| ## Mer 15 Fév 2017 - 0:15 | |
Messages : 628 Date d'inscription : 07/05/2016 Age : 25 Emploi/loisirs : En apprentissage de la vie, je crois. Humeur : Erm... On fait ce qu'on peut?
| Il est temps de la lui apporter. Cela fait depuis mi-décembre que je me cache et l’évite, cela ne sert plus à rien d’attendre. Je relis une dernière fois la lettre et déglutis. Pourquoi ? STOP. Arrêter de se poser des questions. Agir. Je me lève et enfile une paire de chaussures avant de rejoindre le dortoir des Terres en priant pour ne pas la croiser. Jour de chance, je parviens jusqu’à sa chambre sans dommages. Je m’arrête devant la porte. « Alice Borges ». Ma douce… Nooon il ne faut pas que je traine sinon elle risque de sortir. Ou d’arriver. Enfin elle risque de me voir. Je glisse rapidement la lettre sous la porte et fais demi-tour, retournant à ma chambre aussi vite que je suis venue. J’espère que j’ai fait le bon choix… J’espère, si vous saviez à quel point… La fumée de ma cigarette s’échappe par ma fenêtre alors que je sens mon cœur se serrer. J’ai moi-même du mal à comprendre si j’ai dit à Alice que je l’aimais ou non, si je lui ai dit que je voulais une relation ou non… Tout est vague. Trop vague. Mais au moins, elle sait qui je suis. N’est-ce pas ? - « All that's left is the proof that love's not only blind but deaf »:
« Bonsoir ma douce, comment vas-tu ?
C’est un peu idiot de commencer cette lettre ainsi, n’est-ce pas ? Je t’ai laissée seule au milieu de la nuit il y a presque un mois, et tout ce par quoi je commence est « comment vas-tu ? ».
Peut-être que tu m’en veux. Peut-être que tu n’as pas même l’envie de recevoir des nouvelles de moi. Peut-être qu’avec cette lettre, je vais simplement t’énerver. J’ai mis du temps à montrer signe de vie… Pourtant, j’en avais envie. Mais je ne savais pas comment. Je ne savais pas quoi faire.
Alors j’ai décidé de t’écrire. Je pensais que les mots viendraient plus facilement à l’écrit… mais pas du tout. Je ne savais par où commencer. Il y a trop de choses que tu dois savoir avant que nous ne puissions nous revoir.
Je ne sais pas ce que je ressens pour toi, Alice. Il y a quelque chose mais cela m’est totalement inconnu. Je n’ai jamais connu d’autre amour que celui d’un père aujourd’hui mort. Et je n’ai jamais donné d’autre amour que celui que je lui offrais. J’ai connu les relations sales, celles qui te pourrissent, tu sais ? A mes yeux, l’amour non malsain est inexistant. Toi, tu dois savoir aimer d’une manière pure, j’en suis convaincue. Mais moi…
Je suis sale, ma douce. Abimée par des dizaines de mains qui se posaient chaque jour sur moi, par ces corps inconnus que je déshabillais, par ces lèvres qui effleuraient ma peau, me goûtaient puis me jetaient. Je n’ai compris qu’il y a peu que je le vendais, mon corps. Je le troquais pour avoir chaud, pour ne pas avoir faim. Mais tu me diras, c’est de famille la prostitution…
Ma mère en était une véritable, de prostituée. En était ? En est. Ou pas. Je ne sais pas aujourd’hui ce qu’elle fait.
Enfant d’un noble écossais et d’une fille de joie, le combo parfait.
Je ne sais pratiquement rien d’elle sinon qu’elle est Française et s’appelle Adélaïde Evrard. Elle a eu au moins une autre enfant : Elwynn Evrard. Peut-être l’as-tu rencontrée car oui, elle est aussi à Terrae.
Je ne comprends pas bien le but de cette lettre. Tout te révéler ? Il y a tant que je ne t’ai pas encore dit.
Par exemple, tu dois savoir que tu ne peux pas me toucher. Personne ne peut. Enfin, c’est possible, mais j’en suis malade. Nos câlins finissent par me donner la nausée, et pourtant j’en demande encore. Chaque main qui me touche me fait revivre les viols et attouchements, et pourtant j’ai besoin de tes doigts liés aux miens. Sauf que je ne veux pas te salir. Je n’en ai pas le droit.
J’aimerais te dire de cesser de m’aimer. Mais si je faisais cela, je ne m’en remettrais pas. Je ne me suis jamais cru capable « d’aimer ». Jamais. Pourtant, au fil des mots que j’écris, je découvre cette part en moi. Je ne sais pas quand je pourrai l’accepter. Peut-être jamais ? Tu perdras ton temps avec moi, Alice. Tu dois le savoir. Tu dois en avoir conscience. Notre relation ne serait qu’éclats, que cris, que crises et incertitudes. Il est possible que nous goûtions au bonheur mais… combien de temps ? C’est éphémère, trop éphémère. Trop dangereux. Tout pourrait se briser si vite. Tu pourrais te briser si vite. Mais ces temps-ci, j’ai tellement besoin de quelqu’un à mes côtés… de toi à mes côtés.
J’ai appris lorsque mon père a été mal à porter des masques. Le masque du sourire, le masque de l’indifférence, le masque de la fille naïve quand cela m’arrangeait. J’ai appris à paraitre heureuse mais pas simple à aborder pour autant, à avoir l’air froide et distante, supérieure, hautaine, méprisante, détestable. J’ai appris à ne pas faire confiance. J’ai appris que derrière chaque geste généreux se cache quelque chose. J’ai appris à ne pas aimer les autres mais à faire en sorte de leur être indispensable afin de pouvoir obtenir quelque chose d’eux. J’ai appris tout cela, et aujourd’hui j’aimerais apprendre à oublier toutes ces connaissances.
Si tu le veux bien, j’aimerais que nous nous revoyions. Si tu le veux. Maintenant que je t’ai dit qui j’étais, ou du moins qui je pense être, j’accepterai de répondre à tes questions sans me braquer, je te le promets. J’accepterai de discuter sans être têtue et refuser de parler. Laisser tomber le masque qui de toutes manières se fragilise déjà chaque fois que je te vois.
Je ne sais pas comment conclure cette lettre. Au revoir, ma douce. Adieu ? Ah et… J’espère que tu as passé un joyeux Noël, et un bon nouvel an. Hamilton. Hamilton Adélaïde, du prénom de ma mère. »
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