• Prénom : Eïon F.
• Nom : Nassel
• Âge : 19 ans
• Affinité et pouvoir : Feu Lunaire

'' Te décrire mon apparence ? Tu me vois pas assez bien ? ''

'' Je te demande de te décrire comme tu te vois et comment tu penses que les gens te voient. ''

'' Comment j'me vois ? Je me trouve pas mal je dois t'avouer. Mon mètre soixante quinze, mes yeux bleus-verts... J'sais pas vraiment quelle couleur leur donner en fait. Puis les cheveux noirs. Bon je t'avoue, à une époque ils étaient longs mais c'était pas ultra pratique. J'aime pas spécialement prendre mon temps pour me coiffer. Les cheveux courts c'est mieux. Un shampoing, un coup de peigne et on en parle plus. Ils sont tout le temps ébouriffés ? Normal, ils sont courts, y a des épis. Je mets les lunettes d'aviateur pour faire croire que j'ai du style, mais ça me sert concrètement à rien. C'est un serre-tête pas utile en gros. Mais il est pas rose à paillettes. C'est au moins ça.

J'aime bien ce sweat, j'aime bien son bleu. C'est un pote qui me l'a offert y a quelques années. Y a mon pseudo au dos ' Pétard mouillé '. J'sais pas pourquoi mais ça le faisait kiffer. Je sais pas où il est ce type maintenant, mais j'aime bien ce sweat, je l'entretiens précieusement.

Sinon... 'fin regardes quoi. Tu sens que le type veux juste être à l'aise dans ses vêtements et dans ses pompes. Je suis pas le mec original, hipster super à la mode ou j'sais pas quoi d'autre. J'enfile mes pompes, mes calbut' et mon jean pas parce qu'ils sont beaux mais parce que j'peux bricoler avec. C'pas plus compliqué.

De c'que j'en sais les gens me trouvent désinvolte. Ils ont peut être un poil l'impression que je me fous d'eux parce que j'prends pas la peine de mettre un costard. Mais c'pas spécialement le cas. Je me fous surtout de savoir à quoi je ressembles. Je veux dire … J'vais crever un jour mec. Par manque de bol, par vieillesse, à cause de ma connerie ou juste un cancer du poumon bien gras, mais j'vais crever. Et toi aussi. Alors qu'est-ce qu'on s'en fout de ce que les gens pensent ou de ce à quoi on ressemble ? On est pas plus qu'un tas d'os avec de la chair et du sang autour, quand on y passe. ''

'' … Je vois, passons à la suite, tu veux bien ? ''

'' Et comment tu te décrirais … mentalement ? Comment décrirais tu ton ressentit, après qu'Elle soit venue te chercher pour t'amener ici ? ''

'' T'es pas un super devin tu sais ? ''

'' Je suis psychologue Eïon, pas devin, j'ai besoin que tu me dises les choses. ''

'' J'aurais préféré que tu sois devin... C'est obligatoire ta visite ? ''

'' Oui. Mon but est d'apprendre à te connaître. Tu peux me parler sincèrement. ''

Il tiqua.

'' … Ok ok. Mentalement... Je dirais que... je m'en fous ? Je fais ce que j'ai envie de faire parce que je veux le faire. Si je veux faire un truc, je peux le faire. J'suis pas mal confiant en mes capacités, si j'sais pas faire un truc que j'veux faire, bah j'apprends à le faire. C'pas plus compliqué. J'sais voler des voitures, des motos, rentrer par effraction de pleins de façons débiles, j'sais utiliser un flingue, j'peux dire une insulte en russe aussi et je sais faire de la coke. Bon j'ai la théorie de comment faire de la coke, en pratique c'pas encore ça.

J'en ai pas grand chose à faire de ce que les gens pensent. Si la Terre entière me déteste, j'en ai que faire, j'suis très bien tout seul. ''

'' … Mais tu as dû … Je sais pas, te sentir un peu isolé en cellule non ? Tu as bien vécu ton année en prison ? ''

Il osa les épaules et rajusta ses lunettes, prenant l'air détaché.

