Lola vient à peine de commencer les cours. Nous sommes fin février, il fait encore froid à Terrae ; elle prend ses marques, s’est autorisée à sortir un peu de chez elle plus souvent… Se réfugier dans les coins qu’elle maîtrise. Elle n’aime pas encore trop l’école, ça lui fait bizarre, et c’est envahissant, alors parfois après avoir repris un jour elle n’y retourne pas le lendemain. Mais ça va de mieux en mieux, elle sait qu’on attendra surtout d’elle une présence assidue à partir de la rentrée d’avril, alors elle en profite encore pour reprendre ses marques. Si c’est aisé avec Aylan, c’est parfois étrange avec Miguel, et difficile sans Liz. C’est Liz plus qu’elle qui espérait découvrir cet endroit et ses habitants, malgré sa crainte — et elle n’arrive pas à ne pas y penser. Liz lui manque, c’est une évidence terrible qu’elle ne parvient pas à mettre de côté. Et pourtant, ça ne fait que deux mois.

Pour s’occuper l’esprit, Lola a aussi besoin de s’occuper tout court. Elle a toujours aimé lire, et elle commence à être lassée par ce qu’elle trouve dans la salle commune, alors elle s’est finalement résignée à enfiler une doudoune — encore un cadeau de sa génitrice — et aller jusqu’au Village à pied… en prenant son temps, disons. Observer chaque recoin, chaque chemin, les gens qui passent et qui l’ignorent. C’est étrange, parce qu’au Centre on l’observait toujours du coin de l’oeil, on attendait beaucoup d’elle, on lui aboyait des ordres. Quand elle n’obéissait pas ou ne détournait pas les yeux — elle ne détournait pas les yeux — on la menaçait, ou on la frappait. Jusqu’à ce qu’elle rappelle qu’elle est Titan, d’un geste anodin mais pourtant rempli de promesses de violence. Ca les calmait.

Ici, tout le monde s’en fout. Elle a été accueillie par les Terres, qui sont gentils, et elle n’a même pas besoin de parler avec certains. Ca la dérange particulièrement, les Télépathes, et en même temps c’est reposant de ne pas avoir besoin de prononcer le moindre mot, parfois. Les autres Titans l’aident à rattraper ses conneries quand elle casse encore quelque chose par inadvertance, et qu’elle se sent au bord de l’implosion. On lui dit “c’est ok, c’est pas grave, ça se répare !” et c’est vrai. Tout plein de choses se réparent, ici, ce n’est jamais grave. C’est ça le plus bizarre, certainement.

Quand elle pousse la porte de la bibliothèque, avec sa discrétion et sa mesure habituelle, elle se dirige directement vers les rayonnages en scrutant les personnes présentes par en-dessous. Elle n’a pas besoin de se faire petite pour qu’on ne la remarque pas, elle se dirige simplement du point A au point B sans bruit, et c’est souvent parce qu’elle s’arrange pour ne croiser le regard de personne et ne pas faire trop peser ses pas. Parfois, on dirait qu’elle a peur de casser le sol.

Elle passe du temps au rayon Vie et Terre, où elle attrape une grosse encyclopédie des insectes pour l’ouvrir au pif, et commencer à lire au milieu du rayon. L’ouvrage est presque aussi gros qu’elle, mais il ne pèse rien entre ses doigts, qui tournent délicatement les pages. Quand elle se retourne finalement pour le reposer, et en sortir un autre avec des herbes et plantes — Lola a toujours été intéressée par la concoction de poisons au Centre, elle avait même prévu d’en glisser dans la nourriture des soldats par moments avant l’attaque, mais elle avait trop peur de se faire prendre — elle perçoit une sensation bizarre. Un regard en biais ; elle est observée. Silencieusement, elle va s’installer à une table, de manière à garder la personne qui la regarde dans son champ de vision, sans pour autant lui accorder de l’attention. Si elle en avait quelque chose à faire, ça se saurait.

C’est… NON ? Si c’est elle je suis certaine, j’ai pas vu de photos… Mais elle ressemble de ouf à sa mère ! Genre, de ouf. Bon, ok, peut-être que si je m’attendais pas à tomber sur une mini Ariana depuis un bon mois j’aurais pas tilté de suite. Je regarde entre deux rayons d’étagères pour être sûre, mais même si elle était pas poil de carotte, elle a le même nez j’crois…

Par contre elle n’a pas du tout la même énergie. Genre, c’est beaucoup plus froid ? Ariana pétille, elle… Je dirais qu’elle ressemble à de l’acier ? Peut-être du béton ? un truc inébranlable. Elle lit quoi ? J’ai du mal à lire. J’me rapproche un peu, ah, un guide sur les insectes. Il date un peu, mais il a des jolis dessins… Sauf qu’à voir le mouvement de ses yeux c’est pas les dessins qu’elle regarde. Hm, elle aime les insectes ? Ok.

