Depuis combien de temps ne l’as-tu pas revue ?

- Trop longtemps… Souffla-t-il en cessant de regarder le ciel étoilé.

Akira se trouvait sur ce balcon, seul, face à une baie vitrée qui menait à la chambre d’Oksa. Il n’avait plus qu’à toquer sur la vitre pour retrouver la seule personne en qui il avait confiance. Ce geste était simple, pourtant il pouvait avoir quelques conséquences. Mais que pouvait-on craindre en entrant dans une chambre habité par une personne que vous appréciez.
“S’attacher…”
Depuis son arrivée et même avant, le jeune homme n’était qu’une source de problème, des problèmes qu’il n’avait fait qu’embellir avec le temps. Il ne souhaitait pas qu’Oksa les partage, elle n’avait pas les épaules pour ça. Mais d’un côté, il avait cette irresistible envie d'entrer et de la serrer dans ses bras.

C’est donc après avoir pesé le pour et le contre qu’il leva enfin la main et tapa doucement, deux fois, contre la vitre.
Toc Toc...
Aucune réponse… Il retenta le coup, mais toujours rien.

Peut-être était-elle sortie ? Ou peut-être que…
Trêve de questions, le blond n’avait plus la patience d’attendre. Alors, il profita de la légère ouverture de la baie pour y glisser ses doigts et faire coulisser celle-ci.

- Oksa tu es là ?

A première vue il n’y avait personne, mais on pouvait entendre le bruit de l’eau qui ruisselait et apercevoir de la lumière sous la porte de la salle de bain. Elle était en train de prendre sa douche, ce pourquoi elle n’avait rien entendu.
Là deux options s’offraient à ce cher Akira:
1) Entrer dans la salle de bain en criant “Surpise !”
2) Ou s’asseoir et attendre gentiment qu’elle sorte de là.
L’option 2 était inévitablement la meilleure... et la moins risquée.

Akira s’assit donc sur le lit. Mais rapidement le temps se fit long. Plus les minutes passaient et plus il s’affala sur ce lit douillet et confortable. En plus de ça, il y avait ce parfum si “féminin” qui attira son nez dans l’oreiller. Le jeune homme finit totalement vautré dans ce lit qui ne lui appartenait pas…

La journée a été longue. Heureusement, brin de soleil dans ce jour qui fut compliqué, j’ai vu Angie à midi. C’est déjà pas mal. J’ai passé le reste à tenter d’écrire ce conte pour montrer des ébauches à Selvi… Sans succès. C’est donc fatiguée et agacée de mon manque d’efficacité que je rentre dans ma chambre, pose mon sac de cours à côté de mon lit et enlève directement mes habits, entourant mon corps d’une serviette pour aller sous la douche. Je passe devant cette photo plus que bizarre gagnée en lot à la tombola, le professeur de mathématiques avec Blobby – vraiment, ils ont un grain dans cet institut et rentre dans la salle de bain. Je me glisse sous la douche après avoir accroché ma serviette. L’eau chaude me détend, me calme. Je dirais même que ça aide mes pensées à se construire car, petit à petit, des idées me viennent. Je les noterai en sortant. Au bout de quelques minutes, je suis propre et me libère de l’espace clos, sèche rapidement mes cheveux dans lesquels reste quelques traces de la coloration brune faite par Angie, avant de les nouer en un chignon rapide. J’attrape les bracelets que j’avais enlevé le temps de me laver, ainsi que le collier auquel j’ai accroché le cristal d’Akira, qui brille étrangement ce soir. Je les enfile puis, n’ayant pas pris d’affaires de rechange, je m’enroule une nouvelle fois dans la serviette et sors de la pièce.

Et là je retiens un cri en voyant une masse sombre étalée sur mon lit. La lumière de la salle de bain éclaire juste assez pour que je distingue une personne, mais pas suffisamment pour savoir qui. J’appuie sur l’interrupteur d’un coup sec et serre le tissu épais contre moi. L’inconnu redresse la tête, et j’ouvre de grands yeux en découvrant Akira. Quelques secondes muette, je finis par retrouver la parole. Ma voix sèche s’élève.

« Qu’est-ce que tu fous dans mon lit ? »

Non mais sérieusement ? Je n’ai pas eu de nouvelles du jeune homme depuis ce soir devant les grilles, et n’ai entendu que des rumeurs à son sujet. Une sombre histoire de meurtre et de bataille avec des masters. J’avais décidé d’ignorer, d’attendre de le revoir pour en savoir plus, mais aujourd’hui, tout me revient, et je sens la crainte que cela soit réel se glisser dans mon estomac, le nouer à m’en donner la nausée. Je le dévisage, attendant sa réponse, ou plutôt, l’appréhendant.