'' C'était pareil pour tout l'monde. ''

Le psychologue hésita un instant puis décida d'enchaîner.

'' Tu sais, l'Institut réunit pas mal de gens avec des parcours de vies particuliers. Certains se sentent abandonnés, d'autres seuls, ou encore, certains sont en colère contre le monde pour ce qui a pu leur arriver. Le but de Terrae, notre but, c'est de t'aider à surmonter ces émotions négatives que tu peux ressentir, ce... Vide. C'est la vie en communauté, entre personnes qui peuvent se comprendre et s'écouter qui va, en partie, t'aider à évoluer. Pour ça il faut que tu oses t'ouvrir un peu, que tu fasses le premier pas … ''

'' Mais je m'ouvre, je m'ouvre, je t'ai dis : c'était pareil pour tout le monde. J'me sens pas plus mal qu'un autre et j'm'en fous. ''

'' Alors pourquoi avoir accepté de venir ici ? ''

'' C'est pas la taule ? Gnié. ''

'' Hmhm. Certes. Bien. Dis moi quelles sont, à ton avis, tes qualités et tes défauts ? Qu'est-ce que tu préfères chez toi et qu'est-ce que les gens que tu as déjà côtoyés n'appréciaient pas dans ta façon de faire ? ''

'' Je suis beau gosse ? Je veux dire, je suis pas dégueux je trouve, je suis en forme, propre sur moi malgré tout, j'ai beau être un procrastinateur expérimenté, je m'entretiens un minimum.
…
C'est pas parce que je m'en fiche que j'écoute pas les gens. Si quelqu'un vient me dire qu'il a un soucis, c'est qu'il veut mon aide. Quand j'étais petit je voulais être chevalier justement. Je me disais que je pourrais protéger tout le monde. Finalement je me suis rendu compte que si les gens demandent pas d'aide, c'est qu'ils en veulent pas. Alors je me concentre sur ceux qui sont assez courageux pour le dire. Perso je trouve que je m'en sors bien tout seul alors bon … Quémander de l'aide, très peu pour moi.
Sinon... De ce que j'en sais, les gens me trouvent con. Je fais ce que je veux. Ça leur plaît sûrement pas de voir un type qui se sent libre. Tant pis pour eux. On me trouve trop détaché aussi. La plupart des gens qui m'voient pensent que c'est des gens dont j'ai rien à faire. Mais ça c'est les ploucs qui me connaissent pas ou qui m'intéressent pas. Je suis très très concerné par ce qui arrive à ceux que j'aime bien. Y a pas grand monde qui me supporte, je peux faire cet effort pour eux.

Jsuis un mec loyal. Je laisse pas tomber les amis. ''

Le jeune homme avait finit sa phrase sur un ton déterminé, ne laissant aucun doute sur le fait que ses dires étaient sincères.

'' Je vois. ''

Le psychologue nota une nouvelle fois dans son calepin, sous le regard un peu inquiet d'Eïon.

'' Tu sais... On a quelques personnes qui ont déjà fait de la prison ici. Ils se sont remit sur pieds et ont rebondit petit à petit après leur arrivée. ''

'' Tant mieux pour eux, gros. ''

'' Ce que je veux dire c'est que... Nous ne sommes pas là pour te juger, pas moi. A ton avis tu penses que c'est bien légal de faire s'évader quelqu'un ? ''

'' Je suppose que non, mais c'est pas mon sujet d'expertise je t'avoue. ''

'' Si on est venu te chercher... C'est pour t'aider. Si on a pensé qu'on pouvait t'aider, c'est parce que... Tu as dû ressentir quelque chose, comme tous ceux que tu rencontreras ici. Quelque chose qui t'as poussé, inconsciemment, à nous appeler. ''

'' Faux numéro ! ''

'' … ''