J’la laisse tranquille, enfin, j’ai du taf aussi étrange que ça paraisse. Faut que j’trouve de quoi occuper Minoru et Afya. C’est prise de tête. J’ai envie de former Minoru pour qu’il en fasse un max, mais en même temps faut qu’il reste du taf pour Afya le soir. C’est relou, heureusement on sera bientôt libres. Elle m’irrite toujours autant. Une fois que j’ai fini de préparer des fiches expliquant à Minoru comment on couvre les livres en fonction de leur couverture et de leur rigidité, je repasse à côté de mini-Ariana, elle lit toujours le même bouquin, elle a bien avancé.

Je pars dans le rayon biologie, je récupère trois magasines distincts qui consacrent un exemplaire aux insectes. J’aime beaucoup le troisième, parce qu’il développe beaucoup les travaux d’une équipe de chercheurs travaillant sur la plasticité cérébrale des guêpes. Pour le coup j’les avais trouvés fascinants. Les autres consacrent un exemplaire sur les espèces peu connues en Australie, et le dernier bah, parle de stratégies d’adaptations similaires développées par des insectes de différents continents. Je retourne vers Lola et je pose sur la table à côté d’elle les trois magazines.

« Tiens, ça fait moins catalogue que ce que tu lis, mais ça devrait t’intéresser. »

Enfin, à moins que je me sois trompée et qu’elle ait besoin de lecture adaptée à son âge… Quoi, j’aurais du lui dire bonjour et me présenter ? Ouai, non flemme.

Lola tourne les pages avec une lenteur calculée, pour ne pas les déchirer. Ca lui demande de la concentration, et elle n’a pas envie d’abîmer un joli livre comme ça. Même si son visage reste stoïque, tout ce qu’elle lit l’anime. Elle n’a pas beaucoup d’imagination, mais elle aime tellement combiner les choses ensemble. Réfléchir à leur utilisation. C’est pour cela qu’elle aime bien les plantes, apprendre leur nom, détailler les différences entre plusieurs herbes de la même espèce. Comment reconnaître une feuille. Une fleur. Elle lit toutes les annotations. Pour elle, même si c’est organisé, c’est organique ; ce n’est pas figé comme un robot, même si tout est fixé sur une page de papier, inamovible. Au fur et à mesure de sa lecture, son esprit se laisse emporter, mais elle est toujours sur le qui-vive. C’est son regard qui est glacé, qui refuse qu’on l’approche et met les limites.

Pourtant, quand une dame blonde étrangement petite — elle remarque le fauteuil dans un second temps, reconnaît alors la personne qui s’agite dans les rayons depuis tout à l’heure — apparaît devant elle pour lui glisser trois magasines, elle cligne des yeux, surprise. Un instant, elle se demande ce qu’il y a de mal avec les catalogues. Elle aime bien, il y a de jolies images, des descriptions précises, beaucoup de mots qu’elle ne connaît pas mais dont elle essaie de découvrir le sens.

Ses yeux parcourent rapidement les titres des magasines apparents et finalement reviennent dans les yeux violine de la blonde. Oh, elle connaît bien ces yeux.

—Merci.

Lola a une toute petite voix sur laquelle elle ne force pas, parfois il faut tendre l’oreille pour l’entendre. Elle tend la main pour attraper le premier, c’est sur les insectes…

—Ca ne me dérange pas, les catalogues. J’aime bien celui-là.

Elle désigne le livre posé sur la table, celui sur les plantes et les herbes. Mais elle ouvre le premier magasine, curieuse, et plonge dans la lecture de l’édito et du sommaire. Puis du premier article. Son nez se plisse imperceptiblement, elle lit quelques lignes… puis finalement repose le magasine sur l’ouvrage, pousse sa chaise et s’aventure dans les rayonnages à la recherche d’un dictionnaire.

OK. Elle a une voix vachement proche de celle d'Ariana. Elle est méga chou... Mais elle est moins... hm. Pétillante ? Je ne sais pas comment dire autrement.

