En pleurs, j’éteignais la télévision. Ce film me faisait toujours autant verser de larmes, mais j’avais enfin réussi à le regarder en entier ! Titanic m’aura donné du fil à retordre, mais ça y est, c’est fini ! Ce n’est pas tant le sort des héros qui m’attriste, mais plutôt le fait de voir autant de gens mourir noyé… Et ces musiciens ! Reniflant une bonne fois pour toute, je partis dans la salle de bain réparer les dégâts causés par ces larmes inutiles. Affreuse… Les yeux rouges et gonflés, la tignasse d’un lion… Ce n’est pas ce soir qu’on fera des folies si je reste comme ça ! Et en même temps… Non, je ne vais pas rester dans ma chambre toute seule maintenant, je vais en faire des cauchemars ! Des gens noyés qui viendront me voir ! Pire : Léonardo Dicapprio et son sourire sadique ! Donc on se refait une beauté. Et je sors vite d’ici ! Me maquillant très légèrement pour retrouver une tête présentable, j’enfilais un pull long sur mon mince T-shirt et des chaussures fourrées, puis sortis de ma chambre. Où allais-je bien pouvoir aller pour me changer les idées ? Le bar ? Bof, pas comme ça… La forêt ? Heu… Non, cauchemars assurés même s’il fait encore jour. Oui, en ce moment, un rien m’impressionne alors je préfère éviter merci ! J’aime trop dormir pour cauchemarder… Alors le toit. Oui, c’est bien ça comme endroit ! Le vent, l’accès à l’air libre… Et puis la vue ! Il paraît qu’elle n’est pas trop mal ! Ma décision prise, j’y allais d’un pas sûr, sensé dissimuler ma peur de croiser un fantôme. Il faut que j’arrête de me prendre la tête, je sais…
Une fois sur le toit, j’inspirais un grande goulée d’air frais. Ouf, ça c’est détendant au moins ! Et il ne fait pas si froid en plus. Souriante, j’allais me rapprocher de la barrière pour contempler un peu ce fameux paysage lorsqu’une odeur vint picoter mes narines. Mais ce n’est pas possible, les fumeurs sont vraiment décidés à gâcher la moindre particule d’air pur ou quoi ? Suivant l’odeur, je tombais sur un jeune homme, vraiment mignon. Cela stoppa mon énervement directement. Attendez, je ne vais pas crier sur un joli garçon non plus ! Surtout s’il se révèle gentil. Heureusement que j’avais pris la peine de me recoiffer dis donc ! Chaleureuse, je m’assis à côté de lui tout en amorçant la discussion :

- Alors, on profite de la vue ou on veut juste se détendre ?

Son air étonné m’amusa malgré moi. J’avais donc été si discrète que ça ? Tant mieux, pour une fois que ça m’arrive ! Je l’observais tranquillement, tandis qu’il soufflait l’air nicotiné de son nez. Ce simple geste m’impressionna. J’avais essayé une fois, et franchement, je m’en souviens encore. Mon nez m’avait atrocement piqué.

- Hum... De la tranquillité... Qu'est-ce que tu cherche toute seule toi? Tu sais que les jeunes filles doivent pas traîner toute seule, sans chevalier servant? (clin d'oeil)
- Bah, je suis grande, je fais bien ce que je veux ! Et mon chevalier servant ne s’est toujours pas montré, alors en attendant…

Il se mit à rire, puis me désigna un paquet de cigarettes et s’en grilla une nouvelle. J’aimais bien son rire… Il était très agréable. Et puis ce monsieur avait une jolie voix. Je n’esquissais pas un geste pour me reculer lorsqu’il s’approcha de moi et commença, pas très discrètement, à m’observer de haut en bas. Je trouve qu’il a une manière très chic de fumer, celui-là ! Mon sourire s’accentua légèrement, et rieuse, je passais la main dans ses cheveux rapidement, le décoiffant.

- Tu aimes ce que tu vois ? Et toi, pourquoi n’es-tu pas accompagné par une demoiselle à protéger ?

Brun, yeux gris, grand… Un peu négligé aussi. Tout à fait mon style, même si Dan était plutôt du genre blond aux yeux verts. Enfin, pour ce qu’il s’occupe de moi celui-là… Je ne vais pas me gêner sous prétexte que je sors avec lui en ce moment. Il n’avait qu’à faire plus attention, nah !