Au moment où Oksa alluma la lumière pour vérifier quelle était cette chose qui s’était emparé de son lit, il y eu comme un bug... c’était comme si le temps s'était arrêté pendant de longues secondes. Ils se regardèrent tous les deux, muet, avec de grands ronds. Mais heureusement Oksa cassa ce silence grâce à la première question qui viendrait à l’esprit de n’importe qui:

« Qu’est-ce que tu fous dans mon lit ? »

Dans un grand sursaut, Akira se releva vite, très vite, mettant un peu plus de désordre sur le  lit.

- Ce n’est pas du tout ce que tu crois !

En faite, c'était exactement ce qu’elle croyait ! Il n’y avait pas d’excuses à cela, il s’était bel et bien vautré comme un phoque sur le lit d’Oksa. Heureusement, le blond avait une façon très simple de s’excuser… En jetant la faute sur quelqu’un d’autre.

- Tu n’avais pas qu’à prendre une plombe pour te doucher. J’ai bien cru que j’allais m’endormir !

Bien cru dit-il ?
La bave qu’il avait laissé sur l’oreiller était là pour preuve, Akira avait bel et bien eu le temps de s’assoupir durant la douche interminable d'Oksa. Mais ne nous accrochons pas aux petits détails voulez-vous ? Occupons-nous plutôt de cet élément important qui avait changé chez le physique de la jeune fille.

- Qu’est ce que tu as fais à tes chev…

Choqué par ce changement de capillaire, Akira voulu s’approcher. Il fallait qu’il voit cela de plus près, quand tout à coup quelque chose à vint à le couper dans sa lancée. Ses pieds s'emmêlèrent  dans quelque chose, ce qui le fit tomber en avant et s’écraser aux pieds d’Oksa.

- Aïe… Fit-il à retardement et sur un ton totalement neutre.

Attrapant la cause de sa chute, Akira le tendit ensuite à Oksa tout en lui jetant ce regard accusateur.

- Je crois que ce soutif’ t’appartiens...

Le Feu est aussi surpris que moi. D’un bond il est debout, laissant mon lit en vaste bazar. Ce n’est pas ce que je crois ? Comment ça ? Je hausse les sourcils face à son accusation, indignée.

« Tu squattes mon lit et en plus c’est ma faute ? T’as pas l’impression d’abuser là ? »

Comme d’habitude je me retrouve à l’engueuler… C’est fou qu’il soit la seule personne sur qui j’ose lever la voix tout de même.

Akira tente de s’approcher, s’apprêtant je crois à m’interroger sur le soudain changement de couleurs de mes cheveux. C’est en tout cas ce que je comprends, sa phrase s’arrêtant sur un « chev… » alors qu’il s’étale au sol… juste devant mes pieds.

… De là où il est… Il peut tout voir sous la serviette… OMG.

Je recule immédiatement, un air effaré animant mon visage. Heureusement, il ne semble rien avoir remarqué et me tend, à nouveau un regard accusateur dans les yeux, l’objet l’ayant fait tomber.

Qui se trouve être un de mes soutiens gorge.

Genre le soutif en dentelle presque transparent en fait.

…

Je rougis jusqu’aux oreilles et l’attrape, lui arrachant littéralement des mains. Je balbutie, carrément gênée.

« Bah… Bah… Bah oui c’est… C’est à moi. Tu… Tu veux que c… Ce soit à qui d-d’autre ? »

Gnieeeeeh rien ne va plus là ! Je serre le sous vêtement contre moi en même temps que la serviette et lui tourne le dos, fouillant avec empressement dans mon armoire pour trouver des affaires tout en continuant de parler avec un débit de mitraillette.

« J’ai teint mes cheveux pour le carnaval c’est tout ça va bientôt partir c’est si choquant que ça ? moins que toi te pointant dans ma chambre sans rien dire je suppose sérieusement tu vas pas bien hein c’est quoi ton problème ? tu pourrais je sais pas moi prévenir nan ? ou au moins donner des signes de vie avant quoi ! je sais pas t’as un souci hein tu fais vraiment des trucs pas normaux je te jure ! bon je vais me changer tu fais pas de bêtises ! »

Et zoup me voici disparue dans la salle de bain sans un mot de plus. Heureusement… J’enfile le fameux soutien-gorge, glissant par-dessus un t-shirt un peu grand et mets un short de sport m’arrivant à mi-cuisse, la seule chose m’étant en fait passé sous la main lors de ma fouille empressée. Je ressors au bout de quelques minutes et m’arrête devant le garçon, ne sachant soudain plus quoi dire. Finalement, au bout de quelques secondes, je réitère la première question que je lui avais posée. Plus calmement que précédemment néanmoins.