Merde. Elle a changé de type de lecture. Bon. Bah. Tant pis on fait avec ce qu'on a comme on peut. Elle aime les catalogues ? Je peux comprendre, j'ai longtemps été plus à l'aise avec les modes d'emploi qu'avec tout autre type de lecture... Un catalogue c'est facile à apprendre, mais ça ne demande que peu de compréhension. C'est satisfaisant de se rendre compte qu'on en connait toujours plus, qu'on connait les dix puis les vingt premières pages du catalogue... Puis enfin son intégralité.

Les catalogues ont plusieurs inconvénients, leur date de publication premièrement n'est pas garant de leur justesse. La science avance vite, et certaines espèces publiées dans un livre qui a mis trois ans à être publier ne sont plus considérées comme des espèces mais comme des dimorphismes sexuels, ou comme des sous espèces... Ce n'est pourtant pas ce que je vais lui répondre, c'est trop froid et formel.

"Les catalogues te donnent les bases pour comprendre la science en mouvement, une fois que tu les maitrises c'est quand même pas mal drôle de voir ce qui vient après... Enfin je trouve. "

A peine a-t-elle parcouru quelques lignes qu'elle part déjà chercher un autre livre... Je suis curieuse de voir ce qu'elle va ramener.

Ses yeux parcourent les pages rapidement, sans vraiment les lire à fond, parce qu’elle se rend compte que la dame de la bibliothèque n’a pas tout à fait fini de lui parler. Alors Lola prend son temps, c’est ce qu’elle aime bien faire habituellement ; elle n’aime pas quand tout va trop vite, elle ne s’appelle pas Brad ou Aylan, après tout. Si ça va trop vite, elle ne peut pas en profiter ou décortiquer correctement. Alors elle acquiesce, encore un peu confuse, mais se dit que si les catalogues peuvent lui offrir une base, alors ce n’est pas une mauvaise idée de commencer par-là. Lola est patiente ; si elle a décidé qu’elle allait lire un dictionnaire avant de pouvoir lire autre chose de plus intéressant, même si ça lui prend une bonne année, ça ne la gêne pas. Enfin, si elle est toujours à Terrae d’ici un an, mais c’est une autre histoire.

Lola acquiesce. Alors elle lira d’abord ce catalogue, mais elle peut aussi lire des magasines ensuite. Son doigt tapote contre le papier glacé du magasine, comme un tic.

—Ou peut-être que je peux alterner…

Elle chuchote, presque pour elle même, de sa petite voix sans intonation. Elle acquiesce à nouveau, presque pour elle, et semble s’enfuir chercher son dictionnaire — un gros livre qu’elle porte contre elle, non pas gênée par son poids mais par sa taille dans ses petites mains. Elle pose délicatement le livre sur la table, se rend compte que la dame est toujours là, et va chercher le mot qu’elle ne comprenait pas dans le texte… c’était celui-là. Elle feuillette le livre, lentement parce qu’elle a peur de déchirer les pages si elle ne fait pas attention. Minutieuse et concentrée, elle l’oublie presque. Presque.

—C’est quels sujets que tu aimes bien, en général ?

Ca peut peut-être lui donner des idées. Mais elle a l’air de s’y connaître, et Lola aime bien poser des questions.

—Les insectes, j’aime bien parce qu’ils sont amusants et pour le rôle qu’ils ont dans un écosystème. Mais les plantes, j’aimerais en connaître beaucoup pour en faire pousser et faire des infusions, teintures-mères ou décoctions.

C’est pour ça, le catalogue. Mais ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’elle aime surtout la manière dont les plantes s’entortillent, bougent, respirent. Quand ils étaient en Amérique du Sud, elle aimait bien sentir le mouvement des plantes. C’est apaisant pour elle, elle se sent respirer elle aussi. C’est une évidence pour elle de s’intéresser à ces êtres vivants qu’elle peut nourrir de sa magie. Elle sait bien faire quelques poisons, mais elle ne voit pas bien à qui elle pourrait en administrer ici, alors faut bien se reconvertir hein.

Je ne sais pas vraiment si la conversation est finie et si je dois partir, en même temps j'aime bien la regarder. Je vois en elle une petite Ariana, mais pas que. C'est attendrissant, elles se ressemblent définitivement mais il faut plus chercher les ressemblances que les différences. Leurs attitudes sont si différentes. Est-ce qu'en regardant Aylan certains pensent qu'il est mon fils ? Je chasse cette idée de ma tête sans trop comprendre pourquoi et m'apprète à repartir.

