J'étais rentrée tôt de Terrae ce matin, n'ayant pas tant de travail que ça dernièrement. J'avais hâte de me plonger sur mon nouveau projet. Bien que l'objectif premier de ce nouveau projet soit d'améliorer le confort des missions d'espionnage et de récupération d'informations, il s'était vite avéré qu'il avait également pour deuxième objectif de m'aider à me changer les idées.

Je ne savais toujours pas quoi penser du retour d'Ys. Je crois qu'il n'y avait pas eu un seul jour, finalement, où je ne m'étais pas rendue à l'hôpital pour m'adosser quelques instants contre le mur à côté de sa porte de chambre, sans pour autant jamais entrer à l'intérieur. Et plus j'avais répété cette routine, plus je m'étais sentie stupide. Il était temps de faire un choix, non ? Aller finalement le voir, ou bien cesser de se rendre à l'hôpital une bonne fois pour toute.

Et puis, finalement, il avait quitté sa chambre d'hôpital. Hideko avait annoncé son transfert lors d'une réunion Masters, nous informant qu'un appartement avait été mis à sa disposition et qu'un Master référent se chargerait de le surveiller lorsqu'il y serait. Ou au moins vérifier qu'il ne préparait pas quelque chose de nouveau qui risquait encore de se retourner contre nous.  

Cette annonce m'avait laissée de marbre. Au moins, je n'avais plus à choisir. Il n'était tout simplement plus nécessaire de me rendre à l'hôpital.

Je secouai la tête pour chasser ces pensées de mon esprit et focalisai mon attention sur le petit miroir rond qui trônait sur la paume de ma main, face au plafond. J'activais les poussières de cristaux qui parsemaient la coque de l'objet et il disparut du creux de ma main pour venir retrouver son réceptacle associé, emportant avec lui le morceau de chocolat que j'avais déposé là. La téléportation avait réussi ! Ca y est, le dispositif fonctionnait enfin ! J'allais enfin pouvoir...

"Mlle Hojitake, quelqu'un vient de frapper à votre porte."

Je relevai le regard vers l'un des bras de Jarvis, par réflexe, bien que je sache que sa conscience ne se trouvait nullement là.

-Et de qui s'agit-il ? demandai-je en frottant un peu mes vêtements pour me diriger vers l'intérieur de la maison et aller ouvrir la porte, quittant mon atelier.
"Je ne peux répondre, l'individu est encapuchonné. Et... S'en va."

Je fronçai les sourcils au moment où mes doigts agrippaient la poignée. Mon cœur commença à tambouriner dans ma poitrine. Je ne sentais rien. Aucune présence magique. La personne qui se trouvait là s'était fait supprimer ses pouvoirs. Et bien sûr qu'il aurait pu s'agir d'un novice quelconque. Sauf que je savais pertinemment que ce n'était pas le cas.

La poignée s'actionna et je relevai le regard vers ce dos qui s'éloignait de ma porte d'entrée. Cette silhouette que j'aurais pu encore reconnaître entre mille, même après toutes ces années qui s'étaient écoulées.

-Qu'est-ce que tu viens faire ici ? crachai-je un peu plus sèchement que je ne l'aurais voulu.

L’instant même où il s’est armé de courage le jeune homme le regrette aussitôt. Et il peut autant presser le pas, que finalement la porte s’ouvre dans son dos et une voix le déstabilise davantage.
Pas tant dans la formulation mais dans le ton employé. C’est étrange mais en y réfléchissant, rare était les fois où Mitsuki s’était adressée à lui de cette manière.
C’est d’autant plus blessant, autant que ses visites inexistantes à l’hôpital. Ce qui amène à croire que son absence en disait long. Et le garçon regrette d’être venu jusqu’ici.
Malgré tout, il s’arrête dans sa course, bien qu’hésitant, il le sait parfaitement, il n’a pas d’autres choix désormais que d’affronter son regard. Alors, laissant un soupir lui échapper, il l’affronte, prenant la peine d’ôter cette capuche sur la tête. Il estime qu’il se doit au moins d’être courtois. Un peu.