« Qu’est-ce que tu fais dans ma chambre Akira ? »

Parce que je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis beaucoup trop de temps maintenant pour le revoir et ne rien lui demander. Parce que j’ai cru un moment qu’il ne viendrait pas. Parce que je lui en veux et qu’en même temps je suis heureuse de le revoir sans très bien savoir pourquoi. Je le dévisage, les sourcils légèrement froncés, me demandant ce qui l’amène, quelles péripéties il va encore lâcher dans ma vie.

C’est en essayant de placer un mot ou deux dans le monologue d’Oksa, que le blond se rendit compte qu’il n’arriverait à rien tant que celle-ci n’était pas calmée… et habillée. Il n'insista donc pas et se tût en hochant bien sûr la tête de temps en temps.
Règle n°1 du parfait gentleman: Faites semblant d’avoir compris, ça lui fera toujours plaisir.

Aujourd’hui le jeune homme avait l’air bien paresseux, il n’insistait pas et ne prit même pas la peine de se relever après sa chute. Il changea tout simplement de position pour être allongé de façon plus confortable. Il s'était s’était sur le côté, un peu comme s’il était à la plage. Mainteant il ne lui restait plus qu’à espérer qu’elle ne passe pas une heure de plus dans la salle de bain.
Et... miracle ! Ce fût en seulement quelques minutes que la petite dame réussit à se mettre quelque chose sur dos et pointer de nouveau le bout de son nez.

« Qu’est-ce que tu fais dans ma chambre Akira ? »

- A moi aussi tu m’as manqué. Fit-il en affichant ce grand sourire qui lui donnait un air un peu con. Tu as déjà oubliée? Je devais t’apprendre à créer des cristaux et …

Et c’est toujours avec cet air de parfait imbécile qu’il sortit un sandwich de sa poche arrière et qu’il le tendit à Oksa.

- Je te devais un sandwich ! J’espère que tu aimes le chorizo, c’était le dernier…

Non Akira, ne lui racontes pas la suite. Personne ne pouvait croire qu’un mec s’était jeté sur toi juste parce que tu avais pris le dernier sandwich ! Pourtant c'était la strict vérité.

- T’as intérêt à le savourer celui-là, parce que j’ai risqué ma vie pour l’avoir. J’aurais jamais cru qu’un mec puisse à ce point s’acharner pour un sandwich. Regardes.

Il monta la manche de son pull pour lui montrer son avant-bras orné d’une belle morsure.

Akira affiche son sourire de gamin. Celui un peu idiot et insolent. Je soupire légèrement, imperceptiblement. C’est néanmoins vrai que c’était sur cette promesse qu’il m’avait quittée, celle de revenir pour m’apprendre à faire des cristaux.

Il continue en sortant… un sandwich de sa poche. Un sandwich ? C’est vrai qu’il m’avait pris le mien sans rien dire, avant de littéralement disparaître. Je ne réponds rien. L’écoute. L’observe. Laisse les émotions se bousculer étrangement en moi.

Et soudain, un rire bref soulève ma poitrine. Oui… Je vois tout à fait de qui il parle… Cet abruti croisé dans les couloirs m’a laissé un souvenir bref mais marquant. Je passe une main dans ma nuque et, après un soupir plus franc que le précédent, le rejoins par terre, m’assois en tailleur à côté de lui.

« Fais voir ton bras. »

Et sans trop lui laisser le choix j’attrape doucement son poignet pour venir le poser sur mes jambes. Je ferme les yeux et passe quelques secondes ma main au dessus de la morsure, qui disparaît lentement. Enfin, je soulève les paupières et souris.

« Bon ! Je doute que tu aies eu très mal… mais j’avais envie d’essayer ! N’empêche… Faut que tu arrêtes de te blesser Akira. J’ai l’impression de te soigner chaque fois que je te vois… »

Enfin… Chaque fois que l’on se voit… Ce n’est jamais que la troisième fois en fait. J’attrape le sandwich qu’il m’a amenée et me lève pour le poser sur mon bureau.

