__–Loyale… c’est paaaaas exactement le terme que j’aurais choisi pour le décrire, papy. Encore que.
__–« Dans un sens, il était tellement, loyal à son pays, qu’il a lutté toute sa vie contre son gouvernement. »
__–Mais bref, assez de sous-entendus pas du tout évidents, passons aux choses sérieuses. Je l’écoute avec grande attention. Effectivement, j’ai mon propre avis. C’est exactement ça, le problème, en fait.
__–Je claque des doigts. Encore, ouais. Non mais, c’est plein de découvertes intéressantes.
__–« Donc les Karasus étaient bien liés aux Centre ! J’avais que des suppositions, tu me files la preuve que j’attendais. Trop fort. Ouais, bon, c’était un peu évident, tout de même, mais t’as remonté la piste et tout, avec un seul coéquipier… C’est excellent, ça. C’est vraiment excellent. Non, tu sais, je vais te dire. Prendre l’offensive, clairement c’est un bon point. Ce qui me dérange le plus, c’est que personne ne se soucie de faire la com’ sur ce qui se passe. Tu vois ce que je veux dire ? Regarde. Personne n’a prévenu personne que t’étais revenu, ou même de pourquoi t’étais parti, j’ai dû tout deviner toute seule, en enquêtant et en me méfiant de mes propres amis, sans pouvoir leur poser de questions, parce que ce serait suspect et tout. Mais… comment cet institut veut apprendre du passé, s’il refuse de le regarder, tu me suis ? Comment il fait pour éviter que d’autres comme toi apparaissent et foutent le boxon ? Si personne ne sait ce qui se passe, ou ce qui a été tenté et, bon… a pas réussi de fou ? Je trouve ça pas sain. »
__–Ah oui, par contre.
__–« C’est non-fumeur, désolée. »
__–Oui, je sais, c’est le poêle qui se moque du chaudron (jugez pas les expressions portugaises, merci), mais j’ai des enfants ici.
__–« Par contre, on a une terrasse fumeurs. Avec ça. »
__–Je lui montre sur une étagère les chichas. Bah ouais, quand-même ! C’est carrément plus classe !
__–« Je nous en prépare une ? »

__–Hmm mm. Je sais pas. Je ne peux pas être d’accord avec l’idée qu’on aurait pas dû annoncer son retour. Je veux dire. Si le problème, c’est qu’on craint pour sa sécurité… On est une communauté fermée, de moins de cinq cents pégus ou tout le monde se connaît, avec des masters voyants. Donc il risque à la fois sa vie tout le temps et en même temps, il ne la risque jamais vraiment, vu qu’il y aura toujours quelqu’un pour éviter que ça ne dégénère. Alors que, si un effort de maîtrise de la communication et d’éducation avait été fait, si les masters s’étaient emparés de l’affaire, avait fait un communiqué spécial, expliqué son histoire, dit à quel point ce qu’il a fait est pas bien et que, bon, par contre on est des gentils et on croit à la rédemption, donc personne ne le touche… Ça aurait pas été pareil. Plus apaisé.
__–On ne résout rien par le déni, l’ignorance volontaire et le silence. C’est vrai pour des individus, je vois pas pourquoi ça le serait pas pour des sociétés.
__–Il faudra qu’on ait une petite discussion à ce sujet, Pricie et moi.
__–Bref.
__–« Bien sûr que je t’accompagne, c’te question ! »
__–Par contre, c’est risqué de parler de toucher des choses devant moi. Heureusement qu’il n’en a pas parlé. Parce que, bah oui, évidemment que je le trouve beau gosse… Pas dans son meilleur état, mais beau gosse. Enfin bon, là je me ferais vraiiiiment trop d’ennemis, on va éviter de faire trop de conneries.
__–Enfin…
__–Bref.
__–« Merci ! Venant d’un ancien, ça fait plaisir. Alors, niveau parfums, j’en ai pas mal de fruités. Mangue part très bien. Sirop de canne est le plus populaire. Mon préféré c’est menthe poivrée. Tiens ben, fruit rouges, ça te botte ? »
__–Je prends le narguilé, le parfum qu’il aura choisi et direction la terrasse. Puis, tant qu’à faire, on sait jamais, quand on arrive, je bouge un peu les paravents, histoire que personne ne puisse nous voir… Non, mais… C’est au cas où, vous comprenez… Qu’on soit tranquilles.
__–« Et en vrai, t’as des projets, ou… Déjà, retomber sur tes pattes ce sera pas mal ? »

