'Pouvoir être'... Tout le contraire de moi mais en même temps tellement similaire. Le sujet était décidément plus profond que ce à quoi je m'attendais. Si je devais comparer à mon passé, cela ressemblerait à une fuite.

- Se cacher pour exister.

Sans attendre, les mots que je me répétais durant mon enfance firent irruption dans mon esprit et s'enfuirent alors que j'ouvrais la bouche.

- 'Si tout est brisé où sont les débris.'

Vague nostalgie de ce passé houleux malgré cela je ne ressentais aucune honte de mes actions passées.
Secouant la tête, je me repris.
Passons, il serait malvenu de ne pas écouter ses explications suite à mes questions. Elles me laissèrent sur ma faim. Je ne doutais pas que c'était là tout ce que Ipiu pouvait m'expliquer, mais je restais frustré quand à l'inexpliqué de ce mot 'Pouvoirs'.
J'avais beau me creuser les méninges, c'était le seul point qui expliquerait tout mais embrouillerait aussi j'imagine.
Je haussais les épaules, vaincu.

Laissons les choses aller à leur rythme et apprenons ce qui peut être apprit maintenant.

- Donc dans la logique des choses, je devrais moi aussi recevoir un don similaire ? N'est-ce pas troublant de pouvoir réaliser quelque chose sans pouvoir expliquer tout le processus ?

Devoir revoir ses acquis n'était pas choses facile et pouvoir déplacer des électrons ne faisait pas partie des choses que je pensais réalistes. Je me résignais, écoutons la jusqu'au bout.

- Et c'est loin d'être la chose la plus surprenante j'imagine. Désolé d'avoir été aussi surpris, je t'écoute.

Un geste bref, pas de dégoût ni de peur. Seulement un sentiment d'étonnement, je réprimais donc le recul instinctif qui poussait en moi. J'esquissais même un léger sourire en l'écoutant.

- 'Gémir sur un malheur passé, c'est le plus sûr moyen d'en attirer un autre' n'est-ce pas ?

Depuis combien de temps ne m'étais-je pas replongé dans Shakespeare ? Je n'arrivais même pas à me rappeler pourquoi j'avais arrêté de le lire. Il restait pourtant sans conteste mon écrivain favoris, je me devais de rectifier cette lacune !

Je reportais mon attention sur ce qu'elle disait, m'expliquant les différent types de pouvoirs. Cela dépendait donc suivant les personnes. Pouvait-on le calculer à l'avance ? Où serais-ce du pur hasard ?
Donc 5 éléments qui eux-mêmes se déclassaient en deux parties distinctes qui dépendent des astres. Et ses sous-classes possédaient elle aussi un pouvoir bien distinct des autres en plus de la maîtrise de l'élément correspondant, si j'en croyais la preuve matérielle qu'elle m'avait montré.
Elle était donc sensitive, ressentir et influencer les sentiments. Quel pouvoir utile ! J'aurais apprécié en savoir plus sur ce sujet.

- Connaître les choses n'est pas forcement important mais s'il est possible de le savoir pourquoi ne pas en profiter dans ce cas ? S’intéresser à toutes ces choses est-il mal ? Pour moi le mystère n'existe que dans le but d'être éclaircit. Toutes ces connaissances qui attendent que l'on les découvres ! Imagines donc pouvoir sortir de l'ombre toutes ces choses considérées comme des miracles. Que y a-t-il de plus excitant.

Décidément cet endroit était prometteur, je me mettais déjà à imaginer ce à quoi j'aurais accès. La simplification que ces pouvoirs auraient sur l'apprentissage des choses. Voyant serait de loin le plus intéressant à posséder !

- Donc tu sais ce que je ressens à l'instant ? C'est précis ou bien plutôt un pré-sentiment ? En plus de ça il t'est possible de m'influencer...

Impossible de me calmer, mon cœur battait tellement fort pour la première fois de ma vie ! Sentiment enivrant.

- C'est exactement la question que je me posais. En revanche je ne peux être d'accord avec le reste. Connaître la façon dont le tour est exécuté n'enlève rien à la performance réalisée au contraire force est de reconnaître l'habileté et les talents de comédien du magicien. L'on a beau savoir quelles sont les raisons du déclenchement d'une aurore boréale mais cela en réduit-il la beauté qu'elle exprime ?

Mais ça laissait quand même à réfléchir, laissant un arrière goût amer dans ma bouche. Elle venait d'ébranler les fondations sur lesquelles je m'étais basé pour avancer. Que ferais-je après avoir élucidé tous ces mystères, me sentirais-je vide ou bien accomplis ? Sur quoi mon esprit pourras ensuite plancher ?
La passion se trouve dans la recherche et non pas dans l'accomplissement, voir son but avancer petit à petit vers soi sans non plus l'atteindre. Réussite ou échec l’intérêt est d'avancer.