« Je le mangerai plus tard. Promis. Je vois tout à fait qui t’a mordu… T’aurais dû le brûler cet imbécile… »

Je lève les yeux au ciel au souvenir du garçon avant de me diriger vers la petite lampe de chevet pour l’allumer et éteindre le plafonnier, la lumière étant trop violente à mon goût. Je rejoins ensuite le Feu et m’allonge sur le dos à ses côtés. Je reste quelques secondes silencieuses, perdue dans mes pensées, avant de soudain revenir sur Terre.

« Alors ? Tu m’apprends à faire des cristaux, voleur de sandwich ? »

Je tourne la tête vers lui, les jambes ramenées vers moi, et lui souris doucement. Son cristal brille sur mon torse. Bien plus que les jours précédents. Il disait donc vrai, sur le fait que plus il serait près de moi, plus le rouge serait puissant.

Akira se laissa faire lorsqu’elle saisit son bras, il se demandait ce qu’Oksa voulait faire contre cette méchante petite morsure. Lui mettre un petit pansement rose ? Ou bien un bisou magique peut-être ?
Magique, oui ! Le reste, non... Quel dommage, Akira aurait bien aimé avoir un bisou. Mais pour la première fois, il pu voir Oksa utiliser ses pouvoirs de soin et il fut impressionné par le résultat.

« Je le mangerai plus tard. Promis. Je vois tout à fait qui t’a mordu… T’aurais dû le brûler cet imbécile… »

Cette remarque le fit se perdre dans ses pensées.
Cramer cet énergumène, Akira l’aurait bien fait. Et avec joie. Malheureusement, il ne le pouvait plus. Privé de ses pouvoirs, il devait maintenant faire attention et ne plus lancer de conflits à droite à gauche. Quoi de plus difficile quand vous êtes quelqu’un de provocateur comme lui.
Il se mit alors à fixer sa main, comme s’il lui manquait quelque chose… Il aurait aimé voir jaillir une flamme, ou ne serait-ce qu’une étincelle, mais c’était peine perdue. Hideko l’avait vidé de ses pouvoirs.

« Alors ? Tu m’apprends à faire des cristaux, voleur de sandwich ? »

- O… oui. Répondit-il une fois redescendu sur terre. Commençons.

Akira prit son temps pour se lever et s’approcher d’Oksa. Il fixa longuement le cristal de feu attaché au cou de la jeune femme. Ce petit objet renfermait une partie de son feu. Son pouvoir. Dès lors, il se dit que s’il l’utilisait, il pourrait peut-être… Non.
“Non”, lui dit sa conscience. Il devait oublier cette idée, ses pouvoirs, c’était à cause d’eux que sa rage détruisait tout… Et puis, on ne reprend pas ce qu’on offre, c’est la règle.
Lâchant le cristal des yeux, il baissa les yeux et prit doucement les mains d’Oksa dans les siennes. Il les joint, l’une contre l’autre, puis il commença ses explications.

- Ce n’est pas compliqué, mais ça demande beaucoup d’énergie. J’espère que tu pète la forme.

Il lui fit un petit sourire amusé avant de reprendre.

- Déjà tu dois choisir l’un de tes pouvoirs. Le vent ou le soin. Puis tu vas te concentrer pour le ramener dans le creux de tes mains. Ne fais pas ça trop vite surtout. Penses que ton pouvoir parcourt tes veines et qu’il arrive au fur et à mesure dans tes mains. Une fois que tu aura réussi ça et que tu en aura réuni une quantité suffisante, tu pourra le solidifier en un cristal. Aller ess... Non attends !

Akira qui tenait toujours les mains changea place avec elle, il fit en sorte que le lit se trouve juste derrière lui, plutôt que la fenêtre... On ne sait jamais avec les initiés.

- Voilà tu peux y aller. Au moins je suis sûr que tu ne m’enverra pas par la fenêtre si tu te foire… C’est pas que je n’ai pas confiance, mais on est au quatrième étage quand même.  

Akira semble redescendre sur terre lorsqu’il me répond. Je n’en fais pas la remarque mais l’observe attentivement alors qu’il s’approche, et surprends le long regard porté au cristal, le sien, pendant à mon cou. Je m’apprête à enfin lui poser une question lorsque finalement ses yeux descendent sur mes mains qu’il attrape doucement avant de les joindre.

Beaucoup d’énergie ? Je ne suis pas sûre d’en avoir, mais on verra bien ! Je l’écoute attentivement et me laisse bouger, surprise, pour finalement acquiescer à son explication.

