elle lui laisse le temps de lire l’article en le tenant, attrapant son mug de l’autre main pour y boire du bout des lèvres, et finalement essaie de suivre la somme d’informations colossale en ASL. Elle plisse le nez l’une ou l’autre fois, mais acquiesce finalement et sourit, contente de ce cours particulier. Si elle a loupé des mots, elle lui demande de les lui épeler et finalement semble comprendre la globalité.

“Oui. Merci ! Tu veux bien m’aider avec certains mots ? J’essaie d’apprendre le français, mais c’est difficile. Et j’ai oublié de prendre un dictionnaire.”

L’imaginaire de Lola est rempli d’immenses insectes aux trucs sur leur carapace, qui les aidaient à planer. Rempli de couleurs et d’irisations. Rempli de choses monstrueuses qui volent. Evidemment, tout cela la ravit.

Elle pointe une phrase en particulier.

“Tu peux me lire à voix haute ces mots ? Le traducteur. (elle signe “petit appareil traducteur”) les traduira tout de suite."

Puis elle lève les yeux vers Oscar et hésite. Il lui a proposé de l’aide, alors elle le voit mal dire maintenant qu’il veut qu’elle lui fiche la paix, mais on ne sait jamais avec les autres, ce ne serait pas la première fois.

“Sauf si ça t’ennuie, je me débrouillerai autrement.”

Puis elle lorgne sur sa BD Spiderman. Ca doit plus l’intéresser que les insectes chelous, là, quand même.

Oscar laissa Lola observer ses appareils autant qu'elle voulait. Quand elle eut terminé, il lui proposa son aide par rapport à ce qu'elle lisait avant de s'éloigner pour ne pas lui mettre la pression. Rapidement, il fut happé dans sa propre lecture. Il avait attrapé une B.D. qu'il ne connaissait que de nom : Le Convoyeur. Pas vraiment de son âge, mais ça il ne le savait pas en regardant l'homme aux yeux rouges brillants sur la couverture. Tout ce qu'il voyait c'était un style de dessin sympa et un univers mêlant western et streampunk. Que du bonheur en soi.

Heureusement, il changea d'idée et opta pour un comics Spiderman. Mais il n'eut pas le loisir de trop en lire car Lola sollicita son aide et il se retrouva happé par un article sur les insectes ! Encore mieux : sur l'évolution des insectes au fil des millénaires ! Il s'empressa d'aider Lola en lui résumant une page du magasine. Cela lui prit un peu de temps, entre la façon de traduire correctement en langue des signes et son enthousiasme. Mais il y parvint et demanda à la jeune fille si elle avait bien tout saisi. Après quelques mots épelés, Lola le remercia et Oscar rosit de plaisir. Ce n'était pas souvent que l'adolescent entend des remerciements. Et ça lui plaîsait drôlement.

"Oui, pas de souci je veux bien t'aider !" Signa-t-il avec un sourire.

Il appréciait la compagnie de la jeune fille, qui était délicate et attentionnée. Il avait bien remarqué comment elle faisait attention à ne pas l'envahir. En échange, lui servit de dictionnaire lui semblait la moindre des choses. Lola pointa une phrase en particulier et lui demanda de la lire à voix haute. Oscar eut une petite hésitation. Il ne savait pas comment le traducteur allait réagir à son étrange prononciation. Mais il s'était déjà engagé et il se doutait que l'appareil était assez sophistiqué pour que ça soit compréhensible.

"Si ça fait des drôles de mots, dis-moi. Des fois je prononce mal sans m'en rendre compte." Signala le garçon.

Puis il se pencha sur la page et commença à lire :

- Seul l'adulte (imago), présente des ailes fonctionnelles (hormis chez les Éphéméroptères où les larves du dernier stade ou subadultes ressemblent aux adultes et possèdent des ailes fonctionnelles.

Finalement, Lola avait eu de la chance. Elle lui avait pointé une phrase qui ne comprenait pas de mots sur lesquels il avait l'habitude de trébucher.

- Les Éphéméroptères, c'est l'nom scientifique des éphémères. T'sais, c'est des insectes qui vivent qu'une journée. Continua-t-il à voix haute, parce que c'était quand même plus facile pour parler avec ce genre de long mot compliqué.

Le comics était oublié depuis le premier mot lu à voix haute.