Elle avait donc le pouvoir de ressentir tout ses sentiments mitigés qui m'habitaient. Excellent moyen pour aider à y faire le tri, supprimer les ressentis inutiles qui ne font qu'empiéter sur le reste. Je souhaitais le tenter.

- Juste une question avant de commencer. Y a-t-il une chance que ce que tu découvre en moi influence ensuite tes propres sentiments ?

De l'empathie, une nouveauté pour moi. Personne ne devrais subir mon passé.

- Si ta réponse est négative je te laisse alors libre passage. C'est ton pouvoir, tu es donc libre de l'utiliser à l'escient que tu estimes juste, n'en déplaise à d'autre. Les riches se refusent-ils le droit d'acheter en voyant la misère des autres ?

Encore une réponse qui relance mes réflexions. Elle possédait cette faculté de trouver les point faible de mes conclusions, ce qui faisait de cet échange quelque chose de passionnant.
Certes la magie n'était plus le déclencheur de l’intérêt mais le spectacle ne tournait pas seulement autour de ça. Seulement l'intervention humain donc...

- C'est correct, cela s'avère bien plus difficile s'il ne s'agit que de cas où l'humain interagit. L'adjectif intriguant correspondrait plus que celui de magique alors.

Un argument s'insinua dans mon esprit à peine ma phrase terminée.

- Je ne peux que te proposer la Vie. Nous savons presque parfaitement comment est régit l'être humain, mais le fait de donner la Vie et d’exister reste magique.

Le fait que mes sentiments puisse influencer son point de vue ne me gênait absolument pas, j'avais conscience de moi même et ne pensais rien cacher de profond. J'attendis donc qu'elle exerce son pouvoir sur moi.
Quelques secondes s'écoulèrent, elle ne me quittait pas du regard et me donnait l'impression de sonder mon âme. Un frisson me parcourut, c'était déstabilisant.
Je préférais détourner le regard, avisant les gens qui vaquaient à leurs occupations banales sans faire attention à nous.
Sa voix me sortit de ma torpeur, récupérant ainsi mon attention. Les deux premiers points étaient justes et évidents, quand au dernier par contre...

Je me plongeais dans mes pensées, sondant mon cœur pour mieux lui répondre. À qui en voudrais-je ? Certainement pas elle, ni à n'importe quelle personne rencontrée depuis mon arrivée. Ce devait être antérieur, faire partie de mon passé.

- Non, calme tes inquiétudes je n'ai aucune raison de t'en vouloir. Je ne suis pas quelqu'un qui garde les choses en lui quand les événements lui déplaisent. C'est sans doute contre moi-même que je garde des rancunes. Disons que mon apparence entière est ma force mais aussi mon regret.

De l'amertume pouvais sûrement se lire dans mon œil, mais je n'avais pas le courage de l'y faire disparaître. Cet échange m'avait décidément apporté plus de choses que je ne m'y attendais.

 - Tout à fait. La magie est la façon dont notre imagination interprète les choses, lorsqu’elle préfère choisir l'irréel plutôt que l'inexpliqué.


Sa pertinence ne perdait pas son éclat alors même que la conversation avançait. Au contraire, elle savait trouver la question qui répondait à la précédente. Cet échange me donnait l'impression que l'on se connaissait depuis des années, que nous mûrissions les idées que nous étions en train de nous exposer depuis longtemps avant notre rencontre actuelle.


 - Profonde surtout. Cette discussion va dans un sens commun, la première de ce type qu'il m'est permis d'avoir. Posséder la Vie dans le bout de ses doigts. C'est un concept intéressant aussi, mais vague pour moi car non expérimenté encore. Il faudra en rediscuter si la chance m'est donnée d'avoir ces pouvoirs.
…
L'inconnu peut être confortable, surtout devant des questions qui nous concernent. Mais les réponses existent même si nous fermons les yeux, quelqu'un viendra bien un jour nous les exposer. Fuir n'est pas une solution et je crois dans le fait que la réponse, aussi choquante soit-elle, à sa place dans ce monde.


Je lui laissais un long moment pour y réfléchir, temps que j'utilisais pour choisir mon action à suivre. Je savais très bien ce dont elle voulait parler, j'avais moi même ouvert le sujet en décrivant mes sentiments. Soit.
Je repoussais mes cheveux en arrière, retirais mon bandeau et m'accroupis devant elle en vacillant légèrement. Difficile de jauger les distances avec mes deux yeux ouverts. Mon visage s'avança à quelques centimètres du sien, mon regard planté en elle pour la sonder.