« En effet… Il vaut mieux… »

Je suis assez connue pour ma maladresse comme ça on va éviter d’en ajouter en faisant valser le garçon dans les airs (sans mauvais jeu de mots bien entendu…). Quoi qu’il en soit, je lui souris et ferme les yeux pour me concentrer. Je décide sans trop d’hésitation de tenter de le faire avec le vent, que je maîtrise bien mieux que le soin.

Je me sens impatiente, pleine d’espoir à l’idée d’accomplir un nouvel « exploit ». Comme Akira me l’a dit, je tente de sentir ce pouvoir qui parcourt mon corps, se diffuse dans mes veines, et de le rassembler au creux de mes mains. Je le sens affluer, un peu fort peut-être. Je tente de le maîtriser, le canaliser, et y parviens à grands peines.

Je sens que je tremble un peu. La fatigue nouvelle affaiblie mon corps, ma concentration l’épuise. Pourtant, au bout de quelques minutes, je sens que j’y suis presque. Je visualise un cristal tout rond, parfait, et peux sentir que je le crée entre mes paumes. Enfin, je rouvre les yeux et délie mes mains, posant des yeux surpris sur le minuscule cristal que j’ai créé, pas du tout rond et parfait, plutôt… Malformé le pauvre. Je ris doucement et le tends à Akira.

« Je sais qu’il est moins joli que le tien… Mais tu veux bien l’accepter ? Attend, j’ai quelque chose qui va avec… »

Je me lève, la tête tournant légèrement, et me dirige vers le tiroir de mon bureau. J’y attrape un mince fil de cuir comme celui tenant le cristal autour de mon cou et y noue celui que je viens de créer avant de retourner vers le Feu. Je me rassois devant lui et me penche pour le lui attacher.

« C’est un cadeau… Désolée qu’il ne soit pas très beau… Tu pourras le cacher dans ton tshirt si tu veux aha ! »

Je ris un peu nerveusement, réalisant soudain que je n’ai jamais été aussi proche d’un garçon volontairement. La tête me tourne encore un peu, et j’ai du mal à me redresser, si bien que ce n’est que quelques secondes après avoir attaché le fil servant de collier autour du cou du garçon que je me replace à une distance normale de lui.

« Merci de m’avoir montré comment faire. »

Je lui souris, heureuse.

Akira fût d’abord impressionné, puis dépité… Mais en majorité impressionné !
Je vous explique:
D’une part, il y avait la forme de ce cristal, il était totalement difforme, il ne ressemblait à rien… A si ! Au chewing-gum qui s’était collé sous sa chaussure ce matin.
Le blond n’avait guère l’air attiré par la petite pierre qui pendait maintenant à son cou, cependant il changea vite d’avis. Son air dépité se transforma alors en un sourire, amusé.
Ce cristal était peut-être imparfait, mais c’est ce qui le rendait unique. Il n’allait pas le cacher, tant pis pour ceux qui le critiqueront.

D’autre part, Oksa. Elle qui avait la réputation d’avoir deux mains gauches, venait de créer un cristal du premier coup. Il ne pensait pas qu’elle y arriverait aussi vite et il trouvait ça…

- Dommage...

Pourquoi “dommage” ? Elle venait de réussir là où beaucoup auraient échoués?

- … Les initiés, ont souvent du mal avec leur pouvoirs, mais une fois en rogne ils y arrivent toujours mieux.

Ce qu’Akira voulait dire, c’est qu’il se serait fait plaisir d’agacer la demoiselle. D’ailleurs, il avait déjà tout préparé en lui volant son téléphone portable. Oui, il lui avait discrètement prit pendant que celle-ci s’était concentré sur son cristal.

- Je n’ai plus besoin de ça alors. Dit-il en lui tendant son bien.

Mais, il y a toujours un “Mais”, le portable se mit tout à coup à vibrer et un message de la part d’un certain “Angie” apparut sur l’écran.
Un des sourcil d’Akira se leva en voyant cela et sans réfléchir cette question sortit de sa bouche:

- C’est qui ça ?

Un garçon, une fille ? Un petit-ami ?
La curiosité d’Akira l’empêchait de lâcher le téléphone tant qu’il n’aurait pas eu de réponse.

Akira semble tout d’abord déçu par mon cadeau, puis finalement, il sourit. Alors je souris aussi, contente que ça lui fasse plaisir.