'' Maintenant venons en à ce que tu aimes, ce que tu détestes etc. Dis moi quelles sont tes passions, tes rêves, tes ambitions. ''

'' C'est très simple ça Doc'. J'aime traîner, procrastiner au fond du canapé en jouant à des jeux vidéos, j'aime qu'on me foute la paix, j'aime les dimanches pépères, j'aime pas spécialement bosser ou courir partout. Je kiffe les motos et tirer avec une arme, j'aime les nanas pas prise de tête, celles qui s'assument et qui ont une forte tête. J'aime bien être avec des amis pour rien faire et raconter de la merde autour d'un verre d'alcool un peu fort.
J'aime pas les gens qui te jugent à haute voix. Quand tu juges tu fais ça dans ta tête, on se fiche de savoir si j'aurais dû mettre du rouge avec ses chaussures plutôt que du vert. Je voulais faire ça, j'ai pas besoin de ton avis. Bref. Je déteste les mecs qui pensent que 9h du mat' c'est le bon moment pour commencer des travaux en face de ta chambre.

Je veux juste une vie pépère, avec des gens cools et qu'on me juge pas parce que je fais pas comme tout le monde. Je veux juste être moi et qu'on me regarde pas mal pour ça. ''

'' Il ne t'arrive pas de juger toi aussi ? ''

'' Si, bien entendu, mais j'essaie de faire ça dans ma tête. ''

'' Alors... Si je te demandes ce que tu penses des psychologues ? Tu me le dirais ? ''

'' Si tu demandes, oui. J'aime pas les psys. Ils sont pile dans la catégorie des gens qui jugent à haute voix. J'ai rien contre toi, personnellement. Toi je t'aimes bien, t'es cool, tu m'écoutes et globalement tu t'en sors bien. Alors ça va. On devrait peut être aller picoler ensemble, tu verras c'est marrant. ''

'' C'est gentil, j'y songerais. ''

'' On va en venir à la partie peut être la plus complexe. Je vais te demander de me raconter ce qui t'es arrivé avant d'être ramené à Terrae. Quelle vie as-tu mené ? Quels souvenirs en gardes tu ? ''

'' Ça aussi c'est obligatoire Doc' ? T'as pas mieux à faire, vraiment ? ''

'' J'en ai autant besoin que du reste, prends ton temps, nous l'avons. Encore une fois, sois honnête, c'est ton honnêteté qui m'aidera à mieux te connaître. ''

'' Hm... D'accord... T'fais ton taf après tout...
Je suis né en Australie. Mes parents... non mes géniteurs, me sont inconnus. Je n'ai jamais cherché à savoir qui ils étaient, je n'y vois pas l'intérêt. Ils m'ont abandonné peu après la naissance à un orphelinat catho' d'une ville pourrie du continent. Si ils ne voulaient pas de moi à l'époque, pourquoi irais-je m'immiscer dans leurs vies, dix neuf ans après ?
Les bonnes sœurs ont trouvé bon de me nommer Frédérick. Apparemment mes parents n'ont laissé aucune trace de mes origines ou d'un possible prénom de naissance. Même la date de mon anniversaire est arbitraire : le jour où ils m'ont récupéré. Ça semble cliché, mais c'était en hiver. Pas mal de familles abandonnent leurs gamins en hiver, surtout ceux à la rue. Ça semble cliché, mais la vie ressemble parfois à ça, pour de vrai.
L'orphelinat ? C'était … Comment dire ? C'était pas nul, mais c'était pas fou non plus. On avait des heures de levé et de couché claires et précises. Chaque journée débutait par une prière et se terminait sur une autre. Les sœurs nous dispensaient des cours d'écriture, de lecture, de mathématiques, d'histoire etc. Bref tout ce qu'il nous fallait pour être adoptés. C'était une bonne chose apparemment : être adopté. La majorité des gamins ne rêvaient que de ça, comme si c'était leur seule chance de s'évader. L'adoption ressemblait à une récompense, un su-sucre pour avoir été un gentil garçon, une mignonne petite fille.
Moi aussi, au début, je pensais que c'était ma seule façon d'espérer avoir un vrai avenir. Mais j'étais un gamin curieux et je me posais pleins de questions. En grandissant, je me suis rendu compte que le monde n'était peut être pas comme je l'espérais, comme je le voulais. Si t'entre pas dans le moule, où iras-tu ? Si tu te conformes pas, tu seras jamais personne ? Je me posais pleins de questions et on me frustrait. Les réponses que l'on me donnaient ne me convenaient pas. Plus je cherchais, moins je trouvais. J'étais un gamin à la fois fasciné et effrayé par ce qu'il ne comprenait pas.