 - Je te répugne ? Non, je connais la réponse. Mais comment penses-tu qu'un physique pareil est accueillit dans un petit village d'Inde ? Mon prénom en dit assez long.


Un court temps passa avant que je me relève vivement et remette mes accessoires en place.


- La pitié et la compassion n'apaisent rien, inutile d'en faire montre. Je ne suis pas blessé ni en colère contre tout ça. C'est simplement la vie que j'ai vécue et je ne souhaite pas la renier.

Une nouvelle fois un sourire vint étirer mes lèvres. Je ne savais pas exactement où elle voulait en venir, mais la tournure que la conversation prenait me plaisait. C'est donc sans hésiter que je répliquais.

- Pouvoir est une chose, devoir en est une autre bien différente. Le devoir implique des conséquences, si tu ressens que tu dois faire quelque chose cela veut dire que ça influera sur d'autres. L'obligation implique des raisons qui sont propres à chacun.
Quand à la possibilité... Elle est multiple à chaque moment de notre vie mais nous n'en choisissons qu'une parmi d'autre et rarement par obligation mais plutôt parce que notre conscience nous y pousse.

Je hochais la tête tout en l'écoutant parler. Du peu que j'avais vu, cet endroit été tel qu'elle le décrivait. Des personnalités toutes plus atypiques les une que les autres parcouraient cet institut. Quand au fait de me juger.

 - J'ai depuis bien longtemps perdu tout intérêt pour le jugement que l'on me porte, que ce soit physiquement ou bien de par mes actions. Je ne trouve pas qu'elles nous représentent neutralement. On pourrait faire le lien avec le pouvoir / devoir. Si je dois réaliser quelque chose de considéré comme mauvais pour un but que j'estime juste et encore une fois, si après avoir pesé le pour et le contre je la réalise. Je serais donc jugé dessus alors que moi seul suis capable de juger mes motivations et non une tierce personne.

Une sorte d'aveu, c'est comme se dévoiler nu pour la première fois à un être aimé. Je venais purement et simplement d'expliquer la façon dont je fonctionnais. Surtout qu'après l'avoir exprimé j'avais désormais un effet de recul dessus et je remarquais les faiblesses d'un raisonnement pareil.

 - C'est biaisé... Il est subjectif de définir le bien du mal... Et j'ai beau avoir tenté d'être impartial au quotidien, je sais bien que c'est irréalisable. Mes actions étaient donc dictées par des sentiments dont je refusais d'accepter l'existence.

Je me passais une main stressée dans les cheveux tandis que mon monde s'écroulait.


- Je suis spécieux...

Mon visage retrouvait peu à peu son masque impassible au fur et à mesure que mes pensées s'agitaient. Je ne pouvais plus rester sur ce chemin désormais corrompu, cela prendra du temps mais changer était à la portée de tout le monde.

Les erreurs passées existent pour nous rappeler à l'ordre et les accepter pour ne pas les réitérer devient alors le commencement pour se reconstruire. En résumé cette façade de neutralité et d'impartialité n’était qu’illusoire, je n'étais pas encore apte à l'être. Mais devoir changer du tout au tout n'en devenait pas une mince affaire pour autant.

Je balayais ses paroles d'un geste de la main et lui rétorquais.

 - Est-il seulement possible de marcher droit dans un monde qui va de travers ? Les intérêts personnels sont prioritaires aux yeux de chacun et je ne fait pas exception. C'est justement pour ça qu'il faut juger les faits passés ! Pour pouvoir en conclure si la réaction eue était celle appropriée. Pour mieux se comprendre et pouvoir s'accepter.

S'accepter... Le mot est bien beau. Il fallait que je l'accepte et j'aurai tellement préféré ne pas le découvrir maintenant... En public. Mon malaise intérieur n'en était que grandit. Je devais partir d'ici pour pouvoir poser mon esprit.

 - C'est le moment où je dois te quitter. Cette révélation m'a relativement bouleversé, il me faut du calme pour m'en remettre et y trouver une conclusion satisfaisante. J'ai grandement apprécié cette discussion et souhaiterais la continuer dans un futur proche si ce n'est pas trop demandé. Peut-être lorsque je viendrais chercher à la bibliothèque les livres que tu m'as recommandé.
Au plaisir donc.

Sans plus de cérémonie je tournais les talons et repartit d'un pas rapide en direction de l'institut, la tête bourdonnante d'idées contradictoires.