« Salut… »

Souffle-t’il alors qu’il croise ces prunelles.
Depuis combien de temps maintenant ils ne s’étaient pas échangé quelques paroles ? Ou même tenu l’un face à l’autre ?
C’est étrange mais même lors de son périple, il se rappelle encore les sensations et de ces visions où il pouvait l’apercevoir, comme si elle se tenait devant lui, tel aujourd’hui. Il ne se s’était jamais senti aussi près d’elle qu’à cet instant, où il sent cette distance se creuser encore un peu plus.

« Je ne voulais pas te déranger mais… J’avais appris qu’un groupe avait été envoyé pour me récupérer et… toi, et Aoi. »

C’est déstabilisant de se retrouver face à elle. La Master lui parait plus sûre d’elle, différente d’autrefois. Et Ys se sent minable, d’autant par sa situation mais aussi face à cette détermination et cette aura qui lui parait plus éblouissante que par le passé.

« Et je voulais juste te remercier. »

Enfin, je crois…

Mon regard resta de marbre alors qu'il se tournait pour me faire face.

Je restais éteinte face à ses paroles. Comme si elles ne me touchaient pas.

Il avait l'air plus en forme que lorsque nous l'avions ramené ici. Tant mieux, s'il avait récupéré de ses blessures. Avec sa tenue, je ne voyais pas vraiment son bras. Etait-il toujours manquant ? Bon, en même temps, ça ne repoussait pas comme ça. Mais peut-être avaient-ils envisagé de lui poser un bras mécanique ? Enfin, de toute façon, pour ce que ça pouvait me faire...

Je hochai la tête et reportai mon regard ailleurs alors qu'il venait de me... remercier.

-Il fallait bien que quelqu'un te récupère.

Et il fallait bien que cette personne soit familière à ton énergie. Soit un radar ambulant de ton énergie... Et puis on ne pouvait pas mettre davantage de vies en péril à cause de toi. Il fallait aller droit au but, pour réduire les risques.

Je sentis un poids s'installer progressivement sur mon coeur. Je l'avais pourtant vu, ce jour-là. Mais ça ne m'avait pas fait ça. Peut-être parce qu'il était inconscient ? Depuis combien d'années n'avais-je pas entendu sa voix ? Avait-elle toujours été comme ça ? Ou bien avait-elle changée depuis son départ ?

Mes yeux se reposèrent sur lui. C'est insupportable de les sentir briller comme ça.

-C'est tout ce que tu étais venu me dire...?

Je vais mieux, Ys. Après avoir manqué de perdre la vie, après ton départ, après m'être fermée à tout contact extérieur, j'ai finalement réussi à me reconstruire. Ce qui devrait m'inquiéter me passe maintenant dessus. C'est fou comme seulement te voir me ramène à cette période sombre si facilement, si rapidement. C'est désolant aussi, quelque part. Parce que cette Mitsuki-là, elle est bien loin maintenant...

Ys commença à tourner les talons et à partir avant de faire volte face. Vite, sans réfléchir, sur un coup de tête. La rapidité de son changement d'avis me vit l'effet d'un coup de jus. Est-ce que j'aurais préféré qu'il parte ? Je n'en savais rien.

Je restais silencieuse pendant de longues secondes face à sa question.

Pourquoi est-ce que je n'étais pas allé le voir à l'hôpital ? Non, plutôt pourquoi est-ce que je n'étais pas entrée dans cette chambre, après m'y être rendue pourtant tous les jours durant toute la durée de son hospitalisation ? Qu'est-ce que j'espérais ? Qu'il devine que j'étais là sans accepter de le voir ? Est-ce que je cherchais à lui prouver quelque chose ? Pourquoi étais-je aussi froide envers lui ? Je pouvais simplement être indifférente. Mais je le poussais à partir. Je lui répondais sèchement. Je lui montrais mon mécontentement. Je lui disais de partir, alors que j'éprouvais un sentiment étrange en voyant qu'il ne le faisait pas - un sentiment que je ne parvenais pas à identifier. Qu'est-ce que j'attendais exactement ? Une confrontation ? Des excuses ? Je voulais lui montrer que j'avais changé, que j'étais devenue quelqu'un d'autre, sans lui ? Est-ce qu'au moins un Télépathe aurait pu m'aider à démêler toutes ces pensées qui n'avaient aucun sens pour moi ?

