Quelle autre réponse ? Un sourire amer étira mes lèvres. Je me tournai vers elle. Elle était au bord de mes larmes. Je m'en voulais, un peu. Mais je savais aussi que c'était pour le mieux. Parce que je ne voulais pas risquer de re-sombrer. Parce que je ne voulais pas perdre ce que j'avais réussi à reconstruire. D'un côté, j'avais envie de la rassurer. De lui dire que ça irait. Qu'il faudrait le temps. Mais je ne savais pas combien de temps. Je ne savais juste pas, et je ne voulais pas y réfléchir, parce que j'étais bien, j'allais mieux, et j'avais pas besoin de me prendre la tête. Pas comme ça, pas maintenant, pas avec elle.

-Mitsu.

Les mots restèrent un instant bloqué dans ma gorge alors que je croisais son regard dur. Mes yeux allèrent se poser sur mon bureau, sur cette fameuse boîte de chocolats. Mon coeur se serra.

-Tu es ma bête noire.

Et pour l'instant, je n'ai juste pas la volonté d'essayer de te combattre. C'est trop pour moi, et je ne suis pas prêt. J'ai plus envie d'être forcé, j'ai plus envie que tu me forces à faire des choses. J'ai besoin d'avancer à mon rythme. Parce que c'est ce qui est mieux pour moi, tu comprends ? Parce que je sais qu'avec toi, je pourrais re-sombrer. Parce que mes sentiments m'ont étouffé, parce que tu es trop parfaite pour que je sache dire non ; parce que ses souvenirs feront toujours partie de moi, et que je reverrai toujours cette petite fille perdue qui joue dans le bac à sable, seule, alors que tout le monde lui jette des pierres.

-Je ne peux juste plus. C'est comme ça.

Parce que j'ai besoin d'imperfections, de petits détails qui me troublent. Parce que j'ai besoin de ne plus être constamment impressionné, envieux, jaloux. J'ai besoin d'aimer et de sentir, que, peut-être, je peux avoir une chance. La perfection ne me va pas, j'ai besoin de sentir que j'ai une place, que j'existe, je ne peux plus être effacé par ton ombre si gigantesque. Je suis désolé.

-Il vaut mieux que tu partes. C'est mieux. Pour nous deux.

Je reportai mon regard sur elle, calme. S'il te plaît Mitsu. Ne rend pas les choses plus compliquée.

Non. Juste, non. Je refuse. Je ne peux pas être "ta bête noire". T'as pas le droit. T'as simplement pas le droit de me dire ça. De me dire que j't'ai littéralement pourri la vie. Que j'suis la cause de tes malheurs. Non. T'as pas le droit. Parce que je peux pas l'encaisser, ok ? Alors non, je refuse.

Je fis un pas dans sa direction. Il me conseilla de partir. Je serrai le poing, détournai le regard de ses yeux si calmes. Pourquoi ?! Pourquoi tu me faisais ça, là, maintenant ?! Pourquoi ?! J'suis allée te voir autant de fois que je le pouvais en cure. J'me suis pliée en quatre pour que tu ailles bien, j'ai même continué à sourire quand j'ai réalisé que ouais, j'avais explosé avec un missile, et que ouais, j'étais toujours en vie. J'ai accepté d'être une espèce de monstre, j'ai accepté d'être différente, d'être... Juste non. Allen. J'peux pas accepter. Pas après ce que j'ai fait. T'as souffert, et j'en suis consciente. Mais moi aussi j'ai souffert. J'ai encaissé. J'aurais du boire, pour que tu vois que ça n'allait pas, quand toi tu t'enfilais des bouteilles ? J'aurais dû te rejoindre, c'est ça ? Me montrer faible, encore, parce que visiblement, c'est ce qui marche pour t'attendrir ?

Je m'en voulus d'avoir pensé ça et je reculai du pas que j'avais fait dans sa direction. Je collai mes bras tendus contre moi, les poings serrés, frustrée. Je fixai le sol, quelque part, je ne sais où, ailleurs que sur lui. Même regarder ses pieds c'était trop dur.

-T'as pas le droit de faire ça. C'est tout ce que je tiens à dire.

Je ravalai amèrement ma salive. Mes yeux finirent par rejoindre les siens, si calme. J'enrageai. Il n'avait juste pas le droit. Il tirait un trait sur quoi, moi ? J'sais pas s'il se rendait compte. C'était pas juste sur moi qu'il tirait un trait. C'était sur sa vie. Sur ma vie. Sur notre vie. Parce qu'on a vécu des choses ensemble. C'est de la merde, ça aussi ? Ca doit être oublié, jeté à la poubelle, comme ça, en quelques secondes ?

Mon estomac se tordit. J'accusais mal le choc. Je l'accusais même pas du tout, j'crois.

-Hé ben écoute, vas-y. Jette-moi comme si j'avais jamais existé. T'as raison, c'est le mieux à faire. Après tout, j't'ai jamais apprécié, j'ai sans doute pensé toute ma vie que t'étais un con. Tu sais quoi, même ? C'est pire que ça. J'avais pitié.

Mes mots me firent l'effet d'un pic de glace qu'on plante dans le coeur.

-Comme nos parents étaient amis, j'ai sans doute pensé que ce serait bien que les gamins le soient aussi, hein. T'as raison.

Affreuse. T'étais affreuse, Mitsu.

-Passe une bonne journée, achevai-je sèchement avant de sortir de sa chambre sans un regard en arrière.

Je refermai la porte derrière moi. Je fis quelques pas. Je m'arrêtai et me laissai glisser contre le mur, les larmes perlant sur mes joues. Pourquoi tu me fais ça, Allen ? Juste... Pourquoi ? Pourquoi tu m'as rien dit avant ? On n'aurait pas pu affronter ça ensemble, comme on l'a toujours fait ?

... Enfin, non, suis-je bête. Visiblement on n'a jamais rien affronté tous les deux. Excuse-moi.

Un hoquet m'échappa, et, me jugeant trop bruyante, je parvins à me concentrer suffisamment pour me téléporter chez moi. C'est un adieu, ou un au revoir...?