Bien, la nature de ce mignon garçon n'a pas été difficile à découvrir... Lui, c'est un Feu, un vrai ! Un playboy de plus... Son sourire malicieux me donna soudainement des envies de violence, mais je conservais facilement mon air sous le charme. Quoi, je ne l'ai pas dit ? Ceux qui considèrent que je serais une proie facile risquent d'avoir un léger problème en fin de soirée. La fumée qu'il m'avait envoyée dans les yeux soi-disant sensuellement faillit me faire tousser, et mes yeux se mirent à picoter. Franchement, qui a un jour trouvé sexy de balancer une taffe de cigarette dans le visage d'un futur plan ? C'est ridicule... Retenant un toussotement qui aurait gâché complètement l'ambiance, je le laissais me faire un baise-main sans rechigner tout en chassant un minimum la fumée avec l'autre main. S'il veut jouer un peu... De toute manière s'il va trop loin, c'est plus dangereux pour lui que pour moi. Je veux dire, un câlin un peu trop serré... c'est lui qui a un os ou deux abimés, pas moi !

- Eion Nassel. Enchanté.
- De même, Eion ! Laisse-moi deviner... Tu es un Master non ?

Haley avait sûrement dû glisser son nom deux-trois fois dans une conversation sur les Masters canons de Terrae, car il sonnait familier. En tout cas, elle n'avait pas tort. Ah, les Feus et leurs egos ! Il faut croire que je n'attire qu'eux. Je ne pris pas la peine de me présenter, préférant garder un peu de mystère. Eh, c'est comme ça qu'on les attrape, ces hommes qui ont l'habitude que tout leur tombe dans les bras !

- Tu dois sûrement connaître Haley, qui ne tarit pas d'éloges sur tes... multiples conquêtes.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que même en m'étant un peu antipathique, son sourire est contagieux. Oh, et puis il faut que j'arrête de me prendre la tête avec les playboys... J'ai mûri, je devrais être capable de passer à autre chose maintenant, ce n'est pas à cause d'un petit c** de m**** de 16 ans que je vais passer ma vie à me faire du mal ! Je le regardais pensivement s'asseoir tranquillement. Lui, c'est sûr qu'il voulait un peu plus qu'une simple discussion sur le toit, mais je n'arrivais pas à trouver la motivation nécessaire pour essayer de le casser aussi. Qu'il aille vivre sa vie celui-là... Je ne vais pas être la vengeuse de la gente féminine toute ma vie non plus. Tout en m'appuyant contre la rambarde en face de lui, je répondis doucement après que ses éclats de rire se soient un peu calmés :

- Oui, c'est ce qu'elle m'a dit... Et j'ai trouvé que tu nous ressemblais. Toujours une nouvelle conquête, c'est ce qui donne un peu l'impression d'être quelqu'un d'important, même pour une nuit. N'est-ce pas ?

Oulà, je fais dans le dramatique là... C'était ma minute philosophe là. Je déteste devoir analyser mes sentiments et ceux des autres... Non, ceux des autres, c'est amusant ! Mais on garde ça pour soi en général. Peut-être qu'Eion avait été aussi blessé un peu avant... Bref, l'histoire typique des gens qui sont désormais incapables de s'engager dans une relation sérieuse comme moi. Même si je sens que cette tendance va peut-être s'inverser si Dan tire correctement son épingle du jeu. Ah celui-là hante vraiment mes pensées, il faut que je le vire de là ! Reconcentrons-nous sur Eion plutôt !

- Elle m'a aussi dit que tu t'entendais bien avec son nouveau coup de foudre, Gaetoni... Heu... Un nom italien en tout cas !

Sa réflexion se tenait. Il marquait un point. On devrait arrêter de généraliser tout le temps. J'ai été avec de nombreux hommes, mais ils étaient toujours plutôt contents de ce que je leur offrais en retour. Attendez, pouvoir dire que la canon blonde à leur bras est effectivement leur petite amie, ça en bouche un coin aux copains en général ! Et je dois avouer que ça fait du bien à l'ego aussi.
Mon allusion au nouveau petit copain d'Haley le rendit soudainement méfiant. Alors comme ça on peut s'intéresser à lui, mais pas à ses amis ? Secret défense ! Souriante, j'essayais de calmer un peu son inquiétude. Je ne vais tout de même pas interférer en mal dans les histoires de coeur de ma meilleure amie ! Je tiens à la garder, celle-ci, je ne sais pas ce que je ferais sans elle ! M'asseyant en face de lui, je répondis sans blablas inutiles :

- Pour te cerner un peu, et aussi pour avoir enfin un avis objectif sur ce gars-là ! Demander à Haley, c'est un peu idiot puisque c'est son homme. Elle ne va pas me dire tous ses défauts puisqu'elle l'aime ! C'est là que tu interviens : il est gentil ? Il traite bien les filles ?