-Les Masters sont chargés de rendre visite aux personnes qu'ils sont allés récupérer en mission maintenant ?

Quelle mauvaise foi. Ca, je l'identifiais. Parce que je savais très bien que j'avais toujours fait ça. Lorsque je revenais de mission amochée, je m'inquiétais pour mes coéquipiers et je m'enquerrais de leur état. Lorsque je ramenais des personnes blessées, je leur rendais visite, ne serait-ce qu'une fois, même si je ne les connaissais pas. J'avais toujours fait ça. Là, c'était simplement de la provocation, pure et dure.

-J'ai appris de quelqu'un, il y a un paquet d'années maintenant, que parfois quand quelqu'un a vécu une expérience difficile, c'est préférable de partir et de l'abandonner pour laisser cette personne gérer ses émotions et ses problèmes seule.

Alors c'était ça, finalement ? De la rancoeur ? Je ne me connaissais pas rancunière.

Un goût amer passa dans ma bouche alors qu'Ys adoptait une attitude plus... détendue. Je savais que ce n'était pas la réalité du terrain. Je le connaissais. Mais je lui envoyais visiblement tout mon venin à la figure ; il ne pouvait pas rester là à faire la victime. Alors il fallait faire bonne figure, j'imagine.

Je me sentis serrer mon poing plus vite que je ne l'aurais voulu quand il insinua que cette personne devait être "quelqu'un de sage". Je cessai immédiatement de le regarder pour aller reporter mon regard ailleurs, genre sur cet arbre qui traînait, là. J'essayais de desserrer mon poing, mais sa question me tendit encore davantage. Est-ce que je vais... mieux ?

Je vis rouge. J'inspirai lentement, tentant de contenir cette colère que je sentais monter en moi. Au moins, cette fois, j'identifiais clairement les sentiments qui m'habitaient.

-Oui, beaucoup mieux. Depuis que je fonctionne comme ça, je suis tellement soulagée d'un poids ! A chaque fois que je ressens le Vide de quelqu'un, je l'ignore. Après tout, ça ne sert vraiment à rien, cette main tendue par Terrae quand les gens sont au bord du gouffre. Quelle idée de vouloir jouer aux superhéros, il suffit de les laisser se débrouiller hein. Et puis s'ils n'ont pas la force de se relever, tant pis, ils n'avaient qu'à pas se mettre dans cette situation après tout.

Ce que je dis n'a pas de sens. Ce n'est même pas vrai. C'est juste la colère qui parle, et ça m'énerve d'autant plus. Parce que ce n'est clairement pas comme ça que j'aurais aimé me montrer face à la lui. L'indifférence, c'était bien mieux, finalement.
Le regard brillant, je reportai de nouveau mon attention sur Ys.

-Oui, je vais mieux, Ys, si c'est ce que tu voulais entendre. Et c'est clairement pas grâce à toi.

La vérité, c'est que j'avais fini par me dire que je ne te reverrais tout simplement jamais. Je n'ai pas eu le chance de pouvoir me préparer pour cette rencontre.
Si je vais mieux, ce n'est pas grâce à toi. Parce que tu n'étais pas là. Si je vais mieux, c'est grâce à tout ceux qui sont restés, et qui ont continué à me montrer qu'ils étaient là, même quand je les rejetais en bloc. Si je vais mieux, c'est grâce à eux, pas à toi.

Léger froncement de sourcil quand la jeune femme reprend la parole plus brutalement qu'auparavant. Tantôt il tente de déchiffrer entre les lignes, tantôt il doit supporter toute cette rancune qui se déverse sur lui. Il a bien compris qu'il n'était pas le bienvenue et qu'elle en avait gros. Tant bien que ses phrases peuvent paraitre incohérentes.
Du moins, il tente d'assembler le puzzle. Un poids. Ca, clairement, il se situe. Il se situe aussi quand elle affirme "qu'ils doivent se débrouiller seuls". En vérité, ce n'est qu'une accumulation de reproches et de décharges à son encontre.
Quelque peu mérité.