__–« Oh ça vaaaa, t’as pas perdu une jambe ! Et j’ai failli perdre la mienne, j’ai même eu une canne pendant six mois, après m’être pris une balle en Namibie. Du coup j’ai le droit de faire la blague. D’ailleurs, ’faut que je te raconte, ouais. »
__–Ok, assez déconné, parlons du sujet. Je tire un coup et me penche un peu en avant.
__–« Les gars d’en face, ils sont tous crevés, donc on peut dire ça. Nan, sérieusement. Décembre 2022, on lance une grosse opération sur le Centre, avec l’appui de l’armée anglaise. Sauf que… je sais pas, je pense qu’un truc a été foiré, mais sur notre mission, on devait aller récupérer une machine inventée par… ben Mitsuki, en fait, récupérée par le Centre, qui pouvait bloquer nos pouvoirs. Moi, elle, Tiago. Et des flingues. Sérieux, j’avais assez sur moi pour aligner un bataillon et c’était un peu le projet. En même temps, sans magie, il reste plus que les grenades, les mines, les glocks et les boucliers balistiques, hein.
__–» On devait pénétrer un bunker souterrain, il y avait plusieurs équipes, la nôtre devait foncer droit sur la machine de Mitsuki et la désactiver, pour aider toutes nos autres équipes, pour empêcher le Centre de foutre en vrille les pouvoirs de tout le monde. On y est allés. Sauf qu’en face, ils ont dû être plus malins que nous, on a été pris en tenaille. Et à un moment… »
__–Je lui montre mon bras robot. Plus spécifiquement, les trois cristaux Tonnerre de Nicolas, tubulaires, qui l’alimentent.
__–« Je vais pas te faire un dessin sur ce que c’est. Je les ai sorti. Pris du scotch. Une grenade. Ouais. Ouais mon gars. Et, bah… »
__–…
__–Et baaaaah est-ce que je lui raconte que sa go a failli crever dans la manœuvre ?
__–Ah putaiiiin merde j’avais pas réfléchi jusque là.
__–Je me racle la gorge.
__–« Bon en vrai, c’était un peu la solution de la dernière chance. On s’est pris un gros coup de jus aussi, on a tous fini à l’hosto. Et, euh… Ouais, Mitsuki a été pas mal atteinte. Ça a activé sa greffe, j’ai pas tout compris, mais c’étais sale. Alors en vrai, à toi de juger. Si tu veux me mettre une baffe là, je comprendrais. »
__–Ouaip ouaip ouaip.
__–« Mais, euh. juste avant, ça me fait penser… à l’occasion, toi qui doit avoir l’habitude d’affronter un ennemi plus nombreux, plus puissant, tout seul dans ton coin… Ça te botterait, de… sous le manteau je parle, de former des gens ? Je parie que t’as une énorme expérience à partager et franchement, des gens qui s’y connaissent dans combattre nos ennemis, ça manque. On prend trop de risques parce qu’on est pas assez expérimentés et qu’on fait des conneries du genre. »