A une époque, je pouvais me vanter d'avoir de bonnes notes, mais bien vite il s'est avéré que j'étais très mauvais élève. Je détestais faire mes devoirs, j'étais turbulent pendant les classes et je me faisais régulièrement punir. Mes activités rebelles devinrent vite banales et par défaut, chaque bêtise commise au sein de l'orphelinat était de mon fait. Je voulais bêtement qu'on me remarque, qu'on se rappelle que j'existe. J'étais là, moi, mes défauts, mes qualités. Je me sentais loin parce que je ne voyais pas comme tout le monde. On me répétait sans cesse que je ne serais pas adopté si je continuais. Si je continuais quoi ? D'être moi ?

Dans tous les cas, j'ai commencé à m'ennuyer assez vite. Je n'étais pas stupide, au contraire. Je comprenais mes cours, j'ai vite appris à lire et à écrire mais dès mes 6 ans, j'crois, à peu près, je n'avais plus rien à faire d'être un bon élève. Parfois, je faisais exprès de saboter mes notes pour éviter de participer à des activités qui me semblaient ennuyeuses à mourir. Je voulais plus qu'un simple su-sucre ou une représentation devant une centaine de possibles inconnus voulant peut être me récupérer.
Au final, un jour, on a fait une sortie ' scolaire '. J'avais envie d'y aller alors je m'étais bien comporté les mois précédents. Mon dur labeur ayant payé, j'avais rejoins mes camarades pour la journée. J'avais onze ans à l'époque.

On a visité Sidney. La ville de Nemo. Sans grande surprise, au bout d'une demi-journée à suivre le groupe et plusieurs mois à être sage, mes mauvaises habitudes ont reprit le dessus. J'ai enchaîné les conneries et me suis, une nouvelle fois, retrouvé puni. Mais j'étais têtu et j'ai décidé de me perdre dans la grande ville pour qu'ils ne me retrouvent jamais. Je voulais pas renter et subir la suite de ma punition. J'en avais marre de pas avoir le choix.
Ça m'a semblé être une très mauvais idée au bout de deux heures, quand j'ai commencé à avoir faim et soif et que je me suis rendu compte que je n'avais pas d'argent sur moi.
J'ai un peu paniqué, j'ai essayé de retrouver mon groupe mais impossible. Je me demande encore aujourd'hui si ils n'ont pas profité de l'occasion pour s'échapper loin de moi... ''

I l fit une pause et regarda un instant le psy gratter son papier. Il s'enfonça un peu dans son siège, mal à l'aise à l'idée d'être jugé par un inconnu. Après un léger soupir il se décida à continuer son histoire, intimidé par le regard attentif du personnage en face de lui.