"C'est un peu simple, j'aime lire d'une manière très générale et n'importe quoi qui me tombe sous la main me convient, du manuel pour mettre en route un lave vaisselle au dernier manga à la mode, en passant par de la littérature classique... Maintenant je lis surtout les nouveautés de la bibliothèque pour pouvoir conseiller les terraens au mieux..."

Faut dire que j'ai un peu poncé tout ce qu'il y a ici en dix ans... Si j'ai le choix, que lirais-je ? Quels sujets m'intéressent-ils ? Je ne sais toujours pas, je touche à tout mais je n'ai pas d'intérêt particulier pour quelque-chose. Je chasse cette idée également de mon esprit. Est-ce important ? Non.

"Tu dois être terre non ?" je souris.

C'est bien le genre de discours que pourrait me tenir Nathanaël quand il parle des plantes. Il est capable de me dire quel plantes coexistent bien ensemble, non seulement en tant que jardinier, mais il n'est pas resté à ce niveau empirique savoir, il est allé chercher pourquoi. Quels étaient les échanges méconnus entre deux espèces.

Donc, elle aime bien tout lire. Ce n’est pas bête comme approche, après tout ; cela lui permet certainement de découvrir beaucoup de sujet, de toucher un peu en tout, en somme. Lola aime mieux se spécialiser, mais elle n’est jamais contre découvrir des nouveautés. C’est pour ça qu’elle a toujours apprécié l’esprit éparpillé d’Aylan, et les cours dispensés par Miguel. Elle retient donc que cette bibliothécaire pourra la guider dans ses choix, elle viendra probablement lui poser des questions ici et là lorsqu’elle parcourt les rayonnages trop pleins. Ca ne la dérange pas vraiment, mais le plein est quelque chose d’un peu angoissant pour elle, tout comme le choix. Plus il y a de choix, et plus elle s’y perd ; alors que quand on n’a qu’une ou deux possibilités, au moins, on sait sur quoi se focaliser.

—Pourquoi un manuel de lave-vaisselle ?

Ca peut paraitre un peu hors-sujet, mais Lola a du mal à comprendre l’intérêt de lire ce genre de choses pour le plaisir. Elle le lirait si elle devait apprendre à l’utiliser, bien entendu, mais le concept même de prendre du plaisir à lire un manuel d’électro-ménager, quelque chose d’utilitaire en somme, lui échappe un peu.

La petite relève finalement les yeux vers la femme blonde à sa question, essayant de déchiffrer son expression. C’est fou, parce qu’elle a l’air tout lisse, comme ça, même quand elle sourit et que c’est calme. Lola acquiesce lentement.

—Oui. Je suis Titan.

Facile de deviner, ce n’est pas toutes les gamines de presque treize ans qui poncent des herbiers. Et si elle avait été Télépathe, la bibliothécaire l’aurait su tôt ou tard.

—J’ai entendu dire qu’il y avait une serre, et un potager. Vous savez si c’est facile de se porter volontaire, là-bas ? Je ne sais pas comment ça fonctionne pour s’inscrire.

« Hm. Je dirais parce que c’est intéressant et simple à lire, il n’y a que des faits. Il n’y a pas d’enjeu autre que d’utiliser une machine de la manière dont elle a été conçue. Par contre c’est intéressant de voir comment les différentes traductions divergent, ça permet d’appréhender les nuances de chaque langue. Puis plus on lit de manuels électro-ménagers différents plus on comprend globalement comment tous fonctionnent. C’est vraiment de la lecture de qualité. »

Ah, oui parce que quand je lis un manuel d’instruction je le lis dans toutes les langues. Pourquoi ? J’en sais rien, j’ai toujours fait ça. Je pense qu’au début c’était pour progresser dans les langues que je ne maitrisais pas, et maintenant… Je sais pas, c’est une habitude. Alors oui, bien entendu depuis que je suis master des fois j’ai la flemme et je demande directement à l’objet de m’expliquer comment il fonctionne, mais… Il y a toujours un livret explicatif de comment fonctionne un sèche cheveux ou un réveil matin dans ma table de chevet.

Elle confirme ce que j’ai deviné, et une micro partie de moi a envie de rire en se disant qu’Ariana a une enfant terre… Mais j’ferais mieux de ne pas faire ma maligne parce que j’ai un air… Bref.

« Ah, c’est super facile, ils refusent jamais personne, terre ou pas terre d’ailleurs. Suffit d’y aller un jour et de dire que tu veux mettre la main à la pate. Enfin, à la terre. J’ai quelques amis qui y travaillent régulièrement, je peux leur demander de t’accueillir si ça peut t’aider. »

Demander à Aria ? Non, vraiment un traquenard que je ne tenterais pas. A Nath par contre, sans soucis.