Silencieux, perplexe et surtout désemparé, le jeune homme ne réalise plus vraiment comment réagir face à elle. Il avait bien essayé un ton plus souple, moins en vain. Elle ne démordrait pas. Elle est rancunière notre Mitsu. Et oui, elle va bien, tant mieux. Pas grâce à lui, ça il s'en doutait. C'était pour la forme qu'elle se sente obligée de le lui rappeler.
Depuis leurs retrouvailles, Mitsuki est sur la défensive. Elle ne cherche pas à renouer le dialogue. Et tout ce dont le jeune homme craignait, se confirme au fil de cet échange tendu.

"D'accord, je comprend. Je ne cherche pas à... te déranger. Je sais que..."

Il s'arrête quelques secondes, il baisse le regard. Il ne supporte pas cette situation. Il réalise que doucement, elle lui échappe. Qu'elle est déjà si loin de lui. Par sa faute.
Mais il ne peut pas partir ainsi, avec la queue entre les pattes. Alors il redresse son regard, cherchant à croiser le sien. Il se reprend, osant même un pas en avant.

"Je sais que je t'ai beaucoup blessé et que tu ne mérite rien de tout ça. Je n'aurai peut être pas du partir c'est vrai. Enfin, ça... ça ne justifie en rien..."

L'ancien Master se perd un instant dans ses pensées. Resasser le passé ne servirait en rien. Ce n'est pas ce dont elle a besoin d'entendre. Elle se moque bien de ses motivations, de cette colère. Elle se moque bien qu'il ait pu faire ça également pour elle, afin de la protéger et de la venger. Elle n'a jamais réellement eu besoin qu'on la protège.
Mituski est une Master brillante et puissante. C'est lui, qui a toujours eu besoin d'elle. Elle a toujours été là, à le couvrir, à le chérir. Sa fidèle alliée.
Mais aujourd'hui, elle lui tourne le dos. Elle.

"Je suis venu te dire que je te gênerai plus jamais."

Reprend-t 'il alors qu'il reprend ses esprits, ralentissement les battements de son cœur qui s'affole à chaque pensée négative. A chaque crainte confirmée.

"Et même si tu me déteste maintenant, pour ma part, tu resteras mon plus grand amour."

Souffle-t'il enfin, comme soulagé. Il aimerait disparaitre, dommage qu'il ne soit plus téléporteur. Et affronter son regard à cet instant est probablement le plus difficile depuis le début de leur conversation. Et il ne lui reste plus qu'à attendre son dernier mot, comme pour y mettre un therme.

La colère laissa place progressivement à de l'agacement. Et même pas envers lui, qui tentait tant bien que mal d'accepter mes mots sans réagir au quart de tour. A y repenser, c'était bizarre, d'ailleurs. Qu'il n'y réponde pas vraiment. Qu'il les prenne sans rien dire...
Ah, qu'est-ce que ça m'énervait de continuer à être en colère comme ça ! Je sentais que ça ne redescendais pas. Et lui en face ne répondait pas. Il subissait. Encaissait. Pourquoi t'encaisse Ys ?! T'as déjà été puni. T'as même plus de bras. T'as le droit d'être blessé aussi. T'as le droit d'être en colère. Pourquoi c'est à sens unique ? Ca m'énerve. Ca m'énerve, et ça ne redescend pas.

Ca ne redescend pas, jusqu'à ce qu'il dise ces quatre petits mots. J'eus soudainement l'impression d'être poignardée en plein coeur. Mon estomac se tordit brusquement et mon regard se perdit dans le sien, une demi-seconde, demi-seconde de trop, clairement. Mes yeux s'embuèrent de larmes et je détournai une nouvelle fois le regard. Visiblement, il y avait des choses qui n'étaient pas encore résolues, ici...

L'espace d'un instant, l'envie de lui crier que si, j'étais venue à l'hôpital, si, j'étais allée le voir, tous les fucking jours qu'a duré son hospitalisation, cette envie de crier s'imposa à moi et je la retins. Je n'avais pas envie de lui dire. Je n'avais pas envie qu'il le sache. Parce que je n'acceptais même pas d'avoir fait ça. Il ne méritait pas que je fasse ce déplacement, tous les jours. Il...