'' Hm. J'ai passé la nuit dehors. Ainsi que toute la première semaine. J'avais pas envie d'aller voir les flics, j'avais peur d'eux. Les sœurs me répétaient souvent qu'ils viendraient me prendre pour m'emmener en prison si je faisais trop de bêtises et dans le cas présent, je me disais que j'en avais fais une très grosse.
J'étais donc tout seul perdu dans la grande ville et effrayé quand j'ai rencontré ce type. M'sieur Nassel. J'ai pas compris tout de suite quel était son taf. Il m'a juste récupéré. Il m'a rassuré, m'a donné à manger, des vêtements propres et un endroit chaud et confortable pour m'installer. Il était très gentil et compréhensif. On a d'abord beaucoup discuté. J'ai passé quelques semaines à ses côtés, comme ça. Je lui ai raconté d'où je venais et ce que je faisais là et sans poser plus de questions il m'a demandé si je voulais rester avec lui. Si je voulais bien qu'il m'adopte quoi. J'ai dis oui et je suis resté avec lui.

En grandissant, j'ai finis par comprendre qui il était et ce qu'il faisait de sa vie. Un dealeur assez influant de la ville. Tous les amis que je lui connaissais étaient des collègues de travail. Ils employaient pas mal de gamins pour faire passer leurs drogues dans Sidney. Il n'a pas fallut très longtemps pour que ce soit mon tour.

J'avoue. J'ai pas dis non. On me donnait à manger, j'avais un lit et je faisais globalement ce que je voulais en contrepartie. C'était assez pépère. De plus, leurs vies, leurs activités me semblaient plus réelles, plus concrètes que la vie que l'orphelinat nous faisait miroiter. J'aimais ça. J'aimais le fait de pouvoir vivre une vie que j'avais pu choisir de moi-même. J'ai commencé à quinze ans. C'est jeune pour manipuler des drogues dures vous trouvez pas ? Moi, pas tellement. J'étais pas tout seul à le faire et même si je savais que c'était illégal, ça me semblait normal. J'étais pas le seul à le faire et au-delà de ça … Fallait bien qu'on gagne notre croûte non ? ''

Le psychologue leva les yeux, les plissant légèrement, l'air intrigué. Eïon soutint son regard, sûr de lui sur ce point.

'' Rien n'est gratuit, on bosse là où on est compétent. Là où on peut. Mais j'ai jamais touché aux drogues. Je fume des clopes, je picole et je baise. C'est à peu près tout.
Enfin... Pendant plusieurs années j'ai fais la mule. D'abord dans la ville, parce que j'étais mineur, je pouvais pas voyager seul et c'était compliqué de nous faire accompagner par quelqu'un. Alors je me contentais de livrer aux clients de M'sieur Nassel. D'ailleurs, j'l'ai pas dis, mais mon nouveau prénom, c'est moi qui l'ai choisit. M'sieur Nassel disait qu'il me fallait un nouveau nom pour commencer ma nouvelle vie. Je sais pas pourquoi, mais c'est le premier prénom auquel j'ai pensé alors c'est resté.

C'était vraiment un type bien. Il était gentil avec nous et il nous traitait bien. Tant qu'on le trahissait pas. Ce que je n'ai jamais fais d'ailleurs. Je le respectais assez pour ça. Il me soignait et faisait attention à moi, mes envies et mes besoins. Je n'avais aucune raison de vendre, un jour, cet homme. Alors le marché me semblait juste.

Quand j'ai eu mes dix huit ans et donc ma majorité, on a pu commencer à parler voyage. J'étais déjà prêt à l'idée de m'envoler quelque part pour faire mon job. Même, ça me plaisait bien comme perspective d'avenir. Ça ressemblait à une promotion. On avait assez confiance en moi et mes capacités pour me laisser partir seul pour une affaire importante.

J'ai... Je faisais toujours bien mon boulot. J'avais pas eu de soucis, j'étais assez curieux et vigilant pour ne pas me faire prendre. C'était mon talent particulier. J'étais une très bonne mule. Aussi, lorsque M'sieur Nassel eu l'occasion de m'envoyer sur une mission plus importante, il n'hésita pas. J'étais tout excité, comme un gamin. J'ai jamais vraiment arrêté d'être un gamin, j't'avoue. ''

Il ricana légèrement.