Et pourtant, un « dommage » lui échappe. L’explication ne tarde pas à venir. Il aurait souhaité m’agacer ? Ce n’est pas dit explicitement, et pourtant, cela semble plus que sous-entendu. Et c’est justement à ce moment-là qu’il me tend mon portable. Je ne dis rien, tends la main, agacée en effet que le Feu soit toujours si… Oui, si prompt à me chercher.

Et là mon téléphone vibre. C’est un message Angie. Je m’apprête à attraper le portable quand la main d’Akira se resserre dessus. Oh mais il m’agresserait presque non ? Là, il me fout en rogne en effet. Je crois déceler dans sa question une pointe de jalousie… Alors je décide d’en jouer.

Je me lève, lui abandonnant le portable qui, de toutes manières, est verrouillé par un code – plus compliqué que ma date de naissance, je ne suis pas complètement stupide – et m’approche de mon bureau. Je lâche de la manière la plus détachée possible.

« Un ami. Enfin je ne sais pas. Un garçon que j’ai embrassé au carnaval. Tu aurais dû venir, c’était chouette cette petite fête tu sais. »

Et je ne mens même pas complètement. Je l’ai bien embrassé au carnaval, mais pour un gage. Seulement, ça, tu ne le sais pas, Akira. Alors pour une fois, c’est moi qui garde un secret.

Comme si ce que je venais de dire n’avait aucune importance, j’attrape le sandwich posé devant moi et croque dedans. Je m’appuie sur le bureau et me tourne vers le Feu.

« Très bon, ce sandwich. Merci. »

Seras-tu jaloux jusqu’au bout, Akira ? Vas-tu t’énerver, te mettre à ton tour en rogne ? J’en aurais presque envie car, au moins, je verrais que tu tiens à moi. Vas-y, Akira, montre-moi enfin ce que tu ressens pour moi.

De la jalousie, c’est exactement ce qu’éprouvait Akira en ce moment même.
Au départ, il ne comprenait pas ce que c’était. Il ne connaissait pas ce sentiment... ou plutôt il l’avait déjà ressenti, mais il avait oublié ce que ce que cela provoquait chez lui. Pour vous le décrire, il eut la sensation qu’on venait d’attraper son cœur, qu’on l’avait compressé puis qu’on s'était amusé à le tordre dans tous les sens.
Ce sentiment l’enrageait, de même que ces deux syllabes l’une à côté de l’autre “An-gie”.

Il fut un temps où le téléphone qu’il avait dans sa main aurait fini en miettes, brûlé. Sauf qu'il ne pouvait plus faire ça sans pouvoirs... Après, il pouvait toujours faire comme tout le monde, en le balançant violemment par terre. A peu de détails près, le résultat serait le même.
Finalement, le téléphone d’Oksa s’en sortira indemne, Akira n’en fera rien. La pression de ses doigts sur le téléphone s’arrêtera et contre toute attente, c’est un fou-rire qui l’emportera.

- Hahahah! Toi embrasser quelqu’un comme ça !? Tu avais bu quoi avant ?

Elle mentait, elle était trop tranquille, trop sûr d’elle. Ca ne lui ressemblait pas. Le blond connaissait assez Oksa pour savoir qu’elle était incapable de faire le premier pas. Néanmoins, ce cher Akira ne pu s’empêcher de jouer le jeu et de tourner cela à son avantage. Alors il s’approcha doucement près d’Oksa… peut-être un peu trop près même.
Un petit sourire malicieux s’étira sur ses lèvres tandis que son visage s’approchait dangereusement de celui de la jeune femme. Elle ne pouvait pas reculer, car le bureau derrière elle l’en empêchait et là il lui dit d’une voix douce, mais provocatrice.

- Et bien tu diras à ce “An-Gie” qu’il n’est pas le seul que tu aura embrassé ces derniers jours et qu’il a du souci à se faire, car il aura de la concurrence.

Sa main vint se poser sur la joue de la demoiselle, ses yeux rouges dévoraient les siens. Elle ne pouvait y échapper. Il lui vola un long baiser tout en déposant le téléphone sur le bureau.
Ce baiser allait peu-être perturber la pauvre Oksa, mais au moins elle n'aurait plus de doutes ce que voulait Akira.

Je crois un moment qu’Akira est sur le point de détruire mon téléphone, mais sa réaction est bien différente. Il rit. Le sale gosse se marre, ne me croyant apparemment pas. Mon regard se fait agacé. Je dois reconnaître que je suis vexée d’être cataloguée ainsi. Je marmonne.