__–Pfiouh.
__–C’est un peu comme un adoubement, là, d’avoir le Ys qui me dit ça. Ça me rassure pas mal, je me détends un grand coup. Tire même sur la chicha.
__–Ah, apparemment, ma demande touche un point sensible. Alors j’attends, je le laisse organiser ses pensées et me les donner. Hmm mm. Je crois que je comprends un peu son état d’esprit. C’est celui d’un paria, de quelqu’un à qui plus personne ne se fie et qui a presque tout à reconstruire. Du coup, sans même vraiment prendre le temps d’y réfléchir, parce que c’est tout vu, je lui réponds :
__–« Bien sûr. C’est comme tu veux. Je me disais que faire ça non-officiellement, te mettrait plus en confiance, puis il faut pas en faire une montagne. Genre, je m’occupe déjà de la formation de quelques personnes, genre de Camil, un Tonnerre téléporteur lui aussi tiens, mais en binôme, sans passer par un club ou quoi. Ça aurait été quelque chose du genre que j’avais en tête. Mais écoute, si tu veux carrément en faire un vrai projet… Ouais. Ouais, c’est top. »
__–Je suis assez bien placée pour savoir que, après s’être pris une énorme, une gigantesque gifle de la part de l’univers, il faut se lancer dans un projet. Quelque chose qui concentre notre attention et qui nous fasse utiliser nos mains – quand on a encore la chance d’en avoir deux.
__–« Par contre, ça implique un truc, de faire ça en officiel et tout. C’est que tout le monde saura qui tu es et ce que t’as fait. Ceux qui te connaissent pas vont apprendre et ceux qui te connaissent… vont tous savoir que t’es là. Reste à voir si t’es prêt à assumer ça, je peux pas prendre la décision à ta place. Si c’est trop tôt, c’est trop tôt, y’a pas de problèmes. »
__–Je tire un autre coup et souris.
__–« Je viendrai juste t’embêter régulièrement pour te demander des conseils sur comment faire en opex ! »

Au moins Luna n'est pas fermée à l'idée de rendre ce service publique. Ce n'est pas tant qu'il souhaite passer pour un lâche en exerçant dans l'ombre des Masters, mais parce qu'il tente d'aller de l'avant. D'écouter enfin ses amis, de leur faire confiance.
La demoiselle nomme un Tonnerre téléporteur, quelle coïncidence! Camil de ce fait. Evidemment, le Master déchus n'en a aucune idée de qui il peut bien s'agir.
Un projet.
Oui, c'est probablement ce qui lui manque. Ne pas se sentir inutile ici. Encore faut-il que Hideko accepte.

"Ouais et je pense savoir à qui le demander aussi. Mais elle a un sacré caractère et je dois... je dois réparer des erreurs avant ça."

Ayant à l'esprit une vieille amie, Elwynn, le jeune homme connaissait les conséquences. Encore faudrait-il qu'il la croise. Et connaissant le caractère de la jeune femme, il se doute bien qu'elle lui sauterait pas au cou lors de leur retrouvaille.

"Oui, je sais bien..."Souffle-t'il, regard baissé sur la chicha.

Luna le met en garde. Effectivement si les nouveaux résidents de Terrae ne le connaissent pas, faut il encore qu'ils l'acceptent après sa révélation. Et les anciens également.
Ys a pleinement conscience ce que cela lui en coûte, pourtant il ose espérer. Et puis dans tous les cas, que risque-t'il de perdre de plus que ce qui n 'est déjà fait?!

"Viens et tu verras bien."Reprend-t'il d'un sourire en coin.

Lui empruntant le manche de la chicha, le jeune homme reprend à son tour une inspiration avant de le lui tendre.

"Mais avant de vouloir donner des cours, faudrait avoir deux bras. Et je suppose que ça doit pas être dévident de s'y habituer?"