'' Je devais partir pour le Japon. C'est pas facile de faire passer de la drogue là-bas, mais nos bons copains yakuzas nous avaient préparé un accueil au top. Je devais débarquer et me faire récupérer par eux pour livrer la marchandise. J'avais leur protection durant mon séjour sur le territoire nippon. Je ne parlais pas un mot de japonais, mais j'aurais eu un interprète. Je représentais papa. Ça me semblait important, je voulais faire ça bien.

J'ai pris l'avion, confiant. J'ai fais le trajet tout aussi confiant. Puis j'ai atterri à Narita. C'est allé très très vite. Pas de gentils yakuzas pour m'accueillir, mais les flics. Pour une raison ou pour une autre, l'affaire avait filtré et on m'attendait. J'ai rien pu faire, je me suis retrouvé en taule avant de réaliser ce qui se passait.
On m'a questionné, je n'ai rien voulu dire. Je voulais pas vendre papa. J'étais persuadé qu'il m'aiderait. Puis, un avocat est arrivé et m'a expliqué la peine que je risquais. Vingt ans de prison, au moins, des travaux forcés, une amende que je ne saurais jamais payer. J'avoue, j'ai eu très peur. J'allais avoir dix neuf ans et je risquais près de vingt ans de prison. Mais je ne voulais pas parler. Je n'ai rien dis, rien fais. Je me disais ' si je vais en taule, ils viendront me chercher '. Quel con.

Voilà comment j'ai fais un an de prison. Un an à attendre qu'on vienne me chercher. J'envoyais des lettres en espérant avoir des réponses, j'ai cherché des gens qui pouvaient me donner des nouvelles, mais rien, jamais rien. Je me suis sentis … Abandonné ? J'avais l'impression d'être redevenu un gamin. Les heures de levé et de couché étaient claires et précises. Je mangeais ce que l'on me disait de manger, je faisais ce qu'on me disais de faire. Parfois j'essayais quelque chose et j'étais puni.

Un jour, des nouvelles me sont parvenues. M'sieur Nassel n'allait pas venir me chercher. Son aura protectrice ne traverserait pas la prison pour venir m'en tirer. J'étais partis pour vingt ans.

Je me sentais seul, perdu. ''

Il fit une pause et rajusta ses lunettes sur le haut de sa tête.

'' Tu veux que j'sois sincère ? Quelque chose en moi s'est brisé ce jour là. Quelque chose que je n'ai pas su récupérer depuis. J'ai voulu croire que j'étais assez fort et que vingt ans, ce n'était rien. Mais, plus je me répétais ces mensonges, plus je creusais cette blessure, ce vide que m'avait laissé cette nouvelle.

Puis Elle est arrivée. Cette silhouette, cette voix ô combien rassurante et apaisante. Elle m'a bercé au fond de ma cellule et m'a rassuré. Elle a touché mon cœur d'enfant apeuré et m'a promit un endroit où je pourrais rebondir, me sentir chez moi et grandir en paix. Je me sentais trahis par la seule famille que j'avais cru avoir. Je me sentais vulnérable et j'étais enragé contre tout et tout le monde. Elle m'a tendu la main et je l'ai prise. ''

Il se redressa enfin.

'' C'est bon Doc' ? T'as tout ce qu'il te faut ? Je dois t'avouer, j'ai envie de me dégourdir les jambes. ''

'' Bien, on a enfin terminé ! Merci d'avoir été compréhensif Eïon. Tu peux revenir à tout moment, d'accord ? Si tu as des questions ou si tu veux simplement discuter, mon bureau est ouvert, sois en sûr. ''

'' Pfffrrt. J'ai rien contre toi Doc', mais je penses pas revenir. Concentre toi sur les gens qui on vraiment b'soin de toi. Moi j'vais très bien maintenant. J'te l'ai dis. ''

Il rajusta ses lunettes et offrit un immense sourire au psychologue. Il enfonça ses mains dans les poches de son sweat et tourna les talons, persuadé de ne jamais avoir à franchir de nouveau les portes du bureau du psy.