« J’avais rien bu. Arrête de… Qu’est-ce que tu fais ? »

Je plisse légèrement les yeux. Il s’approche un peu trop près. Je voudrais reculer mais je suis bloquée. Je fais quoi ? Je lui donne un coup de sandwich dans la tête ? Un coup de tête ? Je l’émascule ? GNIAAAAH RECULE.

« Akira qu… »

Je me coupe alors qu’il prend la parole. Pas le seul que j’aurai embrassé ? De la concurrence ? Mais mes questions sont vite stoppées alors que nos lèvres se rencontrent en un long baiser. Je n’y réponds pas tout de suite, trop surprise. Et pourtant, contre toute attente, je sens mon ventre se serrer en une sensation pas si désagréable, bien différente de la nervosité folle qui m’avait habitée lors de la réalisation du gage. Sa main sur ma joue est douce paradoxalement, et la mienne vient se glisser sur sa nuque. Mes paupières se ferment et lorsqu’il s’arrête, je me sens étrangement frustrée.

OH MON DIEU JE VIENS JUSTE DE CALCULER QU’UN GARS M’A EMBRASSEE. ET C’ETAIT PAS UN GAGE. Mon cerveau se débranche alors que je reviens à la réalité.

« Tu… Tu… Quoi… Ok… Euh… Mon… Mon téléphone oui… J… J’avais un message… »

Mes joues virent cramoisies alors que j’échappe à Akira en le poussant légèrement. Portable en main, tournant le dos au garçon. Au bout de la cinquième tentative, je parviens enfin à le déverrouiller et ouvre de grands yeux en lisant le message en question.

« Oksa t’abuses y a encore des traces de l’autre fois dans la douche ! »

… C’EST QUOI CE MESSAGE ? Ok, il parle de la coloration. MAIS QUAND MEME. Je sens soudain un souffle derrière moi et me tourne pour me retrouver face à face avec Akira. ENCORE TROP PRES.

« … Euh… »

Ah. La connexion ne se fait plus. Cerveau ? Un cerveau ? Non, les mots ne viennent plus et je suis incapable de faire une réelle phrase, alors je me contente de regarder le Feu, mes yeux comme des soucoupes.

La réaction d’Oksa face à ce baiser fit sourire Akira. Il la trouvait amusante et tellement mignonne à la fois.
Peut-être aurait-il pu choisir un moment plus opportun pour ne pas lui faire subir cette pression. Mais il aurait trouvé ça bien moins drôle... et puis ça n’avait pas l’air de déplaire à Oksa au final.

Bref une fois leurs lèvres séparées, Oksa réussit à se défaire de l’emprise d’Akira. Elle s’éloigna un peu de lui histoire de se calmer et de lire son message. Cependant, ce cher Akira ne tarda pas à empiéter sur la vie personnelle de la jeune femme.
Encore une fois, il aurait dû garder sa curiosité pour lui, car son sang ne fit qu’un tour lorsqu’il lut le message par dessus l’épaule d’Oksa.

De quoi parlait ce “Angie” ? Qu’avaient-ils fait dans la douche ? Et c’est quoi ces traces dont il parle ?
Un petit message et bien des questions. Tout cela portait à confusion et Akira s’imagina tout de suite le pire. Son air, si fier de lui, laissa alors place à un une tête de parfait ahuri et ils passèrent dix bonnes secondes à se fixer comme deux abrutis. Pas un mot, jusqu’à ce qu’une remarque sorte de sa bouche.

- T.. Tu perds pas ton temps toi ! Dit-il sur un ton sec. Tu es vite passé à autre chose dis moi. Il suffit que je m’absente un moment pour que tu aille te faire plaisir avec un autre !

Les sourcils d’Akira se froncèrent et automatiquement son poing se serra. Il parlait comme si Oksa lui appartenait, mais ce n’était pas le cas. Elle ne lui devait rien, surtout pas à un mec comme lui, un mec qui lui cache bien des choses...
Qu’espérait-il ? Qu’elle l’attende sagement pendant que lui s’amuse à taper sur un Master ?

Il tourna le dos à Oksa pour ainsi lui cacher son regard noir, il posa sa main au niveau de son torse et il attrapa le cristal qu’elle venait de lui offrir. Il n’avait qu’une envie: L’arracher, puis partir...
Mais non, il n’y arriva pas, il y était trop attaché, tout comme à cette fille qui se tenait derrière lui. C’est là qu’il prit conscience de ce qu’il ressentait enfin.