Les épaules de Lola se détendent légèrement lorsqu’il accepte gentiment de l’aider avec sa lecture. Lola se replace donc correctement et acquiesce pour lui signifier qu’elle lui en fera la remarque — même si honnêtement elle pourra probablement comprendre très bien ce qu’il lui dit. Probablement. Elle lui déplace le livre pour qu’il n’ait pas à se casser le dos en se penchant pour lire, et suit du regard les mots sur le papier. C’est un exercice compliqué que de lire dans un langue, d’entendre quelqu’un le lire à voix haute, mais que sa voix vous apparaisse étrangement dans votre propre langue maternelle. Elle acquiesce parfois et lui demande de redire certains mots pour pouvoir les répéter elle-même et entraîner sa prononciation. L’exercice est vraiment sympa, en tout cas, elle aime bien. Ca lui tire un sourire léger, alors qu’elle balance un peu ses pieds.

Oscar lui explique ensuite, et elle acquiesce.

—Oui je vois.

Puis elle signe par-dessus pour traduire, contente. Elle continue en parlant à voix basse et en signant à la fois :

—Tu veux bien me lire la suite ? Je comprends beaucoup mieux comme ça.

Elle n’est pas un génie des langues comme Aylan, mais peut-être qu’elle pourra le rattraper comme ça ! Il sera certainement fier si elle fait des progrès. Evidemment, Oscar accepte avec gentillesse et ils passent ainsi un certain temps à décrypter l’article et parler de ce qu’ils viennent d’en lire. À la fin, Lola a un sourire léger mais constant sur les lèvres, et elle serre le petit magazine contre elle une fois les pages refermées. Elle a apprécié ses remarques et ajouts, elle ne sait pas encore autant de choses mais elle aime toujours en apprendre plus.

—C’est gentil de me l’avoir lu. Tu es vraiment calé en insectes. (Elle repose le magazine et passe en signes.) “Tu lis beaucoup, on dirait ?”

Lire un extrait pour quelqu'un, sur un thème qu'il adorait, calé dans un pouf tellement confortable qu'il pourrait s'endormir dedans et ne jamais se réveiller de sa sieste. Voilà la définition qu'Oscar se faisait de bonheur maintenant. Lola lui demanda de répéter certains mots, ce qu'il fit sans se faire prier. Elle en répéta certains et Oscar en profita pour la corriger quand la prononciation lui semblait décalée. Le sourire qui apparut sur son visage apprit à l'adolescent que sa nouvelle amie appréciait le moment et l'exercice. Le bonheur était donc partagé, parfait !

Oscar termina son extrait et expliqua le principal mot complexe du paragraphe. Lola acquiesça et prit la parole, signant en même temps. Puis elle reprit en parlant doucement et en signant. Heureusement qu'elle le faisait, parce qu'Oscar ne captait qu'un mot sur deux de ses chuchotements. Elle lui demandait de lui lire la suite et les yeux de l'adolescent s'illuminèrent. Il acquiesça vigoureusement.

- Oui, avec plaisir !! Dit-il, plus fort qu'il ne l'aurait voulu.

Il rentra la tête dans les épaules et lança un regard inquiet vers les deux adultes, puis un regard d'excuse pour Lola. Heureusement, ici, pas de déferlante de colère quand Oscar fait un peu trop de bruit, et il put se remettre à sa lecture - un ton plus bas bien entendu - sans être inquiété. Lire le magazine leur prit un moment, entre la lecture en elle-même quand Oscar butait sur les mots, et ses explications passionnées lorsqu'ils tombaient sur un insecte qui plaisait particulièrement à l'adolescent. Finalement, sans qu'Oscar ne puisse déterminer combien de temps ils y avaient passé, les pages du magazine se refermèrent. Lola souriait depuis un moment déjà, et Oscar avait la gorge sèche. Lola le remercia et il se sentit rougir.

- Oh, j't'en prie, c'était super cool. Ouais, j'aime bien les insectes.

C'était clairement un euphémisme. Il n'osait pas encore parler de la piste que la psy et lui exploraient... Dire qu'il était sourd, c'était une chose. Parler d'autisme, il n'était pas vraiment prêt. Lola passa aux signes, et Oscar l'imita, soulagé.

"Oui je lis tout ce qui me tombe sous les mains depuis que j'ai appris. C'est Naël qui m'apportait tous les livres quand on vivait ensembles."

Il avait signé "Naël" d'abord avec son signe qui mimait le sautillement d'un oiseau sur une branche, puis en toutes lettres : N-A-E-L, pour que Lola comprenne.

"Naël, c'est mon frère." Précisa-t-il en signant à nouveau le signe distinctif de son jumeau.