Haley avait en effet l'air assez attachée à celui-là, mais n'ayant jamais réussi à le rencontrer pour le moment, je ne pouvais pas me faire une opinion concrète sur lui ! Je suis donc obligée d'interroger d'autres personnes pour avoir un portrait autre que :"il est génial, je te jure, il est adorable ! Très beau, très gentil" blabla. Je sais bien comment on est quand on est amoureux ! On devient un peu (voir très) naïfs !

Etre Master n'avait définitivement pas l'air d'être un boulot tranquille. Six mois en cavale ?! Quand même... Ca, c'est du voyage. Je comprends de mieux en mieux les absences à répétitions de ma Haley. Dire que je lui reprochais de me délaisser ! J'irais m'excuser dès que possible. La descritption que me fit Eion de Gaetano me rassura. Ouf, un gentil garçon... C'est déjà ça de pris. En revanche, la manière dont il me dévisagea après coup m'inquiéta fortement. Celui-là, il n'est pas très net si vous voulez mon avis. Lui qui était presque chaleureux au début de la conversation prenait un ton quasi menaçant. J'avais dû franchir une limite interdite au cours de notre discussion... Et shit, moi qui pensais avoir du tact...
Préférant reculer légèrement face à cette nouvelle lueur dans son regard, je me tenais sur mes gardes. Master Feu... J'ai deux choix : soit il se rend invisible, comme Akari, soit il va tenter de faire de moi sa marionnette, tout comme Haley ou Dan. Nettement plus emmerdant, je trouve. Comment vais-je faire pour lui lancer une droite si je ne contrôle plus rien ? C'est le moment de jouer la douceur et la subtilité comme cartes maîtresses je pense. Je ne voudrais pas qu'on puisse m'accuser de chercher les ennuis délibérement. Toujours un sourire aux lèvres, je répondis :

- Merci pour ces détails, Eion. C'est important pour moi de savoir qu'elle est entre de bonnes mains. Au fait, quelle malpolie je fais ! Je ne me suis pas présentée : Karin Alamaba. Une Terre.

En espèrant que ce léger détail le fasse réfléchir à deux fois avant de tenter quelque chose. Thélépathe ou Titan, je n'en trouvais aucun préférable pour lui. En y réfléchissant, les Terres sont quand même vraiment dangereux... Je comprends mieux pourquoi il est préférable que nous soyons plus calme et réfléchie. Repoussant pensivement une mèche de cheveux derrière mon oreille, j'attendais avec une anxiété grandissante la suite de la situation. Il n'a pas l'air bien là...

Voir un homme trembler devant moi ne m'avait jamais émue. Surtout si j'en étais la cause. Je me savais insensible face à la douleur de la gente opposée, et je ne le niais pas. Mais voir Eion, au passé sûrement difficile puisqu'il était ici et ses problèmes de drageur chronique semblables aux miens, je ressentis un petit pincement au coeur. Les êtres humains sont vraiment fragiles, quoi qu'on puisse dire. Je le regardais s'approcher du grillage empêchant les suicide intempestifs, secrètement contente qu'il soit là. Pour la première fois, je ne savais pas comment réagir avec un homme. Il montrait sans le vouloir une faiblesse, et son ego d'homme n'apprécierait sûrement pas une démonstration de pitié de ma part. Mais ce n'est pas de la pitié que je ressens envers lui, plutôt de la compassion.
Ses mouvements étaient fébriles. Sa voix en revanche s'était adoucie, devenant moins menaçante. J'allais lui répondre lorsque je constatais que le fer sous sa main gauche fondait doucement. Oulà, fais gaffe à ce que tu vas répondre ma vieille ! Son sourire forcé m'inquièta un peu plus. Il a l'air déséspéré ce garçon, et les gens déséspérés... on ne sait jamais ce qui peut leur passer par la tête. M'enfin... Allez, pas peur ! Je suis américaine, et les américains ont peur de rien !

- Yup', mister, I'm from America! Je suis née au Mexique par contre. Et la blague sur mon nom, c'est pas la première fois qu'on me la fait... Mais j'aime bien. C'est comme un symbole de ma nationalité, sauf que je n'ai jamais mis un pied dans cet Etat.

Poussant le courage (ou l'inconscience ?), je me relevais et m'appuyais contre le grillage, du côté de sa main gauche. Je n'avais jamais eu peur du feu, ce n'était pas aujourd'hui que ça allait commencer ! Il fallait qu'il se détende. Je suis sûre qu'il était venu passer un moment tranquille sur le toit, et voilà que je le pourissais complétement !

- Et toi ? Tu n'as pas vraiment les traits asiatiques... Amérique aussi ou ailleurs ?