- J’ai cru que toi et moi… non, laisses tomber. Tu as le droit de faire ce que tu veux. D’être avec qui tu veux.

Il lâcha un soupir avant de se diriger lentement vers la porte de la chambre.

On se regarde comme deux parfaits idiots mais enfin, le silence est coupé par la voix sèche du Feu, qui me fait encore plus arrondir les yeux.

« Je… J’aille quoi ? »

Les sourcils d’Akira se fronce et la tension qui émane de lui est palpable. Je reste un moment bras ballants, perplexe devant ce qu’il me dit. Il me tourne le dos, et encore une fois aucun mot n’est prononcé avant qu’il n’élève de nouveau sa voix.

C’est mon tour de froncer les sourcils, avant de lâcher un léger « Oh » lorsque je comprends enfin ce que le Feu veut dire. Ainsi, il aurait réellement envie d’être avec moi ? Tout cela ne serait pas que jeu ? Il semble prêt à partir. Je me racle la gorge, et, comme pour le retenir, lui dis enfin la vérité. De toutes manières, même par omission, je ne suis pas capable de mentir bien longtemps.

« Angie est un ami. Je l’ai embrassé comme gage de la tombola. Les traces dans la douche ce sont celles de la coloration qu’il m’a faite. »

Ma voix est froide, car, même si je saisis désormais pourquoi il agit ainsi, le comportement du garçon m’agace toujours autant. J’ajoute.

« Et en effet, j’ai le droit de faire ce que je veux. Tout comme toi. Par contre c’est pas cool de te ramener et péter les plombs quand tu penses que j’ai eu une aventure avec un autre garçon pendant que t’étais pas là. Tu m’as limite traitée d’allumeuse Akira, sans même m’expliquer où t’étais passé ! »

Je sens ma voix s’emporter, trembler. Le mélange de colère et de tristesse me fait parler un peu plus vite, d’un ton nerveux.

« Tout ce que j’ai eu sur toi c’était des rumeurs… Je veux pas les croire, mais je les entends… Et ça m’affecte, je dois le reconnaître. Alors, pars pas de nouveau comme ça. Je sais pas moi... Explique-moi, pour une fois. »

Je soupire et pose mon téléphone sur le bureau avant de me rapprocher lentement du Feu, hésitante.

Après les dires d’Oksa, Akira n’avait plus la force d’ouvrir la porte… Ou plutôt, il n’en avait plus la volonté.
A nouveau calme, il plaqua son front contre la porte et il soupira. Il était dépité, déçu de lui même et surtout de ce comportement immature qu’il avait adopté devant elle.
Doit-on forcément s’énerver quand on n’obtient pas ce que l’on désire? Evidemment que non, ce n’est plus un enfant. Et cette jalousie, ça ne lui ressemblait pas.

Silencieux, il regardait l’ombre d’Oksa s’approcher peu à peu de lui. C’est une fois celle-ci près de lui qu’il fit la chose dont il avait le plus envie depuis qu’il était dans cette chambre: La prendre dans ses bras.
Il l’enlaça, il ferma les yeux et plongea son visage dans ses cheveux noirs. Et là il sortit de son mutisme en disant doucement:

- Tes cheveux… ils empestent la teinture.

Akira laissa échapper un petit rire taquin et serra Oksa un peu plus fort. Un peu de sarcasme, rien de plus efficace pour apaiser les tensions.

- C’est des explications que tu veux ? Je vais t’en donner.

Dos contre la porte, il se laissa glisser jusqu’à finir assis par terre, toujours avec Oksa dans ses bras. Le blond mit ensuite sa, il devait montrer la vérité à Oksa et c’est ce qu’il fit. Il sortit des feuilles pliées. Elles avaient été arrachées d’un journal. Sauf qu’au premier plan, juste devant ce qu’il voulait montrer à Oksa, se trouvait un… préservatif qu’il avait attrapé en même temps sans le vouloir.
Il regarda ce truc avec de grands yeux avant de s’exclamer :

- C’est pas tout c’que tu crois ! Ca c’était juste au cas oùùù…tu vois quoi.

Il remit très vite cette chose à sa place, la situation était déjà assez gênante comme ça pour qu’il commence à lui expliquer le pourquoi du comment… et ce n’était pas vraiment le moment.
Il lui mit alors ces pages de journaux dans les mains. Mais il ne les lâcha pas de suite, car c’était risqué. Risqué que la seule personne qu’il aime ne voit plus de la même façon.

- Les réponses sont écrites ici.