Intéressant et simple à écrire… voilà une réponse que Lola ne s’attendait pas à avoir. Cependant, l’explication sur la comparaison des différentes langues lui paraît soudain plus logique, accessible, même ; ce serait peut-être une bonne idée pour étoffer davantage sa compréhension de l’anglais et du français. L’arabe, elle peine encore trop à le lire, alors il faudra surtout qu’elle revienne aux basiques et demande de l’aide à Aylan pour cela. Et le japonais, eh bien… elle ne compte pas rester ici, alors à quoi bon ?

—Oh… d’accord.

Quand Lola n’a rien à dire, elle ne dit rien, ça rend certaines conversations un peu plates, mais ça ne la dérange jamais. Elle est contente d’avoir pu en apprendre plus sur la mystérieuse bibliothécaire qui lit des magazines sur les insectes et des notices d’électro-ménager pour progresser en langues et pour ne jamais être face à un objet qu’elle ne maîtrise pas. Et pour le fun, un peu. Pourquoi pas, hein, Lola aime bien lire des dictionnaires et des encyclopédies, elle.

Elle sourit néanmoins doucement, contente de la réponse apportée par la fameuse bibliothécaire. Elle est un peu étrange, mais mais elle est calme et gentille, Lola l’aime bien. Et puis, elle a hâte d’aller à la serre, maintenant, au moins pour voir travailler d’autres Terres. Pas forcément pour se faire des amis, juste pour apprendre un peu plus vite.

—J’irai alors. Pas besoin, je poserai mes questions directement là-bas. … Mais c’est gentil, elle ajoute, en se forçant un peu, comme pour ne pas la vexer. Il n’y a personne qui dirige la serre ? Un chef d'équipe, ou quelque chose comme ça.

Tant que Lola sait où aller et à qui s’adresser, c’est bon ; elle n’a jamais été vraiment timide et se contente de faire les choses au fur et à mesure qu’elle rassemble les infos et outils utiles à son entreprise. Ce qui est amusant, c’est qu’elle n’a toujours pas remarqué qu’il y avait toutes les informations écrites sur le panneau d’affichage dans le hall, mais ça c’est parce qu’elle rentre la tête dans les épaules et bougonne intérieurement sur tout le trajet qui la mène à la cafétéria à chaque fois, du coup elle ne passe étonnamment pas si souvent que ça devant.

—Vous êtes la mère d'Aylan ?

Ah, ça c'est sorti tout seul.

« Hm, je crois pas qu’il y ait vraiment de chefs dans les serres, t’as toujours un préfet qui se penche une fois de temps en temps sur les plannings pour que tout le monde sache plus ou moins quoi faire, mais sinon ça tourne quasi tout seul. Bien entendu certains terre regardent de loin, et sauraient remettre les pendules à l’heure de ceux qui abuseraient. Pour l’instant ça roule, et si tu sais pas quoi faire tu trouves toujours quelqu’un pour t’expliquer. »

Nath au début s’était énormément investi dans le projet en tant que jardinier de Terrae, il avait passé des nuits blanches à monter des plannings qui roulent tout seuls et à détailler avant ça chacune des tâches à accomplir pour que n’importe qui qui le veule puisse les prendre en main… Puis la fac, les études, et… Bref. Trouver du temps pour nous est déjà devenu compliqué, et j’ai pas aidé pendant un moment… Si on le croise encore de temps en temps là-bas il ne touche plus à l’organisation.

Ah. La question. J’ai envie de dire “et toi t’es la fille d’Aria ?" mais c’est une enfant et moi je suis censée être une adulte. Alors je pourrais réfléchir, expliquer que je ne revendique pas tellement ce titre, et qu’au vu de mon engagement dans sa vie je suis plus sa génitrice que sa mère. Qu’à un moment pour être mère faut peut-être avoir eu le choix, et que moi j’l’ai pas tellement eu.

« Oui. »

Je pourrais lui demander si elle me demande ça parce qu’il l’a embêtée, souvent quand on me pose cette question c’est dans le but que j’aille l’éduquer : ce à quoi je me refuse. J’ai zéro droit de lui dire quoi faire. Enfin si en tant que master à la limite. Et même là j’ai jamais assuré.

« Pourquoi me poses-tu cette question ? » autant savoir.