__–Hmmm… Sacré caractère, serait intéressée par de l’entraînement militaire… Mais qui ça peut bien être, je me demande, ohlàlà… Bon enfin hélas, le dé a décidé que je n’avais pas compris l’allusion, donc je ne vais pas pouvoir sortir de trucs du genre, « oh bah oui je la connais, j’ai sauté son mec. Elle était là, occupée à me sauter moi. » Quelle déception, mes petits amis.
__–Je me contente donc de hocher la tête. Ça prendra le temps que ça doit prendre.
__–« À ton rythme, mon pote. Et bien sûr que je serai là, t’est ouf, je louperai ça sous aucun prétexte. »
__–Breeef ça se met à parler de bras, mon sujet préféré avec la drogue, l’alcool et, euh… On va dire l’éducation des enfants, pour le contraste.
__–« Non, en effet, je vais pas te mentir. Après, je vais pas te filer de la merde, du fait maison, que j’ai soigné moi-même. Attendez, je parle de prothèse ou de beuh, là ? Je sais plus. Si tu veux, quand j’ai perdu mon bras, on avait pas de thunes du tout dans ma famille, du coup je m’étais bricolée un truc à la capitaine crochet et puis voilà. Une fois arrivée à Terrae… Mitsuki, en fait, comme quoi le monde est petit, j’ai bossé avec elle pour créer mon premier modèle de bras en plantes intégré à une sorte de carapace en métal. Ça marchait pas terrible, je devais claquer un cristal dès que je voulais attraper un œuf pour gagner en précision, tu vois. Mais j’étais initiée, j’ai pas mal évolué depuis. C’était… ouais, c’était et c’est toujours mon gros défi personnel, en fait. »
__–Jouons cartes sur table, c’est trèèèès probablement ça la source de mon Vide, au moins en partie. Ça, le Ys il l’aura compris tout seul, s’il est assez malin. Non parce que, j’aurais pu ne pas me faire chier et acheter une vraie prothèse. Mais où aurait été l’intérêt ?
__–« Là, il faut que j’y réfléchisse un peu, mais tu vas bénéficier de plusieurs années de recherche et développement sauce Luna d’un coup. »
__–Et Mitsuki et Nico, à facile 30 % chacun.
__–La chicha est presque vide. Rooooh.
__–« Bon enfin, on papote, on papote, je suis censée être en service. Écoute, tiens. »
__–Je note mon numéro sur un bout de papier qui traîne. (J’ai toujours plein de trucs dans mes poches, dont ça.)
__–« Hmmmmmm… Évite de passer chez moi, pour le moment, c’est aussi là où habite Pricie… J’aimerais savoir ce qu’elle en pense avant de t’autoriser à poser tes fesses sur mon canap’, tu comprends. Mais à part ça, tu sais où je travaille, quatre ou cinq jours par semaine. Et surtout, appelle-moi quand tu veux, d’accord ? Dès que t’as besoin de quelque chose. Je vais bosser sur cette histoire de bras, on se retouche absolument et très vite pour monter un projet sérieux de club d’entraînement à présenter à la direction… Hmm, quoi d’autre… »
__–C’est une vraie question, pas juste moi qui réfléchis à voix haute.

Luna donne plus de détails sur la perte de son bras et notamment comment s'en servir. Evidemment Mitsu était derrière ça, il aurait pu le deviner. Ca ne l'étonne pas finalement. En revanche, ce qui l'impressionne est le fait que la brésilienne s'obstine à contrôler son bras par ses propres moyens. C'est humble. Elle aura au moins le mérite de pouvoir s'en vanter. Un jour où elle en sera pleinement satisfaite parce qu'il semblerait que ça coince de ce côté là.
Ys l'écoute mais la fixe étrangement. Il aimerait pouvoir en savoir d'avantage mais il semble que la jeune femme ait des priorités. Elle lui tend aussitôt son numéro que le jeune homme relie avant de le ranger dans sa poche.

"On se retouche? Hum, tu voulais dire on se recontacte?!"

Ouais là pour le coup il est trop premier degrés. Disons qu'il est encore sur le sujet Pricie. Ca aussi, c'est un autre sujet extrêmement sensible et pourtant inévitable.

"Hum, une prochaine occaz pour découvrir un autre parfum?!"Ajoute-il à l'interrogation de la demoiselle lorsqu'il fit un mouvement de la tête en direction de la chicha.

Autant prendre du plaisir de temps à autre entre tous ces projets. Ce serait dommage de croiser Luna uniquement dans un cadre professionnel. Avec elle, il y a de la conversation et surtout de la franchise. Elle peut apporter énormément.

"Merci encore Luna. Pour la bière, la soirée."Termine-t'il d'un demi sourire tout en se levant de son fauteuil.

C'était assez plaisant d'être reçu comme n'importe qui, comme un homme et non comme un pestiféré. Evidemment, le jeune homme lui laisse, en plus de régler son verre précédemment, un pourboire onéreux.
Lui adresse un signe de la main, il tourne alors des talons laissant la jeune femme à ses préoccupations.
De toute manière, il le sait, ils seront amenés à se revoir très prochainement.

HRP> tu veux clôturer et c'est bon pour toi? :D