-T'as pas le droit de me dire ça.

Je me frottais les yeux nerveusement, mélange de rage et de douleur soudaine. Mes mains retombèrent le long de mon corps avec brutalité et j'ancrai mon regard dans le sien.

-Tu m'as jamais gênée Ys. T'es juste parti. C'est différent. Quelqu'un qui n'est pas là ne peut pas être gênant, dis-je en insistant sur les mots "pas là".

Je ravalai ma salive un peu difficilement. J'entendis alors Balto qui arrivait derrière moi, la porte étant toujours entrouverte derrière moi. Tout était en train de sortir là, sur le pas de la porte, à la vue de tous... Tssk.

Donnant un coup de pied dans l'entrebâillement de la porte pour empêcher Balto de sortir, je la refermai derrière moi pour me retrouver entièrement dehors, lui fermant l'accès à l'extérieur.

Et maintenant quoi ? Je dois parler, non ? Pour dire quoi ? "Et comment ça va sinon ? T'as réussi à accomplir la mission que tu t'étais fixée ? T'es satisfait du résultat ? Tu te sens mieux maintenant ?"
Ca m'énerve.
Alors plutôt que parler, je fixais le sol. Parce que je ne savais tout simplement pas quoi ajouter d'autre.

Mes poings se serrèrent de nouveau contre mon pantalon. Je gardais les yeux fixés sur le sol, fulminante. J'avais envie d'éclater en sanglot. Pourquoi avait-il fallu qu'il vienne jusqu'ici ? Et pourquoi est-ce qu'il fallait que je réagisse comme ça ?

J'insufflai lentement pour expirer encore plus lentement, contrôlant ma respiration pour empêcher les larmes de couler. Pourquoi est-ce que je ne pouvais pas être indifférente ? Pourquoi est-ce que je ne pouvais pas agir comme lors de cette mission que nous avons réalisée avec Aoi, être indifférente, objective, professionnelle, calme et en pleine maîtrise de moi-même ? Pourquoi est-ce que c'était si compliqué de l'écouter parler, à chaque fois qu'il reprenait la parole ?

Parce que cette fois-ci il se trouvait en face de moi. Et il avait les yeux ouverts. Il parlait. Il était conscient.

Je réalisais alors que depuis qu'il m'avait dit ces stupides mots, mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. Ca n'allait pas. Je n'allais pas bien du tout. BON DIEU mais pourquoi, pourquoi, POURQUOI avait-il fallu qu'il vienne ici ?! Pourquoi avait-il fallu qu'il survive, qu'il revienne à Terrae ?! Ca allait mieux. Ca allait mieux, j'avais fait mon deuil, il était parti. Il ne devait pas revenir. Ce n'était pas prévu.

J'essayais de détendre ma main gauche pour venir frotter mes yeux et en retirer les larmes naissantes. Je reportai mon regard sur lui, furieuse.

-Non.

Non, parce que je n'ai plus envie de te dire oui. Non, parce que je ne veux plus que tu me remettes une seule fois dans l'état dans lequel je suis en ce moment.
Non, parce que c'est la seule réponse qui me donne l'impression d'être encore forte face à toi. Parce que je sais que si je te re-croise, que si tu me re-parles, je ne pourrais pas ne pas te répondre.

Ma main, tremblotante, attrapa la poignée dans mon dos, et je m'appuyai légèrement dessus pour faire volte face.

-Au revoir, Ys.

J'enclenchai la cliche et passai de l'autre côté de la porte, la refermant d'un claquement derrière moi pour venir glisser contre, tombant sur le sol, les larmes ruisselant sur mes joues. J'enserrai mes jambes de mes bras, les ramenant contre moi pour venir fourrer ma tête à l'intérieur. Il fallait que je les laisse sortir. Je devais évacuer. C'était douloureux pour le moment, mais ça irait mieux après. Je devais juste les accepter.
Parfois, pleurer fait du bien. Et on en a besoin pour repartir ensuite.